Droits des héritiers : 11 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02911

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Droits des héritiers : 11 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/02911

11 juillet 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/02911

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 11 JUILLET 2023

N° RG 20/02911 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LUQE

[H] [X]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010785 du 06/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

[V] [X] veuve [K]

[O] [X]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 juin 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 16/03442) suivant déclaration d’appel du 03 août 2020

APPELANTE :

[E] [Z]

née le 28 Avril 1956 à

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, postulant, et par Me Christine MAZE de la SELARL DELOM MAZE, avocat au barreau de BORDEAUX, plaidant

INTIMÉS :

[V] [X] veuve [K]

née le 16 Août 1946 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 10]

Représentée par Me Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER-DELMAS, avocat au barreau de BORDEAUX

[O] [X]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 11]

Non comparant, non représenté (DA signifiée le 18/09/2020, DA et conclusions signifiées le 09/11/2020 et conclusions signifiées le 11/02/2021 et le 04/05/2021)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller : Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [X] est décédé le 27 avril 2012 à [Localité 12], laissant pour lui succéder ses trois enfants :

– Mme [V] [X],

– Mme [H] [X],

– M. [O] [X].

Il n’a laissé aucun testament.

En raison de désaccords persistants entre les cohéritiers, Mme [V] [X] veuve [K] a, par acte d’huissier en date des 22 et 26 février 2016, assigné Mme [H] [X] et M. [O] [X] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin notamment de voir :

ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [F] [X],

réintégrer à la succession différentes sommes perçues par Mme [H] [X] et,

désigner avant dire-droit un expert foncier et un expert pour déterminer le montant des dons manuels reçus par Mme [H] [X].

Par jugement réputé contradictoire du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a pour l’essentiel :

– déclaré recevable l’assignation en partage signifiée les 22 et 26 février 2016 par Mme [V] [X] veuve [K],

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [F] [X], décédé le 27 avril 2012 à [Localité 12],

– désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires de [Localité 9] avec faculté de délégation à tout notaire de son ressort, à l’exception des notaires déjà intervenus,

– commis le juge de la mise en état de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en qualité de juge commis pour surveiller les opérations à accomplir,

– dit que Mme [H] [X] a été bénéficiaire de dons manuels à hauteur de 48.713,47 euros de la part de M. [F] [X] qui ont un caractère rémunératoire,

– débouté par conséquent, Mme [V] [X], veuve [K] de sa demande de rapport de l’ensemble immobilier situé à [Localité 12],

– dit que Mme [H] [X] doit rapporter à la succession de M. [F] [X] la valeur de la maison objet de la donation à la date la plus proche du partage,

– ordonné donc, préalablement au partage et pour y parvenir, une expertise judiciaire,

– désigné pour y procéder M. [T] [Y], expert foncier demeurant [Adresse 4] (fax : [XXXXXXXX01] ; mèl : [Courriel 5]), avec mission de déterminer la valeur vénale de la maison d’habitation, indépendamment de la valeur du terrain, édifiée à [Localité 12], cadastré section [Cadastre 6], objet de la donation, et ce à la date du décès de M. [F] [X] et à la date la plus proche du partage,

– dit que de ses opérations, l’expert commis dressera un rapport qui sera déposé en un exemplaire au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux au plus tard le 30 décembre 2020, sauf délai supplémentaire sollicité en temps utile,

– fixé à 2.000 € la provision à valoir sur les honoraires de l’expert et dit que cette somme sera consignée par Mme [V] [K] à la régie des avances et de recettes de ce tribunal au plus tard le 1er octobre 2020 sous peine de caducité,

– dit que les frais définitifs d’expertise seront ultérieurement répartis par le notaire en charge des opérations de compte, liquidation et partage au prorata des droits de chaque partie dans indivision,

– commis pour suivre les opérations d’expertise le juge de la mise en état de la première chambre civile,

– renvoyé les parties devant le notaire liquidateur désigné par le président de la chambre des notaires de [Localité 9] suite au dépôt du rapport d’expertise en vue de l’établissement d’un projet d’état liquidatif et de partage,

– rejeté la demande de désignation d’un expert afin d’établir l’existence d’éventuels autres dons manuels ainsi que leur montant,

– rejeté l’ensemble des demandes reconventionnelles formées par Mme [H] [X],

– dit n’y avoir lieu à désignation d’un expert afin d’évaluer la valeur vénale et locative de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 8],

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage successoral,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

– rejeté toutes autres demandes comme non fondées.

