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Extraits : illégale à sa liberté d’aller et venir, à sa liberté d’entreprendre et à la liberté de création artistique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête en faisant valoir que :
– les conclusions dirigées contre la décision de placement en zone d’attente sont irrecevables puisque par une o
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
I. Par une première requête, enregistrée le 14 février 2023 sous le n° 2301455,
M. B A, actuellement en zone d’attente de l’aéroport d’Orly, représentée par Me Sillet, demande au juge des référés :
1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution des décisions de refus d’entrée sur le territoire français et de placement en zone d’attente à l’aéroport d’Orly en date du 10 février 2023 ;
2°) d’enjoindre à l’administration de procéder à sa libération immédiate ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A soutient que :
* l’urgence de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative est justifiée par le fait que le maintien en zone d’attente constitue une privation de liberté, mais en outre, il risque, à tout moment d’être réacheminé vers son pays de provenance ;
* les décisions querellées portent une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’aller et venir, à sa liberté d’entreprendre et à la liberté de création artistique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête en faisant valoir que :
– les conclusions dirigées contre la décision de placement en zone d’attente sont irrecevables puisque par une ordonnance du 14 février 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de M. A en zone d’attente pour une durée de 8 jours soit jusqu’au 22 février 2023 ;
– les conclusions dirigées contre la décision portant refus d’entrée sur le territoire français sont infondées dès lors que la condition d’urgence de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative n’est pas satisfaite ; en effet, la situation d’urgence invoquée par le requérant résulte de son propre comportement ; au surplus, il n’y a aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir puisque la décision de refus d’entrée a été prise sur la base de critères objectifs tenant au fait que l’intéressé ne remplissait pas les conditions légales pour entrer sur le territoire français.
II. Par une seconde requête, enregistrée le 17 février 2023, M. A, représenté par
Me Sillet, demande, au juge des référés, sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative et par les mêmes moyens que ceux soulevés dans l’instance n° 2301455 :
1°) d’ordonner la jonction de la présente procédure en référé liberté avec la requête
n° 2301455 ;
2°) d’ordonner, sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision en date du 14 février 2023 d’abrogation de son visa ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
– la décision de refus d’entrée sur le territoire français et la décision de placement en zone d’attente en date du 10 février 2023 ;
– la décision d’abrogation du visa de M. A en date du 14 février 2023 ;
– les pièces complémentaires, présentées pour M. A et enregistrées le 17 février 2023 ;
– les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Freydefont, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Au cours de l’audience publique tenue le 17 février 2023 en présence de Mme Aubret, greffière d’audience, M. C a lu son rapport et entendu :
– les observations de Me Sillet, représentant M. A, requérant présent sous escorte policière, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens en soutenant, de plus, que les deux requêtes n° 2301455 et 2301579 sont intrinsèquement liées et que c’est la raison pour laquelle il est demandé leur jonction ; il venait en France pour se produire dans le cadre de la semaine culturelle africaine organisée par l’association ” Les Vétérans Niort ” et devant se terminer par un festival de musique à Niort le samedi 18 février 2023 à 20 heures ; lors de son arrivée à l’aéroport d’Orly le 10 février 2023, il s’est vu opposer un refus d’entrée au motif que sa réservation à l’hôtel Best Western de Niort avait été annulée trois jours plus tôt et qu’il n’avait sur lui que la somme de 130 euros pour un séjour prévu jusqu’au 22 février 2023 ; or, l’annulation de son hébergement n’est pas de son fait mais résulte d’une erreur du trésorier de l’association ” Les Vétérans Niort ” et il dispose maintenant d’une autre solution d’hébergement ; de plus, il avait sur lui l’invitation du président de l’association ; enfin, sur les 1 500 euros qu’il doit percevoir au titre de sa prestation artistique, 530 lui ont déjà été versés par virement Western Union ; par suite, les motifs qui lui ont été opposés lors de son refus d’entrée ne sont plus d’actualité ; l’extrême urgence est caractérisée par le fait que le concert doit se tenir demain à Niort à 20 heures ; les décisions en cause portent une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’aller et venir ainsi qu’à sa liberté de création artistique.
Le ministre de l’Intérieur, défendeur, n’est ni présent, ni représenté.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience à 10 heures 40.
