Droits des Artistes : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 9, 1 mars 2023, 20/02819

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Droits des Artistes : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 9, 1 mars 2023, 20/02819
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 1er MARS 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02819 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZVQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 Février 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Encadrement chambre 5 – RG n° F17/10612

APPELANT

Monsieur [R] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Anaïs CARREL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0130

INTIMÉE

SELARL AXYME prise en la personne de Maître [Z] [H] ès qualités de liquidateur de la société SPIN COLORS venant aux droits et obligations de la société TEAL GREEN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie LEYRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P159

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles

805 et

907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport, et Mme Valérie BLANCHET, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article

450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 16 novembre 2015, la société Teal Green a engagé M. [P] en qualité de directeur de la création position 3.2 statut cadre de la Convention collective nationale des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955, moyennant une rémunération brute annuelle de 60 000 euros complétée d’une rémunération variable de 5 000 euros pour 100 % des objectifs atteints, le contrat de travail étant assorti d’une clause de non concurrence (article 12).

La société employait habituellement plus de 10 salariés.

Par lettre du 7 septembre 2017, M. [P] a présenté sa démission et a sollicité une dispense de préavis, que la société Teal Green a acceptée.

Le 19 octobre 2017, la société Teal Green a adressé un chèque à M. [P] correspondant à l’indemnité compensatrice de non-concurrence.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 2 octobre 2017, M. [P] a été engagé à compter du 16 octobre 2017, par la société Lonsdale en qualité de Senior art director, niveau 3.2 statut cadre de la même convention collective nationale.

Par courrier en date du 15 novembre 2017, la société Teal Green a adressé à M. [P] une mise en demeure de lui payer la clause pénale pour non-respect de la clause de non-concurrence et de lui rembourser la somme qu’elle lui avait versée en exécution de la clause de non-concurrence pour le premier mois suivant la démission.

Par courrier du 20 décembre 2017, M. [P] a transmis à la société Teal Green un chèque de 1 183,73 euros correspondant à l’indemnité de clause de non-concurrence, et les congés payés y afférents du mois d’octobre 2017.

Par courrier du 27 décembre 2017, la société Teal Green a adressé une nouvelle mise en demeure à M. [P].

M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 28 décembre 2017 afin de l’entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

– Prononcer la nullité de la clause de non concurrence et la nullité de la clause pénale qui y était attachée,

– Dire que les sommes nettes versées par la société Teal Green au titre de la clause de non concurrence lui restent acquises,

– Condamner la société Teal Green à lui verser la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, avec intérêts aux taux légal avec capitalisation,

A titre subsidiaire,

– Dire que la clause de non concurrence est excessive,

– Dire que les sommes nettes versées par la société Teal Green au titre de la clause de non concurrence lui restent acquises,

A titre infiniment subsidiaire,

– Dire excessive la clause pénale,

– Ordonner sa réduction à trois mois de salaire, soit 16 500 euros,

– Ordonner la compensation entre les sommes dues réciproquement,

En tout état de cause,

– Condamner la société Teal Green à lui verser la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

– Condamner la société Teal Green à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile,

La société Teal Green a conclu au débouté de M. [P] et, à titre reconventionnel, à la condamnation de celui-ci, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

° 1 187,73 euros en remboursement de l’indemnité compensatrice,

° 62 024,27 euros en exécution de la clause pénale,

° 15 000 euros au titre de préjudice subi du fait des agissements du salarié,

° 3 000 euros en application de l’article

700 du code de procédure civile.

À la suite d’une opération de fusion, la société Spin colors est venue aux droits de la société Teal Green à compter du 1er janvier 2019.

Par jugement du 7 février 2020, le Conseil de Prud’hommes de Paris a :

– Débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamné M. [P] à verser à la société Teal Green les sommes suivantes avec intérêts au taux légal :

° 62 024,27 euros en application de la clause pénale prévue au contrat de travail pour l’exécution de la clause de non concurrence,

° 1 187,73 euros à titre de remboursement de l’indemnité compensatrice en application de la clause de non concurrence,

– Débouté la société Teal Green du surplus de ses demandes.

Le 24 mars 2020, M. [P] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 27 février 2020.

La société Spin colors a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 avril 2020, puis en liquidation judiciaire par jugement du 20 mai 2020 de ce même tribunal qui a désigné la société Axyme, pris en la personne de Me [H], en qualité de liquidateur.

