Droits des Artistes : Cour d’appel de Grenoble, Chambre Commerciale, 26 janvier 2023, 21/05053

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Droits des Artistes : Cour d’appel de Grenoble, Chambre Commerciale, 26 janvier 2023, 21/05053
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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° RG 21/05053 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LEMQ

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL COOK – QUENARD

la SELARL SEDEX

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023

Appel d’une décision (N° RG 2020J186)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 07 avril 2021

suivant déclaration d’appel du 06 décembre 2021

APPELANTES :

S.A.S. SELEC PRO au capital de 136 000,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Romans-sur-Isere sous le numéro 393 424 429, représentée par son dirigeant en exercice domicilié es-qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 2]

S.A.S. MINOTERIE FOREST au capital de 1 260 510,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MACON sous le numéro 306 516 113, représentée par son dirigeant en exercice domicilié es-qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

S.A.S. DGF DISTRIBUTION au capital de 1 241 956,00 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le numéro 421 260 183, représentée par son dirigeant en exercice domicilié es-qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Nathalie COOK de la SELARL COOK – QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Sémir GHARBI de la SELARL SEMIR GHARBI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.S. LAC EVENEMENTS au capital de 1.515.000 €, immatriculée au RCS de ROMANS sous le n° : 753 159 847, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Anne LE PIVERT LEBRUN de la SELARL SEDEX, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre. FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 novembre 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, et, M. Lionel BRUNO Conseiller, qui a fait rapport assistés de Mme Alice RICHET, Greffière, ont entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles

805 et

907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure

:

1. La société Selec Pro est spécialisée dans le négoce, l’installation, l’entretien et le dépannage de tous matériels électriques, mécaniques, hydrauliques, ainsi que la production de chaud ou de froid. La société Minoterie Forest a pour activité le commerce de toutes céréales, farines, tourteaux ainsi que toutes opérations s’y rattachant directement ou indirectement. La société DGF Distribution est spécialisée dans l’alimentation générale, gros, demi-gros, la vente de détail aux particuliers, la vente de produits d’entretien et de petits matériels destinés aux professionnels des métiers de la bouche hors vente de boissons alcoolisées.

2. Les sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution, ont sollicité la société Lac Evénements pour l’organisation d’un évènement festif autour des métiers de la boulangerie, pâtisserie, restauration et boucherie, afin de promouvoir ensemble leurs activités. Cet évènement devait se dérouler au Palais des Congrès Sud Rhône-Alpes le dimanche 15 mars et lundi 16 mars 2020. Pour l’organisation de cet événement, la société Lac Evénements a transmis aux trois sociétés une première facture d’acompte d’un montant de 8.925 euros en date du 31 janvier 2020, pour chacune des sociétés organisatrices. Cet acompte a été payé par chaque société organisatrice. Le 27 février 2020, le solde de la facture a été appelé, conformément aux dispositions contractuelles, et les trois sociétés ont adressé à la société Lac Evénements le solde de leur facture soit la somme de 9.025,80 euros pour chacune d’elIes.

3. En raison de l’épidémie Covid 19, les sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution, ont renoncé au maintien de l’événement qui était prévu, et ont sollicité le remboursement partiel de leur règlement, en proposant à la société Lac Evénements de conserver un montant total de 15.000 euros T.T.C, destiné à servir d’acompte à valoir pour un futur événement pouvant avoir lieu au cours de I’année 2022.

4. Par lettre recommandée du 29 juin 2020, les trois sociétés ont mis en demeure la société Lac Evénements de procéder à l’entíer remboursement de leur paiement soit la somme de 17.950,80 euros pour chacune d’elles. A défaut de réponse à leur demande, les sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution, ont assigné la société Lac Evénements.

5. Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a’:

– dit les demandes des trois sociétés recevables mais non fondées à l’encontre de la société Lac Evénements’;

– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article

700 du code de procédure civile’;

– rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

– mis les dépens à la charge de ces trois sociétés.

