Droits des héritiers : 10 juillet 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00848

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Droits des héritiers : 10 juillet 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00848

10 juillet 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
20/00848

COUR D’APPEL

D’ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

LP/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/00848 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EVUH

Jugement du 30 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de LAVAL

n° d’inscription au RG de première instance : 19/00178

ARRET DU 10 JUILLET 2023

APPELANTE :

Mme [K] [M] épouse [Y]

née le 20 Septembre 1949 à [Localité 19] (61)

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS, et par Me Patrice LECHARTRE, avocat plaidant au barreau de LAVAL

INTIMES :

Mme [H] [M] épouse [C]

née le 12 Novembre 1950 à [Localité 19] (61)

[Adresse 8]

[Localité 13]

Mme [JH] [M] divorcée [R]

née le 30 Juin 1952 à [Localité 19] (61)

[Adresse 7]

[Localité 13]

Représentées par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué à l’audience par Me Audrey PARIN, avocats au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71200272

M. [U] [M]

né le 30 Avril 1957 à [Localité 20] (53)

[Adresse 9]

[Localité 10]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/003610 du 08/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

Représenté par Me Claire PENARD de la SCP PENARD CLAIRE, avocat au barreau de LAVAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 11 Mai 2023, Mme PARINGAUX, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme BUJACOUX, conseillère

Mme PARINGAUX, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 10 juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [CF] [M], né le 20 août 1920 à [Localité 17] (53), veuf en uniques noces de Mme [Z] [F] décédée le 15 janvier 1999, est décédé le 2 juillet 2017 à [Localité 16] (53) laissant pour lui succéder ses quatre enfants :

– Mme [K] [M] épouse [Y], née le 20 septembre 1949 à [Localité 19] (61) 

– Mme [H] [M] épouse [C], née le 12 novembre 1950 à [Localité 19] (61)

– Mme [JH] [M], née le 30 juin 1952 à [Localité 19] (61)

– M.[U] [M], né le 30 avril 1957 à [Localité 20] (53)

M. [CF] [M] et son épouse ont eu deux autres enfants M. [T] [M], né le 5 août 1948 ,et M. [V] [M], né le 9 octobre 1954, décédés en 1989 sans postérité.

Le 29 octobre 2010, M. [CF] [M] a signé une procuration générale sur tous ses comptes actuels et futurs au Crédit Mutuel Maine Anjou Basse Normandie donnée à sa fille Mme [H] [M] épouse [C].

Le 8 février 2013 M. [CF] [M] est entré à l’EHPAD [15] à [Localité 14] (53).

Le 20 septembre 2013, Maître [X] [P], notaire à [Localité 16], a reçu un mandat de protection future établi par M. [CF] [M] désignant comme mandataire sa fille Mme [H] [M] épouse [C] ou à défaut son autre fille Mme [JH] [M].

Ce mandat n’a pas été activé.

Le 7 mars 2014, M. [CF] [M] a signé une procuration générale donnant pouvoir à sa fille Mme [JH] [M] sur tous ses comptes au Crédit Mutuel.

Maître [P], chargé du règlement de la succession de M. [CF] [M], a établi un projet de déclaration de succession en 2018 dans lequel il a indiqué que le défunt n’avait laissé aucune disposition de dernières volontés comme vérifié auprès du fichier central des testaments le 21 juillet 2017, et ont été recensés dans l’actif successoral notamment :

– les cinq/huitièmes (5/8) en pleine propriété d’une maison d’habitation située au [Adresse 5] à [Localité 16], évaluée à la somme de 65 000 euros ;

– des avoirs sur des comptes bancaires détenus auprès du Crédit Mutuel ;

– un contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons n° OJ 6930759 souscrit le 9 février 2007 auprès des ACM Vie, avec un montant total de primes versées de 70 000 euros.

Par sommation du 5 avril 2018, Mmes [H] [M] épouse [C], [JH] [M] et M. [U] [M] ont enjoint à leur soeur Mme [K] [M] épouse [Y] de prendre parti au regard de la succession de leur père, ou de solliciter un délai supplémentaire, afin de prendre parti, auprès du président du tribunal de grande instance de Laval en la forme des référés.

Mme [K] [M] épouse [Y] a fait répondre par son avocat qu’elle déplorait le refus de ses soeurs, et en particulier [H], de lui fournir des informations sur la façon dont elle avait utilisé les procurations dont elle bénéficiait, relevant un nombre important de retraits sur les comptes bancaires du défunt, ainsi qu’un virement de 79 650 euros le 24 août 2015 sur un contrat d’assurance vie.

Maître [P], par courrier du 2 juillet 2018 accompagné de courriers du Crédit Mutuel adressés à M. [CF] [M], a répondu à Mme [K] [M] épouse [Y] que les retraits avaient été opérés par ses deux soeurs sur les comptes de leur père pour ses dépenses du quotidien et que le virement de 79 650 euros a alimenté le contrat d’assurance vie ‘Libre Assur’ n° LL 62125 au Crédit Mutuel, transformé en Plan Assur Horizons au Crédit Mutuel, dont Mmes [H] et [JH] [M] sont les bénéficiaires.

Il a précisé que ce contrat était l’unique contrat d’assurance vie du défunt et qu’un retrait de 10 000 euros de ce contrat vers le compte courant de M. [CF] [M] a été effectué le 30 juin 2017.

Mme [K] [M] épouse [Y] s’est fait remettre le 3 juillet 2018 par l’EHPAD [15] d'[Localité 14], copie du dossier médical de son père.

Le 17 juillet 2018 le notaire a transmis à Mme [K] [M] épouse [Y] copie d’un avenant du 10 mai 2005 au contrat Libr Assur souscrit par M. [CF] [M] aux termes duquel il désignait comme bénéficiaires Mme [H] [M] épouse [C] et Mme [JH] [R] (née [M] à l’époque mariée à M. [R]).

Au cours d’un entretien le 30 juillet 2018 avec la chargée de clientèle de son père au Crédit Mutuel, Mme [K] [M] épouse [Y] a eu connaissance d’un avenant du 21 août 2015 au contrat d’assurance vie souscrit le 9 février 2007, l’avenant du 10 mai 2005 concernant selon elle un ancien contrat d’assurance vie.

Mme [K] [M] épouse [Y] a obtenu du Crédit Mutuel copie de l’avenant de modification du contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons daté du 21 août 2015 instituant ses deux soeurs comme bénéficiaires, sur lequel elle a relevé que la signature de leur père était tremblante et méconnaissable.

Par courrier du 31 juillet 2018, le conseil de Mme [K] [M] épouse [Y] a demandé à Maître [P] de lui adresser copie du contrat d’assurance vie initial souscrit le 9 février 2007 par M. [CF] [M].

Par courrier du 6 septembre 2018, Maître [P] a indiqué au conseil de Mme [K] [M] épouse [Y], que ses clientes Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] lui avaient confirmé ne détenir que l’avenant du 10 mai 2005 déjà transmis par courrier du 17 juillet 2018.