:
1. Il résulte de l’instruction que M. B A, ressortissant camerounais né le
11 août 1979 à Douala, a tenté de pénétrer sur le territoire français au point de passage frontalier de Paris-Orly le 10 février 2023 à 22 heures 20 en provenance de l’aéroport de Douala sur un vol de la compagnie Air Maroc en provenance de Casablanca et à destination d’Orly arrivé à 21 heures 45. Il s’est alors vu opposer une décision du 10 février 2023 notifiée le même jour à 22 heures 40 de refus d’entrée sur le territoire français au double motif qu’il n’était pas détenteur du document approprié attestant du but et de ses conditions de séjour et qu’il ne dispose pas de moyens de subsistance suffisants correspondant à la période et aux modalités de son séjour ni au retour vers son pays d’origine ou de transit. Il a par la suite fait l’objet d’une décision notifiée à 23 heures 12 de placement en zone d’attente. Enfin, par décision du 14 février 2023, il a fait l’objet d’une décision d’abrogation de son visa.
2. Par les présentes requêtes, qu’il convient de joindre car elles concernent le même requérant et présentent à juger des questions semblables, M. A demande, sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension des décisions de refus d’entrée et de placement en zone d’attente et de le laisser pénétrer librement sur le territoire français ainsi que de la décision d’abrogation de son visa.
Sur l’office du juge des référés :
3. Aux termes de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative : ” Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ” ; aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : ” Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles
L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. ” ; enfin, aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : ” La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire. “.
4. Lorsqu’un requérant fonde son action non sur la procédure de suspension régie par l’article
L. 521-1 du code de justice administrative mais sur la procédure de protection particulière instituée par l’article
L. 521-2 précité de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l’article
L. 521-2 soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. L’urgence doit s’apprécier objectivement et globalement et tenir compte du fait que le requérant ne se soit pas placé lui-même dans une situation qui ne lui permette pas d’invoquer utilement -ni sérieusement- la notion d’urgence ; il en est notamment ainsi lorsque la situation d’urgence découle directement de la négligence ou de la carence du requérant, ou de tout autre acte positif qui lui est directement imputable. Enfin, la condition d’urgence s’apprécie à la date de la présente ordonnance.
Sur les dispositions applicables :
5. D’une part, aux termes de l’article
L. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : ” Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s’il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l’article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du
9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) () ” ; aux termes de l’article L. 332-1 du même code : ” L’étranger qui ne satisfait pas aux conditions d’admission prévues au titre I peut faire l’objet d’une décision de refus d’entrée, sans préjudice des dispositions particulières relatives au droit d’asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour. ” ; aux termes de l’article L. 332-2 dudit code : ” La décision de refus d’entrée, qui est écrite et motivée, est prise par un agent relevant d’une catégorie fixée par voie réglementaire. ” ; aux termes de l’article R. 332-2 de ce code : ” La décision refusant l’entrée en France à un étranger, prévue à l’article L. 332-2, est prise : / 1° Par le chef du service de la police nationale chargé du contrôle aux frontières ou, par délégation, par un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier () “
6. D’autre part, aux termes de l’article
L. 341-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : ” L’étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d’attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. ” ; aux termes de l’article
L. 341-2 du même code : ” Le placement en zone d’attente est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quatre jours par une décision écrite et motivée d’un agent relevant d’une catégorie fixée par voie réglementaire. “
Sur les conclusions présentées au titre de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative :
En ce qui concerne les décisions de refus d’entrée sur le territoire et d’abrogation de visa :
7. La liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, constitue une liberté fondamentale au sens de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative. Elle s’exerce, en ce qui concerne le franchissement des frontières, dans les limites découlant de la souveraineté de l’Etat et des accords internationaux et n’ouvre pas aux étrangers un droit général et absolu d’accès sur le territoire français. Celui-ci est en effet subordonné au respect tant de la législation et de la réglementation en vigueur que des règles qui résultent des engagements européens et internationaux de la France.
8. Aux termes du 1 de l’article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 dit ” code frontière Schengen “, pour un séjour n’excédant pas 90 jours, l’étranger doit justifier de l’objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée de son séjour que pour le retour dans son pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens.
