Droits des héritiers : 17 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/05415

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Droits des héritiers : 17 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/05415

17 mai 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/05415

N° RG 22/05415 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OOFI

Décision du Juge de l’exécution du TJ de ROANNE

du 30 juin 2022

RG : 22/00162

SA à Conseil d’Administration CREDIT FONCIER ET COMMUNALD’ALSACE ET DE LORRAINE BANQUE (CFCAL)

C/

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 17 Mai 2023

APPELANTE :

LA SOCIETE CREDIT FONCIER ET COMMUNALD’ALSACE ET DE LORRAINE BANQUE (CFCAL)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

assisté de Me Jean-Louis ROBERT de la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

INTIME :

M. [L] [P], représenté par son administrateur ad’hoc l’ARRAVEM, domicile élu au cabinet de son conseil

né le [Date naissance 2] 2015 à [Localité 12]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représenté par Me Hugues ROUMEAU, avocat au barreau de ROANNE, toque : 1151

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/016450 du 06/10/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 28 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Avril 2023

Date de mise à disposition : 17 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Evelyne ALLAIS substituant Dominique BOISSELET, président légalement empêché, et par Fabienne BEZAULT-CACAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

M. [N] [V], né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 14] est décédé le [Date décès 8] 2015 à [Localité 13].

Par ordonnance du 7 septembre 2015, la présidente du tribunal de grande instance de Roanne, statuant à la demande du Crédit Foncier et Communal d’Alsace et de Lorraine (le CFCAL), créancier de M. [N] [V] en vertu d’un acte notarié de prêt de 30.000 euros du 1er septembre 2006 a déclaré la succession de M. [N] [V] vacante et désigné le service des domaines en qualité de curateur de la succession de M. [N] [V].

Par ordonnance du 27 juin 2017, le juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Lille a autorisé l’ARRAVEM, ès-qualités d’administrateur ad hoc du mineur [L] [P] né le [Date naissance 2] 2015 à [Localité 11] à accepter purement et simplement la succession de M. [V] pour le compte de ce mineur.

Par jugement d’orientation du 23 novembre 2017, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Roanne a notamment fixé la créance du Crédit Foncier et Communal d’Alsace et de Lorraine (CFCAL) à la somme de 35.953,25 euros outre intérêts restant à courir, ordonné la vente forcée de l’ensemble immobilier situé [Adresse 15], cadastré section [Cadastre 10] appartenant à la succession vacante de M. [N] [V] et fixé la date de l’audience d’adjudication au 7 février 2018.

Par jugement du 7 février 2018, le juge de l’exécution a constaté le désistement du CFCAL de la procédure de saisie-immobilière, compte tenu de l’intervention d’un mineur par l’intermédiaire de l’ARRAVEM dans la succession de M. [N] [V] et par ordonnance de référé du 13 septembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Roanne a rétracté l’ordonnance du 7 septembre 2015 déclarant vacante la succession de M. [N] [V].

Suivant procès-verbal du 31 janvier 2022, dénoncé le 4 février 2022, le CFCAL a fait procéder à la saisie-attribution des avoirs d’ARRAVEM, ès-qualités de mandataire ad hoc d'[L] [P], entre les mains de la société [D], Sol Dourdin & Associés, notaires à [Localité 14] à hauteur de la somme totale de 52.369,58 euros en vertu de l’acte notarié de prêt du 1er septembre 2006 susvisé, revêtu de la formule exécutoire.

Par acte d’huissier de justice du 3 mars 2022, l’ARRAVEM, ès-qualités, a fait assigner le CFCAL devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Roanne afin de contester cette saisie.

L’ARRAVEM, ès-qualités, sollicitait en dernier lieu la nullité de la saisie-attribution, au motif que l’action en paiement du CFCAL était prescrite.

Le CFCAL concluait à la validité de la saisie-attribution, contestant la prescription de son action en paiement.

Par jugement du 30 juin 2022, le juge de l’exécution a :

– constaté que le CFCAL ne justifiait pas disposer d’un titre exécutoire à l’encontre d'[L] [P] représenté par l’ARRAVEM en qualité d’administrateur ad hoc dès lors que sa créance était prescrite,

– constaté la nullité de la procédure de saisie-attribution réalisée le 31 janvier 2022 entre les mains de l’étude notariale [D] et Associés à [Localité 14], et en a ordonné la mainlevée,

– condamné le CFCAL à payer à [L] [P] représenté par l’ARRAVEM en qualité d’administrateur ad hoc la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne le CFCAL aux entiers dépens de la procédure, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Hugues Roumeau, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 25 juillet 2022, le CFCAL a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

L’affaire a été fixée d’office à l’audience du 4 avril 2023 par ordonnance du président de la chambre du 25 août 2022 en application des articles R.121-20 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution et 905 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 25 août 2022, le CFCAL demande à la Cour, au visa des articles R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution et 700 du code de procédure civile, de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions,