6. Les sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution, ont interjeté appel de cette décision le 6 décembre 2021, en toutes ses dispositions visées par leur acte d’appel. L’instruction de cette procédure a été clôturée le 27 octobre 2022.

Prétentions et moyens des sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution’:

7. Selon leurs conclusions remises le 26 octobre 2022, elles demandent à la cour, au visa des articles

1218 du code civil et

514 du code de procédure civile’:

– d’infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau’;

– de les juger recevables et bien fondées en leurs demandes’;

– de juger que l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes décidée par le gouvernement français en raison de la pandémie Covid 19 constitue un cas de force majeure à l’exécution du contrat’;

– de juger que cet empêchement découlant de la force majeure a entraîné la résolution de plein droit du contrat conclu entre les parties’;

– de rejeter l’ensemble des demandes reconventionnelles formées par la société Lac Evénements comme étant non fondées’;

– de condamner l’intimée à payer à chacune des appelantes la somme de 17.950,80 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 juin 2020′;

– de condamner l’intimée à payer à chacune des appelantes la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article

700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.

Elles soutiennent’:

8. – qu’à compter du mois de mars 2020, la pandémie Covid 19 a commencé à avoir de graves conséquences sanitaires sur l’ensemble du territoire national, de sorte que par arrêté du 13 mars 2020, pour faire face à sa propagation, le gouvernement a pris la décision d’interdire les rassemblements de plus de 100 personnes’; qu’en raison de ce cas de force majeure, les concluantes ont été dans l’obligation de renoncer au dernier moment au maintien de l’événement qui était prévu au Palais des Congrès Sud Rhône-Alpes pour les 15 et 16 mars 2020′; que lorsque les concluantes ont proposé à l’intimée un remboursement seulement partiel de leur règlement, le solde valant acompte pour un événement futur, celle-ci a proposé un report de l’événement jusqu’au mois de mars 2021, mais ce qui était impossible pour les concluantes, engagées dans un autre événement intitulé Sirha’; que l’intimée a refusé toute autre alternative et de restituer l’intégralité des sommes perçues ;

9. – que si le tribunal a rejeté les demandes des concluantes, il résulte cependant de l’article

1218 du code civil qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur’; que si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat’; que si l’empêchement est définitif le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1′;

10. – qu’en l’espèce, l’ampleur de la pandémie, sa durée dans le temps (encore à ce jour) et ses conséquences mondiales dramatiques sur le plan humain et économique font de l’évènement un cas de force majeure incontestable’; qu’en application de l’article

1218 du code civil, les concluantes étaient fondées à solliciter le remboursement des sommes payées suite à l’annulation de la manifestation du mois de mars 2020′; que la manifestation était prévue pour accueillir plusieurs centaines de personnes, avec des spectacles, le devis initial émis par l’intimée ayant été basé sur un minimum de 500 personnes, alors que 2.000 invitations avaient été imprimées; qu’elle était ainsi irréalisable aux dates prévues en raison de la pandémie’; que la comparaison opérée par l’intimée avec l’épidémie de Chikungunya aux Antilles n’est pas pertinente, l’épidémie Covid 19 étant mondiale’;

11. – que si le tribunal de commerce a retenu qu’il s’est agi d’un cas de force majeure, il a cependant dit que l’empêchement était temporaire, de sorte que l’exécution du contrat était seulement suspendue pour toutes les parties’; que néanmoins, l’empêchement initialement temporaire s’est révélé être définitif’; que les dates proposées par l’intimée étaient trop proches’;

12. – qu’il ne peut être reproché aux concluantes d’avoir agi dans un délai très court, en raison de la survenue de l’épidémie au regard de la date de l’événement programmé’; qu’elles ont en outre proposé à l’intimée de conserver une partie des sommes réglées pour le report de la manifestation’; que l’intimée n’avait pas procédé à l’installation des stands, ni à la livraison des matériels et ne peut ainsi soutenir que l’organisation était trop avancée pour y renoncer’; qu’elle ne peut soutenir qu’elle aurait pu limiter les flux à 100 personnes, en raison du nombre de participants attendus, sauf à tenir un salon sans âme, en séparant les familles, les amis et les collègues de travail alors qu’il aurait été impossible de tenir les spectacles;

