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L’application du règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale n’est pas contestée. Aux termes de son article 4, paragraphe premier, posant le principe de la compétence de la juridiction du lieu du domicile du défendeur,’sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre’.
Son article 5, paragraphe premier prévoit que les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées luxembourgeoise sections 2 à 7 du présent chapitre.
Il est dérogé au principe de l’article 4.1 à cette règle par la section 4 relative à la ‘compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs’ en ce sens que l’article 18 dispose que le consommateur dispose d’une option de compétence ne pouvant choisir la juridiction du lieu où il est lui-même domicilié notamment dans l’un des cas prévus par l’article 17.1 et 17.2 qui prévoit que :
‘1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5):
a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;
b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets;
ou
c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.
2. Lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État membre.’
* * *
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 6, 22 mars 2023, 22/16911
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRÊT DU 22 MARS 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/16911 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPH6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2022 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020058906
APPELANT
Monsieur [M] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 6]
Représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,
Ayant pour avocat plaidant Me Franck AUCKENTHALER, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 11
INTIMEE
Société MMWARBURG & CO (AG & CO.), société de droit allemand
[Adresse 4]
[Localité 2] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Thibaut LEFORT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Marc BAILLY, Président de chambre, et MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre, chargé du rapport
M.Vincent BRAUD, Président
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre, et par Anaïs DECEBAL,Greffière présente lors de la mise à disposition.
*
* *
M. M [L] & CO Kommanditgesellschaft auf Aktien (ci-dessous [L]) est une banque privée allemande constituée en société en commandite par actions dont le siège est sis à Hambourg. [L] possédait également des filiales en Suisse jusqu’en 2017 et au Luxembourg jusqu’en 2018.
Monsieur [M] [Y] exerce la profession d’artiste chansonnier.
Monsieur [H], qui n’est pas dans la cause, est conseiller en gestion de patrimoine et investissements et avait pour client M. [Y].
Depuis 2015,Monsieur [Y] était en relation d’affaires avec la filiale luxembourgeoise de [L] et a réalisé un grand nombre d’opérations sur les produits dérivés, par l’intermédiaire de M. [H], son mandataire.
A la suite de la fermeture de la filiale en 2018, M. [Y] a continué sa relation d’affaires et, pour ce faire, a ouvert plusieurs comptes titres auprès de la maison-mère allemande par contrat en date du 13 mars 2018.
M. [Y] a demandé par la suite à [L] l’octroi d’une ligne de marge et d’une ligne de volume de change afin de pouvoir effectuer des opérations sur le marché des produits financiers.
Par contrat en date du 26 juin 2018, [L] a mis à disposition de M. [Y] une première ligne de marge de 200.000 euros, portée à 400.000 euros le 27 juin 2019 sur la demande de M. [Y]. Par contrat du 04 juillet 2018, [L] a mis à disposition de M. [Y] une ligne de volume de change pour un montant total de devises de 2.000.000 euros, le montant du risque de change étant limité à 200.000 euros. En garantie pour ces lignes de marge, les parties sont convenues dans chacun des contrats de nantir tous les titres, y compris les droits accessoires, enregistrés maintenant et à l’avenir dans le compte titres de M. [Y], ainsi que les soldes des comptes qu’il pouvait détenir dans les livres de [L].
Monsieur [Y] reproche à [L] d’une part, une opération de transfert de ses titres vers une société détenue par M. [H], d’autre part, la liquidation des positions qu’il détenait sur des marchés à terme du fait du dépassement des lignes de marge et de change, l’ensemble de ces opérations étant intervenues au cours du mois de mars 2020, dans un contexte de pandémie Covid-19 affectant très fortement les marchés financiers.
Par acte en date du 28 octobre 2020, M. [Y] a assigné la société en commandite par actions de droit allemand [L] devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement en date du 29 septembre 2022, le Tribunal de commerce de Paris a ainsi statué:
– Dit recevable et bien fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société de droit allemand M.M.[L] & CO (AG & Co.) Kommanditgesellschaft auf Aktien ;
– En conséquence, se déclare incompétent et renvoie les parties à mieux se pourvoir,
– Dit que le greffe procèdera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties.