Procédure d’appel :

Par déclaration du 3 août 2020, Mme [H] [X] a relevé appel limité du jugement en ce qu’il a :

dit qu’elle doit rapporter à la succession de M. [F] [X] la valeur de la maison objet de la donation à la date la plus proche du partage,

ordonné une expertise judiciaire,

débouté Mme [H] [X] de ses demandes reconventionnelles,

rejeté la demande d’expertise afin d’évaluer la valeur vénale et locative de l’immeuble situé à [Localité 8],

dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [V] [X] veuve [K] a formé appel incident sur le rapport des dons manuels reçus par Mme [H] [X].

Selon dernières conclusions du 29 avril 2021, Mme [H] [X] demande à la cour de :

– déclarer Mme [H] [X] recevable et bien fondée en son appel,

– réformer la décision entreprise sur les points relevés par la déclaration d’appel,

– donner acte à Mme [H] [X] de ce qu’elle accepte de rapporter à la succession le montant de l’emprunt, remboursé par le de cujus et ayant financé la construction de sa maison d’habitation, soit la somme de 28.965 €,

– juger que Mme [V] [X] veuve [K] a bénéficié de prêts de la part de M. [F] [X] et qu’elle doit rapporter à la succession les sommes non remboursées requalifiées de donations, soit :

* 26.000 francs (3.963,67 euros) avec intérêt légal au titre du prêt partiellement remboursé de 35.000 francs ;

* 47.166 francs (7.190,40 euros) avec intérêt annuel de 8,5% à compter du 1er avril 1988 au titre des prêts mensuels ;

* 15.000 francs (2.286,73 euros) avec intérêt légal au titre de la reconnaissance de dette du 2 mai 1972,

– juger que Mme [V] [X] veuve [K] doit rapporter à la succession l’indemnité d’occupation correspondant à la mise à disposition gratuite et sans contrepartie de l’immeuble situé à [Localité 8] pendant 14 années,

– juger que Mme [V] [X] veuve [K] doit rapporter à la succession les loyers perçus au titre de la location des garages situés sur la propriété de [Localité 8],

– juger que Mme [V] [X] veuve [K] doit rapport à la succession du fait de la vente à prix minoré de la propriété de [Localité 8],

– désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission notamment de :

* faire une juste évaluation de l’indemnité d’occupation au regard de la valeur locative du bien entre 1976 et 1990 étant précisé qu’il était meublé ;

* faire une juste évaluation des loyers perçus au titre de la location des garages ;

* déterminer la valeur de la propriété de [Localité 8] à la date de sa vente à Mme [V] [X] veuve [K] et à la date de sa revente par cette dernière ;

* le cas échéant, établir la valeur du bien subrogé ;

* établir le montant de la totalité des rapports devant être faits à la succession à la suite des libéralités dont a bénéficié Mme [V] [X] veuve [K],

– confirmer pour le surplus la décision entreprise,

– débouter Mme [V] [X] veuve [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées par voie appel incident,

– condamner Mme [V] [X] veuve [K] à verser à Mme [H] [X] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions du 27 juillet 2021, Mme [V] [X] veuve [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 30 juin 2020 en ce qu’il a :

* dit que Mme [H] [X] doit rapporter à la succession de M. [F] [X] la valeur de la maison objet de la donation à la date la plus proche du partage ;

* ordonné donc préalablement au partage et pour y parvenir une expertise judiciaire ;

* désigné pour y procéder M. [T] [Y] expert foncier avec mission de déterminer la valeur vénale de la maison d’habitation édifiée à [Localité 12] section [Cadastre 6], objet de la donation ;

