Droits des assurances professionnelles : Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 4 avril 2023, 21/04406

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Droits des assurances professionnelles : Cour d’appel de Montpellier, Chambre commerciale, 4 avril 2023, 21/04406
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Extraits : AITS, PROCÉDURE – PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SAS BGB, dont le gérant est [J] [I], exploite un fonds de commerce de discothèque «L’Usine à Gaz», situé [Adresse 1] (34); ayant acquis ce fonds le 7 février 2020, elle a débuté son activité commerciale le 21 février 2020,

Elle a souscrit, par le biais de la SARL Aleade (Avenir & Loisirs Assurances), mandataire, une police d’assurance multirisque professionnelle MRP Disco n°HVRB1308-06549-34 auprès de la société de droit allemand Hübener Versicherungs-AG (la société Hübener) avec effet au 6 février 2020 pour une durée d’une année, avec tacite reconduction.

Le contrat comprend des dispositions générales, aux termes desquelles est garantie la «protection de l’activité» de l’assurée, à savoir la protection de ses biens (con

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Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 04 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/04406 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PCLU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUIN 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2020 00561

APPELANTE :

Société HÜBENER VERSICHERUNGS-AG, société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est situé

[Adresse 2]

[Adresse 2] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Eloïse MARTOS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS BGB prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Franck MAUREL, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Marion DEJEANT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 17 Janvier 2023 révoquée avant l’ouverture des débats par une nouvelle ordonnance de clôture du 7 février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE – PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

La SAS BGB, dont le gérant est [J] [I], exploite un fonds de commerce de discothèque «L’Usine à Gaz», situé [Adresse 1] (34); ayant acquis ce fonds le 7 février 2020, elle a débuté son activité commerciale le 21 février 2020,

Elle a souscrit, par le biais de la SARL Aleade (Avenir & Loisirs Assurances), mandataire, une police d’assurance multirisque professionnelle MRP Disco n°HVRB1308-06549-34 auprès de la société de droit allemand Hübener Versicherungs-AG (la société Hübener) avec effet au 6 février 2020 pour une durée d’une année, avec tacite reconduction.

Le contrat comprend des dispositions générales, aux termes desquelles est garantie la «protection de l’activité» de l’assurée, à savoir la protection de ses biens (contre onze risques énumérés : incendie, dégâts des eaux, vol’), la protection de sa responsabilité liée à la propriété ou occupation de l’immeuble (en cas d’incendie, dégâts des eaux, explosion …) et la protection financière au titre, notamment, des pertes d’exploitation. L’article 2/13 de ces conditions générales, intitulé «la protection de vos biens» prévoit que :

« Sont garantis :

Le versement d’une indemnité correspondant à la perte de marge brute résultant pendant la période d’indemnisation de :

La perte du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction des activités déclarées,

Frais supplémentaires d’exploitation consécutivement engagés avec l’accord préalable de l’agent de suscription, lorsque l’assuré se trouve dans l’impossibilité totale ou partielle de poursuivre son activité à la suite :

* D’un Dommage matériel indemnisé au titre du présent contrat,

* De Dommages matériels directs non assurables à l’ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises,

* D’une impossibilité matérielle d’accès à ses locaux professionnels (y compris en cas d’interdiction par les autorités compétentes) par suite d’un incendie ou d’explosion, d’événements naturels survenus dans le voisinage, catastrophes naturelles.

Sont garantis également le remboursement des honoraires de l’expert» (sic)

Cette clause contractuelle précise que : «sont exclus (outre les exclusions générales du contrat) :

tout retard incombant à l’assuré dans la reprise de son activité professionnelle,

les dommages aux fichiers, programmes et supports informatiques,

les locaux situés dans un bâtiment frappé d’alignement ou d’une interdiction de reconstruire, ou construit sur terrain d’autrui ou menacé d’expropriation,

une cessation définitive d’activité ou une liquidation judiciaire,

une contamination alimentaire.»

Les conditions particulières de ce contrat comprennent un tableau des garanties souhaitées selon lequel l’assurance de dommages aux biens est limitée pour les pertes d’exploitation « à la somme de 430 000 euros (dans la limite de 12 mois)».