– Dit qu’en application de l’article 84 cpc, la voie de l’appel est ouverte contre la présente décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification.
– Condamne M. [Y] [M] à payer à la société de droit allemand M.M.[L] & CO (AG & Co.) Kommanditgesellschaft auf Aktien la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 CPC,
– Condamne M. [Y] [M] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides à la somme de 119,30 € dont 19,67 € de TVA ».
***
Par déclaration en date du 14 octobre 2022, M. [Y] a interjeté appel de ce jugement et, conformément aux articles 83 et suivants du code de procédure civile, il a été autorisé à assigner à jour fixe par ordonnance du 20 octobre 2022 à l’audience du 7 février 2023.
Dans ses dernières conclusions en date du 1er février 2023, Monsieur [Y] fait valoir pour soutenir la compétence du tribunal :
Sur la qualité de consommateur et le domicile de M. [Y] :
– que M. [Y] est un consommateur au sens du Règlement Bruxelles I Bis car il n’est pas un investisseur professionnel et ne connaît rien aux marchés financiers, fait connu par [L] qui reconnaît que tous les ordres financiers étaient passés par l’intermédiaire de son mandataire financier, Monsieur [H] et par ailleurs, tous les investissements réalisés l’étaient pour un usage étranger à son activité professionnelle,
– que M. [Y] a son domicile à [Localité 5], au [Adresse 3] et que, conformément à l’article 18 du Règlement Bruxelles I bis, l’action peut être portée devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié,
Sur les activités de [L] dirigées vers la France ou exercées en France :
– que le contrat entre dans le cadre des activités de [L], ce qui remplit une des conditions de l’article 17-1 c) du Règlement Bruxelles I bis,
– que [L] dirige par tout moyen ses activités de banque privée vers plusieurs états, dont la France et que cette notion s’entend d’une volonté du prestataire d’offrir ses services à une clientèle internationale dont la clientèle de l’Etat de résidence du consommateur,
– que la volonté d’offrir ses services à l’international est établie par un faisceau d’indices, notamment l’existence de contrat à distance, la langue du contrat, le nom de domaine ou encore l’existence d’une succursale,
– que dans le cas d’espèce, M. [Y] était en relation avec [L] Luxembourg et qu’il a été démarché par [L] (Allemagne) pour transférer ses comptes, que la convention d’ouverture de compte a été accompagné de documents en langue anglaise et que l’on peut y voir la volonté de poursuivre l’exploitation de la clientèle originaire de plusieurs états dont la France, montrant le recours à des contrats conclus à distance,
– que le site est accessible depuis la France et est rédigé en langue anglaise et qu’il comporte une page spéciale dédiée aux clients internationaux, leur permettant de trouver le conseiller personnel le plus proche, montrant à nouveau la volonté de [L] de diriger ses activités à l’international,
– qu’enfin cette volonté de diriger ses activités vers la France est démontrée par l’utilisation d’adresses électroniques en .com et non en .de ou encore l’accord de coopération conclu en juin 2020 entre [L] et la Banque française CIC,
– que [L] exerce manifestement des activités en France car elle est immatriculée au répertoire SIRENE, que [L] est membre du marché Euronext [Localité 5] où elle bénéficie d’une accréditation et que dans le cadre de l’exécution du contrat de services d’investissement, [L] effectuait des services de transmission et d’exécution d’ordres pour compte de tiers sur le marché de l’Euronext Paris,
– qu’il est inopérant de retenir que [L] ne propose pas de services sur son site Internet qui puissent être contractés en ligne ou encore de retenir le critère d’absence de référencement,
– que l’ensemble de ces indices démontre que [L] dirige ses activités professionnelles vers l’international et notamment une clientèle domiciliée en France, de sorte qu’il demande à la cour de :
« -Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris (RG 2020058906) du 29 septembre 2022 sur la compétence dans toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
-Dire le Tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître du litige entre Monsieur [M] [Y] et MM [L] & CO ;
-Renvoyer les parties devant le Tribunal de commerce de Paris ;
-Condamner MM [L] & CO à payer à Monsieur [Y] une somme de 3.000 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner MM [L] & CO aux entiers dépens d’appel ;
Réservés les dépens de première instance déjà exposés sur lesquels il sera statuer avec la décision sur le fond ».