9. Or, il résulte de l’instruction que M. B A, artiste camerounais connu sous le nom de B D, a été invité par le président de l’association ” Les Vétérans Niort ” à participer à la semaine de la culture africaine de Niort devant se clôturer par un concert organisé le samedi 18 février de 20 heures à 4 heures du matin. Aux termes d’un contrat de travail à durée déterminée conclu entre l’association et le requérant, la prestation artistique de M. A devait comporter deux performances le 10 février de midi à 4 heures du matin le lendemain et le 18 février de midi à 4 heures du matin le lendemain et était facturée 1 500 euros. L’association devait en outre prendre en charge les frais d’hébergement et de bouche de M. A, une réservation à l’hôtel Best Western de Niort ayant été réalisée en décembre 2022 pour la période du 9 au 21 février 2023 pour un total de 1 311 euros. Toutefois, lorsqu’il s’est présenté au point de passage frontalier de l’aéroport de Paris Orly le 10 février 2023 à 22 heures 20, il a été opposé à l’intéressé que la réservation de son hébergement à l’hôtel Best Western de Niort avait été annulée trois jours plus tôt, et qu’il n’avait sur lui que 130 euros, somme manifestement insuffisante pour assumer le coût de son séjour en France jusqu’au 22 février 2023, date de son retour présumé au Cameroun estimé, coût estimé à plusieurs milliers d’euros.
10. M. A fait valoir que l’annulation de son hébergement n’est pas de son fait mais résulte d’une erreur du trésorier de l’association ” Les Vétérans Niort ” et qu’il dispose maintenant d’une autre solution d’hébergement ; de plus, il avait sur lui l’invitation du président de l’association ; enfin, sur les 1 500 euros qu’il doit percevoir au titre de sa prestation artistique,
530 euros lui ont déjà été versés par virement Western Union ; par suite, les motifs qui lui ont été opposés lors de son refus d’entrée ne sont plus d’actualité.
11. Toutefois, M. A n’explique pas pourquoi, alors que sa prestation artistique devait aux termes de son contrat débuter dès le 10 février à midi, il n’est arrivé en France que le même jour à 21 heures 45, ce qui de facto ne lui permettait pas d’assurer sa première prestation. De plus, s’il soutient avoir maintenant une autre solution d’hébergement que celle initialement prévue à l’hôtel Best Western de Niort, il n’en justifie pas, les pièces de la requête ne comportant aucune mention d’une quelconque solution d’hébergement de rechange. En outre, si M. A justifie d’un virement de 530 euros, cette somme est insuffisante pour un séjour en France devant prendre fin au 22 février et alors que l’intéressé ne justifie même pas d’un billet de retour au Cameroun ou à destination du pays de transit. En tout état de cause, comme l’a d’ailleurs fait observer le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance du 14 février 2023, les garanties de séjour apportées par la personne désirant pénétrer sur le territoire français doivent s’apprécier au jour de l’arrivée, peu importe la régularisation effectuée a postériori. Par suite, en refusant l’entrée sur le territoire français à M. A, l’autorité administrative n’a commis aucune illégalité au regard du droit interne et des conventions internationales et n’a donc pas violé la liberté d’aller et venir du requérant. Par suite, il en est de même de la décision d’abrogation de visa prise pour les mêmes motifs que celle de refus d’entrée.
12. Il en résulte que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la condition d’urgence, les conclusions à fin de suspension de la décision de refus d’entrée sur le territoire français et de la décision d’abrogation de visa présentées sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative doivent être rejetées.
En ce qui concerne la décision de placement en zone d’attente :
13. Aux termes de l’article
L. 342-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : ” Le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours. “.
14. Par une ordonnance du 14 février 2023, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de M. A en zone d’attente pour une durée de 8 jours soit jusqu’au 22 février 2023. Il en résulte que la décision administrative du 10 février 2023 contestée par l’intéressé le plaçant en zone d’attente a cessé de produire effet. La décision du juge des libertés et de la détention qui s’y est substituée relève du seul contrôle de l’autorité judiciaire. Par suite, les conclusions dirigées contre la mesure de placement en zone d’attente sont irrecevables en ce qu’elles sont présentées devant un juge incompétent pour en connaître.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées sur le fondement de l’article
L. 521-2 du code de justice administrative et dirigées contre les décisions de refus d’entrée sur le territoire français et de placement en zone d’attente doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il convient également de rejeter les conclusions à fin d’injonction ainsi que celles tendant au bénéfice de l’article
L. 761-1 du même code.
O R D O N N E
: Les requêtes de M. A sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer.
Copie dématérialisée en sera adressée au directeur de la police aux frontières (PAF) de l’aéroport d’Orly.
Fait à Melun, le 17 février 2023.
Le juge des référés,
Signé : C. C
La République mande et ordonne au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nos 2301455 ; 2301579