Aux termes de deux arrêtés ministériels en date des 14 et 15 mars 2020, les salles de danse et de jeux, ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueillir du public pour lutter contre la propagation du virus covid-19 entraînant une fermeture totale des établissements concernés.

Par divers textes postérieurs, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la fermeture des salles de danse a été prorogée jusqu’au 9 juillet 2021.

La société BGB a, notamment, fermé son établissement du 9 mars 2020 au 1er juin 2020 et du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020, rouvrant la partie bar du 1er juillet au 31 août 2020.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 juin 2020, elle a sollicité auprès de son assureur l’indemnisation de ses pertes d’exploitation, lequel lui a opposé un refus de garantie le 24 juin suivant, exposant que la garantie pertes d’exploitation ne peut être mise en ‘uvre que suite aux sinistres garantis par la police, tels que les incendies, vols…, et par lettre recommandée avec avis de réception signé le 18 décembre 2020, elle l’a mis en demeure de lui verser la somme de 434 371,57 euros.

Saisi par acte d’huissier délivré le 7 décembre 2020 par la société BGB, sur autorisation d’assigner à bref délai en date du 1er décembre 2020, le tribunal de commerce de Béziers a, par jugement du 28 juin 2021 :

« – condamné la société Hübener Versicherungs- AG à payer à la société BGB l’indemnité d’assurance pour perte d’exploitation,

– dit que l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 concerne les discothèques et leur interdit d’accueillir du public suite à la décision de fermeture,

– dit que cette décision de fermeture est une décision administrative concernant l’épidémie occasionnée par le Covid 19,

– dit que l’exclusion est réputée non écrite,

– dit que la garantie Perte d’exploitation suite au Covid 19 est due à la société BGB en vertu de son contrat d’assurance,

– condamné la société Hübener Versicherungs-AG à indemniser son assuré pour le préjudice financier qu’il subit au titre de la garantie Perte d’exploitation,

– dit et jugé que la garantie Perte d’exploitation restera applicable tant que la société BGB devra rester fermée administrativement,

– condamné la société Hübener Versicherungs-AG à payer à la société BGB une provision de 200 000 euros en acompte à valoir sur l’indemnité finale,

– condamné la société Hübener Versicherungs-AG à recourir à la procédure d’expertise prévue au contrat dans le délai d’un mois à compter de la signification qui lui sera faite du présent jugement, sous astreinte pénitentielle et comminatoire de 300 euros par jour de retard, pendant un mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

– dit et jugé que l’expert devra évaluer la perte de marge brute et la période d’indemnisation selon la méthode de calcul prévue aux conditions générales du contrat,

– dit et jugé que l’expert désigné devra déposer son rapport dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa saisine par la société Hübener Versicherungs-AG sous astreinte pénitentielle et comminatoire de 300 euros par jour de retard,

– invité la partie défenderesse à saisir le tribunal de céans pour la suite de la procédure à la suite du délai imparti,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile,

– condamné la société Hübener Versicherungs-AG à payer à la société BGB la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées. »

La société Hübener Versicherungs-AG a régulièrement relevé appel le 8 juillet 2021 de ce jugement.

Par ordonnance de référé en date du 13 octobre 2021, le premier président de cette cour a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société Hübener et subordonné l’exécution provisoire du jugement du 28 juin 2021 à la constitution par la société BGB d’une garantie bancaire ou personnelle au bénéfice de la société Hübener pour la somme de 200 000 euros.

Aucune constitution de garantie n’a été effectuée.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées et notifiées le 2 février 2023 via le RPVA, la société Hübener Versicherungs-AG demande à la cour de :

« – (‘), vu les articles 1192 et 1353 du code civil et 700 du code de procédure civile, (…)

– A titre principal,

– infirmer le jugement du 28 juin 2021 en toutes ses dispositions, étant donné que les pertes d’exploitation subies par la société BGB consécutivement à la fermeture administrative de son établissement, par suite des décisions gouvernementales prises en raison de l’épidémie/pandémie de Covid 19, ne sont pas garanties par la Police Hübener,

– Par conséquent, débouter la société BGB de l’ensemble de ses demandes,

– A titre subsidiaire, infirmer le jugement du 28 juin 2021 en toutes ses dispositions, les demandes de la société BGB au titre de l’indemnisation de ses pertes d’exploitation, celle-ci étant déchue de son droit à garantie étant donné l’exagération manifeste de sa demande d’indemnité,

