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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00485 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H5ZH
GLG/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NÎMES
17 décembre 2020 RG :F 18/00739
S.A.S.U. [R] DECORATION
C/
[N]
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 21 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NÎMES en date du 17 Décembre 2020, N°F 18/00739
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S.U. [R] DECORATION
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Céline NIEDERKORN de la SELARL CÉLINE NIEDERKORN, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [D] [N]
né le 12 Avril 1987 à [Localité 5] (SOMALIE)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Décembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [D] [N] (autrement dénommé [N]) a été embauché par la société [R] Décoration en qualité d’artiste décorateur, niveau 1 échelon 1 de la convention collective nationale des ouvriers des industries de carrières et de matériaux, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée du 7 juillet 2017 au 4 août 2017, renouvelé par avenant jusqu’au 27 octobre 2017 et suivi d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 octobre 2017.
Placé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 22 septembre 2017, puis déclaré inapte par le médecin du travail à l’issue des visites de reprise des 27 et 28 février 2019, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 25 mars 2019.
Par requête reçue le 21 décembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et condamner l’employeur à lui payer plusieurs sommes à titre d’indemnité de requalification, de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, de rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en raison de l’absence de formation, et d’indemnité pour frais irrépétibles.
Le 8 janvier 2020, il a déposé une nouvelle requête afin de demander en outre de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui verser plusieurs sommes au titre de la rupture.
Par jugement du 17 décembre 2020, assorti en totalité de l’exécution provisoire, le conseil de prud’hommes, déboutant le salarié de ses autres demandes, a condamné l’employeur au paiement des sommes suivantes :
‘ 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat
‘ 1 854, 40 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 185,44 euros bruts de congés payés afférents
‘ 500 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
‘ 1 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société [R] Décoration a interjeté appel de cette décision par déclaration du 3 février 2021.
L’appelante présente les demandes suivantes au dispositif de ses dernières conclusions du 12 octobre 2021 :
“Vu les articles L 1222-1, L 1226-10, L 1226-14, L 1234-9, L 1242-1, L 1242-2, L 1242-12, L 1245-1, L 1245-2, L 1411-1, L 3121-1, L 3121-28, L 3121-29, L 3171-4, L 4121-1 et L 4122-1 du Code du travail,
Vu les articles L 142-1, L 451-1 et L 452-3 du Code de la sécurité sociale,
Vu les articles 1103, 1104, 1302 et 1302-1 du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu la Convention collective nationale relative aux conditions de travail des ouvriers des industries de Carrières et de Matériaux,
Vu les jurisprudences citées,
Vu les pièces versées aux débats,
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nîmes en date du 17 décembre 2020 en ce qu’il a :
Dit le licenciement de Monsieur [D] [N] sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que la Société SITIZA DECORATION a manqué à son obligation de sécurité ;
Condamné la Société [R] DECORATION à payer à Monsieur [D] [N] les sommes suivantes :
15.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
. 1.854,40 € bruts à titre de paiement des heures supplémentaires réellement effectuées,
. 185,44 € bruts de congés payés y afférents,
. 500 € nets à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1.000 € nets à titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Ordonné l’exécution provisoire de la décision, et sur ce qui pourrait excéder la limite maximum de 9 mois de salaires prévue par l’exécution provisoire de droit ;
Mis les entiers dépens à la charge de la Société [R] DECORATION, ainsi que les éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la décision.
STATUANT A NOUVEAU :
DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [D] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
DIRE ET JUGER que la Société [R] DECORATION a respecté son obligation de sécurité ;
DIRE ET JUGER que Monsieur [D] [N] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées ;
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [D] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;
DEBOUTER Monsieur [D] [N] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTER Monsieur [D] [N] de sa demande de paiement d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents ;
DEBOUTER Monsieur [D] [N] de sa demande de paiement d’une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nîmes en date du 17 décembre 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur [D] [N] de ses autres demandes.
En tout état de cause,
DIRE ET JUGER que Monsieur [D] [N] a indument perçu une somme de 1.738,52 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
CONDAMNER Monsieur [D] [N] au remboursement à la Société [R] DECORATION de la somme de 1.738,52 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis indument perçue ;
CONDAMNER Monsieur [D] [N] au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et frais de procédure de première instance et d’appel.”