Mme [K] [M] épouse [Y] a demandé à ses soeurs de restituer les sommes qu’elle estimait indûment perçues et d’annuler l’avenant au contrat d’assurance vie du 21 août 2015, sans obtenir satisfaction.

Par actes du 25 mars 2019, Mme [K] [M] épouse [Y] a fait assigner Mme [H] [M] épouse [C], Mme [JH] [M] et M. [U] [M] devant le tribunal de grande instance de Laval.

Aux termes de ses écritures Mme [K] [M] épouse [Y] a demandé au tribunal de :

– ordonner le partage judiciaire de la succession de M. [CF] [M] décédé le 2 juillet 2017 avec désignation de Maître [P], notaire à [Localité 16], sous la surveillance du président ou d’un juge ;

– enjoindre à [H] et [JH] [M] sous astreinte de 50 euros par jour de retard à communiquer copie du contrat d’assurance vie souscrit le 9 février 2007 par le de cujus dont il est fait mention dans la déclaration de succession établie par Maître [P] le 2 juillet 2017, page 5, ainsi que des lettres des ACM transmettant aux bénéficiaires les capitaux ;

– déclarer nul pour insanité d’esprit l’avenant de modification de bénéficiaire signé entre les mains du Crédit Mutuel ou des ACM le 21 août 2015 et concernant le contrat d’assurance vie à effet du 9 février 2007 ;

– condamner en conséquence [H] et [JH] [M] à restituer la moitié de la somme de 70 000 euros versées par les ACM au titre du contrat d’assurance vie, soit la somme de 35 000 euros, la moitié de celle-ci revenant à [K] [M] et l’autre moitié devant revenir à [U] [M], outre intérêts au taux légal depuis le 2 juillet 2017 ;

– condamner en tant que de besoin [H] [C] à verser 17 500 euros à [K] [M] et [JH] [M] à verser 17 500 euros à [U] [M], outre les intérêts au taux légal depuis le 2 juillet 2017 ;

– condamner [H] [M] à rapporter à la succession la somme de 15 577,84 euros indûment prélevée pour 11 900 euros et ceci pour la période 2013 jusqu’au 5 mars 2014, et s’agissant de la somme de 3 677,84 euros reçue par divers chèques qu’elle s’est établie elle même à son profit ;

– condamner solidairement [H] et [JH] [M] à rapporter à la succession pour la période ayant commencé à courir le 7 mars 2014 jusqu’au décès de [CF] [M] la somme de 15 490 euros, sachant qu’elles s’en sont accaparées en vertu des procurations qu’elles ont utilisées sans activer le mandat de protection future dont elles bénéficiaient, malgré l’importante dégradation de l’état de santé de leur père ;

– décider que pour les sommes ci-avant, c’est à dire 15 577 + 15 490 euros, [JH] et [H] [M] se verront appliquer la sanction du recel successoral et qu’elles ne pourront donc en aucun cas prétendre à la moindre part dans le cadre du partage ;

– les condamner également à rapporter à la succession les intérêts produits par les sommes recelées depuis le 2 juillet 2017 ;

– condamner solidairement ou in solidum [H] et [JH] [M] à régler une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Delafond Lechartre Gilet ;

– assortir le jugement à intervenir de l’exécution provisoire.

Les défendeurs, régulièrement cités conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile, n’ont pas constitué avocat.

Par jugement du 30 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Laval a :

– déclaré irrecevable l’action en nullité de l’avenant de modification de bénéficiaire signé entre les mains du Crédit Mutuel ou des ACM le 21 août 2015 et concernant le contrat d’assurance vie à effet du 9 février 2007 ;

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [CF] [M], né le 20 août 1920 à [Localité 17] et décédé le 2 juillet 2017 à [Localité 16] ;

– désigné Maître [P], notaire à [Localité 16], pour procéder aux dites opérations ;

– commis Mme [D] [W], vice-présidente, pour surveiller ces opérations ;

– rejeté toutes les autres demandes de Mme [K] [M] épouse [Y] ;

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d’appel d’Angers le 7 juillet 2020, Mme [K] [M] épouse [Y] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle : ‘déclare irrecevable l’action en nullité de l’avenant de modification de bénéficiaire signé entre les mains du Crédit Mutuel ou des ACM le 21 août 2015 et concernant le contrat d’assurance vie à effet du 9 février 2007 – rejette toutes les autres demandes d'[K] [M] épouse [Y]- ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage – rejette ce faisant les demandes d'[K] [M] tendant à voir : – enjoindre à [H] et [JH] [M] sous astreinte à communiquer copie du contrat d’assurance vie souscrit le 9 février 2007 ainsi que des lettres des ACM transmettant aux bénéficiaires les capitaux – déclarer nul pour insanité d’esprit l’avenant de modification de bénéficiaire signé entre les mains du Crédit mutuel ou des ACM le 21 août 2015 et concernant le contrat d’assurance vie à effet du 9 février 2007- condamner en conséquence [H] et [JH] [M] à restituer la moitié de la somme de 70 000 euros versée par les ACM au titre du contrat d’assurance vie, soit la somme de 35 sa000 euros à revenir pour moitié à [K] [M] et pour l’autre moitié à [U] [M], avec intérêts – condamner en tant que de besoin [H] [C] à verser 17 500 euros à [K] [M] et [JH] [M] à verser 17 500 euros à [U] [M], outre les intérêts – condamner [H] [M] à rapporter à la succession la somme de 15 577,84 euros indûment prélevée pour 11 900 euros et ceci pour la période 2013 jusqu’au 5 mars 2014, et s’agissant de la somme de 3 677,84 euros reçue par divers chèques qu’elle s’est établie elle-même à son profit – condamner solidairement [H] et [JH] [M] à rapporter à la succession pour la période ayant commencé à courir le 7 mars 2014 jusqu’au décès de [CF] [M] la somme de 15 490 euros, qu’elles se sont accaparées en vertu des procurations qu’elles ont utilisées sans activer le mandat de protection future dont elles bénéficiaient, malgré l’importante dégradation de santé de leur père – décider que pour les sommes ci-avant, c’est à dire 15 577 euros et 15 490 euros, [JH] et [H] [M] se verront appliquer la sanction du recel successoral et qu’elles ne pourront donc en aucun cas prétendre à la moindre part dans le cadre du partage – les condamner également à rapporter à la succession les intérêts produits par les sommes recelées -condamner solidairement ou in solidum [H] et [JH] [M] au paiement d’une indemnité de procédure de 4 000 euros, ainsi qu’aux dépens. Les pièces sont celles produites par la requérante en première instance, outre celles qui le seront en cause d’appel et la décision en annexe’.

Mme [H] [M] épouse [C] et Mme [JH] [M] ont constitué avocat commun le 2 septembre 2020.

Mme [K] [M] épouse [Y] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions le 21 octobre 2020 à M. [U] [M]. L’acte a été signifié à sa personne.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] ont fait signifier leurs conclusions le 21 janvier 2021 à M. [U] [M].