– Par conséquent, débouter la société BGB de l’ensemble de ses demandes,

– Subsidiairement, dans l’hypothèse où une mesure d’expertise judiciaire serait ordonnée :

– condamner la société BGB à supporter les frais de la mesure qu’elle demande ;

– A titre infiniment subsidiaire, si la cour confirme le jugement (…), la condamner à la somme de 70 235 euros,

– En tout état de cause, débouter la société BGB de sa demande de liquidation d’astreinte,

– infirmer le jugement du 28 juin 2021 en ce qu’il l’a condamnée à recourir à la procédure d’expertise amiable prévue au contrat,

– condamner la société BGB à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. »

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

– il s’agit d’une police multirisques à périls dénommés et non une assurance « tous risques sauf» en ce qu’elle permettrait de prémunir l’assuré de tous les risques qui ne sont pas encore prévisibles,

– la police énumère les dommages pouvant actionner la garantie dans la partie relative à la protection des biens et liste onze sinistres matériels couverts (incendie, dégât des eaux, vol…),

– la mise en ‘uvre de la garantie perte d’exploitation ne peut résulter que de la survenance d’un dommage matériel indemnisé au titre de la police, tel que cela résulte des conditions générales et particulières,

– une garantie « pertes d’exploitation » en toute circonstance serait purement potestative (ex : diminution des horaires) et dépourvue d’aléa ; la clause serait nulle,

– la clause 2.13 est suffisamment claire et précise et n’a besoin d’aucune interprétation sous peine de dénaturation ; elle prévoit l’indemnisation des pertes d’exploitation dans trois cas, lorsqu’elles sont consécutives à un dommage’,

– la fermeture administrative liée au covid-19 ne relève d’aucun de ces cas, résultant seulement des décisions de l’administration compétente,

– la clause 2.13 forme un tout ; les cas énumérés concernent la « perte de chiffre d’affaires » au même titre que les « frais supplémentaires d’exploitation » ; il n’existe pas deux garanties distinctes des pertes d’exploitation,

– il faut distinguer cause et conséquence du sinistre ; la cause est toujours un dommage matériel (ex : dégât des eaux) et la conséquence peut être une contamination alimentaire,

– les demandes chiffrées ne sont pas justifiées, le document de l’expert-comptable de la société intimée est insuffisant et discutable, le calcul de la perte de chiffre d’affaires nécessite une analyse comparée des exercices précédents, les pièces comptables utiles n’étant pas produites,

– la société intimée n’explique pas les raisons pour lesquelles elle a fermé son établissement dans des périodes où elle était autorisée à ouvrir, elle ne peut prétendre à percevoir une indemnité pour perte d’exploitation dès lors qu’elle a reconnu présenter une situation financière particulièrement excellente suite à sa réouverture en juillet 2021,

– les méthodes de calcul définies par le contrat pour le chiffrage des pertes d’exploitation n’ont pas été respectées (aides de l’Etat non comptabilisées),

– la garantie pertes d’exploitation est plafonnée et contractuellement limitée à 12 mois,

– les demandes d’expertise amiable et judiciaire sont dépourvues d’objet dès lors qu’aucune garantie pertes d’exploitation n’est acquise,

– aucune astreinte n’a vocation à être prononcée dès lors que la société BGB s’est désintéressée de l’expertise précédemment ordonnée.

Formant appel incident, la société BGB sollicite, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le biais du RPVA le 7 février 2023, au visa des articles L.112-4 et L.113-1 du code des assurances, 1103 et 1104 du code civil, 1188, 1190 et 1191 du même code, de :

«- (‘) confirmer le jugement (‘) en toutes ses dispositions dans la mesure où les pertes d’exploitations rencontrées par la société résultent d’une garantie prévue au contrat à savoir une fermeture administrative de l’établissement en lien avec l’évolution de l’épidémie de Covid 19,

– infirmer le jugement (…) sur le quantum de la provision qui lui a été allouée,

– Par conséquent, confirmer le jugement (‘) en toutes ses dispositions, ses demandes étant justifiées,