* rejeté l’ensemble des demandes reconventionnelles formées par Mme [H] [X],

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 30 juin 2020 en ce qu’il a :

* dit que Mme [H] [X] a été bénéficiaire de dons manuels à hauteur de 48.713,47 euros de la part de M. [F] [X] qui ont un caractère rémunératoire ;

* débouté par conséquent Mme [V] [X] veuve [K] de sa demande de rapport de l’ensemble immobilier situé à [Localité 12],

* rejeté la demande de désignation d’un expert afin d’établir l’existence d’éventuels autres dons manuels ainsi que leur montant,

– Réformer le jugement quant au caractère rémunératoire des dons manuels dont a bénéficié Mme [H] [X], quant au rejet de la demande de rapport de l’ensemble immobilier de [Localité 12] et à la désignation d’un expert pour établir l’existence d’éventuels autres dons manuels,

Statuant à nouveau,

– dire et juger que Mme [H] [X] est bénéficiaire de dons manuels de la part de M. [F] [X], à hauteur de 79.413,48 euros, qui ont été remployés dans le remboursement de l’emprunt de 150.000 francs contracté pour l’acquisition du terrain situé à [Localité 12] cadastré [Cadastre 6],

En conséquence,

A titre principal :

– ordonner le rapport de la valeur de l’ensemble immobilier constitué du terrain situé à [Localité 12] cadastré [Cadastre 6] et de la maison construite dessus, à la date la plus proche du partage,

– dire et juger que l’expert foncier désigné aura pour mission de déterminer, en sus de la valeur de la maison, la valeur vénale du terrain situé à [Localité 12] et cadastré [Cadastre 6] donné à Mme [H] [X] à la date du décès de M. [F] [X] et à la date la plus proche du partage,

– désigner tel expert qu’il plaira avec mission de déterminer le montant des dons manuels reçus par Mme [H] [X] non remployés dans l’acquisition du terrain qui devront être rapportés à la succession,

A titre subsidiaire :

– ordonner le rapport des dons manuels reçus pour leur valeur nominale, soit 79.413,48 euros avec intérêt depuis le 27 avril 2012, jour du décès,

– désigner tel expert qu’il plaira avec mission de déterminer le montant des dons manuels reçus par Mme [H] [X] non remployés dans l’acquisition du terrain qui devront être rapportés à la succession,

En tout état de cause :

– rejeter toutes les demandes formées par Mme [H] [X] à quelque titre que ce soit,

– condamner Mme [H] [X] à verser à M me [V] [X] veuve [K] une somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [O] [X] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est datée du 25 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L’affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2023 et prorogée au 11 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les deux parties contestent les chefs du jugement relatifs :

à la caractérisation et à l’étendue des donations dont elles prétendent avoir réciproquement bénéficié de la part de leur père,

à la valeur du rapport de ces donations.

Aux termes de l’article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui été faits expressément hors part successorale.

Sur le rapport des sommes perçues par Mme [H] [X] :

Il est constant que Mme [H] [X] a fait l’acquisition d’un terrain constructible en 1990, sis [Adresse 2] à [Localité 12], financé par un emprunt souscrit à son nom d’un montant de 150 000 francs, sur lequel elle a fait bâtir l’immeuble qui constitue depuis sa maison d’habitation, et dont la construction a été financée par un emprunt immobilier souscrit en 1991 par M. [F] [X] auprès de la BNP pour un montant de 190 000 francs (soit 28 965 euros), bénéficiant d’une hypothèque conventionnelle sur un bien de l’emprunteur.

Mme [H] [X] est donc propriétaire de l’immeuble de [Localité 12].

Mme [V] [X] prétend que l’immeuble en son entier, y compris l’acquisition du terrain, a été financé par leur père, au travers de dons manuels faits par son père à sa s’ur [H], par chèques régulièrement tirés à son profit pendant de nombreuses années, qu’en conséquence Mme [H] [X] doit rapporter à la succession de leur père la valeur de l’entier ensemble immobilier, lequel doit être évalué par expertise.