M. [U] [M] a constitué avocat le 30 mars 2021 et déposé ses conclusions le 2 avril 2021.

Par ordonnance du 10 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevables, sur le fondement de l’article 909 du code de procédure civile, les conclusions de M. [U] [M] en date du 2 avril 2021.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 mai 2023 et l’affaire a été fixée pour plaidoiries à l’audience du 11 mai 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 6 février 2023, Mme [K] [M] épouse [Y] demande à la présente juridiction de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel formalisé par Mme [K] [M] épouse [Y] contre le jugement du tribunal de grande instance de Laval du 30 décembre 2019 ;

Par conséquent,

– confirmer le jugement du 30 décembre 2019 en ce qu’il a :

‘ ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [CF] [M], né le 20 août 1920 à [Localité 17] et décédé le 2 juillet 2017 à [Localité 16] ;

‘ désigné Maître [P], notaire à [Localité 16], pour procéder aux dites opérations ;

‘ commis Mme [D] [W], vice-président, pour surveiller ces opérations ;

– infirmer toutefois le jugement déféré en ce qu’il a :

‘ déclaré irrecevable l’action en nullité de l’avenant de modification de bénéficiaire signé entre les mains du Crédit Mutuel ou des ACM le 21 août 2015 et concernant le contrat d’assurance vie à effet du 9 février 2007 ;

‘ rejeté toutes les autres demandes d'[K] [M] épouse [Y] ;

‘ ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;

Et statuant à nouveau,

– condamner sous astreinte de 50 euros par jour de retard Mmes [H] [C] et [JH] [M], solidairement, à communiquer une copie du contrat d’assurance vie souscrit le 9 février 2007 par le de cujus dont il a été fait mention dans la déclaration de succession établie le 2 juillet 2015 (sic) page 5 ainsi que les lettres des ACM transmettant aux deux bénéficiaires les capitaux provenant dudit contrat d’assurance vie ;

– déclarer nul pour insanité d’esprit l’avenant de modification des bénéficiaires signé entre les mains du Crédit Mutuel ou des ACM le 21 août 2015 et concernant le contrat d’assurance vie du 9 février 2007 sachant que la signature tremblante et méconnaissable constitue un élément intrinsèque de l’altération mentale qui doit être combinée avec d’autres éléments notamment le dossier médical ;

– condamner en tant que de besoin [H] [C] à verser 17 500 euros à [K] [Y] et [JH] [M] à verser 17 500 euros à [U] [M], outre les intérêts au taux légal depuis le 2 juillet 2017 ;

– condamner Mme [H] [C] à rapporter à la succession la somme de 15 577,84 euros indûment prélevée pour 11 900 euros et ceci pour la période 2013 jusqu’au 5 mars 2014, et s’agissant de la somme de 3 677,84 euros reçue par divers chèques qu’elle s’est établie elle-même, à son profit ;

– condamner solidairement Mme [H] [C] et [JH] [M] à rapporter à la succession pour la période ayant commencé à courir le 7 mars 2014 jusqu’au décès de [CF] [M] la somme de 15 490 euros, sachant qu’elles s’en sont accaparées en vertu des procurations qu’elles ont utilisées sans activer le mandat de protection future dont elles bénéficiaient malgré l’importante dégradation de l’état de santé de leur père [CF] [M] ;

– décider que pour les sommes ci-avant, c’est à dire 15 577 euros + 15 490 euros, Mmes [H] [C] et [JH] [M] se verront appliquer la sanction du recel successoral prévue à l’article 778 du code civil et qu’elles ne pourront donc en aucun cas prétendre à la moindre part dans le cadre du partage ;

– les condamner également à rapporter à la succession les intérêts produits par les sommes recelées depuis le 2 juillet 2017 ;

En toutes hypothèse,

– débouter [H] [C] et [JH] [M] de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner solidairement ou in solidum [H] [C] et [JH] [M] à régler une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel ainsi que les entiers dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 4 janvier 2021, Mme [H] [M] épouse [C] et Mme [JH] [M] demandent à la présente juridiction de :

– accueillir Mmes [H] [M] et [JH] [M] en leurs conclusions ;

– dire et juger Mme [K] [M] mal fondée en son appel ;

– débouter Mme [K] [M] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

– confirmer le jugement rendu le 30 décembre 2019 confirmé en l’ensemble de ses dispositions ;

Y ajoutant,

– condamner Mme [K] [M] à payer à Mme [H] [M] et à Mme [JH] [M] chacune la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’injonction de communication de pièces

L’article 11 du code de procédure civile dispose que : ‘Les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime’.

L’article 132 du code de procédure civile dispose que : ‘La partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance. La communication des pièces doit être spontanée’.

Le juge dispose, en matière de production forcée, d’une simple faculté dont l’exercice est laissé à son pouvoir discrétionnaire (Cass Civ 1ère 4 décembre 1973).

Mme [K] [M] épouse [Y] demande que Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] soient condamnées à lui communiquer une copie du contrat d’assurance vie du 9 février 2007 souscrit par M. [CF] [M] mentionné dans le projet de déclaration de succession établi par Maître [P], ainsi que les lettres des ACM transmettant aux deux bénéficiaires les capitaux provenant dudit contrat d’assurance vie, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Elle fait grief aux parties adverses d’avoir toujours refusé de lui transmettre ces pièces malgré les demandes adressées par son conseil au notaire à cette fin alors qu’elles les détiennent nécessairement, en tous cas le contrat du 9 février 2007, que le notaire n’a pas pu ‘inventer’.

Mme [K] [M] épouse [Y] considère que la communication du contrat du 9 février 2007 est utile pour la suite du dossier car elle permettrait de vérifier que la clause bénéficiaire initiale désignait les quatre enfants de M. [CF] [M] et pas uniquement deux d’entre eux.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] concluent au débouté de cette demande, arguant de ce qu’elles n’ont jamais été en possession du contrat d’assurance vie du 9 février 2007, dont elles n’étaient pas les souscripteurs mais seulement les bénéficiaires.

Elles soutiennent en outre que cette production, qu’il est loisible à l’appelante de solliciter directement auprès de la banque du Crédit Mutuel en application des dispositions des articles 138 et 139 du code de procédure civile, n’est d’aucun intérêt, puisqu’elle est déjà en possession de l’avenant du contrat Plan Assur Horizons n° 6930759 en date du 21 août 2015 permettant d’établir les éléments du contrat d’origine à effet du 9 février 2007 dont les conditions simplement renouvelées sont demeurées inchangées.

Sur ce

Maître [P] a établi un projet de déclaration de la succession de M. [CF] [M] qui est daté de l’année 2018, sans indication du jour et du mois de l’année, mais dont Mme [K] [M] épouse [Y] indique dans ses écritures avoir eu connaissance début 2018, et qui lui a été adressé avec la sommation de prendre parti du 5 avril 2018.

Le notaire en page 5 de ce document mentionne ‘ préalablement à la déclaration, il est exposé ce qui suit : un contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons numéro OJ 6930759 a été souscrit le 9 février 2007 par le défunt auprès des ACM Vie’.

