Droits des héritiers : 16 mars 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00645

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Droits des héritiers : 16 mars 2023 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00645

16 mars 2023
Cour d’appel de Limoges
RG n°
21/00645

ARRET N° .106.

N° RG 21/00645 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHMG

AFFAIRE :

M. [G] [D] [B]

C/

Mme [K] [L],

M. [U] [X] [O],

Mme [T] [C]

Ordonnance de mise en état du 26 Janvier 2022 constatant la caducité partielle de la déclaration d’appel remise au greffe le 16 juillet 2021 à l’égard de Madame [T] [C]

CB/LM

Autres demandes en matière de succession

Grosse délivrée à

aux avocats

COUR D’APPEL DE LIMOGES

Chambre civile

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ARRET DU 16 MARS 2023

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Le SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [G], [A], [D] [B]

né le 05 Octobre 1961 à [Localité 7] (36), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Aurélie PEUDUPIN, avocat au barreau de LIMOGES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/04826 du 07/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Limoges)

APPELANT d’une décision rendue le 28 JANVIER 2021 par le Tribunal judiciare de LIMOGES

ET :

Madame [K] [L]

née le 27 Juillet 1933 à [Localité 10] (18), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laurence BRUNIE, avocat au barreau de LIMOGES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006475 du 07/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Limoges)

Monsieur [U] [X] [O]

né le 15 Avril 1963 à [Localité 9] (87), demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Abel-Henri PLEINEVERT de la SCP PLEINEVERT DOMINIQUE PLEINEVERT ABEL-HENRI, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [T] [C]

Ordonnance de mise en état du 26 Janvier 2022 constatant la caducité partielle de la déclaration d’appel remise au greffe le 16 juillet 2021 à l’égard de Madame [T] [C]

née le 05 Février 1986 à [Localité 9] (87), demeurant [Adresse 1]

non comparante ni représentée

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 19 Janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 janvier 2023.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 16 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Monsieur [H] [X] [O] est décédé le 12 décembre 2014 à [Localité 6], en laissant pour lui succéder :

– son fils [U] [X] [O], issu de sa première union avec Madame [E] [Z] dont il a divorcé en 1973

– sa seconde épouse Madame [K] [L], avec laquelle il s’était remarié le 28 février 1987 en adoptant le régime de la séparation de biens, bénéficiaire d’une donation entre époux consentie par acte du 13 mars 1987 ayant amené l’intéressée à opter pour la moitié en pleine propriété des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession de son époux.

Aux termes de la déclaration de succession établie par Maître [W] [I] Notaire à [Localité 9], l’actif indivis a été évalué à la somme de 92 147,95 €, tandis que l’actif sucessoral net a été chiffré à la somme de 87 861,23 €, sachant que le patrimoine du défunt était exclusivement composé de biens mobiliers (liquidités, actions, mobilier).

Ayant été surpris par la faiblesse du patrimoine laissé au décès de son père, Monsieur [U] [X] [O] en a déduit que ce dernier avait été victime de manoeuvres importantes commises soit par le fils de Madame [K] [L], Monsieur [G] [B], soit par la fille de ce dernier Madame [T] [C].

C’est dans ce contexte :

– qu’un dépôt de plainte a été régularisé par Madame [K] [L] auprès du Parquet de BORDEAUX contre sa petite-fille [T] [C], à l’effet de dénoncer les agisssements frauduleux commis par cette dernière notamment au titre de l’acquisition faite à son nom d’une maison située à [Localité 4], financée au moyen du produit de la vente d’un immeuble appartenant en propre à Monsieur [H] [X] [O], sachant que ladite plainte a été classée sans suite

– que par acte d’huissier en date du 9 août 2017, Monsieur [U] [X] [O] a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de LIMOGES, Madame [K] [L] Veuve [X] [O], Madame [T] [C] ainsi que Monsieur [G] [B], pour au visa des articles 1303, 815 et suivants du Code Civil

* voir ordonner l’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de son père