Elle expose que :
‘ le contrat de travail à durée déterminée était motivé par un surcroît d’activité lié à la nécessité de terminer les chantiers en cours alors que le personnel était en congés pendant la période estivale ;
‘ toutes les heures supplémentaires réellement accomplies par le salarié lui ont été réglées ;
‘ le conseil de prud’hommes n’était pas compétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, celle-ci relevant exclusivement de la compétence de la juridiction de sécurité sociale en ce qu’elle tend à la réparation du préjudice résultant de l’accident du travail, lequel a d’ailleurs été indemnisé par le pôle social du tribunal judiciaire de Mende;
‘ il en est de même en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier formulée par le salarié devant les premiers juges au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse “en raison de l’accident dont il a été victime, provoqué lui-même par un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat” ;
‘ l’inaptitude du salarié n’est pas la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, mais résulte d’une défaillance imprévisible de l’échafaudage ainsi que des fautes graves de M. [N], lequel a manqué aux règles les plus élémentaires de sécurité;
‘ le licenciement pour inaptitude est bien fondé dès lors qu’il n’existait dans l’entreprise aucune institution représentative du personnel au moment du licenciement, comme le prouve le procès-verbal de carence du 9 mai 2017, et qu’elle a effectué une recherche sérieuse et loyale de reclassement ;
‘ elle a déjà versé au salarié l’indemnité spéciale de licenciement ainsi qu’une indemnité de préavis de deux mois de salaire, soit la somme de 3 477,04 euros, alors que le salarié ne pouvait prétendre qu’à un mois de préavis, ce qui justifie sa demande de remboursement de la somme de 1 738,52 euros indûment perçue.
L’intimé forme les demandes suivantes au dispositif de ses conclusions du 13 juillet 2021 :
“Vu les articles précités du Code du travail,
Vu la convention collective applicable,
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces versées au débat,
RECEVOIR l’appel de la société [R] DECORATION,
Le dire mal fondé,
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu en qu’il requalifiait le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
CONFIRMER le jugement en ce qu’il déclarait le licenciement de Mr [N] [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONFIRMER le jugement en ce qu’il condamnait la société [R] DECORATION au paiement des heures supplémentaires,
CONFIRMER le jugement en ce qu’il considérait que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat,
EN CONSEQUENCE,
– REQUALIFIER le contrat de travail de Mr [D] [N] en contrat de travail à durée indéterminée,
– DIRE ET JUGER que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
– DIRE ET JUGER que SARL [R] DECORATION a exécuté déloyalement le contrat de travail,
– DIRE ET JUGER que l’employeur a méconnu les dispositions protectrices applicables aux salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle,
– DIRE ET JUGER que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement d’un salarié victime d’un accident du travail,
– DIRE ET JUGER que l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de consultation des délégués du personnel,
– DIRE ET JUGER que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner SARL [R] DECORATION au paiement des sommes suivantes :
– 1498.50 € à titre d’indemnité de requalification,
– 15 000 € à titre de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
– 2395.90 € au titre des heures supplémentaires outre 239.59€ de congés payés y afférents,
– 5000 € de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en raison de l’absence de formation,
– 2997 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1498.50 € à titre d’indemnité spéciale de licenciement,
– 10000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 500 € au titre de l’article 700 du CPC et entiers dépens.”
Il réplique que :
‘ le surcroît temporaire d’activité n’est justifié par aucun élément pertinent et ne peut résulter de la nécessité de terminer des chantiers pendant une période de congés ;
‘ sa demande de rappel d’heures supplémentaires repose sur des éléments sérieux, tandis qu’aucun élément justificatif de son temps de travail n’est produit par l’employeur ;
‘ l’accident du travail dont il a été victime est la conséquence des manquements de la société [R] Décoration qui a omis de lui dispenser une formation et de s’assurer de la stabilité de l’échafaudage et qui a été condamnée par le tribunal correctionnel de Castres pour blessures involontaires par personne morale ayant entraîné une incapacité n’excédant pas trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le travail, ainsi que par le pôle social de Mende au titre de la faute inexcusable, de sorte qu’il est bien fondé à lui réclamer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour “manquement à son obligation de sécurité dans le cadre de l’exécution déloyale du contrat de travail” ;
‘ l’inaptitude à l’origine de son licenciement est la conséquence des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, et de surcroît, celui-ci n’a procédé à aucune recherche loyale et sérieuse de reclassement, de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu’il est fondé à réclamer le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire en application de l’article L. 5213-9 du code du travail compte tenu de son statut de travailleur handicapé reconnu avant le licenciement, soit la somme de 2 997 euros, de l’indemnité spéciale de licenciement d’un montant de 1 498,50 euros, ainsi que d’une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l’article L. 1226-10 du code du travail, étant précisé qu’il était alors âgé de 32 ans, qu’il n’a retrouvé aucun emploi stable, et qu’il appartiendra à l’employeur de justifier du paiement effectif des sommes mentionnées sur les documents de fin de contrat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 décembre 2022, à effet au 22 décembre 2022.