Mesdames [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] ont adressé à Mme [K] [M] épouse [Y] en même temps que la sommation de prendre parti délivrée par ministère d’huissier le 5 avril 2018 et le projet de déclaration de succession :

– un courrier du Crédit Mutuel de [Localité 16] en date du 28 juillet 2017 détaillant l’ensemble des comptes détenus par M. [CF] [M] avec leurs soldes, et invitant leur notaire à contacter directement ACM Vie en ce qui concerne la souscription éventuelle de produits d’assurance vie ;

– le courrier de réponse daté du 17 août 2017 adressé par le Crédit Mutuel pour ACM Vie à Maître [P], qui indique clairement que suite à son interrogation sur l’existence d’un ou des contrats d’assurance vie du défunt, un seul contrat était répertorié, Plan Assur Horizons OJ 6930759 avec une ‘date d’adhésion au 9 février 2007 ‘ et un total de primes versées de 70 000 euros.

C’est donc sur la base de l’interrogation qu’il a effectuée auprès du Crédit Mutuel, dont ACM Vie (Assurances Crédit Mutuel Vie) est une filière, que Maître [P] a mentionné dans son projet de déclaration de succession un contrat d’assurance vie ‘souscrit le 9 février 2007″.

Par courrier du 2 juillet 2018, Maître [P], pour le compte de ses clientes, a communiqué au conseil de Mme [K] [M] épouse [C] :

– un courrier du Crédit Mutuel pour ACM Vie daté du 21 juillet 2015 adressé à M. [CF] [M] dans lequel il est fait mention de son adhésion au contrat Libr Assur n°LL 62125 qui arrive à son terme le 20 août 2015 et pour lequel il est invité soit à réinvestir son capital sur un nouveau produit d’assurance vie, soit à disposer de son capital en demandant le rachat de son adhésion ;

– un courrier du Crédit Mutuel pour ACM Vie du 30 juin 2017 adressé au défunt l’informant que suite à son adhésion au contrat Plan Assur Horizons et à sa demande de rachat partiel, la valeur de son adhésion est estimée à 60 409,98 euros, et que 10 000 euros seront versés sur son compte courant ;

– un courrier du 19 septembre 2017 émanant de la même banque adressé à Mme [H] [C] faisant état d’un versement à son profit de la somme de 30 296,34 euros au titre de sa part sur le capital décès.

Par courrier du 17 juillet 2018 le notaire a communiqué au conseil de l’appelante un avenant au contrat d’assurance vie référencé LL 62 125 Libr Assur daté du 10 mai 2005, remis par Mme [H] [M] épouse [C].

Mme [K] [M] épouse [Y] a obtenu directement du Crédit Mutuel copie de l’avenant de modification du contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons n° d’adhésion OJ 6930759 ‘ date d’effet : 9 février 2007 ‘, daté du 21 août 2015, instituant ses deux soeurs comme bénéficiaires.

Par courrier du 6 septembre 2018 le notaire a indiqué au conseil de Mme [K] [M] épouse [Y] que ses soeurs confirmaient ne détenir que les pièces déjà adressées.

Il apparaît donc à la lumière des investigations réalisées par le notaire auprès du Crédit Mutuel et du Crédit Mutuel pour ACM Vie, que le contrat LL 62125 Libr Assur, dont la date initiale de souscription n’est pas connue, mais qui existait nécessairement au moment de la signature de l’avenant du 10 mai 2005, a été transformé après le 21 juillet 2015, du fait de l’arrivée à son terme, en un nouveau contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons OJ 6930759.

La date du 9 février 2007 qui apparaît dans la copie de l’avenant du 21 août 2015 transmis par le Crédit Mutuel directement à l’appelant comme une’ date d’effet’ et dans le courrier du 17 août 2017 du Crédit Mutuel à Maître [P], comme une ‘date d’adhésion’ , ne peut donc être celle de la date de souscription du contrat initial d’assurance vie LL 62 125 Libr Assur. Mais il n’est pas certain compte tenu des vocables employés qu’elle corresponde à la rédaction formelle d’un contrat, et dans tous les cas elle ne correspond pas à la date de transformation du premier contrat Libr Assur en Plan Assur Horizons opérée après le 21 juillet 2015.

Maître [P] n’a au demeurant jamais indiqué au conseil de l’appelante dans les nombreux courriers échangés qu’il aurait établi son projet de liquidation de la succession sur présentation d’un contrat d’assurance vie du 9 février 2007.

Ainsi Mme [K] [M] épouse [Y] ne rapporte pas la preuve que les intimées détiendraient une copie d’un document supposément établi le 9 février 2007 dont elles refuseraient délibérément de lui donner connaissance.

Par ailleurs, il a été communiqué à l’appelante le courrier d’ACM Vie du 19 septembre 2017 informant Mme [H] [M] épouse [C] du versement de la somme de 30 296,34 euros effectué sur son compte.

La communication des courriers que Mme [JH] [M], bénéficiaire au même titre que sa soeur du contrat d’assurance vie, aurait reçu de ACM Vie, ne présente donc aucun intérêt pour la résolution du litige.

Au surplus la communication de ces pièces n’est pas de nature à éclairer directement sur les conditions dans lesquelles l’avenant contesté du 21 août 2015 a pu être effectué.

Aussi c’est à bon droit que le tribunal de grande instance de Laval a débouté Mme [K] [M] épouse [Y] de sa demande de communication de pièces et le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

En cause d’appel Mme [K] [M] épouse [Y] sera déboutée de sa demande de production forcée de pièces.

Sur la demande de déclaration de nullité de l’avenant du 21 août 2015

L’article 414-1du code civil énonce que : ‘Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte’.

L’article 414-2 du code civil dispose que : ‘De son vivant, l’action en nullité n’appartient qu’à l’intéressé. Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l’acte porte en lui même la preuve d’un trouble mental ;

2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.

L’action en nullité s’éteint par le délai de cinq ans prévu à l’article 2224″.

Mme [K] [M] épouse [Y] demande que l’avenant du 21 août 2015 au contrat d’assurance vie signé par son père soit annulé au motif qu’il n’était pas en état de consentir librement et de manière éclairée à l’instauration de ses deux seules filles [H] et [JH] comme bénéficiaires.

Mme [K] [M] épouse [Y] argue de ce que la signature de son père est méconnaissable et tremblante sur cet avenant, en comparaison de celle figurant dans le document du 10 mai 2005, nette et non tremblante.

Elle indique que le dossier médical de M. [CF] [M] communiqué par la maison de retraite mentionne une importante dégradation de son état de santé survenue en 2014, alors qu’il avait 94 ans, caractérisée notamment par un état de confusion et de désorientation dans le temps.

Mme [K] [M] épouse [Y] met en avant les révélations que lui a faites, lors d’un entretien le 30 juillet 2018, Mme [I] la chargée de clientèle de son père au Crédit Mutuel, qui s’est déclarée choquée par le comportement abusif de ses deux filles [H] et [JH] qui accompagnaient leur père lors de la signature de l’avenant, ce dont son fils, M. [S] [Y], présent lors de cette rencontre atteste.

