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La cour d’appel a retenu qu’en utilisant, sans autorisation, dans des restaurants au Royaume-Uni et en Europe et, dès lors, soumises à un large public, des reproductions dont la similitude avec des oeuvres d’un tiers est incontestable, malgré la clause contractuelle d’originalité la liant aux sociétés McDonald’s, la société Atelier archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l’assureur.
* * * REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 270 FS-B+R
Pourvoi n° B 21-21.084
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023
1°/ la société Oak édition, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Atelier archange, dont le siège est [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° B 21-21.084 contre l’arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Expera assurances, venant aux droits et obligations de la société Di Giorgio & Gintrand assurances, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Di Giorgio & Gintrand assurances, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société MMA IARD, société anonyme
4°/ à la société civile MMA IARD assurances mutuelles,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de la société Oak édition et de la société Atelier archange, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Expera assurances, et l’avis de M. Brun, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Delbano, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), pour les besoins de son activité de design et d’architecture intérieure, la société Atelier archange a souscrit un contrat d’assurance auprès de la société Les Mutuelles du Mans assurances, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA). Le contrat a été souscrit par l’intermédiaire de l’agent de l’assureur, la société Di Giorgio & Gintrand assurances, aux droits de laquelle vient la société Expera assurances.
2. La société Atelier archange a été chargée par la société McDonald’s Europe de travaux de décoration de restaurants.
3. A la suite d’une réclamation d’ayants droit d’un designer, la société Atelier archange a déclaré un sinistre à son assureur, qui a refusé sa garantie aux motifs que l’assurée avait commis une faute dolosive en raison du caractère flagrant et massif de la contrefaçon.
4. La société Atelier archange a assigné l’assureur et son agent. La société Oak édition est venue aux droits de la société Atelier archange.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Oak édition fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées contre les sociétés MMA et la société Di Giorgio & Gintrand assurances, alors « que la faute dolosive de l’article L. 113-1 du code des assurances, privant l’assuré du bénéfice de la garantie suppose qu’il ait agi non pas seulement avec la conscience du risque de provoquer le dommage, mais aussi avec la volonté de le provoquer et d’en vouloir les conséquences, telles qu’elles se sont produites ; qu’en l’espèce, la cour d’appel relève que si le cabinet d’architecte Atelier Archange « fait valoir qu’un architecte-designer ne peut se prémunir du fait que la création n’emprunte à aucune oeuvre antérieure, que les analyses tenant à l’originalité des oeuvres prétendument contrefaites peuvent diverger notamment d’un pays à l’autre, que la question de la titularité des droits d’auteur portant sur une oeuvre est sujette à des interprétations, et ce particulièrement lorsque l’auteur est décédé », un simple examen visuel des oeuvres attribuées au designer M. [H] [C] et celles utilisées par la société Atelier Archange permet de constater de manière flagrante leur exacte similitude ; qu’elle ajoute « Que le simple ajout, pour certaines, ne permet pas, de considérer que la SARL Atelier Archange « s’est simplement inspirée d’éléments graphiques relativement usuels en y apportant un travail créatif supplémentaire ». ( ). Que cette exacte similitude attribuée à M. [H] [C] ne peut résulter d’un hasard ou d’une méconnaissance de l’oeuvre de ce designer, considérant sa notoriété incontestable ( ). Dès lors, en utilisant, sans autorisation, dans les restaurants de cette enseigne, la SARL Atelier Archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l’assureur » ; qu’en se déterminant par des tels motifs, impropres à caractériser l’intention de l’architecte de provoquer le dommage et d’en rechercher les conséquences telles qu’elles se sont produites, mais, qui caractérisaient tout au plus le risque, selon les termes de l’arrêt, que ce dommage puisse se réaliser, à certaines conditions qu’il pouvait juger lui-même comme improbables eu égard à l’ancienneté des oeuvres et à leur large diffusion à l’étranger, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Selon l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. La faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245, publié au bulletin).
7. La cour d’appel a retenu qu’en utilisant, sans autorisation, dans des restaurants au Royaume-Uni et en Europe et, dès lors, soumises à un large public, des reproductions dont la similitude avec des oeuvres d’un tiers est incontestable, malgré la clause contractuelle d’originalité la liant aux sociétés McDonald’s, la société Atelier archange a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque, excluant la garantie de l’assureur.
8. Ayant retenu que l’assurée avait commis une faute dolosive, laquelle n’impliquait pas la volonté de son auteur de créer le dommage, la cour d’appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l’assureur n’avait pas à répondre des dommages.