– infirmer le jugement (…) en ce qu’il a condamné la société Hübener à l’indemniser à hauteur de 200 000 euros à titre de provision à valoir sur indemnisation finale, sur son seul quantum et confirmer pour le principe,

– confirmer le jugement (…) en ce qu’il a condamné la société Hübener à recourir à une procédure d’expertise prévue au contrat sous astreinte de 300 euros par jour de retard afin d’évaluer les pertes d’exploitation subies par l’assurance suivant la méthodologie inscrite dans les conditions particulières du contrat,

– confirmer le jugement (‘) en ce qu’il a condamné la compagnie Hübener au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des honoraires de première instance ainsi qu’aux dépens,

– Dès lors, à titre principal : dire et juger que :

– l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 concerne les discothèques et leur interdit d’accueillir du public suite à la décision de fermeture,

– cette décision de fermeture est une décision administrative concernant l’épidémie occasionnée par le covid-19,

– elle a fait l’objet d’une fermeture administrative survenue à cause de l’épidémie du covid-19 pour la période en date du 14 mars 2020 au 8 juillet 2021 et du 10 décembre 2021 au 15 février 2022,

– la garantie « Pertes d’exploitation » est due (‘) suite à la fermeture administrative prise en vue de lutter contre une épidémie et ayant entraîné une perte de chiffre d’affaires vertu de son contrat d’assurance,

– l’assureur n’a prévu aucune clause d’exclusion au titre des fermetures administratives résultant des épidémies et pandémies,

– les contrats d’adhésion s’interprètent contre celui qui l’a proposé,

– en cas de doute sur l’interprétation il convient de retenir celle qui permet de faire produire effet à la clause,

– il convient de rechercher la commune intention des parties pour interpréter une clause,

– En conséquence, dire et juger que la garantie perte d’exploitation prévue dans le contrat d’assurance souscrit (‘) auprès de la compagnie Hübener du fait de la fermeture administrative doit être mise en ‘uvre au titre de la force obligatoire des contrats,

– condamner en cause d’appel la société Hübener à l’indemniser des préjudices subis au titre de la garantie «Pertes d’exploitation» suite à la fermeture administrative en raison de l’épidémie d’un montant de 535 905,66 euros assortie des intérêts au taux légal depuis la date de déclaration du sinistre,, ramenés à 430 000 euros comme le prévoit le contrat d’assurances (plafond),

– dire et juger que le rapport d’expertise rendu la veille de l’audience fait état de calcul non conforme à ce que prescrit la police d’assurance, que la période prise en compte par l’assureur n’est pas valable et qu’il doit indemniser au moins jusqu’à la date du 15 mai 2021,

– En conséquence, rejeter le montant dérisoire dont il est fait état par l’expert privé pour une période de fermeture de 12 mois,

– dire et juger en conséquence que la demande de déchéance de garantie demandée par l’assurance sera rejetée car non fondée, le calcul apporté par [ses] soins prenant en compte le mode de calcul prévu dans la police d’assurance et, à titre subsidiaire, ordonner une expertise judicaire,

– A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la clause de garantie 2.13 n’était pas applicable, en cause d’appel, dire et juger que :

– la compagnie Hübener a manqué à son devoir d’information, de mise en garde et de conseil lors de la conclusion du contrat d’assurance,

– la compagnie Hübener engage sa responsabilité pour manquement à son devoir d’information, de mise en garde et de conseil,

– le montant du préjudice subi par la société BGB est de 430 000 euros,

– condamner la société Hübener à l’indemniser à concurrence de ce préjudice, soit 535 905,66 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

– A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la clause de garantie 2.13 n’était pas applicable, en cause d’appel, et que la compagnie Hübener n’engageait pas sa responsabilité pour manquement à son devoir d’information, de mise en garde et de conseil, dire et juger que :

– la compagnie Hübener a manqué à son devoir de bonne foi dans l’exécution du contrat d’assurance en invoquant la nullité de la clause, qu’elle avait elle-même rédigée, pour échapper à son obligation de garantie,

– la compagnie Hübener a engagé sa responsabilité contractuelle en manquant à son devoir de bonne foi,

– condamner la société Hübener à l’indemniser à concurrence de son préjudice, soit 430 000 euros,