L’appelante relève enfin qu’il est édifiant que quatre jours seulement après la signature de cet avenant les instituant bénéficiaires à l’exclusion du reste de la fratrie, ses deux soeurs se soient empressées de faire virer sur le contrat d’assurance vie le 25 août 2015 la somme de 79 650 euros provenant du compte épargne de leur père.

Enfin elle souligne que de nombreux témoins attestent de l’état de dégradation mentale de M. [CF] [M] y compris son frère [U] [M], et sauf M. [N] mais qui lui ment, et que l’argument selon lequel le mandat de protection future n’a pas été activé, ne suffit pas à établir que le défunt disposait de ses facultés.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] demandent la confirmation du jugement qui a rejeté la prétention adverse.

Elles considèrent que l’appelante ne rapporte aucunement la preuve de ses allégations tant sur la dégradation de l’état de santé mentale de leur père que sur leurs supposés agissements.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] expliquent que la simple référence à la signature de M. [CF] [M], âgé de 95 ans en 2015, ne peut établir l’insanité d’esprit alléguée.

D’autant que le mandat de protection future du 20 septembre 2013 dressé à leurs demandes n’a jamais eu besoin d’être activé.

Enfin que M. [CF] [M] avait déjà manifesté dans l’avenant du 10 mai 2005 la même volonté que celle exprimée dans l’avenant contesté, à savoir désigner deux de ses enfants, [H] et [JH], comme bénéficiaires de son contrat d’assurance vie.

Sur ce,

Il est acquis que lors de l’établissement de l’avenant du 21 août 2015 M. [CF] [M] n’était pas placé sous sauvegarde de justice, et qu’aucune action aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale n’a été introduite avant son décès le 2 juillet 2017.

Maître [P], notaire à [Localité 16], a reçu le 20 septembre 2013 le mandat de protection future que M. [CF] [M] a fait établir pour lui-même conformément aux dispositions de l’article 477 du code civil, désignant comme mandataires Mme [H] [M] épouse [C] ou à défaut Mme [JH] [M].

L’établissement de ce mandat, sous le contrôle du notaire, qui a vérifié que le mandant n’était pas sous tutelle comme mentionné en page une, démontre qu’à cette date M. [CF] [M] disposait de ses facultés mentales.

Ce mandat de protection future n’a pas pris effet. Ce qui, conformément aux dispositions de l’article 481 du code civil, aurait nécessité qu’après examen du mandant par un médecin inscrit sur la liste annuelle établie par le procureur de la République, que le ou les mandataires adressent au greffe du tribunal judiciaire territorialement compétent ce certificat établissant que le mandant subissait soit une altération de ses facultés mentales, soit une altération de ses facultés corporelles l’empêchant de pourvoir seul à ses intérêts.

Mme [K] [M] épouse [Y] reproche à ses soeurs d’avoir mis en avant dans la famille l’existence rassurante de ce mandat, de sorte que chacun était convaincu de son activation effective.

Hormis ses écritures, l’appelante ne rapporte cependant pas la preuve de cette attitude trompeuse qu’auraient délibérément entretenue ses soeurs.

Pour attaquer l’avenant du 21 août 2015, qui n’est pas une donation entre vifs ou un testament, Mme [K] [M], qui a la qualité d’héritière, doit donc démontrer que l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental dont était affecté M. [CF] [M].

Plusieurs signatures de M. [CF] [M] figurent au dossier, notamment sur l’acte de modification du contrat d’assurance Libr Assur du 10 mai 2005, sur un courrier manuscrit du 19 août 2013 et au bas du mandat de protection future notarié.

La graphie de cette signature, constituée du nom patronymique du défunt, est anguleuse, et seule la signature de 2005 apparaît un peu plus arrondie que les deux autres et soulignée d’un trait ferme.

La graphie de la signature figurant sur l’avenant litigieux du 21 août 2015 conserve son caractère anguleux, encore davantage marqué, et avec une tendance des lettres à tirer vers le haut comme déjà apparue sur la signature dans le courrier de 2013.

M. [CF] [M] était âgé le 21 août 2015 de 95 ans, la dégradation de son geste scriptural dans l’apposition de sa signature peut donc s’expliquer par son avancée en âge, sans que cela traduise nécessairement une insanité d’esprit.

M. [S] [Y], fils de Mme [K] [M] épouse [Y], atteste avoir accompagné sa mère lors d’un entretien le 30 juillet 2018 avec Mme [I] en charge de la clientèle de M. [CF] [M] au Crédit Mutuel de [Localité 16] et qu’elle leur a déclaré au sujet de la signature de l’avenant du 21 août 2015 que : ‘elle avait bien vu que M. [CF] [M] n’était plus le même homme qu’elle avait pu côtoyer auparavant, et qu’il n’allait pas bien physiquement et mentalement.

Pour autant elles (mesdames [C] et [R]) ont demandé que le contrat d’assurance vie soit modifié en leur faveur à toutes les deux, et [CF] [M] a du signer l’avenant sans même savoir ce qu’il signait, vu son état de santé qui était vraiment dégradé. Qu’il avait bien du mal à signer, qu’il n’avait pas les idées claires et qu’il n’était pas là de son plein gré’, au point d’être attristée et même choquée par cette scène et du comportement des deux filles de M. [CF] [M].

Cette attestation n’a cependant pas la valeur qu’aurait pu présenter le témoignage direct de Mme [I].

Il n’est donc pas établi que cette professionnelle ait accepté de recevoir cet avenant dans les conditions extrêmement douteuses relatées par M. [S] [Y].

Mme [K] [M] épouse [Y] produit aux débats des attestations de proches de M. [CF] [M] (son gendre M. [O] [Y], la femme de son petit-fils [S], Mme [A] [Y], M. [LF] compagnon de [L] [Y], petite-fille de M. [M]) qui le décrivent comme particulièrement diminué physiquement quand il est entré à l’EHPAD en 2013 et surtout confus après avoir été victime d’un AVC en 2014.

Cependant Mme [A] [Y] n’est venue le voir qu’à une reprise en 2016, M. [O] [Y] indique être venu le voir de ‘temps à autres’, et M. [LF] évoque seulement deux visites.

M. [U] [M], fils du défunt et intimé dans la présente procédure, a établi le 14 octobre 2022 une attestation dont Mme [K] [M] épouse [Y] fait état pour étayer le fait que son frère aurait lui aussi constaté la dégradation générale de l’état de santé de leur père. Il doit néanmoins être relevé que M. [U] [M], qui est partie à la procédure, n’a pas la qualité de tiers lui permettant de tester valablement dans les conditions de l’article 199 du code de procédure civile.

Les éléments contenus dans son attestation ne peuvent donc être retenus.

Les pièces du dossier médical de M. [CF] [M] versées aux débats établissent qu’il a été hospitalisé à l’hôpital de [Localité 16] du 27 novembre au 9 décembre 2014 pour un bilan de chutes et de confusion, chez un patient connu du personnel soignant de la maison de retraite comme désorienté dans le temps et l’espace.

