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Mme D G, fille de M. B G et de Mme F G, ainsi que son frère utérin, M. A C, ont introduit des requêtes devant la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS) le 20 juillet 2018. Ladite commission a rendu des recommandations le 10 juillet 2020, aux termes desquelles elle a proposé au Premier ministre de reconnaître aux demandeurs la qualité d’ayants droit de victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation, de leur accorder une indemnité globale de 80 000 euros au titre de la spoliation d’œuvres d’art et de 2 470 euros au titre de celle d’un piano
* * * REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante :
H une ordonnance du 1er septembre 2021, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, en application de l’article R. 342-3 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Paris le jugement de la requête de Mme D G, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 24 mai 2021 et celui de la requête de M. A C, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le même jour.
I. Sous le n° 2110983, H une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2021 et le 29 mars 2022, Mme D G, représentée H Me Amson, doit être regardée comme demandant au tribunal :
1°) d’annuler la décision du Premier ministre, révélée H un courrier en date du 26 novembre 2020 du directeur des services administratifs et financiers du secrétariat général du Gouvernement, en tant qu’elle n’a pas fait entièrement droit à sa demande d’indemnisation des spoliations subies H ses parents, M. B G et Mme F G, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 25 janvier 2021 ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre de prendre une nouvelle décision lui accordant une indemnisation complémentaire de 452 472,82 euros, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros H jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la décision implicite rejetant son recours gracieux est insuffisamment motivée,
– la décision du 26 novembre 2020 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’indemnisation qu’elle accorde au titre de la spoliation d’œuvres d’art est insuffisante et en ce qu’aucune indemnisation n’a été retenue concernant la spoliation de bijoux,
– elle est entachée d’une erreur de droit en ce que l’indemnisation de ces œuvres d’art n’a pas été fixée au regard des prix pratiqués au moment de leur spoliation,
– elle est illégale en tant qu’elle méconnaît le principe de bonne foi des demandeurs devant la CIVS et qu’elle revient à exiger d’eux une preuve impossible à apporter,
– il y a lieu d’indemniser les ayants droit des victimes directes d’une somme complémentaire totale de de 131 951 euros au titre de la spoliation d’œuvres d’art et de 618 263,38 euros au titre de la spoliation de bijoux.
H un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés H Mme G ne sont pas fondés.
II. Sous le n° 2114766, H une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 24 mai 2021, et un mémoire, enregistré le 28 mars 2022, M. A C, représenté H Me Amson, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du Premier ministre, révélée H un courrier en date du 26 novembre 2020 du directeur des services administratifs et financiers du secrétariat général du Gouvernement, en tant qu’elle n’a pas fait entièrement droit à sa demande d’indemnisation des spoliations subies H sa mère, Mme F G, et son premier époux, M. B G, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 25 janvier 2021 ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre de prendre une nouvelle décision lui accordant une indemnisation complémentaire de 297 741,18 euros, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros H jour de retard;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la décision implicite rejetant son recours gracieux est insuffisamment motivée,
– la décision du 26 novembre 2020 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’indemnisation qu’elle accorde au titre de la spoliation d’œuvres d’art est insuffisante et en ce qu’aucune indemnisation n’a été retenue concernant la spoliation de bijoux,
– elle est entachée d’une erreur de droit en ce que l’indemnisation de ces œuvres d’art n’a pas été fixée au regard des prix pratiqués au moment de leur spoliation,
– elle est illégale en tant qu’elle méconnaît le principe de bonne foi des demandeurs devant la CIVS et qu’elle revient à exiger d’eux une preuve impossible à apporter,
– il y a lieu d’indemniser les ayants droit des victimes directes d’une somme complémentaire totale de de 131 951 euros au titre de la spoliation d’œuvres d’art et de 618 263,38 euros au titre de la spoliation de bijoux.
H un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés H M. C ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999,
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. E,
– les conclusions de Mme Pestka, rapporteure publique,
– et les observations de Me Amson pour les requérants.
:
1. M. B G et son épouse, Mme F G, ont résidé dans un appartement situé 40, rue du président Wilson à Levallois jusqu’en 1942. Ils ont alors dû se réfugier dans le Sud de la France, afin d’échapper aux persécutions antisémites. M. B G est décédé le 6 janvier 1943 à Saint-Solve-sur-Corrèze. A la Libération, Mme G a pu regagner son domicile de Levallois, qui avait été entièrement pillé H les autorités d’occupation au cours de l’été 1943. Elle est décédée le 21 décembre 1979.