Aux termes de son assignation portant conclusions délivrée à la société Axyme le 22 juin 2020, M. [P] demande à la cour de :

– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes,

à titre principal :

– Déclarer nulles la clause de non-concurrence et la clause pénale prévues au contrat de travail,

– Dire et juger que les sommes qui lui ont été versées par la société (et en particulier la somme de 1 187,73 euros qu’il a tenté de rembourser) au titre de la clause de non-concurrence lui restent acquises,

A titre subsidiaire :

– Ordonner la réfaction de la clause de non-concurrence dans les conditions suivantes : la limiter au poste de directeur de création,

– Dire et juger qu’il a respecté la clause de concurrence,

– Dire et juger que les sommes versées par la société à M. [P] (et en particulier la somme de 1 187,73 euros que M. [P] a tenté de rembourser) au titre de la clause de non-concurrence lui restent acquises,

A titre infiniment subsidiaire :

– Ordonner la réduction de la clause pénale à trois mois de salaire, soit la somme de 16 500 euros,

– Ordonner la compensation des sommes dues réciproquement,

En toute hypothèse :

– Prononcer l’exécution provisoire sur l’ensemble des condamnations prononcées nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

– Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Spin Colors aux sommes de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, 5000 euros sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance, 3 000 euros sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,

– Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par la société en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article

700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2020, la société Axyme en sa qualité de liquidateur de la société Spin colors venant aux droits de la société Teal Green, demande à la cour de :

– Débouter M. [P] de toutes ses demandes,

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

– Condamner M. [P] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article

700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’instruction a été clôturée le 8 novembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 7 décembre 2022

MOTIFS

Sur la demande en nullité de la clause de non concurrence

Pour être valable, une clause de non concurrence doit être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise, être limitée dans le temps et l’espace et comporter une contrepartie pécuniaire, le tout en tenant compte des spécificités de l’emploi du salarié.

La clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail conclu entre M. [P] et la société Teal Green est libellée comme suit :

‘Le salarié reconnaît que les activités visées au présent contrat de travail lui donneront largement accès aux savoir faire, techniques, pratiques commerciales et plus généralement à de nombreuses informations confidentielles concernant la société et les sociétés du Groupe (ci après « Données Confidentielles ”).

Il reconnaît que les Données Confidentielles constituent un atout essentiel de la Société et des sociétés du groupe, qui a donc un intérêt légitime à l’insertion d’une clause de non concurrence dans le présent contrat de travail.

En conséquence, compte tenu de la nature de ses fonctions, le Salarié s’interdit, en cas de rupture du présent contrat de travail pour quelque cause que ce soit, de travailler ou de s’intéresser, directement ou indirectement pour son compte personnel ou celui d ‘un tiers et à quelque titre, ou qualité, que ce soit a une entreprise fabriquant et commercialisant des produits et services susceptibles de concurrencer ceux de la Société et de démarcher clients et prospects avec lesquels il a eu contacts durant son activité.

Cette interdiction est applicable durant une durée de douze mois à compter de la date de rupture du présent contrat. Elle couvre le territoire suivant : France entière.

En cas de violation de cette clause, Monsieur [R] [P] devra verser a la société Teal Green une indemnité forfaitaire égale à un an de salaire brut contractuel sans préjudice des éventuels dommages et intérêts qui pourraient lui être demandés devant les juridictions compétentes en réparation du préjudice subi.

En contrepartie de cette obligation de non concurrence, il sera versé au salarié, après son départ effectif de la société Teal Green, une indemnité spéciale forfaitaire égale à 25% de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours des trois derniers mois de présence dans la société.’

M. [P] soutient que cette clause est nulle en ce qu’elle :

– n’est pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise dès lors que la société Teal Green a levé la clause de non concurrence de son prédécesseur ainsi que celle de la directrice artistique junior qui, pourtant, était sa collaboratrice directe et avait accès aux mêmes données confidentielles de la société Teal Green et qu’il n’est pas d’usage dans le milieu du ‘branding’ d’appliquer une telle clause,

– ne tient pas compte des spécificités de son emploi dès lors que, compte tenu de ses études et de son expérience, il ne peut prétendre à un poste que dans les entreprises en nombre restreint qui exercent le branding (action marketing qui se base uniquement sur l’image d’une marque afin de séduire le consommateur) et que les petites annonces auxquelles se réfère la société Axyme pour contredire ce point portent sur des postes sans lien avec sa qualification et son expérience,