* voir condamner solidairement Madame [K] [L],Monsieur [G] [B] et Madame [T] [C] à lui verser la somme de 3 000 000 € au titre des détournements par eux effectués sur les fonds ayant appartenu à son père [H] [X] [O] est décédé le 12 décembre 2014, outre la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, et une indemnité de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement en date du 28 janvier 2021, le Tribunal Judiciaire de LIMOGES statuant au vu des dernières prétentions respectivement présentées par chacune des parties, a notamment :

– ordonné le partage de l’indivision successorale existant entre les parties à la suite du décès de Monsieur [H] [X] [O], et désigné pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de ladite indivision Maître [S] [N] Notaire à [Localité 9], et ce

* après avoir constaté que ‘les héritiers’ souhaitaient sortir de l’indivision

* en donnant pour mission au notaire liquidateur de recueillir tous éléments propres à établir les comptes de l’indivision, ainsi que la valeur des biens la composant, au besoin en s’aidant des lumières de tout sapiteur de son choix aux frais de l’indivision concernée, et de rédiger à partir des éléments ainsi recueillis un projet d’état liquidatif

– ordonné la réunion à la masse successorale des libéralités suivantes

* don manuel de 137 500 € à Madame [T] [C]

* don manuel de 129 250 € à Madame [T] [C]

* don manuel de 125 650 € à Monsieur [G] [B]

et ce après avoir constaté que le de cujus avait consenti de nombreuses libéralités à des tiers, et retenu qu’en sa qualité d’héritier réservataire Monsieur [U] [X] [O] était en droit de voir ces libéralités être réunies à la masse à partager, de voir sa part réservataire être ensuite calculée d’après cette masse, et de voir réduites les libéralités portant atteinte à sa réserve

– dit que le notaire aura pour mission de demander copie à la banque des chèques bancaires suivant afin d’en identifier les bénéficiaires

* chèque n°7300228 du 19 septembre 2006 de 1000 €

* chèque n°7300244 du 6 décembre 2005 de 8 250 €

* chèque n°7300195 du 27 mai 2005 de 20 000 €

* chèque n°7300256 du 28 mars 2006 de 1 000 €

* chèque n°7300258 du 10 avril 2006 de 9 000 €

* chèque n°7300220 du 28 juin 2006 de 5 194 €

* chèque n°7300221 du 28 juin 2006 de 19 968 €

* chèque n°7300225 du 4 août 2006 de 6 049,30 €

* chèque n°7300294 du 8 février 2008 de 10 600 €

* chèque n°7300299 du 8 avril 2008 de 16 614,58 €

* chèque n°7300347 du 22 décembre 2008 de 5 000 €

* chèque n°7300473 du 17 janvier 2011 de 50 000 €

* chèque n°7300444 du 1er septembre 2011 de 2 000 €

* chèque n°7300561 du 4 novembre 2011 de 4 000 €

* chèque n°7300566 du 23 novembre 2011 de 10 000 €

* chèque n°7300642 du 5 juillet 2012 de 15 000 €

* chèque n°7300659 du 18 septembre 2012 de 32 271 €

* chèque n°0191732 du 23 octobre 2013 de 41 000 €

– dit que si ces chèques révèlent des libéralités, celles-ci seront réunies à la masse partageable

-dit que Monsieur [U] [X] [O] est fondé à solliciter la réduction des libéralités à la quotité disponible, conformément aux articles 921 et 922 du Code Civil

– condamné Madame [T] [C] à payer à Monsieur [U] [X] [O] la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts

– condamné Monsieur [G] [B] et Madame [T] [C] à payer chacun à Monsieur [U] [X] [O] la somme de 2 000 € par application de de l’article 700 du Code de Procédure Civile

– débouté Monsieur [U] [X] [O] du surplus de ses demandes

– débouté Monsieur [G] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

– débouté les parties du surplus de leurs demandes

– ordonné l’exécution provisoire

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage .

Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le16 juillet 2021, Monsieur [G] [B] a interjeté appel de ce jugement en intimant :

– Madame [K] [L] Veuve [X] [O]

– Monsieur [U] [X] [O]

– Madame [T] [C] .