– constater l’absence de prescription de la créance et de son action et la parfaite régularité de la saisie-attribution diligentée le 31 janvier 2022,

– valider la saisie-attribution régularisée entre les mains de la Selas [D] Sol Dourdin le 31 janvier 2022 et dénoncée à [L] [P] le 4 février 2022,

– condamner [L] [P], représenté par son mandataire ad hoc, l’ARRAVEM à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, le CFCAL fait valoir que :

– il était créancier de M. [N] [V] en vertu d’un acte notarié de prêt du 1er septembre 2006,

– à la suite du décès de M. [N] [V], il n’a été informé de l’existence d’un héritier acceptant que le 14 décembre 2017, soit après le jugement d’orientation du 23 novembre 2017,

– il a délivré plusieurs commandements à l’ARRAVEM, ès-qualités, lesquels ont interrompu la prescription de son action ; il n’est pas établi qu’il pouvait avoir connaissance de l’existence d’un héritier dès le mois de février 2016, contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge,

– le procès-verbal de saisie-attribution n’est pas nul, contenant un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ; au surplus, il justifie des sommes réclamées par un autre décompte.

Dans ses conclusions notifiées le 30 septembre 2022, l’ARRAVEM, ès-qualités d’administrateur ad hoc de l’enfant [L] [P], demande à la Cour, au visa des articles R.218-2 du code de la consommation, R.211-1 3° du code des procédures civiles d’exécution, de :

– confirmer le jugement en tous ses points,

– juger que le délai de prescription biennale de l’article 218-2 du code de la consommation s’est écoulé sans avoir été interrompu à compter du 25 avril 2015, date à laquelle le CFCAL a prononcé la déchéance du terme du crédit consenti à M. [V],

– juger que l’action du CFCAL était prescrite lorsqu’il a procédé à la saisie-attribution du 31 janvier 2022,

– annuler la saisie attribution du 31 janvier 2022,

– juger que le montant de la saisie attribution n’est pas justifié notamment quant aux accessoires et divers qui incluent les frais de procédure de la première saisie immobilière pour un montant de 4.863,05 euros alors que le jugement du 7 février 2018 laissait à la charge du CFCAL l’intégralité de ces frais,

– annuler la saisie attribution du 31 janvier 2022,

– débouter le CFCAL de l’intégralité de ses demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le CFCAL à payer à [L] [P] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance, outre les entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître Hugues Roumeau, Avocat sur son affirmation de droit,

– condamner le CFCAL à payer à [L] [P] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre les entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître Hugues Roumeau, Avocat sur son affirmation de droit.

A l’appui de ses prétentions, l’ARRAVEM, ès-qualités fait valoir que :

– les commandements valant saisie immobilière du CFCAL des 23 avril 2015 et 6 juillet 2017 ne sont pas interruptifs de prescription, n’ayant pas été suivis d’effet,

– [L] [P] étant investi de ses droits dans la succession de M. [N] [V] dès le 16 novembre 2015, date de la dernière renonciation à cette succession, le CFCAL aurait dû lui délivrer un commandement de payer valant saisie avant le 17 novembre 2017 ; or, le prêteur, bien qu’informé par le notaire de l’existence d’héritiers potentiels, n’a pas agi avec prudence et a fait déclarer la succession vacante, sans s’assurer que la totalité des héritiers de M. [N] [V] avaient renoncé à cette succession ; aussi, il est désormais prescrit dans son action,

– le procès-verbal de saisie-attribution ne répond pas aux exigences de l’article R.211-1 3° du code des procédures civiles d’exécution en ce qui concerne le poste “accessoires et divers” ; en outre, le CFCAL ne justifie pas de l’exigibilité des sommes réclamées au titre de ce poste, ayant inclus notamment dans celui-ci les frais et honoraires de saisie-immobilière restés à sa charge en application du jugement du 7 février 2018.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur la prescription de l’action en paiement :

Les parties sont d’accord pour reconnaître que l’action en paiement du CFCAL au titre de l’acte notarié de prêt du 1er septembre 2006 est soumise au délai de prescription de deux ans fixé par les dispositions du code de la consommation, à savoir l’article L.137-2 de ce code dans sa rédaction à la date du prêt, recodifié L.218-2 du code de la consommation à compter du 1er juillet 2006.

Par ailleurs, l’ARRAVEM, ès-qualités, ne conteste pas qu’à la suite de plusieurs échéances restées impayées, la déchéance du terme du prêt est intervenue le 25 avril 2013.

Le 23 avril 2015, le CFCAL a fait délivrer à M. [N] [V] un commandement de payer valant saisie-immobilière. Aussi, son action en paiement a été interrompue par ce commandement, le décès de M. [N] [V] ne remettant pas en cause la validité de cet acte.