Dans ses dernières conclusions en date du 2 février 2023, la société [L] fait valoir :
– que pour établir la compétence du Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l’article 18 paragraphe 1 du Règlement UE n°1215/2012, l’objet de la procédure doit porter sur un contrat conclu par un consommateur au sens de l’article 17 du même Règlement et remplir d’autres conditions de manière cumulative,
– que M. [Y] n’est pas un consommateur mais un investisseur professionnel dans la mesure où, via son mandataire, il exécute de manière régulière des opérations sur les marchés financiers et que dans sa déclaration du 10 mars 2018, il a demandé à [L] de passer du statut de « client investisseur » à « client professionnel » ce que la banque a accordé,
– que [L] n’exerce aucune activité en France, n’a aucun établissement, succursale ou filiale sur le territoire français et ceci est confirmé par le site infogreffe où il n’existe aucun extrait k-bis et le simple fait pour [L] d’être accrédité auprès du marché Euronext [Localité 5] ne permet pas non plus de démontrer une activité en France dans la mesure où il est usuel pour une banque privée de permettre à ses clients de passer des ordres sur l’ensemble des marchés Euronext européens,
– que [L] ne dirige pas non plus ses activités vers la France au sens de la jurisprudence de la CJUE, dans la mesure où le critère déterminant est la volonté du professionnel de diriger son activité vers les consommateurs d’un Etat membre et que la conclusion d’un contrat n’est pas un indice de cette volonté,
– que rien ne permet de rattacher l’activité de [L] à la France dans la mesure où la société n’a aucun établissement, succursale ou filiale en France, qu’elle n’est pas une banque de détails en France mais une banque privée allemande qui ne fait aucune publicité en France, qu’elle ne propose aucun service qui pourrait être contracté directement en ligne, que le site internet n’est pas traduit en français tout comme les contrats, conditions générales ou tout autre document,
– que le fait d’avoir fait signer une convention d’ouverture de compte, différents documents ou les contrats en langue anglaise montre que les activités de la banque ne sont pas dirigées vers la France, tout comme le fait que la majorité des clients étrangers résident en France,
– que la conclusion d’un accord de coopération avec le CIC ne sert qu’à permettre aux clients respectifs des deux banques de pouvoir atteindre plus facilement leurs marchés respectifs et que c’est parce que [L] ne dirige pas son activité en France qu’un tel accord a été passé avec une banque française,
– que dans ces circonstances, les conditions de l’article 17 du Règlement ne sont pas remplies et que par conséquent, les tribunaux français sont incompétents au profit des tribunaux allemands et demande à la cour :
« – CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris (RG 2020058906) du 29 septembre 2022,
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
-DEBOUTER Monsieur [M] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER Monsieur [M] [Y] à payer à MM [L] & CO (AG & Co.) Kommanditgesellschaft auf Aktien la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-CONDAMNER Monsieur [M] [Y] aux entiers dépens de l’instance ;
-DIRE que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Matthieu BOCCON GIBOD, SELARL LEXAVOUE [Localité 5] VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ».
L’application du règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale n’est pas contestée.
Aux termes de son article 4, paragraphe premier, posant le principe de la compétence de la juridiction du lieu du domicile du défendeur,’sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre’.
Son article 5, paragraphe premier prévoit que les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées luxembourgeoise sections 2 à 7 du présent chapitre.
Il est dérogé au principe de l’article 4.1 à cette règle par la section 4 relative à la ‘compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs’ en ce sens que l’article 18 dispose que le consommateur dispose d’une option de compétence ne pouvant choisir la juridiction du lieu où il est lui-même domicilié notamment dans l’un des cas prévus par l’article 17.1 et 17.2 qui prévoit que :
‘1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5):
a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;
b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets;
ou
c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.
