Droits des héritiers : 15 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03916

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Droits des héritiers : 15 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03916

15 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/03916

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 15/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/03916 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TX2R

Jugement (N° 20/01659)

rendu le 27 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [Z] [Y]

né le 08 mars 1958 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [O] [Y]

née le 18 avril 1964 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Stéphanie Merck, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 20 mars 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 mars 2023

****

[L] [U] et [H] [Y] se sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts suivant contrat de mariage établi le 4 octobre 1957. De leur union, sont issus trois enfants : [Z], [I] et [O].

[L] [U] est décédée le 29 septembre 2006, laissant pour lui succéder son époux et leurs trois enfants. [I] [Y] est décédée le 3 décembre 2006, sans descendance. [H] [Y] est décédé le 14 octobre 2008.

Aucun partage de ces successions, dont dépendent notamment des liquidités et un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 9], n’est intervenu entre [F] et [O] [Y].

Par acte d’huissier en date du 17 septembre 2019, Mme [O] [Y] a fait assigner M. [Z] [Y] devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d’obtenir, notamment, l’ouverture des opérations de liquidation et partage, l’attribution de l’immeuble situé à [Adresse 10] et la condamnation de l’indivision à lui verser la somme de 10 607 euros au titre de l’ensemble des taxes foncières, celle de 1 803,78 euros au titre des factures d’eau et de fuel, et celle de 3 066,60 euros au titre de l’assurance de l’immeuble qu’elle a réglées pour le compte de l’indivision.

M. [Z] [Y] ne s’est pas fait représenter devant le tribunal.

Par jugement en date du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale consécutive aux décès de [L] [U], d'[I] et [B] [Y],

– désigné, pour procéder aux dites opérations, Me [R], notaire à [Localité 5],

– dit que dans le cadre du partage, Mme [Y] se verrait attribuer l’immeuble situé à [Adresse 10], à charge pour elle de régler une soulte à M. [Z] [Y], sur la base d’une nouvelle estimation du bien à établir par le notaire et en cas de désaccord de l’un ou l’autre héritier sur cette estimation, à dire d’expert conformément aux modalités prévues par l’article 1365 du code de procédure civile.

– dit que l’indivision était redevable à Mme [Y] des sommes suivantes engagées pour le compte de l’indivision aux fins de conservation de l’immeuble situé à [Localité 9] :

– 10 607 euros au titre des taxes foncières ;

– 1 803,78 euros au titre des factures d’eau et de fuel ;

– 3 066,60 euros au titre de l’assurance de l’immeuble ;

– débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes et dit que chacune des parties conserverait à sa charge ses frais et dépens.

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mars 2023, demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel et, statuant à nouveau, à titre principal, au visa des articles 837 et 840 du code civil, de déclarer irrecevable la demande en partage judiciaire de Mme [Y] et d’inviter les parties à procéder au partage amiable et, à titre subsidiaire, au visa des dispositions des articles 128, 131, 377 et suivants et de l’article 910-2 du code de procédure civile, d’ordonner une médiation et/ou conciliation avec Mme [Y] et, dans l’attente du résultat de cette médiation, de surseoir à statuer sur l’examen des demandes respectives des parties.

Il sollicite, à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1360 et 1361 du code de procédure civile, la réformation du jugement au fond, l’attribution à son profit, à charge de soulte à fixer, de l’immeuble indivis sis [Adresse 2] à [Localité 9] et celle des avoirs financiers au profit de Mme [Y], et la fixation d’une créance à son profit sur l’indivision d’un montant de 43 250 euros au titre de frais de conservation de l’immeuble indivis.

En tout état de cause, il conclut au débouté de l’intimée de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires, et en particulier de sa demande visant à voir juger que l’indivision lui est redevable d’une somme de 7 640 euros au titre des dépenses engagées pour les frais d’élagage (2 530 euros TTC) et d’entretien des haies (5 110 euros) et, enfin, demande à la cour de statuer ce que de droit sur la charge des dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 mars 2023, Mme [Y] demande à la cour, au visa des articles 815 et 840 du code civil et de l’article 1360 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable la demande de partage judiciaire et, en conséquence, de débouter M. [Z] [Y] de l’intégralité de ses demandes, et notamment de sa demande de médiation judiciaire.