MOTIFS DE L’ARRÊT
‘ sur la requalification du CDD en CDI
Selon l’article L. 1242-2 du code du travail, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise figure au nombre des motifs de recours au contrat de travail à durée déterminée.
En cas de litige, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.
En l’espèce, le contrat à durée déterminée de quatre semaines à compter du 7 juillet 2017 mentionne qu’il est conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.
Expliquant qu’elle connaissait alors “une période particulièrement intense d’activité”, qu’elle “enregistrait un certain nombre de retards nécessitant l’intervention sur le chantier d’un artiste décorateur supplémentaire afin de compléter ses équipes”, qu’elle “avait conclu des devis importants dont l’exécution devait se réaliser pendant la période estivale”, et qu’elle a finalement embauché M. [N] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 28 octobre 2017, la société appelante communique plusieurs devis importants établis pendant la période de mars à juillet 2017, ainsi que ses comptes de résultat établissant que son chiffre d’affaires a progressé de 1 253 001 euros fin 2016 à 1 659 654 euros fin 2017.
La preuve de l’accroissement temporaire d’activité pendant la période litigieuse étant ainsi rapportée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef.
‘ sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, le salarié produit un relevé mentionnant son amplitude horaire quotidienne de travail et le nombre d’heures supplémentaires accomplies pendant la période du 7 juillet 2017 au 21 septembre 2017 inclus, soit un total de 194 heures.
Alors que ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre de répondre, l’employeur se borne à en faire la critique, essentiellement aux motifs que les temps de pause n’ont pas été comptabilisés par le salarié et que les horaires indiqués sont partiellement inexacts au vu de ses notes de frais repas et d’une facture mensuelle de carburant, sans produire lui-même des éléments de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par l’intéressé.
Il apparaît toutefois que le salarié a omis de déduire de sa réclamation les heures supplémentaires réglées au vu de ses bulletins de paie, comme l’ont relevé les premiers juges retenant un total de 152 heures supplémentaires non rémunérées par des motifs qui ne sont aucunement critiqués par l’intimé, lequel, s’il maintient au dispositif de ses conclusions sa demande à hauteur de 2 395,90 euros, outre 239,59 euros de congés payés afférents, conclut par ailleurs que “c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement des heures supplémentaires à hauteur de 1 854,40 euros, outre les congés payés y afférents à hauteur de 185,44 euros”.
En conséquence, le jugement sera également confirmé de ce chef.
‘ sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
Si la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire.
En l’espèce, le salarié fait valoir au soutien de sa demande en paiement de la somme de “15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat”, que l’accident du travail dont il a été victime, le 22 septembre 2017, est la conséquence d’une incurie de l’employeur, lequel a omis, d’une part, de lui assurer une formation, et d’autre part, de vérifier que le chantier était bien sécurisé et que l’échafaudage sur lequel il intervenait était correctement stabilisé.
Cette demande relevant de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire de Mende saisi le 11 décembre 2019, lequel a, par décision du 3 septembre 2020, retenu la faute inexcusable de l’employeur et ordonné une expertise médicale, le salarié en sera débouté et le jugement infirmé de ce chef.
‘ sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l’espèce, le salarié réclame la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts “pour exécution déloyale du contrat de travail en raison de l’absence de formation”, sans motiver précisément cette demande ni critiquer expressément le jugement qui l’en a débouté, se bornant à reprocher à l’employeur, dans le cadre de sa demande distincte de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, d’être à l’origine de son accident du travail faute de lui avoir dispensé une formation suffisante.
La réparation des dommages causés par cet accident relevant de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire, le jugement sera confirmé de ce chef.
‘ sur le licenciement
Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.
Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.
L’article L. 1226-10 du code du travail dispose par ailleurs que : “Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.”
En l’espèce, M. [N] a été placé en arrêt de travail sans interruption depuis son accident du travail survenu le 22 septembre 2017, jusqu’à la visite de reprise du 27 février 2019, suivie de la nouvelle visite du 28 février 2019, à l’issue de laquelle le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude définitive, précisant qu’il serait apte à un poste excluant tout effort de manutention.