Le compte rendu médical a conclu au retour du patient à l’EHPAD évoquant, après la réalisation d’un scanner, un probable AVC survenu depuis le dernier scanner réalisé le 14 janvier 2013.

M. [CF] [M] a de nouveau été hospitalisé du 31 août au 9 septembre 2016 dans le même hôpital pour une bronchopneumopathie aigue, sans qu’une pathologie neurodégénérative ou une suspicion de démence sénile ne soit évoquées dans le compte rendu de sortie, qui ne contient aucun développement sur son état de santé mental, hormis la qualification laconique de ‘ patient dément’ figurant dans la mention du remplacement d’un médicament, le Lantus, à la place de la Metformine.

Les factures de l’EHPAD produites par les intimées établissent que lors de son entrée dans l’établissement en février 2013, M. [CF] [M] était évalué GIR 4, puis GIR 2 en juin 2013, et GIR 1-2 à compter de février 2015.

Le dernier bilan médical communiqué datant du 30 juin 2017, lors de l’ultime hospitalisation de M. [CF] [M] au centre hospitalier de [Localité 16], mentionne des afférences sensorielles correctes (audition, vision, sensibilité) chez un patient grabataire alité, sans que le médecin se prononce sur son état mental.

M. [S] [Y] déclare dans son attestation que le dernier médecin traitant de son grand-père, le docteur [B] [G], lui aurait indiqué qu’il avait des facultés mentales très affectées depuis son AVC en décembre 2014 et qu’il était perdu et incapable de prendre des décisions en toute lucidité.

Il n’est produit aucune pièce médicale émanant du médecin traitant de M. [CF] [M] étayant cette attestation.

La synthèse du 30 juin 2017 du centre hospitalier de [Localité 16], quelques jours avant le décès de M. [CF] [M], ne mentionne pas en outre le docteur [G] comme son médecin traitant, mais le docteur [J].

M. [E] [N], voisin de M. [CF] [M] quand il habitait dans sa maison [Adresse 18] à [Localité 16], atteste de ce qu’après son entrée en EHPAD en 2013, il a très régulièrement rendu visite à son ami (toutes les semaines), et que s’il était en fauteuil roulant il avait toute sa tête, prenant part à la conversation et discutant et répondant bien.

M. [N] déclare que ce n’est que 2 ou 3 mois avant son décès que M. [CF] [M] ne répondait plus aux questions.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que si M. [CF] [M], né en 1920, était à l’évidence une personne dont l’état physique et mental se dégradait, en raison de son âge et de l’AVC diagnostiqué en décembre 2014, il n’est pas indiscutablement établi qu’il ait présenté le 21 août 2015 un état d’insanité d’esprit.

Par ailleurs les intentions de M. [CF] [M] quant aux choix du ou des bénéficiaires du contrat de vie qu’il détenait en 2005, exprimées dans l’acte de modification du 10 mai 2005, étaient déjà de favoriser ses deux filles [H] et [JH].

Le contenu de l’avenant du 21 août 2015 est donc cohérent avec son intention passée, et rien ne démontre que les deux intimées auraient dû abuser de sa faiblesse pour obtenir la signature d’un nouvel avenant reprenant sa volonté univoque précédemment exprimée et à une époque où il vivait encore à son domicile sans aucune problématique de dépendance alléguée.

Il est au surplus logique, qu’après le courrier du 21 juillet 2015 que le Crédit Mutuel a adressé à M. [CF] [M] l’invitant à opter sur le devenir de son contrat d’assurance vie Libr Assur arrivant à terme le 20 août 2015, au besoin en se rapprochant de son conseiller bancaire, il ait eu besoin de réactualiser sous la référence du nouveau contrat d’assurance vie, devenu Plan Assur Horizons, son choix quant à l’identité des bénéficiaires.

Il convient en ce sens d’observer que les relevés des comptes bancaires de M. [CF] [M] font apparaître que le 24 août 2015 son compte épargne Livret Bleu du Crédit Mutuel a été crédité de la somme de 79 651,42 euros, reversée dés le 25 août 2015 sur son contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons.

Ces opérations correspondent selon toute vraisemblance à la clôture du précédent contrat d’assurance vie Libr Assur dont le capital a transité sur le compte épargne livret Bleu de M. [CF] [M], pour être recréditer sans délai sur son nouveau contrat d’assurance vie.

Cette opération ne caractérise pas l’état d’insanité d’esprit du souscripteur ni une volonté d’appropriation dolosive des deux bénéficiaires.

En outre Mme [K] [M] épouse [Y] ne fait état d’aucune volonté contraire dont lui aurait part son père, quand ils ont renoué contact, en 1999, après le décès de Mme [Z] [M] avec laquelle elle était fâchée, ce qui a entraîné une longue rupture entre elles et ses parents, comme en informe l’attestation de M. [O] [Y].

Aussi c’est à bon droit que Mme [K] [M] épouse [C] a été déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul pour insanité d’esprit de M. [CF] [M] l’avenant du 21 août 2015 à son contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons.

Le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

Sur les rapports à la succession

L’article 843 du code civil énonce que : ‘Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant’.

L’article 852 du code civil dispose que : ‘Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant. Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant’.

Il appartient à celui qui sollicite le rapport à la succession d’une libéralité consentie par le de cujus, d’établir la preuve du dépouillement irrévocable de l’auteur réalisé dans l’intention de gratifier le cohéritier.

L’article L 132-8 du code des assurances dispose notamment que : ‘Le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre’.

Ce droit est personnel au souscripteur.

Aux termes de l’article L 132-13 du même code, le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Les primes versées par le souscripteur d’un contrat d’assurance vie ne sont rapportables à la succession et ne peuvent donner lieu à réduction pour atteinte à la réserve des héritiers que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur.

Un tel caractère s’apprécie au moment du versement au regard de l’âge et des situations patrimoniale et familiale du souscripteur. Enfin l’utilité de la souscription est l’un des critères devant être pris en compte pour évaluer le caractère exagéré ou non des primes.

Sur la prime du contrat d’assurance vie

Mme [K] [M] épouse [Y] demande que Mme [H] [M] [C] soit condamnée à lui verser 17 500 euros et que Mme [JH] [M] soit condamnée à verser à M. [U] [M] la même somme, pour restituer ainsi la moitié de la prime de 70 000 euros, soit 35 000 euros, qu’elles ont indûment perçue du contrat d’assurance vie.

Elle base sa demande sur la conséquence de la nullité affectant selon elle l’avenant du 21 août 2015.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] demandent la confirmation du jugement qui a débouté Mme [K] [M] épouse [Y] de cette prétention non fondée.

Sur ce,

Il convient en premier lieu de relever que Mme [K] [M] ne peut former de demande pour M. [U] [M], intimé dans la présente procédure, en application du principe que nul ne plaide par procureur.

D’autre part il est établi que l’avenant du 21 août 2015 n’est affecté d’aucune nullité du fait d’une insanité d’esprit de M. [CF] [M].