La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2023, rendue :

– sans que Madame [T] [C] n’ait constitué Avocat, sachant que cette denière s’est vu signifier la déclaration d’appel régularisée le 16 juillet 2021 par acte de Maître [F] [Y] Huissier de Justice à [Localité 5] remis à son domicile à la personne de Monsieur [P] [R] ayant déclaré être son concubin

– en l’état d’une ordonnance de mise en état du 26 janvier 2022 ayant constaté la caducité partielle à l’égard de Madame [T] [C], de la déclaration d’appel faite le 16 juillet 2021 par Monsieur [G] [B], pour cause de défaut de signification à cette partie intimée non constituée, de ses conclusions d’appelant .

Prétentions des parties

Dans le dernier état de ses conclusions en date du 3 janvier 2023, Monsieur [G] [B] demande en substance à la Cour :

– de déclarer irrecevable l’appel incident formé par Monsieur [U] [X] [O], et ce faisant, de débouter ce dernier de l’intégralité de ses demandes

– d’infirmer partiellement le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES, et statuant à nouveau

* à titre principal,

° de dire n’y avoir lieu à la réunion à la masse successorale de la somme de 125 650 €, en contestant la qualification de don manuel retenue par le premier juge

° de rejeter l’action en réduction

° de de décharger du paiement de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de Monsieur [U] [X] [O]

* à titre subsidiaire, de chiffrer la libéralité à réunir à la masse successorale à la somme de 50 325 € en lieu et place de la somme de 125 650 €, et de minorer sa condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile

* à titre infiniment subsidiaire, de chiffrer la libéralité à réunir à la masse successorale à la somme de 62 825 € en lieu et place de la somme de 125 650 €

– en tout état de cause,

* de condamner de Monsieur [U] [X] [O] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile

* de laisser à chacun la charge de ses dépens.

En l’état de ses dernières conclusions déposées le 7 janvier 2022, Madame [K] [L] Veuve [X] [O] ( ci-après dénommée Madame [K] [L]) demande en substance à la Cour:

– de prendre acte qu’elle s’en remet à droit quant à l’objet de l’appel principal formé par son fils [G] [B]

– de rejeter l’appel incident formé par Monsieur [U] [X] [O]

– en tout état de cause,

* de dire que chaque partie conservera la charge des frais par elle exposés dans le cadre de la présente instance 

* de statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions datées du 26 décembre 2022, Monsieur [U] [X] [O] demande en substance à la Cour :

– de débouter Monsieur [G] [B] de son appel et de toutes ses demandes

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a

* ordonné le partage de l’indivision successorale existant entre lui-même et Madame [K] [L] suite au décès de son père [H] [X] [O] survenu le 12 janvier 2014

* désigné un notaire pour y procéder

* ordonné la réunion à la masse successorale des libéralités suivantes

° 137 500 € et 129 250 € consenties à Madame [T] [C]

° 125 650 € consentie à Monsieur [G] [B]

– de faire droit à son appel incident, et en conséquence

* à titre principal, de réformer le jugement entrepris pour le surplus, de donner au notaire une mission complète d’avoir à examiner l’intégralité des relevés bancaires des divers comptes, comptes courants, livrets, comptes épargne et de tous éléments de fortune de Monsieur [H] [X] [O] entre 2004 et 2014, et ce afin de pouvoir recomposer la véritable masse successorale compte tenu des libéralités consenties tant à Madame [T] [C], qu’à Monsieur [G] [B] ou à Madame [K] [L], et à défaut d’autoriser le notaire à se faire adjoindre les services d’un expert, et en tant que besoin de désigner un expert avec cette même mission

* à titre subsidiaire,

° de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a confié au notaire la mission d’identifier le bénéficiaire de 18 chèques litigieux, en ce qu’il l’a déclaré fondé à solliciter la réduction des libéralités à la quotité disponible, et prononcé des condamnations pécunaires à son profit (10 000 € à titre de dommages et intérêts à l’encontre de Madame

[T] [C], indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile mise à la charge de Madame [T] [C] et de Monsieur [G] [B] )