Sur le rapport des fonds donnés par le défunt pour la construction du bien immobilier de Mme [H] [X] à [Localité 12]

Mme [H] [X] ne discute pas la réalité de cette donation et, en conséquence, devoir faire rapport de la valeur de la somme empruntée par son père pour réaliser la construction de sa maison d’habitation.

Les premiers juges ont décidé que Mme [H] [X] est redevable de la valeur de la construction, évaluée après expertise, à la date la plus proche du partage.

Mme [H] [X] conclut à l’infirmation de cette disposition, au visa des dispositions de l’article 860-1 du code civil, estimant que le montant rapportable est limité à la valeur de la somme empruntée à elle donnée.

L’article 860 énonce que le rapport est dû de la valeur du bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.

L’article 860-1 ajoute que le rapport d’une somme d’argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l’article 860.

La Cour de cassation a réaffirmé, notamment dans un arrêt du 14 mai 2014 (civ 1ère 14 mai 2014 n° 12-25.735) que «ne constitue pas une acquisition au sens de l’article 860-1 le financement par des fonds donnés, de travaux de construction effectués par le propriétaire du terrain».

En cause d’appel et pour solliciter la confirmation de la décision déférée, Mme [V] [X] prétend que la souscription et le remboursement de ce prêt immobilier lui ont permis de recevoir, non pas une somme d’argent de 28 965 euros mais la maison en son entier ; qu’ainsi l’avantage fourni à titre gratuit est bien constitué d’une maison et non d’une somme d’argent et qu’en conséquence, le rapport est soumis aux dispositions de l’article 860.

Or, l’emprunt d’une somme d’argent et le remboursement de celui-ci par le de cujus, pour le compte de sa fille [H], s’analyse bien en la donation d’une somme d’argent, dès lors que ce n’est pas la somme d’argent donnée, mais le jeu de l’accession qui a permis à la donataire d’acquérir la propriété du bien construit sur le terrain dont elle était déjà propriétaire.

Il en résulte que la donation des fonds ayant servi à la construction de l’immeuble de Mme [H] [X] est rapportable pour la valeur de remboursement de l’emprunt, en application de l’article 860-1 précité, et non de la valeur de la construction, et qu’il n’y a pas lieu, par voie de conséquence, d’évaluer celle-ci à l’époque du partage.

La décision déférée sera infirmée de ces chefs.

Sur le rapport des dons manuels reçus par Mme [H] [X]

En premier lieu, Mme [V] [X] conteste le montant retenu par le tribunal, à hauteur de 48 713,47 €, des dons manuels reçus par sa s’ur, en encaissant des chèques émis par son père à son profit, pour un total qu’elle entend voir fixer, au regard des relevés des comptes bancaires de son père et de sa s’ur, entre 2006 et 2012, à la somme de 79 413,48 € dont sa s’ur [H] devra le rapport, et fait valoir, au-delà de cette somme, la nécessité d’ordonner une expertise des comptes bancaires de Mme [H] [X], afin d’établir l’ampleur réelle des dons perçus.

Les parties s’accordent pour ne pas discuter le montant des dons manuels réalisés par chèques émis par le défunt au bénéfice de sa fille [H], retenus par les premiers juges pour un total de 48 713,47 euros, soit 25 chèques émis entre le 24 septembre 2005 et le 4 février 2012.

Mme [V] [X] estime toutefois, comme en première instance, que la concordance relevée dans les dates d’émission et d’encaissement des chèques doit être étendue à 31 chèques et non seulement aux 25 chèques retenus, portant le total des sommes données à 79 413,48 euros.

Il convient toutefois de confirmer la décision déférée dans son analyse des mouvements bancaires soumis à la cour, identiques à ceux produits en première instance, dès lors qu’en dehors des 25 chèques retenus, il n’existait aucune certitude sur le fait que Mme [H] [X] ait été la bénéficiaire des chèques supplémentaires, dont les montants ne coïncident pas, la cour n’étant pas en mesure, au vu des seuls relevés bancaires, de connaître le contenu de bordereaux de remises de chèques non produits aux débats et, par suite, d’en attribuer le total à la bénéficiaire désignée par l’intimée.