2. Mme D G, fille de M. B G et de Mme F G, ainsi que son frère utérin, M. A C, ont introduit des requêtes devant la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS) le 20 juillet 2018. Ladite commission a rendu des recommandations le 10 juillet 2020, aux termes desquelles elle a proposé au Premier ministre de reconnaître aux demandeurs la qualité d’ayants droit de victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation, de leur accorder une indemnité globale de 80 000 euros au titre de la spoliation d’œuvres d’art et de 2 470 euros au titre de celle d’un piano et, enfin, d’accorder 193/320ème de cette somme à Mme D G et le reliquat à M. A C. En revanche, elle a été d’avis de ne pas accorder d’indemnisation aux demandeurs au titre de la spoliation des meubles garnissant l’appartement situé 40, rue du Président Wilson à Levallois, du fait de son indemnisation H les autorités de la République fédérale d’Allemagne, ainsi qu’au titre d’éventuelles spoliations de biens professionnels, d’avoirs bancaires et de bijoux, celles-ci ne pouvant être considérées comme établies. Il ressort de courriers adressés le 26 novembre 2020 à Mme G et à M. C H le directeur des services administratifs et financiers du secrétariat général du Gouvernement que le Premier ministre a décidé de suivre les recommandations de la CIVS. H des courriers du 25 janvier 2021, le conseil des requérants a présenté un recours gracieux à l’encontre de ces décisions en tant qu’elles accordaient une indemnisation insuffisante des œuvres d’art spoliées et qu’elles rejetaient toute indemnisation au titre de la spoliation de bijoux et de métaux précieux. Ces recours gracieux ont été implicitement rejetés du fait du silence gardé sur eux H le Premier ministre.
3. H les présentes requêtes, Mme D G et M. A C doivent être regardés comme demandant au tribunal d’annuler les décisions du Premier ministre pour excès de pouvoir, ensemble les rejets implicites de leurs recours gracieux du 25 janvier 2021.
Sur la jonction :
4. Les requêtes enregistrées sous les nos 2110983 et 2114766 présentent à juger des questions analogues et ont fait l’objet d’une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué H un seul jugement.
Sur les conclusions des requêtes :
5. En premier lieu, s’il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté, l’exercice du recours gracieux n’a d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, Dans ces conditions, les vices propres de la décision de rejet d’un recours gracieux ne peuvent être utilement contestés.
6. Il en résulte que le moyen tiré de l’insuffisante motivation des décisions implicites H lesquelles le Premier ministre a rejeté les recours gracieux de Mme G et de
M. C en date du 25 janvier 2021 ne peut, en toute hypothèse, qu’être écarté comme inopérant.
7. En second lieu, aux termes de l’article 1er du décret du 10 septembre 1999 visé ci-dessus : ” Il est institué auprès du Premier ministre une commission chargée d’examiner les demandes individuelles présentées H les victimes ou H leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l’Occupation, tant H l’occupant que H les autorités de Vichy. / La commission est chargée de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation appropriées “. L’article 1-1 de ce décret prévoit que : ” La commission est également compétente pour proposer au Premier ministre, de sa propre initiative ou à la demande de toute personne concernée, toute mesure nécessaire de restitution ou, à défaut, d’indemnisation, en cas de spoliations de biens culturels intervenues du fait de législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation, notamment lorsque ces biens ont été intégrés dans les collections publiques ou récupérés H la France après la Seconde Guerre mondiale et confiés depuis lors à la garde des musées nationaux “. L’article 8-2 du même décret prévoit que les décisions d’indemnisation sont prises H le Premier ministre sur la base des recommandations de la commission.