Elle sollicite :

– au visa de l’article 832-2, alinéa 2 du code civil, la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il lui a attribué l’immeuble situé à [Adresse 10], à charge pour elle de régler la soulte à l’appelant, celui-ci devant être débouté de sa demande à ce titre, ainsi que de sa demande de tirage au sort.

– la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a reconnu que l’indivision lui était redevable de diverses sommes qu’elle demande à la cour de porter aux montants suivants :

– 17 050 euros au titre des taxes foncières ;

– 1 842,90 euros au titre des factures d’eau et de fuel ;

– 4 185,31 euros au titre de l’assurance de l’immeuble selon les dispositions de l’article 815-13 du code civil ;

– la fixation à son profit, sur le fondement de l’article 815-13 du code civil, d’une créance sur l’indivision de 7 640 euros au titre des travaux de jardinage et élagage effectués dans l’immeuble litigieux ;

Enfin, elle demande à la cour de juger que l’indivision n’est redevable de frais envers l’appelant au titre de la conservation de l’immeuble à l’exception du coût du ramonage pour un montant total de 307 euros, du coût des réparations de tuiles et cheminée pour un montant total de 640 euros et des frais de fuel pour un montant de 3 000 euros, soit une somme totale de 3 947 euros, de le débouter du surplus de ses demandes de fixation de créance sur l’indivision et de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les dépens d’appel.

Par conclusions procédurales déposées le 20 mars 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, de rejeter des débats les conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats par M. [Y] le vendredi 17 mars 2023 à 18h47, leur caractère tardif ne permettant pas que soit assuré le respect du principe du contradictoire.

Par conclusions procédurales en réponse déposées le 20 mars 2023, M. [Y] demande à la cour de dire n’y avoir lieu d’écarter des débats ses conclusions déposées et notifiées le 17 mars 2023.

L’ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 20 mars 2023.

Pour l’exposé de l’argumentation détaillée des parties, il convient de se référer à leurs dernières conclusions écrites en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des débats

L’article 802 du code de procédure civile dispose qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Cependant, en application de l’article 15 du même code, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

En l’espèce, les conclusions de M. [F] [Y] notifiées le vendredi 17 mars 2023 à 18h47 alors que l’ordonnance de clôture des débats et l’audience de plaidoiries devaient avoir lieu le lundi 20 mars 2023 à 14 heures, ne comportent que quelques ajouts mineurs dûment matérialisés par une barre verticale en marge à gauche, en réponse aux conclusions de Mme [Y] elles-mêmes déposées le 14 mars 2023.

La cour observe que Mme [Y] aurait pu choisir d’y répondre sans que cela ne nécessite de développements plus importants que ses conclusions procédurales de rejet déposées le 20 mars 2023 à 10h31.

Dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à ses conclusions procédurales de rejet et il convient de déclarer recevables les conclusions de M. [Z] [Y] déposées le 17 mars 2023.

Sur la recevabilité de la demande en partage

Aux termes de l’article 835 du code civil, si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties. Lorsque l’indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière, l’acte de partage est passé par acte notarié.

L’article 837 ajoute que si un indivisaire est défaillant, sans qu’il soit néanmoins dans l’un des cas prévus à l’article 836, il peut, à la diligence d’un copartageant, être mis en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage amiable ; que faute pour cet indivisaire d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, un copartageant peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation complète du partage. Cette personne ne peut consentir au partage qu’avec l’autorisation du juge.

L’article 840 dudit code dispose que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.

L’article 1360 du code de procédure civile précise qu’à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

Il résulte de ces textes que les formalités prévues à l’article 837 du code civil ne sont pas un préalable obligatoire au partage judiciaire et qu’elles ne sont qu’une simple faculté, les diligences entreprises en vue d’un partage amiable pouvant résulter de simples échanges entre les parties.