° d’infirmer ledit jugement en ce qu’il a mis hors de cause Madame [K] [L], et statuant à nouveau, de dire que toutes les mesures de vérification confiées au notaire ou à un expert désigné devront porter sur les comptes de Madame [L] et intégrer les libéralités directes ou indirectes dont elle a pu bénéficier, de considérer comme tels les fonds qu’elle a reçus de Monsieur [H] [X] [O] puis donnés à sa petite-fille en vue de l’acquisition de la maison d'[Localité 4], de considérer comme tels la somme de 137000 € qu’elle aurait donnée à sa petite-fille, d’enjoindre à Maître [M] de se prononcer sur la validité des donations entre époux du fait de la réunion à la masse successorale de la somme globale de 401 750 €, de lui enjoindre de procéder au recalcul de la part de Madame [L] dans la succession de son mari après réduction des donations entre époux et épuisement de la quotité disponible, et ce conformément aux dispositions de l’article 923 du Code Civil, et de condamner en tant que de besoin Madamee [L] au remboursement de ce qui aurait été perçu en trop par elle eu égard à la quotité disponible

– en tout état de cause, de condamner Madame [L], Monsieur [B] et Madame [C] à lui verser la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’à supporter l’intégralité des dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

I) Sur la procédure :

1) sur l’appel incident formé par Monsieur [U] [X] [O] :

Monsieur [B] conclut à l’irrecevabilité de l’appel incident formé par Monsieur [U] [X] [O] .

De l’analyse des actes de la procédure, il ressort que Monsieur [U] [X] [O] , intimé aux termes de la déclaration d’appel formée le16 juillet 2021 par Monsieur [G] [B], a déposé ses premières conclusions portant appel incident le 24 décembre 2021, soit dans le délai de trois mois qui lui était imparti par l’article 909 du Code de Procédure Civile à compter de la notification des conclusions de l’appelant, qui en l’espèce est intervenue le 12 octobre 2021.

En conséquence, l’appel incident ainsi formé par Monsieur [U] [X] [O] sera déclaré parfaitement recevable, la Cour relevant qu’une confusion a été commise par Monsieur [B] entre la recevabilité de l’appel incident formé par son adversaire et la recevabilité de sa demande d’extension de la mission d’investigation confiée au notaire liquidateur par le premier juge.

2) sur la recevabilité de la demande de Monsieur [U] [X] [O] aux fins d’extension de la mission d’investigation confiée au notaire liquidateur :

Monsieur [B] conteste la recevabilité de ladite demande pour cause de prohibition des prétentions nouvelles en cause d’appel, en invoquant les dispositions de l’article 564 du Code de Procédure.

La position ainsi défendue par Monsieur [B] se heurte toutefois à un obstacle ayant trait à la nature du litige soumis à l’appréciation de la Cour, en ce qu’il s’agit d’un litige de nature successorale relevant d’opérations de nature particulière où les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, de sorte que toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, situation expressément visée par le texte précité comme étant constitutive d’une exception au principe de la prohibition des prétentions nouvelles en cause d’appel .

Au vu de ces observations, il convient de déclarer parfaitement recevable la demande de Monsieur [U] [X] [O] aux fins d’extension de la mission d’investigation initialement confiée au notaire liquidateur par le premier juge .

II) Sur le fond :

Le litige soumis à la Cour concerne la liquidation et le partage de la succession de Monsieur [H] [X] [O] décédé le 12 décembre 2014 en laissant à sa survivance, d’une part son fils Monsieur [U] [X] [O], et d’autre part sa seconde épouse Madame [K] [L], sachant :

– que cette situation est caractéristique d’une indivision successorale

– que le premier juge, prenant acte de la volonté commune des successibles susdénommés de sortir de cette indivision, a ordonné à bon droit le partage de ladite indivision successorale sous l’impulsion d’un notaire liquidateur désigné en la personne de Maître [S] [N] Notaire à [Localité 9], qui s’étant déportée, a été remplacée par Maître [V] [M] Notaire à [Localité 9]

– qu’en sa qualité de seul héritier réservataire, Monsieur [U] [X] [O] est légitime