Mme [K] [M] épouse [Y] n’entend pas contester le montant de la prime perçue par ses deux soeurs au visa de l’article L 132-13 du code des assurances.

Par conséquent elle sera déboutée de sa demande qui dans tous les cas ne pourrait se faire qu’au profit de l’indivision successorale dont le notaire désigné par le tribunal de grande instance de Laval a la charge, et non au profit de certains héritiers.

Sur l’utilisation des procurations

Mme [K] [M] épouse [Y] demande que Mme [H] [M] épouse [C] soit condamnée à rapporter à la succession la somme de 15 577,84 euros, composée de la somme de 11 900 euros indûment prélevée pour la période 2013 jusqu’au 5 mars 2014, et de la somme de 3 677,84 euros au titre des divers chèques qu’elle s’est établis à son profit, et que Mme [H] [M] épouse [C] et Mme [JH] [M] soient condamnées solidairement à rapporter à la succession la somme de 15 490 euros, pour la période commençant à courir du 7 mars 2014 jusqu’au décès de M. [CF] [M], qu’elles se sont accaparées en vertu des procurations qu’elles ont utilisées sans activer le mandat de protection future.

Elle explique que, compte tenu de l’état de santé de M. [CF] [M], il lui était impossible d’effectuer lui-même des retraits au distributeur automatique de billets notamment lors de son séjour à l’hôpital en 2014, et que ses deux soeurs, profitant des procurations sur ses comptes dont elles disposaient, ont procédé à de nombreux retraits dont, en application des dispositions de l’article 1993 du code civil, il leur appartient de justifier qu’ils ont été opérés dans l’intérêt de leur père, ce qu’elles ne font pas.

L’appelante émet la même contestation concernant plusieurs chèques que Mme [H] [M] épouse [C] a établi elle-même à son profit au cours de l’année 2013. Mme [K] [M] épouse [Y] soutient que M. [CF] [M], qui était pris en charge en totalité par l’EHPAD où il était pensionnaire, ne pouvait pas avoir beaucoup de dépenses à réaliser, d’autant qu’il était d’une nature très économe, ce dont attestent les soldes de ses comptes largement créditeurs en 2013.

Elle considère pour les mêmes motifs qu’il est peu vraisemblable que M. [CF] [M] ait pu faire des présents d’usage à ses deux filles, avec des montants aussi importants.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] demandent la confirmation du jugement.

Elles arguent de ce que, conformément à une jurisprudence constante, il appartient à celui qui réclame le rapport d’apporter la preuve de l’existence de la donation, que l’intention libérale ne se présume pas et que le rapport à succession nécessite de relever une intention libérale à l’origine de la donation, ce à quoi l’appelante ne satisfait pas.

Les intimées indiquent que les dépenses opérées l’ont été pour les frais d’entretien et de confort de leur père, et que celui-ci disposait de revenus suffisants pour régler ses frais d’hébergement en EHPAD tout en conservant ses biens immobiliers, ainsi que des comptes bancaires créditeurs.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] soutiennent qu’ainsi le rapport à la succession doit être écarté en présence de sommes constituant des frais d’entretien représentant l’expression d’un devoir familial sans pour autant entraîner un appauvrissement significatif du disposant.

Sur ce,

Le 29 octobre 2010 M. [CF] [M] a donné procuration générale sur tous ses comptes actuels et futurs sans exception au Crédit Mutuel Maine Anjou Basse Normandie à sa fille [H] [M] épouse [C].

Le 7 mars 2014 M. [CF] [M] a signé une procuration générale donnant pouvoir sur tous ses comptes et contrats actuels et futurs sans exception au Crédit Mutuel à sa fille Mme [JH] [M].

L’article 1993 du code civil concerne les rapports entre le mandant et le mandataire d’une procuration, en ce qu’il oblige ce dernier à rendre compte de sa gestion, mais il ne peut recevoir application dans le présent litige qui oppose non pas le mandant, M. [CF] [M], aux mandataires, ses filles [H] et [JH], mais les co-héritiers à la succession de M. [CF] [M].

En conséquence, en application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à Mme [K] [M] épouse [Y] de rapporter la preuve que les sommes retirées par ses soeurs en espèce et via des chèques pour Mme [H] [M] épouse [C] leur ont bénéficié et doivent être rapportées à la succession.

M. [CF] [M] est entré à l’EHPAD [15] à [Localité 14] le 8 février 2013, et il est décédé le 2 juillet 2017.

Le courrier du Crédit Mutuel en date du 28 juillet 2017 adressé à Maître [P] mentionne que M. [CF] [M] détenait à son décès les comptes suivants :

– un compte courant n° [XXXXXXXXXX012] créditeur de 10 121,23 euros (solde en 2013 non communiqué) ;

– un LEP n° [XXXXXXXXXX04] créditeur de 4 019,38 euros (7 135,85 euros en janvier 2014) ;

– un Livret Bleu n° [XXXXXXXXXX03] créditeur de 51,74 euros (7 588,10 euros en février 2013) ;

– un compte Parts A n° [XXXXXXXXXX01] créditeur de 15 euros (solde en 2013 non communiqué) ;

– un compte titres n° [XXXXXXXXXX02] au solde de 0 euros (solde en 2013 non communiqué).

Ni le nombre, ni le montant des retraits en espèces réalisés à partir des comptes de M. [CF] [M], ni le nombre, quatorze, et le montant des chèques encaissés par Mme [H] [M] épouse [C], ne font l’objet de discussion.

Au cours de l’année 2013, un total de 11 150 euros ont été retirés sur le compte courant de M. [CF] [M], soit en moyenne 929 euros par mois.

Il n’est pas produit les relevés de compte de M. [CF] [M] antérieurs à l’année 2013, et pas la totalité de ceux des années 2013 à 2017, de sorte qu’il n’est pas possible d’apprécier son caractère présenté comme très économe par l’appelante.

Il convient néanmoins d’observer qu’au cours du mois de janvier 2013, avant son entrée à l’EHPAD, M. [CF] [M] a retiré ou a fait retirer par sa fille [H] 1 200 euros en quatre fois, ce qui peut servir de repère sur le rythme de ses retraits mensuels.

A compter de son entrée à l’EHPAD les retraits se sont opérés deux à trois fois par mois.

Au cours de l’année 2013, quatorze chèques , d’un montant total de 3 677,84 euros ont été émis du compte courant de M. [CF] [M] et endossés par Mme [H] [M] épouse [C], soit en moyenne 306 euros par mois.

A cette époque M. [CF] [M] n’avait pas encore été victime d’un AVC, tous les relevés bancaires étaient adressés à sa nouvelle adresse à l’EHPAD, et il a été reçu par le notaire le 20 septembre 2013 pour la rédaction du mandat de protection future.

Si des détournements de ses fonds avaient été opérés par sa fille [H], qui disposait seule d’une procuration, il n’existe aucune raison qu’il ne s’en soit pas aperçu.

