Droits des Artistes : Tribunal administratif de Grenoble, Juge unique 6, 1 mars 2023, 2300404

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Droits des Artistes : Tribunal administratif de Grenoble, Juge unique 6, 1 mars 2023, 2300404
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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2023, M. A, représenté par Me Garbaa, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d’éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de supprimer son signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen ;

3°) d’enjoindre au préfet à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

– il ne représente pas un trouble à l’ordre public car il n’a pas méconnu la législation sur les stupéfiants ni la législation sur le séjour des étrangers ;

– la décision méconnaît les dispositions de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Sur l’interdiction de retour pour une durée de deux ans :

– elle méconnait les dispositions de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale ;

– il peut se prévaloir de circonstances humanitaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2023, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

A l’audience publique, M. C a présenté son rapport et constaté l’absence des parties.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit

:

1. M. A, de nationalité guinéenne, déclare être entré sur le territoire français en 2016. Sa demande d’asile a été rejetée le 9 mars 2018 par l’office français de protection des réfugiés et des apatrides et le 10 juillet 2019 par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Il a formulé une demande de réexamen de sa demande d’asile qui a été définitivement rejetée par la CNDA le 27 août 2021. Par l’arrêté du 20 janvier 2023 le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la destination d’éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l’article

L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : ” L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (), lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants : / 3° L’étranger s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s’est vu retirer un de ces documents;/ 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l’étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu’il ne soit titulaire de l’un des documents mentionnés au 3° () “. Aux termes de l’article

L. 612-2 du même code : ” Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants: / 1o Le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public; /2o L’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse; /3o Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet. “. Aux termes de l’article

L.612-3 du même code : ” Le risque mentionné au 3° de l’article

L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; () 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; () 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 “.

3. M. A fait valoir qu’il ne représente pas une menace à l’ordre public car il n’a pas méconnu la législation sur les stupéfiants ni la législation sur le séjour des étrangers. Il ressort effectivement des pièces du dossier, que les poursuites judiciaires engagées à son encontre ont été déclarées sans suite et qu’elles constituaient les seuls fondements à la qualification de menace à l’ordre public retenue par le préfet.

4. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français qui a été édictée à son encontre non sur le fondement du 5° de l’article

L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui prévoit l’éloignement de l’étranger dont le comportement représente une menace à l’ordre public, mais sur le fondement du 4° du même article, en raison du refus définitif de lui reconnaître le statut de réfugié dont il a fait l’objet le 27 août 2021. S’il indique avoir déposé une demande de titre de séjour au cours du mois de novembre 2022, il ne justifie pas être titulaire de l’un des documents mentionnés au 3° de l’article

L. 611-1 précité.

5. En revanche, le préfet ne pouvait pas lui opposer la menace à l’ordre public pour justifier le refus de lui accorder un délai de départ volontaire. Ainsi, le motif retenu dans la décision attaquée ne pouvait légalement justifier la décision contestée.

6. Toutefois, la décision de refus de départ volontaire était, également, fondée sur les dispositions des 3° et 5° de l’article

L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile aux termes desquelles : ” Le risque mentionné au 3° de l’article

L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; () 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; () 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité () “. Le préfet fait valoir en défense qu’il existe un risque avéré que M. A se soustraie à la mesure d’éloignement, dès lors qu’il s’est déjà soustrait à deux autres mesures d’éloignement et qu’il ne présente pas des garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité et d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dès lors que M. A ne remet pas en cause la matérialité de ces faits, ces motifs suffisent à eux seuls à fonder légalement la décision litigieuse.

7. En deuxième lieu, M. A est présent sur le territoire depuis seulement 5 ans et ne dispose d’aucune attache familiale et personnelle sur le territoire. S’il se prévaut de l’existence d’une relation amoureuse sur le territoire, il ne le justifie pas. De plus, la seule circonstance qu’il ait occupé divers emplois temporaires entre le mois de mai 2022 et le mois de septembre 2022 n’est pas suffisante à considérer que le centre de ses intérêts personnels se trouve désormais sur le territoire français. Dès lors, le préfet n’a pas méconnu les dispositions de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni entaché son arrêté d’une erreur manifeste d’appréciation.

8. En troisième lieu, aux termes de l’article

L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : ” Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour () “. Aux termes de l’article

L. 612-10 du même code : ” Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles

L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français () “..

9. En l’espèce, si M. A fait valoir qu’il justifie de circonstances humanitaires empêchant une interdiction de retour, il ressort des pièces du dossier que la CNDA a rejeté sa demande d’asile le 10 juillet 2019 et sa demande de réexamen le 27 août 2021. M. A ne se prévaut d’aucune circonstance nouvelle justifiant de craintes réelles en cas de retour dans son pays d’origine. En particulier, M. A, qui soutient être un artiste engagé et faire partie de l’opposition au pouvoir, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu’il serait exposé à des risques de la nature de ceux prévus par les dispositions susvisées de l’article

L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans le cas où il retournerait dans son pays d’origine. Dès lors, le préfet n’a pas entaché son arrêté d’une méconnaissance des dispositions précitées, ni des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout de ce qui précède que l’ensemble des conclusions de la requête de M. A doit être rejeté.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A, à Me Garbaa et au préfet de la Haute-Savoie.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2023.

Le magistrat désigné,

C. C

Le greffier,

G. MORAND

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


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