8. Le dispositif institué H ces dispositions aboutit, au terme d’une procédure de conciliation, à ce que la commission recommande, le cas échéant, au Premier ministre de prendre une mesure de réparation, de restitution ou d’indemnisation. Les décisions prises H le Premier ministre peuvent être annulées notamment si elles sont entachées d’erreur de droit, d’erreur de fait, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir. Elles doivent notamment permettre la restitution à leurs propriétaires ou aux ayants droit de ceux-ci des biens dont ils ont été spoliés. Dans le cas où cette restitution est impossible, ces biens ayant été détruits ou n’ayant pu être retrouvés, les propriétaires ou leurs ayants droit doivent en être indemnisés selon les règles particulières issues du décret du 10 septembre 1999. Dans ce cas, la réparation qui leur est accordée doit être équitable, à défaut d’être intégrale. Enfin, dans ce cadre et en application des dispositions de ce décret, il est possible pour le Premier ministre d’évaluer les biens spoliés qui n’ont pu être retrouvés à la date à laquelle l’étendue de la spoliation a pu être connue et de majorer le montant ainsi évalué pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie
9. En ce qui concerne tout d’abord le refus du Premier ministre d’accorder aux requérants une réparation au titre de la prétendue spoliation de bijoux et de métaux précieux subie H M. B G et Mme F G, le rapporteur devant la CIVS puis ladite commission ont fait valoir de manière précise et détaillée que les époux G avaient su prendre des mesures efficaces et complexes pour éviter les effets des lois antisémites sur leur capital professionnel, en procédant notamment dès octobre 1940 à une ” aryanisation préventive ” de la société dont Mme G était l’associée. Il ressort également des pièces du dossier qu’au moment de leur fuite, qui a précédé de plusieurs mois le pillage de leur appartement, les époux G ne disposaient de quasiment plus aucune liquidité auprès de leur établissement bancaire. Cette circonstance s’explique, au regard des pièces du dossier, soit H les précautions qu’ils avaient prises afin d’éviter les effets de la législation antisémite sur les comptes bancaires des personnes considérées comme juives, soit H leur état de nécessité qui aurait alors justifié qu’ils emportent avec eux au moment de leur départ pour le Sud de la France la totalité ou du moins la très grande majorité de leurs bijoux et métaux précieux. H ailleurs, alors que M. G était actif dans le domaine des pierres précieuses et des bijoux, aucune demande n’a été formulée auprès des autorités allemandes H son épouse au titre de la réparation des ” dommages professionnels “, ce qui exclut qu’une spoliation ait pu concerner des bijoux et métaux précieux qu’il aurait détenus du fait de son activité professionnelle. En ce qui concerne leurs bijoux personnels, Mme G a entrepris de nombreuses démarches à la Libération afin de récupérer ses différents biens spoliés. Elle a notamment fait établir trois attestations entre 1947 et 1949, dont une H le concierge de son immeuble, dont aucune ne mentionne pourtant la perte de bijoux. De même, la demande d’indemnisation qu’elle a déposée en 1958 auprès des autorités de la République fédérale d’Allemagne ne mentionnait pas une telle spoliation. Ce n’est ainsi qu’en 1963, soit près de 20 ans après les faits, que Mme G a pour la première fois mentionné la spoliation de bijoux et objets précieux. Dans ces conditions, le rapporteur de la CIVS puis la commission elle-même étaient fondés à considérer comme très improbable la circonstance que les époux G aient laissé sans surveillance dans leur appartement pendant plusieurs mois des bijoux et métaux précieux qui ont été H la suite évalués H les requérants à la somme totale de 618 203 euros. S’il est vrai que le rapporteur avait indiqué en conclusion de son rapport qu’il était d’avis qu’ ” une indemnité soit allouée et chiffrée H la Commission au titre de la confiscation de bijoux “, il avait auparavant exclu, ainsi qu’il a été dit, que les époux G aient laissé sans surveillance pendant plusieurs mois leurs bijoux les plus précieux et avait seulement estimé possible que ces derniers aient laissé une petite partie de leurs bijoux à leur domicile lors de leur fuite. Enfin, alors que le Premier ministre n’a pas refusé H principe d’indemniser la spoliation de bijoux et métaux précieux subie H une victime des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation mais a seulement considéré qu’en l’espèce, ladite spoliation n’était pas suffisamment établie, les requérants ne sauraient se prévaloir de recommandations de la CIVS rendues dans d’autres procédures et proposant d’indemniser les victimes ou leurs ayants droit de la spoliation de tels biens.
10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions du Premier ministre en litige seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elles refusent de les indemniser au titre d’une prétendue spoliation des bijoux et métaux précieux détenus H M. B G et Mme F G.
11. H ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le Premier ministre n’a pas exigé d’eux une preuve impossible concernant l’éventuelle spoliation des bijoux de M. B G et Mme F G ni n’a considéré H principe leur demande comme étant de mauvaise foi. Il ressort au contraire des pièces du dossier et des éléments mentionnés au point 9 que c’est sans commettre d’erreur de droit au regard des règles particulières issues du décret du 10 septembre 1999 et à l’issue d’un examen particulièrement détaillé qu’il a refusé d’indemniser les requérants d’une spoliation de bijoux après avoir estimé, à la vue de l’ensemble des pièces du dossier, que cette dernière ne pouvait pas être considérée comme établie.