* à veiller au respect de sa réserve héréditaire

* à poursuivre la restauration de la réserve en cas d’atteinte portée par des libéralités excessives consenties par son défunt père, et ce au moyen de l’action en réduction de libéralités excédant la quotité disponible

– que l’exercice de l’action en réduction tel qu’envisagé par Monsieur [U] [X] [O] suppose préalablement de pouvoir chiffrer le montant de sa réserve héréditaire, ce qui impose de déterminer la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, et ce conformément aux règles d’ordre public prescrites par l’article 922 du Code Civil, qui réglemente de façon précise la composition de la masse de calcul de la quotité dont le défunt a pu disposer .

1) sur la composition de la masse de calcul de la quotité disponible:

De l’anlyse de l’article 922 du Code Civil, il ressort que ‘ la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur’, avec cette précision que ‘les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse ‘.

S’agissant des biens existant au décès de Monsieur [H] [X] [O], il y a lieu :

– à l’analyse du projet de déclaration de succession établi par Maître [W] [I] Notaire à [Localité 9], de constater qu’ils ont été estimés à la somme de 87.861,23 € correspondant au montant de diverses liquidités figurant sur plusieurs livrets et compte ayant pour titulaire le défunt

– à l’examen du dossier

* de rappeler à titre liminaire, que Monsieur [H] [X] [O] qui n’était frappé d’aucune incapacité, pouvait jouir librement de son patrimoine tant mobilier qu’immobilier, et notamment des liquidités venues abonder le compte ouvert auprès de la BANQUE TARNEAUD au nom de ‘ [X] [O] M. MME ‘, ayant la nature de compte joint , de sorte que

° Monsieur [U] [X] [O] est mal venu à contester la régularité d’opérations bancaires réalisées par le biais dudit compte au mois d’août 2005 (encaissement d’une somme de 171000 €) ou au mois de septembre 2005 (encaissement d’une somme de 338 845,51 € avec virement immédiat sur un compte sur livret), soit plus de neuf ans avant le décès de son père

° que les opérations et mouvements de valeurs réalisés à partir dudit compte joint ne peuvent en l’absence d’autre élément, être suspectés d’être constitutifs d’actes de pillage du patrimoine de Monsieur [H] [X] [O] réalisés à son préjudice et à son insu

* de considérer que les biens existant au décès de Monsieur [H] [X] [O] sont constitués des seuls biens tels qu’inventoriés dans le projet de déclaration de succession établi par Maître [W] [I], et estimés à la somme de 87 861,23 € déduction faite des frais funéraires chiffrés à la somme de 1 500 € .

S’agissant de la réunion fictive des biens dont Monsieur [H] [X] [O] a pu disposer par voie de donation, il convient :

– à l’analyse des relevés bancaires produits par Monsieur [U] [X] [O]

* de constater l’existence de plusieurs virements opérés à partir de ce même compte joint, et ce au profit

° soit de Mademoiselle [T] [C], pour des montants de 5 000 € le 9 juillet 2010, de 30 000 € le 6 avril 2011 et 100 000 € le 8 avril 2011

° soit de Monsieur [B], pour des montants de 84 750 € le 15 février 2066, de 25 000 € le 28 septembre 2009 et de 15 900 € le 7 juin 2007

* de considérer que les virements ainsi effectués sont tous constitutifs de libéralités et plus précisément de dons manuels

° en ce que Mademoiselle [T] [C] a d’ailleurs souscrit une déclaration de don manuel auprès de l’Administration Fiscale datée du 12 septembre 2012, établissant la perception d’une somme de 137 500 € en provenance d’un donateur qualifié de ‘grand-père’ et désignant manifestement Monsieur [H] [X] [O]

° en ce qu’il s’agit d’actes de disposition à titre gratuit consentis pour des montants tels qu’ils ne peuvent être qualifiés de présents d’usage de valeur généralement modique, et devant en tant que tels être réintégrés dans le patrimoine de Monsieur [H] [X] [O] donateur, et ce dans des proportions devant tenir compte de la nature propre, commune ou indivise des liquidités données