13. – que si l’intimée soutient avoir été contrainte d’engager des dépenses très tôt pour préparer la manifestation, elle n’en justifie pas, ne produisant qu’un devis pour 1.316,85 euros HT, sans facture ni justificatif de paiement’; que si elle produit des déclarations uniques d’embauche pour des techniciens, cela concerne les journées des 9 et 12 mars 2020, donc sans lien avec l’événement prévu les 15 et 16 mars, alors que seules cinq personnes ont été embauchées; que les factures Espace Audiovisuel, Olympe Services et LA-BS.Com sont sans lien avec la manifestation’; qu’ainsi rien n’indique que l’intimée ait réglé des frais pour 38.114,46 euros HT’;

14. – que si l’intimée sollicite le paiement de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts, elle ne démontre l’existence d’aucun préjudice.

Prétentions et moyens de la société Lac Evénements’:

15. Selon ses conclusions remises le 10 octobre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles

1212 et

1218 du code civil’:

– à titre principal, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de débouter les appelantes de leur action comme étant injustifiée’;

– de juger que le contrat ne saurait être résilié faute de justifier de l’existence de la force majeure acquise les 15 et 16 mars 2020′;

– à titre subsidiaire, si la cour devait examiner les demandes des appelantes, de juger qu’il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution du contrat’;

– d’ordonner que le coût du report de la prestation sera à la charge des trois appelantes’;

– à titre reconventionnel, de juger que la concluante a intégralement respecté ses obligations contractuelles’;

– de juger que la rupture du contrat est le fait des appelantes;

– de juger que les appelantes assumeront intégralement la charge de la rupture du contrat sans pouvoir demander la restitution des sommes versées’;

– subsidiairement, si la cour devait examiner les conséquences de la rupture du contrat, de juger que la somme à restituer ne saurait être supérieure à 8.115,05 euros (soit 53.852,40 euros TTC – 45.737,35 euros TTC)’;

– en tout état de cause, de condamner solidairement les appelantes au paiement de la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts’;

– de les condamner solidairement au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

L’intimée indique’:

16. – que les deux journées étaient destinées à des professionnels, et qu’ainsi le public attendu était restreint’; que l’organisation de l’événement était lourde et a nécessité un travail important, avec des dépenses engagées en amont, telles que l’étude, par un chef de projet, des demandes et souhaits des clients, avec la charge des divers rendez-vous, des contacts avec les clients pour définir leurs besoins et leurs attentes, des démarches auprès des productions artistiques pour trouver les dates adéquates et les artistes disponibles, de la coordination du projet et la commercialisation’; qu’il avait prévu d’occuper un espace de 1.200 m² du 11 mars 2020 au 16 mars 2020 dans les locaux de la concluante afin d’installer les matériels et les stands, d’organiser un spectacle’; que du personnel technique et de sécurité avait été réservé’;

17. – que les appelantes ont unilatéralement annulé la prestation deux jours avant la date prévue, alors que les stands étaient installés et le matériel livré’;

18. – que suite à l’annulation de l’événement, la concluante a proposé d’autres dates de report, alors que les appelantes ne justifient pas qu’elles étaient inscrites au salon Sirha, alors qu’un tel fait n’est pas opposable à la concluante;

19. – qu’au jour de l’annulation de la manifestation, l’épidémie Covid 19 ne constituait pas un cas de force majeure, le décret du 13 mars 2020 n’imposant pas la fermeture des établissements publics, mais imposant de ne pas dépasser le nombre de 100 personnes dans un espace confiné’; que lors de l’épidémie de chikungunya aux Antilles, la cour d’appel de Basse Terre a refusé de retenir que ce fait avait un caractère imprévisible et irrésistible car il était dans la majorité des cas surmontable, alors que l’hôtel se prévalant de la force majeure pouvait encore honorer sa prestation’; que la concluante était en capacité de filtrer les personnes entrantes, afin de respecter la réglementation et de mettre en place des mesures de protection comme une distanciation, le port de masques et la fourniture de gel, alors que le salon tenu en 2018 n’avait rassemblé que 500 personnes;