En l’espèce, Mme [Y] justifie avoir adressé à son frère, préalablement à l’assignation en partage judiciaire du 17 septembre 2019, un courrier de son conseil en date du 2 octobre 2017 par lequel elle lui indiquait son souhait de sortir de l’indivision en application de l’article 815 du code civil, de se voir attribuer l’immeuble indivis moyennant le règlement d’une soulte, précisait l’évaluation de cet immeuble faite par le notaire et lui demandait de lui indiquer sa position, indiquant qu’à défaut de partage amiable, elle entendait procéder par voie judiciaire.

N’ayant obtenu aucune réponse à ce courrier, elle justifie l’avoir mis en demeure d’y répondre par lettre recommandée du 14 février 2018, précisant qu’à défaut, elle procéderait par voie judiciaire.

C’est donc de manière pertinente que le premier juge, ayant constaté que la requérante avait indiqué dans l’assignation l’identité des héritiers, ainsi que leurs droits dans les successions de leurs père, mère et soeur, l’identité du notaire chargé par ses soins du règlement amiable desdites successions, décrit précisément les principaux éléments d’actifs qui en dépendent, notamment une maison d’habitation sise à [Adresse 10], et fait état de ses intentions relatives au partage (l’attribution préférentielle du bien immobilier), avant de relater de vaines tentatives de rapprochement avec son frère préalablement à la délivrance de l’assignation, dont elle justifiait, a considéré qu’il avait été satisfait aux prescriptions des textes susvisés et a déclaré recevable la demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale consécutive aux décès de [L] [U], le 29 septembre 2006 à [Localité 8], d'[I] [Y], le 3 décembre 2006 à [Localité 6], et d'[H] [Y], le 14 octobre 2008 à [Localité 8].

Par ailleurs, si M. [Y], qui n’a pas jugé bon se faire représenter en première instance, sollicite une médiation ou une conciliation avant-dire-droit, Mme [Y] a exprimé son refus d’une telle démarche, laquelle peut être considérée comme vaine alors qu’aucun partage amiable n’a pu intervenir depuis le dernier décès il y a quinze ans et que les deux parties sollicitent l’attribution préférentielle de l’immeuble indivis.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale.

Sur la liquidation de l’indivision et la désignation d’un notaire

Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention.

La décision sera également confirmée en ce qu’elle a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale existant entre les parties.

Aux termes de l’article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.

C’est à juste titre que le premier juge, en l’absence de position du défendeur, qui n’avait jamais conclu, sur le choix du notaire, a désigné dans l’intérêt des deux héritiers le notaire déjà en charge du partage amiable et a détaillé sa mission dans le dispositif de la décision.

En cause d’appel, M. [Y] ne développe aucun moyen au soutien de sa demande d’infirmation de ces dispositions et ne formule aucune demande alternative.

Ces dispositions seront donc purement et simplement confirmées.

Sur le sort de l’immeuble indivis

En vertu de l’article 826 du code civil, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur. Chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision. S’il y a lieu à tirage au sort, il est constitué autant de lots qu’il est nécessaire. Si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte.

En application de ce texte, il est admis de manière constante qu’à défaut d’entente entre les héritiers majeurs et maîtres de leurs droits, les lots doivent obligatoirement être tirés au sort, les tribunaux ne pouvant en aucun cas procéder par voie d’attribution, sauf en cas d’attributions préférentielles qui, de par leur nature, échappent nécessairement aux dispositions de l’article 826 prescrivant le tirage au sort des lots entre les cohéritiers.

Les hypothèses et modalités d’attribution préférentielle sont précisées aux articles 831, 831-1, 831-2 et 832-1 du code civil, lesquels prévoient la possibilité, pour le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire, de demander l’attribution préférentielle de :

– toute entreprise, ou partie d’entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d’une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l’exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement ;

– la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa résidence à l’époque du décès, et du mobilier le garnissant, ainsi que du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante ;

– la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l’exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l’exercice de sa profession ;

– l’ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l’exploitation d’un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu’un nouveau bail est consenti à ce dernier ;

– tout ou partie des biens et droits immobiliers à destination agricole dépendant de la succession en vue de constituer avec un ou plusieurs cohéritiers et, le cas échéant, un ou plusieurs tiers, un groupement foncier agricole.