* de retenir

° que la somme de 137 500 € a pour seul donateurMonsieur [H] [X] [O], ce qui justifie que ladite somme soit réintégrée en totalité dans la masse de calcul de la quotité dont ce dernier a pu disposer

° que les sommes dont Monsieur [G] [B] a été gratifié pour un montat total de 125 650 € proviennent toutes d’un compte joint ouvert au nom des époux [H] [X] [O]/[K] [L], compte dont la nature particulière fait que les fonds qui y sont portés sont présumés appartenir indivisément à ses deux cotitulaires, et justifie que seule la moitié de la somme de 125.650 € doit être réintégrée dans la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O], soit la somme de 62 825 €, la Cour considérant d’une part que n’est pas rapportée de façon certaine la justification du remboursement par Monsieur [G] [B] de la somme de 25 000 €, et d’autre part que la présomption ayant trait au caractère indivis des sommes figurant sur un compte joint n’est pas sérieusement discutable en l’absence de tout élément qui soit révélateur du mode de fonctionnement du compte que les époux [H] [X] [O]/[K] [L] ont choisi d’ouvrir et d’utiliser sous la forme d’un compte joint, et ce en dépit du fait qu’ils soient séparés de biens

– à l’examen du dossier

* de retenir s’agissant de l’acquisition de la maison d'[Localité 4] faite au nom de Madame [T] [C], que cet immeuble a été financé au moyen de fonds en provenance du même compte joint ouvert au nom des époux [H] [X] [O]/[K] [L] auprès de la BANQUE TARNEAUD, et ce pour un montant de 258 500 € viré sur le compte de l’étude de Maître [J] notaire instrumentaire, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a ordonné que ladite somme soit réintégrée dans la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O] à concurrence de la moitié, soit hauteur de la somme de 129 250 €

* de relever s’agissant des vérifications destinées à l’identification des bénéficiaires des 18 chèques litigieux listés dans le jugement querellé, que lesdites investigations se heurtent à plusieurs obstacles tenant

° d’une part, à l’ancienneté de ces chèques émis entre le 27 mai 2005 et le 23 octobre 2013, ancienneté qui en raison du délai de conservation des archives banacaires limité aux dix dernières années, constitue un obstacle matériel rendant vaine toute vérification aux fins d’identification des bénéficiaires desdits chèques, et ce quelle que soit la personne désignée pour y procéder ( notaire liquidateur, expert )

° d’autre part, au fait de tous ces chèques ont été portés au débit soit d’un compte BANQUE TARNEAUD, soit d’un compte CREDIT AGRICOLE, comptes ayant pour point commun d’être des comptes joints aux époux [H] [X] [O] / [K] [L], particularité faisant que lesdits comptes pouvaient fonctionner régulièrement sous la signature et l’intervention de chaque cotitulaire, et constituant un obstacle juridique à toute mesure d’investigation ayant pour effet de porter atteinte à la libre disposition par chaque titulaire et notamment par Madame [K] [L] épouse [X] [O] des fonds figurant surr de tels comptes joints .

Au vu de ces observations, il y a lieu s’agissant de la réunion fictive des biens donnés par Monsieur [H] [X] [O] :

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la réintégration dans la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O], des sommes de 137.500 € et de 129 250 € constitutives de libéralités consenties à Madame [T] [C]

– de réformer le jugement critiqué

* en ce qu’il a ordonné la réintégration dans la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O], de la somme de 125 650 € perçue par Monsieur [G] [B], et statuant à nouveau, de dire que seule la somme de 62 825 € doit être réintégrée dans ladite masse de calcul en tant que libéralité consentie à ce dernier par le défunt

* en ce qu’il a confié au notaire liquidateur un pouvoir d’investigation aux fins d’identification des bénéficiaires des 18 chèques listés dans le dispositif dudit jugement, et statuant à nouveau, de déclarer tant vaines qu’injustifiées, toutes investigations à mener à partir desdits chèques, sachant que de surcroît, il ne relevait pas de la compétence du notaire liquidateur d’apprécier ‘ si ces chèques révèlent des libéralités ‘ tel que mentionné dans ledit jugement

– de juger Monsieur [U] [X] [O] mal fondé

* en sa demande d’investigations à réaliser sur les comptes de Madame [K] [L], et ce en l’absence de tout élément qui soit de nature à révéler que cette dernière aurait bénéficié de libéralités de la part de Monsieur [H] [X] [O] qu’elle avait épousé en février 1987 et dont elle a partagé la vie pendant plus de 27 années, et ce d’autant que l’intéressé qui n’avait plus de relation avec son père [H] [X] [O], ignore tout des habitudes et du train de vie que ce dernier partageait avec sa seconde épouse [K] [L] dont il était certes séparé de biens, mais qui se trouvait être cotitulaire de deux comptes joints ouverts auprès de la BANQUE TARNEAUD et du CREDIT AGRICOLE qu’elle avait la liberté de faire fonctionner sous sa seule signature, en ayant le pouvoir de disposer des avoirs qui s’y trouvaient déposés

* à solliciter la requalification en libéralité de la somme dont Madame [K] [L] a disposé en faveur de Madame [T] [C] au titre don manuel visé dans la déclaration de don manuel souscrite par cette dernière auprès de l’Administration Fiscale en date du 12 septembre 2012, et établissant la perception d’une somme de 105.635 € en provenance d’un donateur 2 ayant la qualité de ‘ grand-mère’ et désignant incontestablement Madame [K] [L], sachant que cette requalification est requise en l’absence de tout justificatif quant à l’origine des fonds ainsi donnés qui aux termes de ladite déclaration sont qualifiés de ‘ biens propres donateur 2 ‘

* en sa demande d’investigations aux fins de reconstitution de ‘ la véritable masse successorale ‘, et ce que de telles investigations soient menées par le notaire liquidateur assisté d’un expert, ou dans le cadre d’une expertise judiciaire que la Cour aurait le pouvoir d’ordonner, sachant que cette demande se heurte à la carence probatoire de Monsieur [U] [X] [O] dans la caractérisation du moindre fait qui soit révélateur d’actes de détournement qui auraient été commis au préjudice de son père [H] [X] [O], avec pour effet d’avoir pillé le patrimoine de ce dernier

– de débouter Monsieur [U] [X] [O] de l’ensemble desites demandes .

2) Sur les demandes indemnitaires des parties :

a) sur les dommages et intérêts réclamés par Monsieur [U] [X] [O] :

Monsieur [U] [X] [O] s’est vu octroyer par le premier juge une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, mise à la charge de Madame [T] [C] du fait des manoeuvres commises par cette dernière .

En l’absence de recours exercé contre lesdites dispositions, il convient de confirmer de ce chef le jugement attaqué .

b) sur l’article 700 du Code de Procédure Civile :

L’équité et la nature familiale du litige commandent :

– de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile à l’encontre des parties que sont Monsieur [U] [X] [O], Monsieur [G] [B] et Madame [K] [L], tant en première instance qu’en cause d’appel

– de rejeter les demandes indemnitaires formulées en cause d’appel par Monsieur [U] [X] [O] et par Monsieur [G] [B] .

Le jugement déféré sera par contre confirmé en ce qu’il a condamné Madame [T] [C] à verser à Monsieur [U] [X] [O] la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles .

En l’état actuel du litige, il convient de renvoyer devant Maître [V] [M] Notaire à [Localité 9] désigné en qualité de notaire liquidateur, Monsieur [U] [X] [O] et Madame [K] [L] Veuve [X] [O], sachant qu’il incombera à Maître [V] [M] dans le cadre du partage de l’indivision existant entre lesdites parties suite au décès de Monsieur [H] [X] [O] survenu le 12 décembre 2014, d’établir la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O], et ce :

– en y intégrant les biens existant au décès de ce dernier pour un montant de 87 861,23 €, ainsi que les biens donnés par Monsieur [H] [X] [O] pour un montant de 329 575 € ( soit les sommes de 137 500 € et de 129 250 € au titre des libéralités consenties à Madame [T] [C] ) et la somme de 62 825 € au titre des libéralités consenties à Monsieur [G] [B]

– à l’effet de chiffrer le montant de la réserve héréditaire de Monsieur [U] [X] [O], de vérifier le respect de ladite réserve au regard des libéralités susvisées, et en cas de dépassement de la quotité disponible, de procéder au calcul de l’indemnité de réduction susceptible d’être due à ce dernier, et ce par référence aux prescriptions des articles 924-2 et suivants du Code Civil.

Enfin, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés tant en première instance, qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, et susceptible d’opposition ,

Déclare recevables l’appel interjeté par Monsieur [G] [B], et l’appel incident formé par Monsieur [U] [X] [O] ;

Déclare parfaitement recevable la demande de Monsieur [U] [X] [O] aux fins d’extension de la mission d’investigation initialement confiée au notaire liquidateur par le premier juge ;

Confirme le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES en ce qu’il a :

– ordonné le partage de l’indivision successorale existant entre Monsieur [U] [X] [O] et Madame [K] [L] Veuve [X] [O] suite au décès de Monsieur [H] [X] [O] survenu le 12 décembre 2014,avec dsignation d’un notaire liquidateur en la personne de de Maître [S] [N] Notaire à [Localité 9], qui s’étant déportée, a été remplacée par Maître [V] [M] Notaire à [Localité 9]

– ordonné la réunion à la masse successorale des libéralités consenties à Madame [T] [C] par Monsieur [H] [X] [O], pour des montants de 137 500 € et de 129 250 €

– condamné Madame [T] [C] à verser à Monsieur [U] [X] [O] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles ;

Réforme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau ,

Dit que seule la somme de 62 825 € doit être réintégrée dans la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O], au titre des libéralités consenties par ce dernier à Monsieur [G] [B] ;

Déclare tant vaines qu’injustifiées, toutes investigations à mener à partir des 18 chèques listés dans le dispositif dudit jugement, aux fins d’identification des bénéficiaires desdits chèques ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile à l’encontre des parties que sont Monsieur [U] [X] [O], Monsieur [G] [B] et Madame [K] [L], tant en première instance qu’en cause d’appel, et rejette les demandes indemnitaires formulées en cause d’appel par Monsieur [U] [X] [O] et par Monsieur [G] [B] ;

Déboute Monsieur [U] [X] [O] du surplus de ses demandes ;

Renvoie Monsieur [U] [X] [O] et Madame [K] [L] Veuve [X] [O] devant Maître [V] [M] Notaire à [Localité 9] ;

Dit qu’une copie de la présente décision lui sera adressée ;

Dit qu’il incombera à Maître [V] [M] dans le cadre du partage de l’indivision existant entre lesdites parties suite au décès de Monsieur [H] [X] [O] survenu le 12 décembre 2014, d’établir la masse de calcul de la quotité dont pouvait disposer Monsieur [H] [X] [O], et ce :

– en y intégrant les biens existant au décès de ce dernier pour un montant de 87 861,23 €, ainsi que les biens donnés par Monsieur [H] [X] [O] pour un montant de 329 575 € (soit les sommes de 137.500 € et de 129 250 € au titre des libéralités consenties à Madame [T] [C]) et la somme de 62 825 € au titre des libéralités consenties à Monsieur [G] [B]

– à l’effet de chiffrer le montant de la réserve héréditaire de Monsieur [U] [X] [O], de vérifier le respect de ladite réserve au regard des libéralités susvisées, et en cas de dépassement de la quotité disponible, de procéder au calcul de l’indemnité de réduction susceptible d’être due à ce dernier, et ce par référence aux prescriptions des articles 924-2 et suivants du Code Civil ;

Rappelle à Maître [V] [M] notamment :

– qu’il lui appartient de rendre compte au Président du Tribunal Judiciaire de LIMOGES ou au Juge que ce dernier aura commis à cet effet, de toutes les difficultés rencontrées dans le cadre de l’accomplissement de sa mission

– qu’il peut solliciter de ce dernier toute mesure de nature à faciliter le déroulement de sa mission, par application de l’article 1365 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel .

LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.

 


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