2. Lorsque le cocontractant du consommateur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un État membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet État membre.’
En l’espèce, il ressort des explications des parties et des pièces produites :
– que M. [M] [Y] exerce une activité artistique, celle de chansonnier à [Localité 5] où il est domicilié, que la banque [L] expose elle-même que c’est par l’intermédiaire d’un conseiller financier, M. [H], auquel M. [Y] donnait mandat, qu’il était entré en relation, en 2015, avec sa filiale luxembourgeoise puis, à la fermeture ce celle-ci, a ouvert, toujours par l’intermédiaire de M. [H], des comptes titres en ses livres, et ce, personnellement mais aussi au nom de sociétés (Jama patrimoine et J.M. production) dans lesquelles il avait des intérêts,
– qu’ainsi, outre l’ouverture de comptes en diverses devises le 14 novembre 2017 et 13 mars 2018, selon instrumentum en langue anglaise signés à [Localité 5] pour les sociétés, une convention d’ouverture de compte à son nom était conclue le 18 mars 2018 avec la banque allemande, à nouveau selon un instrumentum signé à [Localité 5] en langue anglaise,
– que, selon courriel de M. [H] adressé au préposé de la banque, M. [B], du 12 juin 2018, ce dernier est venu à [Localité 5] rencontrer M. [Y] le 13 juin 2018 aux fins de lui faire signer des documents contractuels en langue allemande et/ou anglaise (conditions générales, conditions spéciales, informations sur titres et autres investissements, opérations à terme, coût standardisé pour les clientes et conditions spéciales) et d’évoquer, dans le cadre des relations contractuelles, l’ouverture d’une ligne de marge de 200 000 euros qui sera signé sur un document en langue allemande par M. [Y] à [Localité 5] le 21 juin 2018 étant observé qu’une ligne de volume de change de 2 000 000 euros du 4 juillet 2018 et qu’une deuxième ligne de marge de 400 000 euros du 13 juin 2019 le seront dans les mêmes conditions par signature du contrat en langue allemande par M. [Y] à [Localité 5],
– que des échanges ont suivi entre les parties notamment relatifs au comblement du dépassement de la ligne de marge et au transfert de titres de M. [Y], au mois de mars 2020, ce qui forme l’objet du litige.
C’est vainement que la banque [L] dénie à M. [M] [Y] la qualité de consommateur au sens du Règlement dès lors que, comme l’a reconnu le tribunal, les investissements financiers effectués au moyen du contrat le liant à la banque sont étrangers à son activité professionnelle.
A cet égard, la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit ( 3 octobre 2019 C-208/18) que des facteurs tels que la valeur des opérations effectuées en vertu de contrats, l’importance des risques de pertes financières liés à la conclusion de tels contrats, les connaissances ou l’expertise éventuelles de ladite personne dans le domaine des instruments financiers ou son comportement actif dans le cadre de telles opérations sont, en tant que tels, en principe sans pertinence pour l’appréciation de sa qualité de consommateur, de sorte que le référencement de M. [Y] comme ‘client professionnel’ substitué à ‘client investisseur’ – en application de textes relatifs à la connaissance du client – ne lui ôte pas la qualité de consommateur, d’autant plus que la banque reconnaît elle-même qu’il agissait par l’intermédiaire et sur les conseils de M. [H].
Il convient donc de déterminer si la condition posée à l’article 17.1 c ) est remplie en l’espèce dès lors que le présent litige ne rentre pas dans les hypothèses que recouvrent l’article 17.1 a) et b).