12. En ce qui concerne ensuite l’indemnisation accordée H le Premier ministre aux requérants au titre de la spoliation d’œuvres d’art, il est constant que M. B G et Mme F G ont été victimes de la spoliation de dix tableaux, qu’ils avaient acquis avant la Seconde Guerre mondiale et qui n’ont pas pu être retrouvés à la Libération. Il ressort des pièces du dossier que le Premier ministre a bien souhaité indemniser les requérants de la valeur de l’ensemble de ces tableaux, y compris un tableau peint H Modigliani et intitulé ” L’enfant “. Il est également constant qu’aucune indemnisation ne leur a été accordée à ce titre H les autorités de la République fédérale d’Allemagne. Pour évaluer la valeur de ces œuvres, dont les auteurs et les dimensions sont connus mais pas la qualité artistique ni l’état de conservation, la CIVS s’est fondée sur une étude de prix réalisée en septembre 2019 H la mission de recherche et de restitution des biens culturels rattachée au ministère de la culture. Il ressort des pièces du dossier que cette étude porte sur un très grand nombre de ventes, regroupées H artiste et réalisées entre 1940 et les années 1950. Le Premier ministre indique, sans être contredit sur ce point, qu’il s’agit de la base de données la plus complète actuellement disponible. Il fait également valoir à raison qu’il y a lieu de se référer au prix moyen des ventes pour chacun des peintres concernés afin d’établir l’indemnisation due aux requérants dès lors que les caractéristiques exactes des tableaux spoliés ne sont pas connues. Pour contester ces valeurs moyennes, les requérants se prévalent uniquement d’une expertise réalisée à la demande de Mme F G en 1964. Toutefois, cette expertise portait sur les seules ventes réalisées en 1956 et 1957 et apparaît donc moins complète et moins fiable que l’étude de prix de septembre 2019 susmentionnée. Dans ces conditions, le rapporteur de la CIVS a évalué la spoliation subie à la somme actualisée de 59 157 euros. Pour tenir compte des incertitudes entourant la nature exacte de ces œuvres et dans un souci d’équité, le Premier ministre a substantiellement relevé cette somme et a fixé l’indemnisation des ayants droit de M. B G et Mme F G au titre de la spoliation d’œuvres d’art à la somme totale de 80 000 euros.
13. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions du Premier ministre en litige seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elles retiennent ladite somme pour fixer l’indemnisation qui leur est due au titre de la spoliation d’œuvres d’art.
14. H ailleurs, les requérants font valoir que les décisions litigieuses du Premier ministre sont entachées d’une erreur de droit en ce que l’évaluation de la valeur des œuvres spoliées n’a pas été faite au regard de leurs valeurs en 1943, année de leur spoliation. Ils indiquent H conséquent qu’il y avait lieu de ne tenir compte que des ventes réalisées pendant la Seconde Guerre mondiale dans l’étude de prix réalisée en septembre 2019 H la mission de recherche et de restitution des biens culturels et non de l’ensemble des ventes répertoriées H celle-ci jusque dans les années 1950. Toutefois, il résulte des principes rappelés au point 8 du présent jugement que pour évaluer des biens spoliés qui n’ont pu être retrouvés, il est possible pour le Premier ministre de déterminer leur valeur non à la date de leur spoliation mais à la date à laquelle l’étendue de la spoliation a pu être connue. Dans ces conditions, alors que la perte des tableaux des époux G n’a pu être considérée comme définitive que plusieurs années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Premier ministre n’a pas entaché ses décisions en litige d’erreurs de droit en se fondant sur l’intégralité des ventes recensées dans l’étude de prix réalisée en septembre 2019 H la mission de recherche et de restitution des biens culturels pour déterminer leur valeur, puis en majorant le montant ainsi obtenu pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie.
15. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées H Mme G et M. C doivent être rejetées ainsi que, H voie de conséquence, leurs conclusions à fin d’injonction sous astreinte et au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête de Mme G est rejetée.
Article 2 : La requête de M. C est rejetée.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme D G, à M. A C et à la Première ministre.
Copie en sera envoyée pour information à la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS).
Délibéré après l’audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Marino, président,
M. Le Broussois, premier conseiller
M. Thulard, premier conseiller.
Rendu public H mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.
Le rapporteur,
V. E
Le président,
Y. MarinoLe greffier,
A. Lemieux
La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
N°s 2110983 et 2114766/6-1