– n’est pas limitée dans l’espace dès lors qu’elle couvre tout le territoire français alors que le secteur d’activité dans lequel il travaille est très restreint puisqu’il existe très peu d’acteurs sur le marché, et les plus importants d’entre eux étant réunis dans le même secteur géographique, l’Île de France, notamment Teal Green, 4uatre, l’Agence W, Carré Noir, Publicis, Seenk et Lonsdale qui se sont développées à [Localité 3],

– est assortie d’une contrepartie financière dérisoire dès lors qu’il existe une disproportion manifeste entre, d’une part, l’interdiction durant 12 mois sur l’ensemble du territoire français d’exercer tout poste dans son secteur d’activité et, d’autre part, le montant de l’indemnité prévue au contrat de 16 250,04 euros bruts.

Cela étant, selon l’annexe à son contrat de travail, M. [P], en sa qualité de directeur de la création, se voyait confier les missions suivantes :

‘- responsabilité tant de la création ou du management des équipes créatives,

– être garant des réalisations du groupe,

– être force de propositions sur la structuration de la création,

– participer aux décisions stratégiques afin de contribuer à construire et développer un groupe pérenne et rentable,

– développer des clients existants et participer activement aux compétitions afin d’acquérir de nouveaux clients,

– représenter l’agence lors de manifestations,

– être le principal acteur du positionnement créatif de la société et force de proposition interne de déploiement de nouvelles offres’.

Il apparaît ainsi que, comme justement relevé par la société Axyme, en sa qualité de directeur de la création de la société Teal Green, M. [P] exerçait des fonctions hautement stratégiques au sein d’une société spécialisée dans la création des marques et donc particulièrement sensible à la concurrence et, de ce fait, avait accès à des connaissances techniques, spécifiques et confidentielles susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la société en cas d’exercice par le salarié d’une activité concurrente.

Le clause de non concurrence est donc justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise, peu important que la société Teal Green ait levé cette clause pour le prédécesseur de M. [P] et la directrice artistique junior de la société.

En effet, la société Axyme produit des factures émises par le prédécesseur de M. [P] envers la société Teal Green qui démontrent que, postérieurement à la rupture du contrat de travail qui liait les parties, ces dernières ont poursuivi leur collaboration sous une autre forme contractuelle.

Par ailleurs, il résulte du contrat de travail de l’ancienne directrice artistique junior produit par M. [P] et d’un bulletin de paie de celle-ci produit par la société Axyme que cette salariée, en premier lieu, n’avait pas les mêmes responsabilités, notamment stratégiques, que M. [P] au sein de la société Teal Green puisqu’elle se voyait confier les missions suivantes :

‘- sous la responsabilité du directeur de la création, assurer la création et l’exécution des projets du groupe, Spin colors,

– respecter les délais de production et assurer son reporting à chaque étape de la création et de l’exécution,

– suivre ses projets du brief jusqu’au rendu final,

– rendre compte à son supérieur hiérarchique

– participer à la bonne marche de la société et à l’amélioration de sa productivité,’

en deuxième lieu, ne se situait pas au même niveau de classification conventionnelle que M. [P] (position 2.2 statut non cadre pour la directrice artistique junior, position 3.2 statut cadre pour M. [P]) et, enfin, percevait une rémunération brute mensuelle de 2 000 euros bien inférieure à celle de l’intéressé qui s’élevait à 5 000 euros, et ce à proportion des responsabilités respectives de ces deux salariés dans l’entreprise.

La clause de non concurrence est limitée dans l’espace en ce qu’elle vise le territoire français dans un secteur d’activité qui, bien que restreint car spécialisé, peut néanmoins avoir une dimension internationale et s’exercer à l’étranger, notamment en Europe. Elle est limitée dans le temps sur une période raisonnable de 12 mois.

Elle n’interdit pas à M. [P] d’exercer un emploi dans son domaine d’activité en conformité avec sa formation consacrée par un Certificat d’études supérieures de design et de communication visuelle, option design graphique, et son expérience de directeur artistique et de directeur de la création.