Contrairement à ce que soutient M. [Y], l’exercice direct d’une activité professionnelle en France par la banque [L] ne résulte pas :
– de son inscription sur les sites privés ‘vérif.com’ ou ‘société.com’ dont rien n’indique qu’ils ne comportent pas de références d’entreprises étrangères n’exerçant pas en France,
– de l’attribution d’un numéro de Sirene – non objectivée autrement que par son référencement par le premier de ses sites – qui correspond à une activité immobilière distincte de celle de banque en cause dans le litige,
– de ses accréditations par les sociétés Euronext Gorwth et Access (Brussels, Lisbonne) et [Localité 5] dès lors qu’elles sont seulement nécessaires à l’exercice d’une activité internationale qu’elle ne conteste pas.
Reste à déterminer si la société banque [L] exerçait son activité en France à raison d’autres éléments ou a, par tout moyen, diriger son activité vers la France ou plusieurs pays dont la France où est domicilié M. [Y].
Si M. [Y] fait valoir, reprenant des critères qu’a employés la CJUE dans sa jurisprudence, que la banque [L] possède un site internet consultable depuis la France en langue non seulement allemande mais aussi anglaise comportant une page spécifique dédiée aux ‘clients internationaux’, fait usage de préfixes téléphoniques internationaux et d’adresse électronique ‘.com’ et pas seulement ‘.de’, c ‘est à juste titre que la banque estime qu’il ne peut en être déduit qu’elle dirige son activité vers la France au sens du texte appliqué dès lors qu’il ne s’agit que d’indices du caractère international de son activité – qu’elle admet-, conditions peut-être nécessaire mais pas suffisante à la caractérisation de la direction de son activité vers des clients français résidant en France.
S’il est constant que M. [Y] a contracté avec la banque [L] à raison de ce qu’il était précédemment en relation ave sa filiale luxembourgeoise qui a été cédée -, et ce, sans qu’il ne soit établi si la pollicitation provenait du client ou du chargé d’affaire qui était au Luxembourg après son intégration à la banque allemande mère, la CJUE a également jugé que l’application de l’article n’exige pas l’existence d’un lien de causalité entre le moyen employé pour diriger l’activité commerciale ou professionnelle vers l’Etat membre du domicile du consommateur et les modalités effectives de la conclusion du contrat avec ce consommateur.
Mais, surtout, la banque [L] ne conteste pas que son préposé, M. [J] [B] est venu à [Localité 5], le 13 juin 2018, aux fins de faire signer des documents contractuels à M. [Y] dont la ligne d’appel de marge de 200 000 euros ce qui, ajouté aux indices relevés ci-dessus, suffit à caractériser, sinon que la banque exerçait une activité en France au moyen du dépêchement de ses préposés, à tout le moins qu’elle dirigeait ses activités vers la France au sens du texte appliqué.
En effet, la banque, disposant de tous les moyens de l’exercice international de son activité de prestataire de services d’investissement, qui accepte de contracter avec un consommateur résidant dans un autre Etat membre et met à sa disposition non seulement les moyens de communication à distance pour la gestion et l’exécution du contrat mais dépêche au lieu du domicile de ce consommateur dans son Etat de résidence des préposés aux fins de l’informer, le conseiller et de signer des documents contractuels, peut raisonnablement s’attendre à être attraite devant les juridictions de cet Etat.
La banque ne disconvenant pas que le présent litige ne compte pas au nombre de ceux permettant une dérogation à ces règles de compétences prévue à l’article 19 du Règlement (convention dérogeant postérieure à la naissance du différend, faculté pour le consommateur de saisir encore une autre juridiction ou domicile des parties dans le même Etat au moment de la conclusion du contrat), il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, de rejeter l’exception d’incompétence soulevée, de condamner la société banque [L] à payer à M. [M] [Y] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] n’ayant pas conclu au fond, il y a lieu de renvoyer la connaissance de l’affaire au tribunal de commerce de Paris.
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
REJETTE l’exception d’incompétence internationale soulevée par la société banque M.M. [L] & Co ;
CONDAMNE la société banque M.M. [L] & Co à payer à M. [M] [Y] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RENVOIE la connaissance de l’affaire au tribunal de commerce de Paris ;
CONDAMNE la société banque M.M. [L] & Co aux dépens du présent appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT