Droits des héritiers : 15 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/13966

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Droits des héritiers : 15 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/13966

15 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/13966

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 15 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13966 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEEFJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2021 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 18/12312

APPELANTE

Madame [F] [G] épouse [E]

Née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 7] (99)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Amélie LIEVRE-GRAVEREAUX de la SELEURL AMELIE LIEVRE-GRAVEREAUX, avocat au barreau de PARIS,

INTIME

Le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre

Monsieur Edouard LOOS, Président de chambre

Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente et par Sylvie MOLLÉ Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 décembre 2010, M. [W] [G] est décédé et, le [Date décès 4] 2011, son épouse Mme [J] [G] et sa fille Mme [F] [E] ont déposé une déclaration de succession.

Par deux propositions de rectification en date du 18 octobre 2013, l’administration fiscale a rehaussé l’actif taxable qui était mentionné dans la déclaration de succession.

A la suite des observations de Mme [F] [E], l’administration fiscale a abandonné une partie des rehaussements et maintenu les rappels des droits de mutation et de l’intérêt de retard à hauteur de 151 931 euros, qui a été mis en recouvrement le 15 septembre 2016.

Mme [F] [E] s’est acquittée de la somme due et a déposé le 27 mars 2018 une réclamation contentieuse qui a été rejetée de manière implicite.

Par une décision en date du 8 novembre 2019, l’administration fiscale a prononcé un dégrèvement pour la somme de 52 822 euros.

Par acte d’huissier de justice en date du 18 octobre 2018, Madame [F] [E] a fait assigner le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement rendu le 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

– constate que par une décision en date du 8 novembre 2019 l’administration a prononcé un dégrèvement en faveur de Mme [F] [E] pour la somme de 52 822 euros ;

– dit que cette somme portera intérêts moratoires ;

– déboute Mme [F] [E] du surplus de ses demandes ;

– laisse les dépens à la charge de chaque partie.

Par déclaration du 19 juillet 2021, Madame [F] [E] a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 3 février 2022, Madame [F] [E] née [G] demande à la cour de :

Vu les articles 528 et 538 du code de procédure civile, l’article L. 57 et L. 208 du livre des procédures fiscales, l’article 843 et 1343-2 du code civil,

– constater que l’appelante est fondée en sa demande ;

– infirmer le jugement du tribunal de Paris du 4 mai 2021 en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande portant sur le dégrèvement et le remboursement des DMTG relatifs à la donation indirecte et sur la demande d’intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

et statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

à titre principal,

– constater qu’il n’y a pas eu d’avantage indirect consenti par M. [W] [G] en faveur de l’appelante ;

– prononcer le dégrèvement et le remboursement de la somme totale de 18 741 euros (droits en principal et intérêts de retard) indûment acquittée assortie du paiement des intérêts moratoires en application de l’article L.208 du livre des procédures fiscales et ;

– prononcer la condamnation de l’Etat à verser des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– prononcer 1’application des intérêts prévus à l’article 1343-2 du code civil sur la somme de 52 822 euros pour laquelle l’administration fiscale a prononcé un dégrèvement au cours de la première instance ;

– condamner le service à payer à l’appelante la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le service aux entiers dépens ;

à titre subsidiaire,

– constater que si par extraordinaire l’analyse sur l’avantage indirect était maintenue, le montant de l’avantage indirect est au maximum de 81 420 euros ;

– prononcer le dégrèvement et le remboursement de la somme totale de 4 482 euros (droits en principal et intérêts de retard) indûment acquittée assortie du paiement des intérêts moratoires en application de l’article L.208 du livre des procédures fiscales ;

– prononcer la condamnation de l’Etat à verser des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– prononcer l’application des intérêts prévus à l’article 1343-2 du code civil sur la somme de 52 822 euros pour laquelle l’administration fiscale a prononcé un dégrèvement au cours de la première instance ;

– condamner le service à payer à l’appelante la somme de 5 000 euros au titre de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;

– condamner le service aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2021, le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de [Localité 8] demande à la cour de, au visa de l’article 885-0 V bis du code général des impôts et l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales,de confirmer le jugement entrepris et, en conséquence, de rejeter toutes les demandes de l’appelante et de la condamner aux entiers dépens d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

SUR CE,

A titre liminaire

Il convient de constater que les dispositions du jugement ayant constaté que par une décision en date du 8 novembre 2019 l’administration avait prononcé un dégrèvement en faveur de Mme [F] [E] pour la somme de 52 822 euros  (s’agissant du forfait mobilier) et dit que cette somme portera intérêts moratoires, ne sont pas critiquées.

Sur les intérêts sur la somme 52 822 euros

L’appelante sollicite1’application des intérêts prévus à l’article 1343-2 du code civil sur la somme de 52 822 euros pour laquelle l’administration fiscale a prononcé un dégrèvement au cours de la première instance.

Ceci étant expos, le tribunal a, dans son jugement, dit que la somme de 52 822 euros  portera intérêts moratoires, de sorte que la demande de Mme [E] est sans objet.

Sur le défaut de motivation de la proposition de rectification

Madame [F] [E] soutient, au visa des articles L57 et R*57-1 du livre des procédures fiscales, que l’administration fiscale n’a pas motivé la proposition de rectification au motif qu’elle s’est contentée d’une supputation.

Le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de [Localité 8] réplique en faisant valoir, que conformément au visa des articles L57 et R*57-1 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification est motivée en fait et en droit.

Ceci étant exposé, la proposition de rectification doit, en application des articles L57 et R*57-1 du livres des procédures fiscales, énoncer les motifs de droit et de fait sur lesquels l’administration fiscale entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations.

En l’espèce, la proposition de rectification du 18 octobre 2013 mentionne la mise à disposition à titre gratuit de la maison située [Adresse 2], les articles 784 du code général des impôts et 894 du code civil ; que cette maison a été construite en 1900 ; que par courrier du 13 décembre 2008, les parents de Mme [F] [E] ont mentionné qu’elle occupait ce bien à titre gratuit depuis 1999 ; que l’administration en a déduit qu’il s’agissait d’une donation rapportable à la succession pour la moitié indivise.

Ainsi la décision expose les faits qui selon l’administration fiscale démontre l’intention libérale et l’appauvrissement du donateur avec l’enrichissement du gratifié et indique avoir interrogé l’observatoire des loyers et obtenu différentes références pour fixer la valeur locative du bien.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a estimé que la décision exposait les motifs de droit et de fait et écarté le moyen tiré de défaut de motivation.

Sur l’existence d’une donation indirecte

Madame [F] [E] soutient, au visa de l’article 843 du code civil, que l’administration fiscale ne démontre pas l’existence de la donation indirecte aux motifs que l’hébergement à long terme sans contrepartie financière ne justifie pas de l’intention libérale, ni de l’appauvrissement du donateur, encore moins de l’acceptation du donataire. Elle soutient que la mise à disposition gratuite s’apparente à un prêt plutôt qu’à une donation puisque le défunt pouvait le récupérer, quand bon lui semble, pour en faire ce qu’il voulait. Elle ajoute que le défunt est tombé subitement malade et qu’il a été décidé en famille que Mme [E], fille unique de M. et Mme [G], s’installe à côté de ses parents pour les aider.

Elle indique que si son père ne s’est pas enrichi, il ne s’est pas appauvri et qu’un contribuable n’est jamais tenu de tirer des affaires qu’il traite le maximum de profits que les circonstances lui auraient permis de réaliser, ni de tirer des revenus pour chaque bien qu’il possède.

Le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de [Localité 8] réplique et fait valoir, au visa des articles 894 et 931 du code civil, que la requérante a bénéficié d’une donation indirecte dès lors qu’elle a longuement profité d’un hébergement géographiquement attrayant sans aucune contrepartie financière au profit du donateur qui a renoncé à percevoir des revenus tirés de la location de ce bien et s’est donc appauvri. Il ajoute que l’appelante ne démontre pas l’existence de charges soldées par elle et l’inexistence d’un avantage financier certain nque l’aide qu’elle lui a apportée ait enrichi son père.

Ceci étant exposé, l’article 893 du code civil dispose que « La libéralité est l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. Il ne peut être fait de libéralité que par donation entres vifs ou par testament. »

L’article 894 du même code dispose que « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte. »

L’article 843 du code civil dispose que « Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt par par donations entre vifs directement ou indirectement. Il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne aient été faits expressément hors part successorales. »

En l’espèce, il convient de souligner que Mme [E] est la fille unique de M. et Mme [G] et qu’ils ont accepté de loger leur fille gratuitement dans la maison sis à [Adresse 2].

La donation consiste essentiellement dans l’aliénation gratuite que le disposant fait de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne.

En l’espèce faute de rapporter la preuve que M. [W] [G] avait précédemment loué la maison et donc renoncé à la perception de loyers qu’il percevaient en offrant d’héberger sa fille à titre gratuit, et cela, en outre, de manière irrévocable, rendant la renonciation aux fruits tout à fait hypothétique et compte tenu du fait que la mise à disposition de la maison par M. [G] au profit de Mme [E], sans contrepartie financière, ne conférait à cette dernière qu’un droit à l’usage de la maison et n’a opéré aucun transfert d’un droit patrimonial ou des fruits et revenus de sorte qu’il n’en n’est résulté aucun appauvrissement du prêteur, l’administration fiscale ne caractérise pas l’intention libérale de M. [W] [G] envers Mme [E] et la mise à disposition sans contrepartie de l’usage de la maison ne peut pas constituer un avantage indirect rapportable.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en en qu’il a rejeté la demande de dégrèvement formée par Mme [E].

La cour ordonnera le dégrèvement et le remboursement de la somme totale de 18 741 euros indûment acquittée assortie du paiement des intérêts moratoires en application de l’article L.208 du livre des procédures fiscales et rejettera la demande des intérêts au en application de l’article 1343-2 du code civil.

L’administration fiscale, partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à l’appelante une indemnité de procédure de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande dégrèvement au titre de la donation indirecte et sur les dépens ;

Statuant à nouveau,

ORDONNE le dégrèvement de la somme de 18 741 euros, assortie du paiement des intérêts moratoires en application de l’article L.208 du livre des procédures fiscales ;

REJETTE la demande des intérêts au en application de l’article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de [Localité 8] aux dépens de première instance  ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT que la demande de condamnation de l’Etat aux intérêts sur la somme de 52 822 euros  est sans objet ;

CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de [Localité 8] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de [Localité 8] à payer à Madame [F] [E] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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