Disant avoir procédé à une recherche de reclassement au sein de l’entreprise et des sociétés du groupe comprenant la société Groupe [R] et la société DV Service, l’appelante produit ses courriers adressés à ces deux sociétés, le 4 mars 2019, reprenant les termes de l’avis du médecin du travail, les réponses négatives datées du 5 mars 2019, revêtues, comme les demandes, du cachet de la société employeur [R] Décoration et signées par le même dirigeant, M. [B] [R], ainsi que le procès-verbal de carence aux élections des délégués du personnel établi le 28 mars 2017, à l’exclusion de tout autre élément, tel qu’un extrait du registre du personnel de chacune des sociétés du groupe, permettant de vérifier qu’il n’existait effectivement, au sein de l’entreprise et du groupe, aucun poste disponible compatible avec les restrictions formulées par le médecin du travail.
L’intimé justifie en outre que, par jugement du 4 juin 2019 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Castres a déclaré la société [R] Décoration coupable de “blessures involontaires par personne morale avec incapacité n’excédant pas 3 mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail”, relevant notamment que “la stabilité de l’ouvrage n’était pas assurée”, que “cette faute (était) incontestablement à l’origine des graves dommages subis par [D] [N]”, et qu’il résultait en outre de l’enquête menée par l’inspection du travail que la société n’avait “pas procédé à la formation nécessaire de son salarié”.
Il est ainsi établi, d’une part, que l’inaptitude du salarié consécutive à son accident du travail du 22 septembre 2017 est la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, et d’autre part, que l’employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, de sorte que M. [N] peut prétendre aux indemnités prévues par l’article L. 1226-14 du code du travail, ainsi qu’à l’indemnité prévue par l’article L. 1226-15 du même code, au moins équivalente aux salaires des six derniers mois.
Agé de 32 ans au moment de son licenciement, disant ne pas avoir retrouvé un emploi stable sans communiquer aucun élément sur sa situation postérieure, M. [N] évalue son salaire mensuel brut à 1 498,50 euros, tandis que l’employeur le fixe plus exactement au dernier état de la relation de travail à la somme de 1 738,52 euros, incluant le salaire de base de 1 521,25 euros et les heures supplémentaires.
Outre que le salarié ne justifie pas son affirmation selon laquelle le statut de travailleur handicapé lui a été reconnu avant le licenciement, il est constant que le travailleur handicapé licencié suite à une inaptitude d’origine professionnelle ne bénéficie pas de la durée de préavis doublée prévue par l’article L. 5213-9 du même code.
L’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail, d’un montant égal à l’indemnité de préavis d’un mois de salaire compte tenu de son ancienneté, s’établit ainsi à la somme de 1 738,52 euros bruts, et l’indemnité spéciale de licenciement à la somme de 1 496,32 euros nets.
Si l’appelante dit s’être acquittée de ces indemnités et même au-delà, s’agissant de l’indemnité compensatrice indûment versée selon elle à hauteur de 3 477,04 euros, elle ne justifie pas du règlement effectif des sommes mentionnées sur les documents de fin de contrat et notamment sur le reçu pour solde de tout compte, lequel n’est pas revêtu de la signature du salarié, de sorte qu’elle sera condamnée au paiement desdites indemnités, en deniers ou quittance, ainsi qu’au paiement de l’indemnité prévue par l’article L. 1226- 15 du code du travail arrêtée dans la demande à la somme de 10 000 euros.
Le jugement sera ainsi réformé.
‘ sur la demande reconventionnelle
Il résulte des articles 1302 et 1302-1 du code civil que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution et que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
En l’espèce, le bulletin de salaire du mois de mars 2019 ainsi que le reçu pour solde de tout compte versés aux débats mentionnent le paiement à M. [N], par chèque émis le 25 mars 2019, d’une “indemnité compensatrice/inaptitude professionnelle” d’un montant de 3 477,04 euros, alors que l’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 1226-14 du code du travail, dont l’employeur est redevable, s’établit à 1 738,52 euros.
La demande de restitution de la somme de 1 738,52 euros est ainsi fondée dans son principe et il y sera fait droit sous réserve de la justification par l’employeur du paiement effectif au salarié de la somme indue.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute le salarié de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail,
Dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
‘ heures supplémentaires brut 1 854,40 euros
‘ congés payés afférents brut 185,44 euros
‘ indemnité compensatrice (art. L. 1226-14 C.T.) brut 1 738,52 euros
(en deniers ou quittance)
‘ indemnité spéciale de licenciement net1 496,32 euros
(en deniers ou quittance)
‘ indemnité prévue par l’article L. 1226-15 C.T. net 10 000,00 euros
‘ art. 700 CPC (1ère instance et appel) 2 000,00 euros
Condamne M. [N] à rembourser à la société [R] Décoration la somme de 1 738,52 euros sous réserve de la justification par l’employeur du paiement effectif au salarié de la somme de 3 477,04 euros,
La condamne aux entiers dépens.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,