Les factures de l’EHPAD démontrent qu’il était pris en charge pour ses frais de chambre et de dépendance à hauteur de 1 302,84 euros par mois (facture du 28 février 2013).

Mais l’année 2013 correspond à son entrée dans un nouveau lieu de vie, ce qui a pu entraîner des frais importants d’aménagement (TV et autres), de vêture, de loisirs ou de confort, ainsi que la couverture de produits pharmaceutiques ou assimilés non pris en charge.

Au cours de l’année 2014, un total de 4 320 euros a été retiré sur son compte courant, soit en moyenne, 360 euros par mois.

Au cours de l’année 2015, un total de 5 820 euros a été retiré (900 euros de son compte courant, 2 000 euros de son Livret Bleu et 2 920 euros de son LEP), soit en moyenne 485 euros par mois.

Au cours de l’année 2016, un total de 6 370 euros a été retiré (2 600 euros sur le Livret Bleu, 3 770 euros sur le LEP) soit en moyenne 530 euros par mois.

Au cours de l’année 2017 et jusqu’au 2 juillet 2017, date de son décès, un total de 2 650 euros a été retiré (1 400 euros sur le Livret Bleu et 1 250 euros sur le LEP), soit en moyenne 441 euros par mois.

L’examen des relevés des comptes bancaires de M. [CF] [M] communiqués fait apparaître qu’il avait un total mensuel de pension de retraite ou assimilées de l’ordre de 1 385 euros par mois (177,20 euros de BTP retraite, 84,75 euros de Klesia retraite Arrco, 820,56 euros de la caisse assurance retraite, 53,11 euros de la Mutualité sociale agricole et 21 euros de la caisse d’allocations familiales sur son compte courant et 228,85 euros de la caisse primaire d’assurance maladie versés sur le Livret Bleu).

Son compte courant est toujours largement créditeur (d’environ 2 000 euros) tandis que les frais de prise en charge à l’EHPAD sont en moyenne de 1 685 euros par mois, sans augmentation significative au fur et à mesure de son passage en GIR 4 à 1-2. Les enfants de M. [CF] [M] n’avaient pas d’obligation alimentaire judiciairement fixée à l’égard de leur père.

Les mouvements entre les comptes épargnes et le compte courant établissent que chaque mois 800 euros était virés du LEP pour couvrir l’ensemble de ses frais d’EHPAD et de vie.

Mais lorsque des versements ou remboursements importants d’organismes ou de tiers sur le compte courant apparaissent, notamment un remboursement CAT le 2 mars 2016 de 8 000 euros, il est rapidement placé sur un produit d’épargne de M. [CF] [M], signe d’une gestion qui n’est pas malveillante.

En outre M. [N], ami de M. [CF] [M], dans son attestation du 5 avril 2019 témoigne de ce que ‘ depuis 2013 date du départ en maison de retraite de M. [M] à l’EHPAD d'[Localité 14] les premières années Mme [C] et Mme [R] descendaient régulièrement voir M. [M] afin qu’il ne soit pas seul et pour s’adapter à sa nouvelle vie. Ils sortaient régulièrement au restaurant’.

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] qui habitaient dans la région parisienne, le Val de Marne, versent aux débats des clichés photographiques d’elles avec leur père à l’occasion de repas pour ses anniversaires.

Une interrogation existe quant à la raison pour laquelle le 30 juin 2017 10 000 euros sont versés du contrat d’assurance vie Plan Assur Horizons sur le compte courant de M. [CF] [M] qui est déjà hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 16] et y décédera trois jours plus tard.

Cependant, ce virement ne s’est pas effectué au préjudice de la succession à venir, au contraire, et il est transparent, puisque figurant parmi les pièces bancaires en possession du notaire et transmises au conseil de Mme [K] [M] épouse [Y] le 2 juillet 2018.

Il ne résulte pas de l’ensemble de ces éléments la démonstration que Mme [H] [M] épouse [C], à hauteur de 15 577,84 euros de 2013 au 5 mars 2014, puis Mmes [H] [M] épouse [C] et Mme [JH] [M] et [JH] [M] du 7 mars 2014 au décès de M. [CF] [M] à hauteur de 15 490 euros, n’aient pas utilisé les sommes litigieuses pour les frais d’entretien de leur père.

Par suite le jugement contesté qui a débouté Mme [K] [M] épouse [Y] de ses demandes de rapport à la succession sera confirmé.

Sur le recel successoral

Aux termes des dispositions de l’article 778 du code civil : ‘sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recélés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recélés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recélés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession’.

Selon la cour de cassation constitue le recel ‘toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment qui a pour but de rompre l’égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir’.

Il suppose la réunion d’un élément matériel, c’est à dire un fait positif, et d’un élément intentionnel ressortant de la conscience du caractère répréhensible de l’acte. La preuve incombe à l’héritier qui argue du recel.

Le recel n’est constitué que si la donation est rapportable ou réductible car, en cas contraire, elle ne préjudicie pas aux autres héritiers.

En outre, il est indifférent que le recel ait été préparé avant l’ouverture de la succession dès lors qu’il s’est prolongé après, l’accord éventuel du de cujus étant indifférent.

Seul le repentir actif peut écarter la sanction du recel. Enfin, lors d’un partage, le recel peut être invoqué pour la première fois en cause d’appel sans que la demande soit qualifiée de tardive.

Mme [K] [M] épouse [Y] demande que les sommes de 15 577 euros et 15 490 euros, dont elle a sollicité le rapport à la succession, se voient appliquer la sanction du recel successoral, et que ses deux soeurs ne puissent en aucun cas prétendre à la moindre part dans le cadre du partage, alors qu’elles ont dissimulé ses sommes reçues au notaire Maître [P].

Mmes [H] [M] épouse [C] et [JH] [M] concluent au débouté de la demande adverse non fondée.

Sur ce,

En l’espèce compte tenu du débouté de Mme [K] [M] épouse [Y] de ses prétentions au titre du rapport des sommes de 15 577,84 euros et 15 490 euros, il n’y a aucune somme d’argent sur laquelle est susceptible de porter le recel.

Le jugement qui a débouté Mme [K] [M] de sa demande relative au recel successoral sera confirmé.

Sur les frais et dépens

Compte tenu de la décision rendue en première instance, c’est à bon droit que Mme [K] [M] épouse [Y] a été déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et qu’il a été décidé que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage. Le jugement contesté de ces chefs sera confirmé.

Mme [K] [M] épouse [Y] qui succombe en appel sera condamnée à verser à Mme [H] [M] épouse [C] et Mme [JH] [M] une somme de 1 500 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens.

Elle sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉBOUTE Mme [K] [M] épouse [Y] de sa demande de production de pièces ;

CONFIRME le jugement rendu le 30 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Laval en toutes ses dispositions contestées ;

DÉBOUTE Mme [K] [M] épouse [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [K] [M] épouse [Y] à verser à Mmes [H] [M] épouse [C] et à [JH] [M] la somme de mille cinq cent euros (1 500,00 euros) à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [K] [M] épouse [Y] aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. COURTADE

 


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