20. – que les conditions générales de vente ont stipulé que les obligations convenues ne seront pas applicables ou seront suspendues si leur exécution est devenue impossible’; qu’en l’espèce, toute exécution n’était pas impossible’;

21. – que l’exécution doit être totalement empêchée, et non être rendue plus onéreuse ou compliquée pour que le fait constitue un cas de force majeure’; que les appelantes ont agi dans un seul but de gestion, estimant que leur retour sur investissement n’était pas acquis’;

22. – que selon l’article 1218, le contrat n’est que suspendu dans le cas d’un empêchement temporaire, ce qui a été le cas’; que la rupture du contrat a été unilatérale, puisque la concluante avait accepté le principe du report de la manifestation jusqu’au mois de mars 2021; qu’elle a ainsi proposé la date du 6 septembre 2020 compte tenu de la disponibilité de l’artiste devant se produire, ce que les appelantes ont refusé au prétexte, non justifié, qu’elles devaient participer à un autre événement en 2021′; qu’ainsi, le coût du report de la prestation doit être mis à la charge des appelantes’;

23. – que selon l’article

1212 du code civil, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme’; qu’ainsi, elle ne dispose pas d’une faculté de résiliation unilatérale’; que la rupture du contrat s’analyse ainsi en une faute imputable aux appelantes, alors que la concluante a rempli ses obligations, ayant engagé 45.737,35 euros TTC pour l’occupation des espaces par le personnel des organisateurs, la préparation et les installations, le stockage du matériel, la location du matériel vidéo, l’achat de matériels pour la confection des stands, l’embauche de personnel; que la concluante est ainsi fondée à ne restituer que la différence en ce que les appelantes lui ont payé et ces frais.

*****

24. Il convient en application de l’article

455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’:

25. Après avoir rappelé les dispositions de l’article

1218 du code civil, le tribunal a constaté que l’article 22 des conditions générales de vente stipule que «’les obligations contenues aux présentes ne seront pas applicables ou seront suspendues si leur exécution est devenue impossible en raison d’un cas de force majeure…les parties devront mettre en ‘uvre tous les efforts pour prévenir ou réduire les effets de l ‘inexécution du contrat causées par un événement de force majeure; la partie désirant invoquer un événement de force majeure devra notifier immédiatement à l’autre partie le commencement et la fin de cet événement sans quoi elle ne pourra être déchargée de sa responsabilité’».

26. Il a indiqué qu’il résulte de l’arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, et notamment de son article I, qu’afin de prévenir la propagation du virus covid-19, tout rassemblement réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, est interdit sur le territoire métropolitain de la République jusqu’au 15 avril 2020.

27. Le tribunal a constaté que l’événement programmé rentre nécessairement dans l’application de cet arrêté, mais que l’empêchement en résultant n’a été que temporaire, de sorte que l’exécution du contrat n’a été que suspendue pour toutes les parties, y compris les fournisseurs et les clients. Il a en outre retenu que le 5 juin 2020, la société Lac Evénements a proposé un report jusqu’au mois de mars 2021, et qu’elle n’a pas commis de faute dans l’exécution de sa prestation, le refus des solutions proposées par ses cocontractants résultant de raisons qui leur sont propres. Il a également indiqué que les appelantes auraient dû notifier à l’intimée le commencement et la fin de l’événement invoqué, conformément à l’article 22 des conditions générales de vente.