Aux termes de l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Il ressort de cet article que le délai de prescription du CFCAL a été suspendu du jour du décès de M. [N] [V] jusqu’à ce que le créancier ait connaissance de l’identité des héritiers du défunt.

Par lettre du 29 mai 2015, Maître [Y], notaire à [Localité 14], a informé l’avocat du CFCAL que compte tenu du caractère très déficitaire de la succession de M. [N] [V], il avait conseillé à Mme veuve [V] et à Mme [U], mère et soeur du défunt, de renoncer à la succession de celui-ci.

Mme [K] [R] veuve [V], née le [Date naissance 7] 1931, et Mme [J] [V], divorcée [U], née le [Date naissance 5] 1962 ont renoncé à la succession de M. [N] [V] les 4 et 8 juin 2015. Puis, Mme [X] [U], pacsée [P], née le [Date naissance 4] 1988 et Mme [M] [U], née le [Date naissance 6] 1986, nièces du défunt, ont renoncé à la succession les 30 juillet et 2 novembre 2015.

L’ARRAVEM, ès-qualités, n’a été autorisée à accepter la succession de M. [N] [V] que par ordonnance du juge des tutelles des mineurs du 27 juin 2017, étant observé que la mère d'[L] [P] avait initialement saisi le juge des tutelles afin d’être autorisée à renoncer à cette succession. Or, l’ARRAVEM, ès-qualités, ne prouve pas que le CFCAL a eu connaissance de ce qu'[L] [P] était l’héritier de M. [N] [V] avant le 14 décembre 2017, date d’un courriel de Mme [X] [U], mère de l’enfant l’en informant. Le délai de prescription de l’action du CFCAL a donc été suspendu du 4 mai 2015 jusqu’au 14 décembre 2017, peu important les conditions dans lesquelles la succession de M. [N] [V] a été déclarée vacante.

Le CFCAL a ensuite fait délivrer à l’ARRAVEM, ès-qualités, plusieurs commandements de payer aux fins de saisie-vente successifs les 22 mars 2018, 19 novembre 2019 et 27 septembre 2021. Le premier acte a été délivré moins de deux ans avant l’expiration du délai de prescription biennale, en tenant compte de la période de suspension de ce délai, de même que les autres actes, de telle sorte que l’action en paiement du CFCAL a été interrompue à plusieurs reprises et pour la dernière fois le 27 septembre 2021. Le procès-verbal de saisie-attribution ayant été dressé le 31 janvier 2022, soit moins de deux ans après le 27 septembre 2021, c’est à tort que le premier juge a constaté la prescription de la créance du CFCAL et annulé la saisie-attribution pour ce motif. Le jugement sera infirmé sur ce point.

sur le montant de la créance :

Aux termes de l’article R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution, le procès-verbal de saisie-attribution contient à peine de nullité le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation.

La somme totale de 52.369,58 euros réclamée dans le procès-verbal de saisie-attribution est détaillée en principal, frais et intérêts et comprend en outre une provision pour intérêts à échoir. Si elle englobe également deux autres postes intitulés “assurance” pour un montant de 94,87 euros et “accessoires et divers” pour un montant de 16.830,17 euros, le procès-verbal de saisie-attribution n’encourt pas de nullité de ce chef.

Les décomptes détaillés de la créance au 30 mai 2013 font apparaître que M. [N] [V] était redevable à cette date de la somme totale de 1.922,62 euros au titre des accessoires (1.504,27 €+418,35 €). Or, les décomptes du CFCAL arrêtés au 10 septembre 2021 ou 13 janvier 2022 sont trop imprécis pour justifier de la somme réclamée en sus au titre du poste “accessoires et divers”. L’ARRAVEM, ès-qualités, ne contestant pas la créance pour le surplus, il convient de valider la saisie-attribution à hauteur de la somme de 37.462,03 euros (52.369,58 €-16.830,17 €+1.922,62 €).

Compte tenu des conséquences irréversibles de la décision de première instance ayant ordonné la mainlevée de la saisie-attribution, cette mesure d’exécution forcée ne peut être rétablie a posteriori. Néanmoins, la Cour ayant validé partiellement la saisie-attribution, il y a lieu de mettre à la charge de l’ARRAVEM, ès-qualités, les frais afférents à cette saisie.

Le jugement sera infirmé quant aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile. L’ARRAVEM, ès-qualités, partie perdante pour l’essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle conservera en outre la charge de ses frais irrépétibles. Toutefois, l’équité ne commande pas d’allouer au CFCAL une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU,

Déclare recevable l’action en paiement du CFCAL ;

Valide la saisie-attribution diligentée le 31 janvier 2022 par le CFCAL au préjudice de l’ARRAVEM,ès-qualités, à hauteur de la somme totale de 37.462,03 euros ;

Condamne l’ARRAVEM, ès-qualités, aux dépens de première instance et d’appel ;

Déboute le CFCAL de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

 


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