L’article 832-3 dudit code, invoqué par Mme [Y] à l’appui de sa demande d’attribution préférentielle de l’immeuble indivis, dispose que l’attribution préférentielle peut être demandée conjointement par plusieurs successibles afin de conserver ensemble le bien indivis ; qu’à défaut d’accord amiable, la demande d’attribution préférentielle est portée devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence ; qu’en cas de demandes concurrentes, le tribunal tient compte de l’aptitude des différents postulants à gérer les biens en cause et à s’y maintenir. Pour l’entreprise, le tribunal tient compte en particulier de la durée de la participation personnelle à l’activité.

Cependant, ni Mme [O] [Y] ni M. [Z] [Y], qui demandent chacun l’attribution préférentielle de l’immeuble, ne justifient être dans l’une des situations visées aux articles précédemment cités, de sorte que l’article 832-3 ne peut trouver à s’appliquer et qu’il convient, en l’absence d’accord des héritiers, d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle avait attribué l’immeuble à Mme [Y] et, statuant à nouveau, de renvoyer les parties devant le notaire aux fins de tirage au sort des lots et de fixation d’une soulte, sur la base d’une nouvelle évaluation du bien à établir par le notaire et, en cas de désaccord de l’un des héritiers sur cette estimation, à dire d’expert conformément aux modalités prévues à l’article 1365 du code de procédure civile.

Sur les créances des indivisaires à l’égard de la succession au titre des dépenses de conservation de l’immeuble indivis

L’article 815-2 du code civil dispose que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence ; qu’il peut employer à cet effet les fonds de l’indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers ; qu’à défaut de fonds de l’indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.

Par ailleurs aux termes de l’article 815-13 du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.

* Sur les créances de Mme [O] [Y]

Mme [O] [Y] justifie avoir engagé, pour le compte de l’indivision, des dépenses aux fins de conservation de l’immeuble de [Localité 9], qu’il convient d’actualiser en cause d’appel aux sommes suivantes :

– taxes foncières 2009, 2010, 2011, 2012, 2017, 2020, 2021, 2022 : 17 050 euros

– factures d’eau, fioul et entretien de la chaudière (mise à jour à octobre 2022) : 1 842,90 euros

– assurance de l’immeuble (2009 à 2022) : 4 185,31 euros

Elle justifie également avoir engagé des dépenses d’élagage et de mise en sécurité de certains arbres, selon facture du 19 janvier 2023, pour un montant de 2 530 euros TTC, et d’entretien des haies à hauteur de 5 110 euros TTC, soit un total de 7 640 euros.

Il s’agit de dépenses nécessaires au sens de l’article 815-13 du code civil, la première intervention ayant été rendue nécessaire à la suite d’une tempête intervenue en février 2022 et la seconde correspondant à la remise à niveau des haies en conformité avec les normes légales applicables, de sorte que Mme [O] [Y] n’avait pas besoin de solliciter l’accord préalable de M. [Z] [Y] pour les engager.

Il convient donc de fixer la créance de Mme [Y] à l’égard de l’indivision à la somme totale de 30 718,21 euros, le jugement entrepris étant simplement infirmé sur le quantum de cette créance au regard de son actualisation.

* Sur les créance de M. [Z] [Y]

M. [Z] [Y] produit des factures d’électricité établies à son nom pour le logement indivis sis à [Adresse 10]. Cependant, certains des justificatifs produits sont des collages tronqués, tandis que d’autres ne portent pas la référence du logement de [Localité 9] et sont adressés à l’adresse de [Localité 7] de M. [Y]. Enfin, il n’est pas justifié du paiement de ces factures par la production des relevés de compte correspondant.

M. [Z] [Y] justifie en revanche de factures de ramonage à hauteur de 307 euros, de factures de fuel pour un montant de 6 990,15 euros, de factures de télésurveillance pour un montant de 6 650,04 euros, de factures d’entretien du jardin pour un montant de 1 384,40 euros, déduction faite de l’avantage fiscal.

Si Mme [Y] ne conteste pas les factures de ramonage, elle conteste les autres factures, arguant qu’elles ne seraient pas nécessaires à la conservation du bien et ajoutant que les factures de fuel sont liées à l’occupation du bien par son frère lors de ses séjours dans le Nord.

Cependant, elle reconnaît elle-même que le chauffage du bien est nécessaire pendant l’année, en dehors de toute occupation, pour éviter sa détérioration et il ressort des éléments aux débats, dont les billets de train dont M. [Y] réclame le remboursement, qu’il ne réside pas en permanence dans l’immeuble indivis mais y fait des séjours réguliers de quelques jours seulement. Ces dépenses doivent donc être considérées comme nécessaires à la conservation du bien, de même que les factures de télésurveillance et les factures d’entretien du jardin.

M. [Y] justifie avoir payé la taxe d’habitation 2021 pour l’immeuble indivis, à hauteur de 2’310 euros, mais ne justifie pas l’avoir fait pour l’année précédente, de sorte qu’il ne sera fait droit à sa demande de créance sur l’indivision qu’à hauteur de 2 310 euros à ce titre. Cette taxation étant sans doute liée à la demande d’exonération de la taxe sur les logements vacants effectuée par Mme [Y], elle doit être prise en charge par l’indivision.

En revanche, les factures de pétrole liées à la consommation de M. [Y] pendant ses séjours, les factures de téléphone liées à sa seule consommation, le coût des transports de M. [Y] ne sont pas des dépenses nécessaires à la conservation du bien, tandis que les diverses factures de magasins de bricolage ne permettent pas d’établir qu’il s’agit de dépenses nécessaires à la conservation du bien, de sorte qu’il n’en sera pas tenu compte pour l’établissement de la créance de M. [Y] à l’égard de l’indivision.

Il convient donc de dire que l’indivision est recevable à M. [Z] [Y] de la somme totale de 17 641,59 euros.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de partage.

Par ailleurs, la nature de l’affaire commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Mme [Y] étant déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour

Déclare recevables les conclusions déposées par M. [Z] [Y] le 17 mars 2023 ;

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale consécutive aux décès de [L] [U], le 29 septembre 2006 à [Localité 8], d'[I] [Y], le 3 décembre 2006 à [Localité 6] et d'[H] [Y], le 14 octobre 2008 à [Localité 8],

– désigné, pour procéder aux dites opérations, Me [T] [R], notaire à [Localité 5],

– rappelé les dispositions applicables en matière de partage,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [O] [Y] et M. [Z] [Y] de leurs demandes respectives d’attribution préférentielle de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 9], dépendant des successions ;

Dit qu’il sera procédé, pour l’attribution de l’immeuble indivis, à un tirage au sort par le notaire chargé des opérations de compte, liquidation et partage, après établissement de lots sur la base d’une nouvelle estimation du bien à établir par le notaire et, en cas de désaccord de l’un ou de l’autre héritier sur cette estimation, à dire d’expert conformément aux modalités prévues à l’article 1365 du code de procédure civile, et moyennant, le cas échéant, versement d’une soulte par l’héritier qui en serait attributaire ;

Dit que l’indivision est redevable à Mme [O] [Y] des sommes suivantes engagées pour le compte de l’indivision aux fins de conservation de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] :

– taxes foncières : 17 050 euros

– factures d’eau, fioul et entretien de la chaudière (mise à jour à octobre 2022) : 1 842,90 euros

– assurance de l’immeuble (2009 à 2022) : 4 185,31 euros

– jardinage et élagage : 7 640 euros,

soit un total de 30 718,21 euros,

Dit que l’indivision est redevable à M. [Z] [Y] des sommes suivantes engagées pour le compte de l’indivision aux fins de conservation de l’immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] :

– factures de ramonage : 307 euros,

– factures de fuel : 6 990,15 euros,

– factures de télésurveillance : 6 650,04 euros,

– factures d’entretien du jardin : 1 384,40 euros,

– taxe d’habitation 2021 : 2 310 euros,

soit un total de 17 641,59 euros,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de partage,

Déboute Mme [O] [Y] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


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