En effet, la société Axyme produit des annonces d’offres d’emploi de directeurs artistiques et de directeurs de création dans le domaine de la communication et design graphique émanant de sociétés exerçant dans un domaine proche de celui de la société Teal Green mais différent et, surtout, ne comportant pas de risque concurrentiel (JC Decaux, Helmut Agency, Mediaschool, Addiction Agency, Indexel…). M. [P] ne procède que par simples affirmations lorsqu’il prétend que ces postes sont sans lien avec sa qualification et son expérience, affirmations au surplus contredites par une fiche descriptive des fonctions et responsabilités d’un directeur de création qui atteste de la concordance des profils exigés pour ces postes avec celui de M. [P]. La distinction entre directeur de la création et directeur artistique rappelée par M. [P], pour réelle qu’elle soit, est sans portée dans le présent litige dans l’appréciation de la prise en compte des spécificités de l’emploi du salarié au regard de la clause de non concurrence, M. [P] justifiant d’une expérience dans les deux domaines (directeur artistique junior Seenk, directeur artistique senior W Cie, directeur de la création Teal Green, directeur artistique senior Lonsdale).

La clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail à durée indéterminée ayant lié M. [P] à la société Teal Green est donc compatible avec les spécificités de l’emploi du salarié.

Enfin, au regard des éléments développés ci-dessus tenant à la limitation de la clause de non concurrence dans le temps et l’espace et de sa portée sur la restriction du domaine de l’emploi imposée au salarié, sa contrepartie pécuniaire fixée à 25 % du salaire mensuel brut de l’intéressé sur l’ensemble de la durée de cette clause n’apparaît pas dérisoire.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de ses demandes en nullité de la clause de non concurrence insérée dans le contrat l’ayant lié à la société Teal Green, et de sa demande tendant à conserver l’indemnité compensatrice versée par l’ex employeur.

Sur la demande en réfaction de la clause de non-concurrence

M. [P] demande à la cour de réduire le champ d’application de la clause de non-concurrence en en limitant ses effets au seul poste de directeur de création, afin de lui permettre d’exercer son travail et de poursuivre son emploi actuel.

À cet effet, il fait valoir que, quand bien même la cour estimerait que la clause de non-concurrence répondrait au besoin de protection des intérêts légitimes de l’entreprise, cette clause ne pourrait pour autant avoir pour effet d’entraver sa liberté de travailler, notamment en raison de la spécificité de son activité professionnelle, le ‘branding’, à laquelle il s’est entièrement dédié depuis le début de ses études supérieures et son entrée dans le milieu professionnel, d’autant que la contrepartie financière forfaitaire de 25 % de la moyenne mensuelle du salaire est totalement disproportionnée par rapport à la contrainte imposée.

Il ajoute que la société Axyme tente une nouvelle fois de tromper la religion de la cour en affirmant que le poste de directeur de création chez Teal Green et le poste de directeur artistique senior chez Lonsdale sont identiques et qu’il ne s’agit que d’une question de sémantique.

Mais, les critiques soulevées par M. [P] à l’égard de la clause de non concurrence pour en demander la réduction de sa portée sont identiques à celles invoquées au soutien de la nullité de la clause et ne peuvent être davantage retenues pour les mêmes motifs que développés ci-dessus qu’il n’est pas nécessaire de répéter.

Les différences entre le poste de directeur de création chez Teal Green et le poste de directeur artistique senior chez Lonsdale ne permettent pas à M. [P] d’échapper à ses obligations tirées de la clause de non concurrence dès lors que celle-ci lui faisait interdiction de travailler pour une société concurrente ‘à quelque titre, ou qualité, que ce soit’.

M. [P] ne peut légitimement avoir ignoré ses obligations dès lors que celles-ci lui avaient été rappelées de façon précise par la société Teal Green dans sa lettre du 15 septembre 2017 en ces termes :

‘ Compte tenu des fonctions de directeur de la création de membres du comité de direction que vous avez assurées et afin de préserver les intérêts stratégiques de la société, nous vous rappelons que vous êtes tenus au respect de la clause de non-concurrence telle que définie et précisée dans votre contrat de travail et constatant que vous avez bien eu accès au savoir technique, aux pratiques commerciales et plus généralement à de nombreuses informations confidentielles concernant la société et les sociétés du groupe, vous n’êtes pas autorisés à travailler ou à vous intéresser directement ou indirectement pour votre compte personnel ou celui d’un tiers à quelque titre ou qualité à une entreprise fabriquant et commercialisant des produits et services susceptibles de concurrencer ceux de la société, notamment les sociétés en concurrence directe sur notre segment d’activité est susceptible de pouvoir tirer profit des informations confidentielles que vous détenez telles que W & Cie groupe, 4uatre, Lonsdale groupe, Carré noir.

(…)’.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande de réduction de la clause de non concurrence.