– A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la société BGB ne rapportait pas la preuve de l’étendue du préjudice, ordonner la mise en place de l’expertise prévue au contrat sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision rendue,

– condamner la société Hübener à lui payer une provision de 250 000 euros au titre de cette garantie dans l’attente de la communication du rapport d’expertise,

– A titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu’il soit préférable de mettre en place une expertise judiciaire :

– désigner tel expert qu’il plaira à la cour de nommer avec pour mission :

* d’évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d’indemnisation,

* évaluer le montant des frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation,

* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,

* entendre tout sachant qu’il estimera utile,

* s’il l’estime nécessaire se rendre sur place,

* répondre à tous dires ou observations des parties lesquelles seront communiquées avant d’émettre l’avis sur l’élution définitive de la perte subit par la société, soit une note de synthèse, soit un pré rapport emportant toutes les informations sur l’état de ces investigations et tous les documents relatifs comprenant les diverses évaluations,

* plus généralement donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige,

* laisser à la charge de la compagnie Hübener les frais d’expertise,

– condamner la société Hübener à lui payer une provision de 250 000 euros au titre de cette garantie dans l’attente de la communication du rapport d’expertise,

– En tout état de cause, condamner la société Hübener, du fait de la confirmation du jugement sur la mise en place de l’expertise prévue au contrat, et au regard de son absence de diligence, au paiement de l’astreinte liquidée, soit un montant de 159 900 euros,

– condamner la société Hübener au paiement de la somme de 9 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction. »

Elle expose en substance que :

– il résulte de la mise en forme de la police que les trois protections sont indépendantes, la garantie «protection financière» est distincte de celle relative à la «protection des biens» et n’est soumise à aucune exclusion ou périls nommés, tels que ceux prévus pour celle-ci (incendie, vol ‘), il appartenait à l’assureur d’être précis,

– l’exclusion relative aux contaminations alimentaires démontre que les garanties sont indépendantes ; car, dans ce cas, aucun des risques prévus n’existe,

– selon le tableau, figurant au contrat, la fermeture administrative est un sinistre qui entre dans la catégorie «autres risques divers» relevant de l’assurance dommage aux biens sans que la société Hübener ne puisse opposer une interprétation restrictive de la clause,

– les hypothèses d’indemnisation prévues ne sont pas cumulatives,

– la fermeture administrative répond aux conditions énoncées à la clause 2.13 en ce qu’elle a entraîné une interruption des activités déclarées causant une perte de chiffre d’affaires,

– la mise en forme de cette clause ne doit pas être dévoyée, le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion qui s’interprète, en cas de doute, contre celui qui le propose,

– le contrat d’assurance Hübener fait partie des rares contrats en France, qui ne subordonnent pas la mise en ‘uvre de la garantie perte d’exploitation à l’existence d’un dommage matériel, sans que ce type de contrat équivaille à un contrat dépourvu d’aléa, la clause n’est pas nulle, l’aléa étant toujours sous-entendu,

– la survenance d’un dommage matériel est propre au risque de frais supplémentaires,

– la commune intention des parties était d’indemniser l’assurée contre les pertes financières résultant d’une perte de chiffre d’affaires indépendamment de l’existence d’un dommage matériel,

– l’assureur n’a pas suffisamment attiré son attention sur l’étendue de cette clause manquant à son devoir de conseil et fait preuve de mauvaise foi en invoquant la nullité de la clause qu’il a lui-même rédigée,

– la liquidation de l’astreinte se justifie dès lors que la société Hübener n’a pas procédé à la mise en place de l’expertise amiable prévue au contrat dans les termes fixés par le jugement (un seul courriel non reçu),

– la perte du chiffre d’affaires a été évaluée en fonction des décisions de fermeture gouvernementales et des clauses contractuelles,

– l’expert de la société d’assurance ne respecte pas les modalités de calcul contractuelles, la période de 12 mois n’est pas nécessairement une période de 12 mois consécutifs,

– la société Hübener doit supporter les frais d’expertise dans la mesure où celle-ci n’a pas procédé à l’expertise amiable.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.