Ainsi, Mme [V] [X], à laquelle revient la charge de la preuve, ne démontre pas la réalité des sommes prétendument données à sa s’ur sur le surplus des chèques litigieux.

Le jugement sera en conséquence confirmé quant au montant des sommes données par chèques et en ce qu’il a débouté Mme [V] [X] de sa demande d’expertise de l’ensemble des comptes bancaires de sa s’ur, cette mesure d’instruction ne pouvant pallier sa carence à produire un début de preuve justifiant ses prétentions de dons plus larges.

Elle affirme par ailleurs que l’absence de capacités financières de Mme [H] [X] au cours de la période de remboursement du prêt souscrit pour l’acquisition de son terrain, entre 1992 et octobre 2007, date de la dernière échéance de remboursement dudit prêt, ainsi que la carence de sa s’ur à verser aux débats le contrat de prêt, indices auxquels s’ajoutent les rentrées d’argent dont a bénéficié M. [F] [X], à la suite de la vente de deux biens immobiliers en 1990 et 1992, impliquent que celui-ci a financé également le remboursement de l’acquisition du terrain dont sa s’ur doit également le rapport.

Il est désormais établi que le prêt souscrit par Mme [H] [X] auprès de la BNP (pièce n° 48) pour l’acquisition du terrain, d’un montant de 150 000 francs, était remboursable, par mensualités de 1 649,84 francs, entre octobre 1991 et juin 2006, expliquant que les relevés de comptes BNP de Mme [H] [X], produits à compter de décembre 2006 (pièces n° 54 et 55), ne portent pas trace des remboursement d’échéances. C’est d’ailleurs à compter de décembre 2006 que ces relevés bancaires ont permis d’établir la réalité de dons manuels réalisés par chèques en faveur de [H].

Il en résulte que Mme [V] ne rapporte aucun élément de preuve démontrant le règlement, par son père, entre 1991 et juin 2006, des échéances du prêt souscrit par Mme [H] [X] pour l’acquisition du terrain, les déductions hâtives qu’elle tire des revenus, partiellement connus, de sa s’ur entre 1992 et 2000, et de sa capacité d’endettement qu’elle estime insuffisante, à cette période, à faire face à ces remboursement, ne constituant pas un début de preuve, propre à établir la réalité des donations prétendues.

Elle prétend enfin que les sommes perçues au titre de ces dons manuels bénéficient d’une présomption d’intention libérale de leur auteur et ne revêtent aucun caractère rémunératoire, en ce qu’ils excèderaient la piété filiale.

Aux termes de l’article 852 du code civil, les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipent, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.

La libéralité peut ainsi être qualifiée de rémunératoire si le donateur est animé de la volonté de rémunérer un service rendu à la double condition que les services qu’elle a pour objet de compenser soient appréciables en argent et que son montant n’excède pas la valeur des services rendus.

La libéralité rémunératoire n’est pas soumise au rapport.

En l’espèce, le tribunal a écarté la présomption d’intention libérale du donateur sur ce fondement, estimant que le caractère rémunératoire des chèques émis par son père à son profit résulte de l’aide apportée par Mme [H] [X] à son père, en hébergeant celui-ci à son domicile pendant plus de 10 ans, en lui apportant une assistance quotidienne renforcée par sa perte d’autonomie au cours de ses deux dernières années de sa vie, cette aide excédant les exigences de la piété familiale.

L’analyse des premiers juges doit également être confirmée, en ce qu’elle a pu déduire des pièces versées par les parties à la procédure, sans que celles-ci ne soient contredites par celles produites en appel, les éléments suivants :

La prise en charge de M. [F] [X] par sa fille [H], a duré au moins dix ans, au domicile de celle-ci,

Certains des chèques tirés par M. [X], entre 2005 et 2007, ont été faits au profit de la Lyonnaise des eaux et caractérisent ainsi sa participation à des charges courantes d’entretien du domicile qu’il occupait avec sa fille ; que ces prélèvements ne sont pas retrouvés pour la période postérieure,