Sur la réduction de la clause pénale

Aux termes de l’article

1231-5 du code civil dispose :

‘Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.’

À l’appui de sa demande en réduction de la clause pénale, M. [P] invoque :

– l’absence de préjudice subi par la société Teal Green,

– le caractère excessif de la clause pénale au regard des pratiques de la société puisque la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de la directrice artistique junior était fixée à trois mois de salaire

– l’absence de critères objectifs justifiant le montant de la clause.

La société Axyme réplique que M. [P] ne justifie aucunement des raisons pour lesquelles il devrait opérer une telle réduction, qu’en effet, l’intéressé n’a pas été privé d’emploi depuis une longue période, passant de poste en poste, et perçoit une rémunération très confortable, que le montant contractuellement prévu, auquel l’appelant a souscrit en toute connaissance de cause, est parfaitement conforme à la pratique s’agissant d’un cadre supérieur de près de deux années d’ancienneté en charge d’importantes responsabilités.

En l’espèce, la clause pénale est manifestement excessive lorsqu’elle a pour effet de priver le salarié de toute rémunération pendant un an alors que l’indemnité compensatrice en contrepartie a été fixée à 25 % du salaire.

Elle sera réduite à 16 500 euros par infirmation du jugement entrepris.

Sur la demande en dommages et intérêts distincts

M. [P] fait valoir qu’au-delà de la nullité de la clause de non-concurrence, il a subi un préjudice du fait de l’attitude de la société Teal Green envers son nouvel employeur, la société Lonsdale et de lui-même, en ce que :

– Le 15 septembre 2017, la société Teal Green a délibérément complété la clause de non-concurrence en vue de l’empêcher de travailler auprès de la société Lonsdale, alors même qu’elle avait été informée en toute transparence de la proposition d’embauche de la société Lonsdale,

– Le 2 novembre 2017, la société Teal Green a informé la société Lonsdale de l’existence

de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail demandant la rupture du nouveau contrat de travail,

– La société Teal Green lui a adressé ses lettres recommandées avec accusé de réception, non pas à son adresse personnelle mais à celle de son nouvel employeur,

– La société Teal Green n’a eu de cesse depuis sa démission le 7 septembre 2017 que de presser son départ de la société Lonsdale,

de telles actions répétées pendant plusieurs mois ayant été nuisibles à son état de santé, comme le démontre son traitement médical depuis novembre 2017 pour anxiété et état dépressif.

Mais, en l’absence de nullité de la clause de non concurrence, aucune faute ne peut être reprochée à la société Teal Green dans la formulation et l’application de cette clause comme dans la défense de ses intérêts légitimes à la suite de l’embauche de M. [P] par la société Lonsdale.

Dans sa lettre du 15 septembre 2017, la société Teal Green ne fait que rappeler à son ancien salarié les modalités et la portée de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail en citant les stipulations de cette clause et détaillant les obligations qui s’ensuivent pour le salarié notamment envers des sociétés du même secteur concurrentiel, la société Lonsdale étant citée à titre d’exemple parmi d’autres sociétés du même domaine d’activité. Il ne peut donc être considéré que la société Teal Green a délibérément complété la clause de non-concurrence dans le seul but d’empêcher M. [P] de travailler avec la société Lonsdale alors que l’intéressé se contente d’affirmer, sans autre élément que ses propres explications, qu’il avait informé son employeur de ses projets à l’égard de la société Lonsdale.

M. [P] ne pouvant légitimement obtenir réparation des conséquences d’une situation qu’il a lui-même créée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice distinct.

Sur le remboursement de l’indemnité compensatrice

La violation par le salarié de la clause de non-concurrence oblige celui-ci à restituer la contrepartie financière de cette clause précédemment versée par son ancien employeur.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [P] au remboursement de l’indemnité compensatrice indûment perçue.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l’article

700 du code de procédure civile, la société Axyme, ès qualités, sera déboutée de sa demande au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés devant la cour, M. [P] ayant été admis sur un chef de demande en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de réduction de la clause pénale de M. [P],

Statuant à nouveau sur ce seul chef de demande,

CONDAMNE M. [P] à verser à la société Axyme en sa qualité de liquidateur de la société Spin colors venant aux droits de la société Teal Green la somme de 16 500 euros en exécution de la clause pénale pour violation de la clause de non concurrence,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Axyme, ès qualités de liquidateur de la société Spin colors venant aux droits de la société Teal Green, de sa demande fondée sur les dispositions de l’article

700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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