MOTIFS de la DÉCISION :

1- sur la garantie souscrite :

L’article 1188 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 20156, prévoit que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

Selon l’article 1190 de ce même code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 20156, prévoit que dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé.

Et l’article 1192 suivant, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, expose qu’on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Les dispositions générales du contrat d’assurance, ayant pris effet le 6 février 2020, prévoient sans ambiguïté trois types de protection pour les dommages susceptibles de survenir à l’occasion de l’activité de la société BGB, assurée, à savoir une protection des biens, une protection au titre de sa responsabilité dans le cadre de son occupation, au sens large, d’un immeuble et une protection financière couvrant les pertes d’exploitation ou celle de la valeur vénale de son fonds.

La protection des biens (articles 2/1 à 2/11) et celle relative à l’occupation de l’immeuble (article 2/12) ne sont dues que lorsque survient l’un des risques énumérés pour chacune (incendie, dégâts des eaux, vol, explosion ‘) au titre desquels ne figure pas le risque de fermeture administrative pour cause d’épidémie, s’agissant d’une police d’assurance à périls dénommés.

La protection financière est prévue à l’article 2/13, qui est intitulé «protection des biens» ; elle se rattache, de ce fait, à cette protection. Elle est présentée dans le tableau figurant dans les conditions particulières, en page 8, dans la colonne relative aux « dommages aux biens» avec une énumération des risques (incendie…) non limitative («autres risques divers»). Elle est également présentée dans le tableau figurant dans le «document d’information sur le produit d’assurance », établi par le mandataire, la société Aléade, et annexé aux conditions générales, comme une «garantie optionnelle (‘)» au titre des «pertes financières lorsqu’ils résultent d’un dommage matériel couvert au titre d’une garantie accordée : perte de la valeur vénale, pertes et/ou frais supplémentaires d’exploitation » (sic).

Elle est, ainsi, également soumise à la survenance des onze risques énumérés en page 7/47 des conditions générales («incendie et événements annexes, dégâts des eaux et gel, événements climatiques, catastrophes naturelles, attentats, dommages électriques, vol, vol de fonds et valeurs, dommages par vandalisme, bris de glace et enseignes, marchandises réfrigérées»), l’expression «risques divers» étant sans portée en terme d’obligations contractuelles et ne permettant pas de considérer que le risque lié à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est couvert sous cette désignation, et n’est mobilisable, plus précisément, selon l’article 2/13, qu’en cas de dommages matériels indemnisés par le contrat, de dommages directs, non assurables, à l’ensemble des biens garantis par le contrat, causés par l’intensité anormale d’un agent naturel et en cas d’une impossibilité matérielle d’accès aux locaux professionnels (y compris en cas d’interdiction par les autorités compétentes) par suite d’un incendie ou d’explosion, d’évènements naturels survenus dans le voisinage, catastrophes naturelles.

La société BGB soutient que seule l’indemnisation des frais supplémentaires que réclamerait tout assuré au titre d’une perte d’exploitation et, non de la perte de marge brute, qu’elle réclame uniquement, est conditionnée par la survenance de tels dommages eu égard à la structure de la phrase au sein de l’article 2/13, qui contient, selon elle, deux hypothèses ; la perte du chiffre d’affaires ou les frais supplémentaires d’exploitation.

Toutefois, la clause litigieuse ne distingue pas les deux chefs de préjudices indemnisables composant, tous deux, la perte de marge brute indemnisable et ne rattache pas aux seuls frais supplémentaires d’exploitation les dommages nécessaires à la mise en jeu de la garantie, qui sont listés. Cette clause constitue, en réalité, une seule et même phrase, composée de retours à ligne avec des tirets (ou « puce damier ») au début de chaque ligne dans un seul objectif de clarté de la présentation, sans pour autant, scinder ces deux chefs de préjudices, ni créer un cumul entre eux, nécessaire pour solliciter toute indemnisation.

Contrairement à ce que soutient la société BGB, l’exclusion relative aux contaminations alimentaires figurant dans l’article 2/13, est, de même, prévue lorsque l’un des risques, faisant l’objet de la protection souscrite, survient, la contamination n’étant que la conséquence, et non la cause, du dommage matériel garanti.