9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
10. La société Oak édition fait le même grief à l’arrêt, alors « que l’assureur est tenu d’une obligation d’information sur le sens et la portée des clauses qu’il fait souscrire, notamment des clauses d’exclusions, dont la qualité de professionnelle de l’assuré ne le dispense pas ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait valoir que le contrat en vigueur avec les MMA, non réactualisé, portait sur une activité de Conception d’image : prescription d’apparence intérieure et extérieure, de Rédaction d’un cahier des normes, plan d’exécution de parements intérieurs et extérieurs, de Vente d’illustrations de Conception d’image et de plans de mobilier et qu’il constituait un contrat de type de maître d’oeuvre sans rapport avec son activité de « designer » qui était la sienne lors de la signature du dernier avenant, de sorte qu’une police PUC et décennale était parfaitement inadaptée ; qu’en abstenant de rechercher si la société MMA, qui avait la charge de la preuve de l’exécution de son obligation d’information, s’était enquis auprès de la société Archange Atelier de son activité réelle et l’avait mise en garde sur le risque qu’une contrefaçon puisse engager sa responsabilité et la priver de la garantie malgré la clause qui couvrait toutes les conséquences de la réalisation de mobilier esthétique et d’activité de désigner, la cour d’appel a privé sa décision de base au regard de l’article 1382 du Code civil (devenu l’article 1240) et des articles L. 121-1 et L. 112-2 du code des assurances. » Réponse de la Cour
11. La cour d’appel a retenu que l’assuré avait commis une faute dolosive au sens des dispositions d’ordre public de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances et que cette faute n’était pas assurable.
12. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, l’absence de lien de causalité entre les manquements reprochés à l’assureur et à son agent et les préjudices dont l’indemnisation était réclamée.
13. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
14. La société Oak édition fait le même grief à l’arrêt, alors :
« 3°/ que toute clause d’exclusion doit être formelle et limitée ; qu’en l’espèce, la société requérante faisant valoir que les « stipulations de l’article 2.9 a/ étaient équivoques et ne permettait pas de connaître leur étendue et de circonscrire parfaitement le risque garanti en ce qu’elles faisaient référence à des notions générales et imprécises sans hypothèses limitativement énumérées » ; que la clause d’exclusion de garantie 2.27 visait les cas « de contestations relatives aux contrefaçons et atteintes au droit de la propriété industrielle ou intellectuelle, et les actions pour diffamation » dont la rédaction était trop vague et imprécise pour permettre à l’assuré de connaître l’étendue exacte de la garantie, laissant ainsi place à une incertitude sur les cas dans lesquels la société Atelier Archange n’était pas garantie, puisque rien ne permettait de savoir s’il s’agissait du droit de la propriété littéraire et artistique, et dans ce cas lequel, s’il s’agissait seulement de celui de la propriété industrielle (marques, dessins et modèles, brevets) et si le droit d’auteur était compris dans cette exclusion ; que les exposant ajoutaient que dans la mesure où la clause d’exclusion invoquée par les MMA visait à exclure de toute protection les dommages immatériels liés à des droits de propriété intellectuelle, la police perdait alors une grande part de son intérêt ; qu’en se bornant à énoncer que la clause était formelle et limitée et en jugeant qu’en tout état de cause l’absence d’aléa rendait sans intérêt cette question, au lieu de rechercher si eu égard au contexte dans lequel la clause avait été limitée, ses termes et sa portée n’étaient pas de nature à laisser entendre à l’assuré, qu’il demeurait couvert en cas de risque de contrefaçon sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la nature de la faute à l’origine du sinistre la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 113-1 du code des assurances.
4°/ qu’en tout état de cause, à supposer qu’une clause insuffisamment formelle et limité soit insusceptible de rendre la garantie applicable à un sinistre résultant d’un agissement par lequel l’assuré aurait eu la volonté de rechercher le dommage, l’ambiguïté de la clause est nécessairement de nature à l’induire en erreur sur la nature des agissements qu’il a pu commettre et la portée de ceux -ci ; de sorte qu’en jugeant inopérant le débat sur le caractère formel et limité de la clause aux motifs, que l’exclusion de garantie prévue à l’article L. 113-1 alinéa 2 du code des assurances, étant une exclusion légale, elle ne peut, dans tous les cas, faire l’objet d’une garantie, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 113-I du code des assurances. »
Réponse de la Cour
15. La croyance que peut avoir l’assuré de ce que le contrat d’assurance couvre la faute qu’il commet n’est pas de nature à écarter l’exclusion légale et d’ordre public des fautes intentionnelles ou dolosives, quelle que soit la police d’assurance souscrite.
16. Ayant retenu que l’assuré avait commis une faute dolosive au sens des dispositions d’ordre public de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, de sorte qu’elle ne pouvait faire l’objet d’une garantie, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que les demandes formées contre l’assureur devaient être rejetées.
17. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Oak édition aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-trois.