Mme [H] [X] disposait d’une procuration sur les comptes de son père et à ce titre a signé 7 chèques, entre le 16 mars 2010 et le 4 février 2012, à son ordre, dont seuls ceux crédités sur son compte ont été, à juste titre retenus par les premiers juges comme constituant des donations,

Le montant des chèques émis sur le compte de M. [X] au profit de sa fille [H] ont augmenté en valeur, passant de 600 euros en moyenne chaque mois en 2006 à 1 500 euros à partir de 2010 et jusqu’à son décès en 2012, alors même qu’il est établi que le de cujus a réellement perdu son autonomie au cours des deux dernières années de sa vie, aggravant ainsi les frais de prise en charge matérielle et médicale ; la cour ajoute que les relevés de comptes de M. [X] au cours de ses dernières années de vie confirment que l’essentiel de ses frais d’entretien étaient réglés par les sommes remises à sa fille [H], les autres sommes débitées de son compte correspondant pour l’essentiel à ses frais d’assurance (GMF) et à sa mutuelle Ociane.

Il en ressort que sur l’ensemble de la période au cours de laquelle Mme [H] [X] a géré, sans l’aide de ses frère et s’ur, le quotidien de son père, soit a minima 10 ans, elle a perçu, de façon certaine, la somme de 48 713,47 euros, laquelle, ramenée aux 6 ans et demi de chèques encaissés, correspond à la somme mensuelle de 624 euros.

Cette somme, fût-elle plus importante au fur et à mesure que M. [X] devenait de moins en moins autonome, y compris pour gérer financièrement ses affaires, pour atteindre avant son décès la somme de 1 500 euros en moyenne et par mois, n’apparaît pas disproportionnée à ses revenus, sa retraite atteignant à peine 1 500 euros par mois, et n’ont pas conduit à l’appauvrissement de leur auteur, dont le solde du compte bancaire demeurait positif à son décès.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement, en ce qu’il a justement considéré que les sommes remises par M. [X] à sa fille [H], pour une montant de 48 713,47 euros, ont contribué, dans leur totalité, à rémunérer des frais d’entretien et doivent, de ce fait, être dispensées de tout rapport.

Sur le rapport des sommes perçues par Mme [V] [X] épouse [K] :

Sur les prêts consentis

Mme [H] [X] prétend que sa s’ur [V] doit rapporter à la succession de son père, au titre d’emprunts non remboursés ou remboursés partiellement, les sommes restant dues qu’elle qualifie de donations, soit :

– 26 000 francs (3 963,67 €) avec intérêts au taux légal au titre du prêt d’une somme de 35 000 francs consenti en 1976 par M. [F] [X] à M. [K] [S] et son épouse [V] [X],

– 47 166 francs (7 190,40 €) restant due par les époux [K] pour les versements mensuels qu’ils auraient reçu du défunt, remboursés à hauteur de 640,40 francs entre le 1er mars 1973 et le 1er février 1979, puis de 590,40 francs su 1er mars 1979 au 1er avril 1983 (pièces 5 et 6 de l’appelante),

– 15 000 francs prêtés à M. [K] [S] et à M. [P] [S] suivant reconnaissance de dette en date du 2 mai 1972.

Mme [V] [X] soulève la prescription du recouvrement de ces sommes au jour de l’ouverture de la succession et, en tout état de cause, l’absence d’intention libérale justifiant leur rapport.

– sur la prescription :

Le tribunal a estimé, «à titre surabondant» les demandes prescrites, en application des dispositions de l’article 2277 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 applicable aux faits de l’espèce, analysant toutefois à tort les demandes comme une action en paiement de sommes prêtées.

La prescription constituant une fin de non-recevoir, elle doit être soulevée avant toute défense au fond.

Or, Mme [H] [X] sollicitant le rapport de sommes qu’elle prétend devoir être rapportées par sa s’ur [V] au titre de libéralités consenties par leur père à sa fille [V] et (ou) à son gendre [S] M. [K], la prescription de l’article 2277 n’est pas applicable aux demandes de rapport, lesquelles naissent au jour du décès de leur auteur, dans le cadre du règlement de sa succession et de la détermination de l’actif successoral à partager.

Dès lors, les demandes de Mme [H] [X] ne sont pas prescrites et doivent être examinées au fond.

– sur le rapport des sommes perçues :

Il est acquis par la jurisprudence que les prêts consentis par le de cujus à l’un des héritiers, non remboursés, font présumer l’intention libérale du prêteur et constituent ainsi des donations rapportables à sa succession.

L’intention libérale ne peut toutefois résulter que de la preuve de l’absence de remboursement ou de la dispense de remboursement accordée par le prêteur aux emprunteurs.

En l’espèce, s’agissant en premier lieu du prêt d’une somme de 35 000 francs, l’attestation établie par M. [F] [X] en date du 18 juin 1978, confirme la réalité du prêt consenti à M. [K] [S] et son épouse, ainsi qu’au remboursement mensuel de ce prêt, depuis le 31 décembre 1976, par M. [K] [S], à hauteur de 500 euros par mois.

Ce seul document (pièce n° 4) ne suffit pas à établir l’absence de remboursements ultérieurs, et, à défaut de toute pièce bancaire confirmant l’absence de remboursement, l’intention libérale du prêteur ne peut être démontrée.

Le même raisonnement, sauf à inverser la charge de la preuve, doit conduire à débouter Mme [H] [X] de ces demandes de rapport fondées sur des feuillets manuscrits émanant du prêteur, mais à des dates déterminées, ne préjugeant pas des remboursements éventuels ultérieurs, dont l’absence n’est pas davantage démontrée pour la somme de 47 166 francs (7 190,40 €) restant due par les époux [K].

Enfin, la reconnaissance de dette de 15 000 francs, signée le 2 mai 1972 par M. [K] et M. [L] [J], ne peut engager Mme [V] [X], alors même qu’elle n’était pas l’épouse de l’un des emprunteurs à cette date. La demande de rapport présentée contre elle n’est donc pas recevable.

Il convient en conséquence, de confirmer, pour les motifs ainsi énoncés, le débouté des demandes de rapport portant sur l’ensemble de ces sommes d’argent.

Sur l’occupation à titre gratuit de l’immeuble situé à [Localité 8]

Mme [H] [X] sollicite la réformation du jugement qui a retenu la qualification de prêt à usage de l’immeuble du de cujus situé à [Localité 8] et occupé à titre gratuit par Mme [V] [X] et sa famille de décembre 1976 à juillet 1990, estimant que la gratuité de l’occupation ne caractérise pas un prêt à usage, mais rend Mme [V] [X] redevable d’une indemnité d’occupation correspondant à l’avantage perçu par sa bénéficiaire, sans contrepartie.

Mme [V] [X] conclut à la confirmation du jugement qui a retenu la réalité du prêt à usage.

Le prêt à usage ou commodat est défini à l’article 1875 du code civil comme étant un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi.

En l’espèce, la pièce n° 4 de l’appelante est le seul document faisant référence au prêt de l’immeuble de [Localité 8] par M. [F] [X], lequel attestait en date du 18 juin 1978 que «l’immeuble dont je suis propriétaire sis à [Adresse 3] est occupé depuis le 01/12/1976 par ma fille [V] [X] et son époux [K] [S] ainsi que leurs enfants, ce à titre gracieux. Les charges afférentes à cette habitation étant entièrement à leur charge, à savoir électricité, gaz, eau et chauffage».

La qualification de prêt à usage résulte ainsi de la mise à disposition gratuite de l’immeuble sans contrepartie pour l’usage des lieux, les occupants ne réglant que les charges de fluides. Cette mise à disposition a eu pour terme l’achat du bien par Mme [V] [X] et son époux le 5 juillet 1990.

La réalité du prêt à usage est par ailleurs déduite, à la lecture de l’attestation du 18 juin 1978, de la suite de cette attestation, précisant «de plus», qu’en raison des difficultés professionnelles connues par les époux [K] de 1974 à 1976, M. [X] leur avait consenti un prêt de 35 000 francs remboursable.

L’ensemble de ce document témoigne donc de la volonté exprimée par le prêteur de justifier des prêts consentis aux époux [K], excluant ainsi toute intention libérale.

L’existence du contrat de prêt à usage justifie en conséquence le rejet de la qualification d’avantage indirect rapportable.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le prix de vente de l’immeuble de [Localité 8] et sur les loyers des garages

Il est établi que par acte notarié en date du 5 juillet 1990, Mme [V] [X], épouse [K], a acheté à son père et ainsi fait l’acquisition du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 8], comprenant :

«Maison d’habitation composée d’un rez de chaussée de trois pièces avec chambre au-dessus

Et d’une autre construction à côté comprenant deux pièces au rez de chaussée, cave et buanderie,

Cour avec jardin», au prix de 200 000 francs.

Pour solliciter la requalification de la vente en donation déguisée, l’appelante soutient que :

– l’immeuble a été acheté par sa soeur à leur père à vil prix dès lors qu’il avait été estimé à 300.000 francs le 11 décembre 1987 sans prise en compte des revenus locatifs,

– [V] a acquis la totalité de la propriété comprenant les garages en location,

– cette sous-évaluation témoigne d’une intention libérale du défunt,

– cette libéralité devra être rapportée en application de l’article 860 alinéa 2, [V] ayant vendu le bien avant l’ouverture du partage.

Il convient toutefois de confirmer l’analyse des premiers juges, lesquels ont rejeté la demande de requalification de la vente en donation, au motif principal que l’évaluation par huissier (pièce n° 12 de l’appelante), qui fixait à un montant maximum de 300 000 francs la valeur de la propriété en 1987, concernait l’entière propriété immobilière des 14 et [Adresse 3], le n° 16 étant constitué d’une parcelle sur laquelle étaient édifiés 15 boxes (garages) loués mensuellement 144,80 francs HT, alors que l’acte de vente signé en 1990 ne concernait que le seul n° 14 correspondant à la maison d’habitation, à l’exclusion des garages.

Le tribunal a par ailleurs justement relevé que l’estimation produite mentionnait l’état très rudimentaire du bien immobilier et la réalité de travaux réalisés par les époux [K].

S’agissant des loyers des 15 garages du [Adresse 3], il a été démontré que ceux-ci ne figurait pas dans l’acte de vente du bien immobilier cédé par M. [F] [X] à sa fille [V].

L’appelante produit toutefois une lettre signée «[V]» datée du 20 mars 1990, dont la qualité de rédactrice n’est pas discutée par l’intimée, transmettant à M. [X] un courrier type informant les locataires de la vente de l’ensemble des garages et de la maison du [Adresse 3] à sa fille, Mme [K], née [X] et la perception des loyers par celle-ci à compter du’..(non renseigné).

Il est toutefois constant que ce courrier type, non daté ni renseigné ni signé, a été transmis à M. [X] antérieurement à la vente, laquelle n’a pas inclus les garages dans les biens cédés.

Mme [H] [X] n’établit pas, par d’autre élément de preuve, que les loyers des garages aient été, postérieurement à la vente de l’immeuble d’habitation, encaissés par sa s’ur [V].

Il convient dès lors de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les deux parties ayant échoué, pour l’essentiel, dans leurs prétentions d’appel, les dépens de l’instance seront partagés par moitié entre les parties.

L’issue du litige et l’équité commandent de laisser à la charge de chacune des parties les frais avancés par elle et non compris dans les dépens. Elles seront déboutées de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, à l’exception des dispositions relatives :

au rapport du par Mme [H] [X] à la succession de M. [F] [X] de la valeur de la maison objet de la donation à la date la plus proche du partage,

à l’expertise confiée à M. [Y] pour déterminer la valeur vénale de la maison d’habitation sise à [Localité 12], cadastré section [Cadastre 6] ;

L’infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [H] [X] doit rapport à la succession de M. [F] [X] de la somme de 28 965 euros ;

Dit n’y avoir lieu, en conséquence, à l’expertise du bien immobilier sis à [Localité 12] ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens de l’appel seront partagés par moitié entre les parties ;

Déboute les parties de toute autre demande.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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