La fermeture administrative pour cause d’épidémie, décidée par les autorités administratives compétentes, qu’a supportée la société BGB en 2020 ne figure pas au nombre des risques garantis par la police d’assurance multirisque professionnelle souscrite et des dommages matériels, énoncés par l’article 2/13, permettant la garantie des pertes d’exploitation.

S’agissant de l’application des conditions de garantie, qu’il appartient à l’assuré de démontrer, et non de celle d’une clause d’exclusion, qu’il appartient à l’assureur de rapporter, l’argumentation se référant aux dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances relatives au caractère formel et limitée d’une telle clause sont hors sujet, l’absence d’exclusion de la fermeture administrative pour cause d’épidémie dans le contrat d’assurance litigieux ne pouvant pas, sauf à dénaturer ledit contrat, être assimilée à la garantie d’un tel risque.

La rédaction, arguée comme étant plus explicite, d’autres contrats d’assurance professionnelle, proposés par d’autres sociétés d’assurance, ne peut permettre de retenir que le contrat litigieux est obscur et doit être interprété.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la police d’assurance souscrite est claire et ne nécessite aucune interprétation ; elle ne garantit pas les pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative pour cause d’épidémie, de sorte que les demandes d’indemnisation principales et subsidiaires de la société BGB sur ce fondement seront rejetées.

2- sur le devoir de conseil et d’information de l’assureur et l’obligation de bonne foi contractuelle :

La société BGB considère que la société Hübener a engagé sa responsabilité délictuelle (sic) en ne l’informant pas de l’étendue réelle de la garantie pertes d’exploitation, manquant, ainsi à son devoir de conseil, de mise en garde et d’information et lui causant un préjudice, constitué par la perte de la possibilité de conclure un contrat adapté à ses besoins.

Au titre du devoir d’information de l’assureur, qui relève davantage de sa responsabilité contractuelle, les dispositions de l’article L. 112-2 du code des assurances prévoient la remise par celui-ci à l’assuré d’une fiche d’information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat, que la société BGB ne conteste pas avoir reçue ; celles-ci ont, donc, été respectées.

Selon l’article L. 112-3 du code des assurances, le contrat d’assurance et les informations transmises par l’assureur au souscripteur (‘) sont rédigés par écrit, en français, en caractère apparents.

(‘) Lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise.

Toute addition ou modification au contrat d’assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties. (‘)

Les présentes dispositions ne font pas obstacle à ce que, même avant la délivrance de la police ou de l’avenant, l’assureur et l’assuré ne soient engagés l’un à l’égard de l’autre par la remise d’une note de couverture.

S’il appartient à l’assureur dans l’exercice de son devoir d’information et de conseil, d’examiner l’ensemble des données de fait et de droit particulières à la situation de l’assuré, cette obligation est une obligation de moyens à laquelle la société Hübener n’a pas, en l’espèce, manqué, à défaut pour la société BGB de rapporter qu’elle souhaitait, lui faisant part de ce souhait, être garantie à l’occasion d’une fermeture administrative causée par une épidémie, risque, qui était peu plausible lors de la souscription du contrat, même si le questionnaire prévu ayant été établi le 18 février 2020.

Contrairement à ce que soutient la société BGB, l’assureur ne se prévaut nullement de la nullité de l’article 2/13 pour défaut d’aléa, qu’il évoque seulement pour les besoins du raisonnement au titre de la lecture que l’assurée effectue du contrat, considérant, au contraire, que celui-ci est clair, parfaitement valable et opposable à cette dernière ; aucun manquement aux dispositions de l’article 1104 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, n’est caractérisé.

Les demandes d’indemnisation de la société BGB seront donc également rejetées sur ces fondements.

L’ensemble des demandes d’indemnisation de la société BGB étant rejetées, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la société Hübener tendant à la déchéance du droit à garantie.

Par ces motifs

, le jugement sera infirmé dans toutes ses dispositions.

3- sur les autres demandes :

La société BGB, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 28 juin 2021,

Et statuant à nouveau,

Rejette l’ensemble des demandes d’indemnisation formées par la SAS BGB,

Condamne la SAS BGB à payer à la société de droit allemand Hübener Versicherungs-AG la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la SAS BGB fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS BGB aux dépens de première instance et d’appel.

le greffier, le président,

 


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