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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 octobre 2020 et 6 janvier 2021, M. H R, Mme L D, Mme G E, Mme A I et M. C I, Mme P J, Mme O K, Mme F M et Mme Q B, ayant pour représentant M. R, demandent au tribunal d’annuler l’arrêté en date du 2 juin 2020 du maire de Genolhac portant interdiction de la pose de palettes et tout autre aménagement sur des installations, type balcon et façade d’habitations donnant sur le domaine public de la commune.
Ils soutiennent que :
– leur requête est recevable ;
– l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente dès lors que le maire s’est fondé sur les dispositions de l’article
R. 111-21 du code de l’urbanisme qui n’ont pas vocation à s’appliquer lors de l’édiction d’un acte réglementaire d’interdiction relevant de la police administrative générale ;
– il est entaché d’erreur d’appréciation au regard de l’article
L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dès lors que, d’une part, la mesure d’interdiction ne répond à aucun trouble à l’ordre public, la sécurité des passants n’étant pas menacée par un risque de chute des palettes-jardinières et dès lors que, d’autre part, le fait que les installations en litige portent atteinte au caractère pittoresque et médiéval de la commune relève de considérations esthétiques qui ne sont pas de nature à caractériser un trouble à l’ordre public ;
– il porte une atteinte disproportionnée au droit à la propriété privée et à la liberté d’expression dans la mesure où il restreint une activité artistique et décorative de façon non justifiée ;
– il présente un caractère général, absolu et disproportionné ;
– l’arrêté est entaché de détournement de pouvoir dans la mesure où il vise à défavoriser une catégorie d’administrés au profit de convictions personnelles ; les palettes-jardinières sont discriminées alors qu’elles sont situées dans une situation objectivement analogue à celle des bacs à fleurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, la commune de Genolhac, représentée par la SCP Territoire Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 500 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. N,
– les conclusions de Mme Bourjade, rapporteure publique,
– et les observations de Me d’Audigier, représentant la commune de Genolhac.
:
1. Par arrêté en date du 2 juin 2020 le maire de Génolhac a interdit de ” suspendre et/ou d’accrocher des palettes ou tout autre aménagement sur des installations, type balcon et façade donnant sur le domaine public, hormis les bacs à fleurs “. M. R, Mme D, Mme E, Mme I et M. I, Mme J, Mme K, Mme M et Mme Q B demandent l’annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions d’annulation
2. Pour interdire la suspension et l’accrochage de palettes-jardinières sur le balcon ou la façade des habitations donnant sur le domaine public de la commune, le maire de Génolhac s’est notamment fondé sur les dispositions de l’ancien article
R. 111-21 du code de l’urbanisme, transposées sous l’article
R. 111-27 de ce code, au motif que cet ” aménagement ” constitue une modification visuelle de la façade de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains au regard du caractère pittoresque de la commune. Les requérants, qui soutiennent que ces dispositions du code de l’urbanisme n’ont pas vocation à s’appliquer aux actes réglementaires relevant de la police administrative générale, doivent être regardés comme soulevant un moyen tiré de l’erreur de droit. Le maire d’une commune ne peut faire application de l’article
R. 111-27 du code de l’urbanisme que lorsqu’il se prononce sur une demande d’autorisation d’urbanisme régie par le code de l’urbanisme. En fondant son arrêté d’interdiction sur les dispositions du code de l’urbanisme, le maire de la commune, contrairement à ce qui est soutenu, n’a pas commis une simple erreur dans les visas de l’arrêté mais une erreur de droit.
3. Aux termes, d’autre part, de l’article
L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : ” Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale () “. En application de l’article
L. 2212-2 de ce code : ” La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :/ 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage () “. Il résulte de ces dispositions que les pouvoirs de police du maire lui imposent, notamment, de préserver la tranquillité et la sécurité publiques, mais aussi de concilier les exigences précitées avec le principe de la libre circulation et le droit de propriété. Toute mesure de police doit être proportionnée aux troubles à l’ordre public qu’elle entend faire cesser et doit, sous le contrôle du juge, être justifiée et adaptée aux buts poursuivis.
4. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Génolhac, pour décider d’interdire la suspension et l’accrochage de palettes-jardinières ou ” tout autre aménagement sur des installations type balcon et façade ” des habitations donnant sur le domaine public de la commune, s’est fondé sur une atteinte à la sécurité publique au sens des dispositions précitées. S’il existe effectivement un risque pour la sécurité publique des riverains circulant sur la voie publique en cas de chute des palettes-jardinières d’un poids d’environ 25 kg, dont la solidité des fixations n’est pas garantie, ce risque n’est avéré qu’en cas de suspension sur les balcons et les façades au-dessus des portes ou porches des propriétés privées lorsqu’elles sont installées à une hauteur significative, parfois à plus d’un mètre du sol. La circonstance qu’aucun accident n’a été déploré jusqu’ici n’est pas de nature à minimiser ce risque. Contrairement à ce que soutient la commune, les photographies versées au débat par les parties font apparaître des palettes-jardinières, à caractère purement artistique et décoratif, accrochées sur la façade des habitations et installées à même le sol, ou bien légèrement surélevées de quelques centimètres, de sorte qu’elles ne présentent aucun risque sérieux pour la sécurité des riverains empruntant la voie publique. Dans ce dernier cas de figure, la commune ne se prévaut d’aucune circonstance qui aurait contribué à la réalisation d’un risque particulier qui impliquerait nécessairement l’interdiction de l’accrochage de palettes ou tout autre aménagement installés au sol. Alors même que le maire de la commune de Génolhac était tenu de prendre des mesures proportionnées aux enjeux pour assurer la sécurité publique et que son inaction à prendre de telles mesures serait susceptible d’engager la responsabilité de la commune en cas d’accident, les aménagements en cause, qui pouvaient en réalité être distingués selon leur nature, leur hauteur d’installation par rapport au sol et leurs modes de fixation, apparaissent, en l’état du dossier, dépourvu de risque d’une gravité telle qu’aucune mesure de police moins contraignante que l’interdiction généralisée des palettes ou de tout autre aménagement n’était envisageable. Dans ces conditions, l’arrêté portant interdiction d’accrocher tout aménagement en façade, a porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété des requérants.
5. Il résulte de ce qui précède que M. R et autres sont fondés à soutenir que l’arrêté qu’ils contestent est entaché d’excès de pouvoir. Il y a lieu en conséquence d’annuler la décision du 2 juin 2020 sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.
6. Les dispositions de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. R et autres, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 1er : L’arrêté du 2 juin 2020 du maire de la commune de Génolhac portant interdiction d’accrocher tout aménagement en façade est annulé.
Article 2 : Les conclusions que la commune de Génolhac présente au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. H R, premier dénommé dans la requête pour l’ensemble des requérants, et à la commune de Génolhac.
Délibéré après l’audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Antolini, président,
M. Lagarde, premier conseiller,
Mme Lahmar, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023.
Le président-rapporteur,
J. N Le conseiller le plus ancien,
F. LAGARDE
La greffière,
A. OLSZEWSKI
La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.