28. La cour relève que si en 2019, les appelantes avaient fondé l’évènement sur une participation de 500 personnes, pour un coût de 53.550 euros TTC selon devis du 3 juillet 2019, la manifestation prévue pour l’année 2020 reposait sur un nombre de personnes supérieur, puisque 2.000 invitations avaient été imprimées, l’objectif étant de rassembler des professionnels, avec une trentaine de fournisseurs sélectionnés, afin de toucher la clientèle des organisatrices. Les différentes pièces indiquent que la manifestation devait inclure divers stands de démonstration, des espaces de restauration, outre l’organisation d’un spectacle. Plusieurs centaines de personnes étaient ainsi attendues simultanément, l’évènement permettant aux participants d’y convier des personnes comme des collaborateurs ou des

membres de leurs familles. Le tribunal de commerce a ainsi exactement constaté que cet évènement rentrait dans le cadre de l’application de l’arrêté du 13 mars 2020 interdisant tout rassemblement de plus de 100 personnes simultanément dans un lieu clos.

29. En raison du nombre de participants attendus sur deux jours, les mesures sanitaires prises à l’occasion du début de la pandémie ont ainsi constitué un cas de force majeure, rendant la manifestation impossible. Selon l’article

1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Tel a été le cas en l’espèce, compte tenu du nombre de personnes attendues, alors qu’un filtrage afin de réduire le nombre de participants à 100 personnes simultanément dans les locaux n’était pas pertinent en raison des prestations proposées. Il en est de même concernant les mesures sanitaires énoncées par l’intimée comme la fourniture de gel désinfectant ou la fourniture de masques, objets qu’il était à l’époque difficile de se procurer.

30. Cependant, le même article dispose également que si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

31. En la cause, les restrictions liées à la crise sanitaire n’ont été que temporaires sur l’année 2020, et des mails ont été échangés entre les parties en juin 2020 sur un report de l’évènement, la société Lac Evénements proposant un report jusqu’au mois de mars 2021, suite à la demande en ce sens des appelantes. Si dans leur mise en demeure du 29 juin 2020, les appelantes ont sollicité le remboursement de la totalité des sommes réglées, en visant la force majeure, elles ne produisent cependant aucune pièce concernant leur participation à un salon qui les auraient empêchées d’accepter les dates de report proposées par l’intimée, pour les mois de septembre, octobre et novembre 2020. L’intimée justifie d’ailleurs que le salon Sirha 2021 devait se tenir en janvier 2021, mais qu’il a été reporté au mois de septembre 2021.

32. En conséquence, le tribunal a exactement constaté que l’empêchement résultant des mesures sanitaires prises en mars 2020 n’a été que temporaire, de sorte que l’exécution du contrat n’a été que suspendue pour toutes les parties, y compris les fournisseurs et les clients. Il a également justement fait application de l’article 22 des conditions générales de vente de l’intimée concernant la suspension du contrat en cas de force majeure, en indiquant que les appelantes auraient dû notifier à l’intimée le commencement et la fin de l’événement invoqué, conformément à cet article 22.

33. En outre, les premiers juges ont également pu retenir que la société Lac Evénements n’a pas commis de faute dans l’exécution de sa prestation alors que le refus des solutions proposées par ses cocontractants a résulté de raisons qui leur sont propres. A ce titre, l’intimée justifie avoir engagé des frais importants afin de préparer l’évènement’: facture de la société Viktor Vincent Production de 10.200 euros, avec paiement d’un acompte de 5.100 euros, facture de la société Loca-Réception, pour l’installation d’un «’mange-debout’», pour la période du 13 au 17 mars 2020, déclarations d’embauche de techniciens afin de procéder à l’installation des matériels, plan des installations. Si d’autres factures ne permettent pas de rattacher les prestations concernées directement à l’évènement (ainsi la facture Société Industrielle du Coton Manufacturé concernant des fournitures, du 5 février 2020, la facture Espace Audiovisuel du 2 mars 2020 concernant une

location avec option d’achat d’un matériel, la facture Olympe Services concernant un contrat d’entretien, mais au mois, donc sans rapport précis avec le litige, ou la facture de la société La-Bs.com concernant du matériel scénique, acquittée, suite à une livraison du 5 mars), les autres éléments détaillés ci-dessus indiquent que l’intimée avait achevé la préparation de l’évènement commandé. Elle était en droit de bénéficier du prix convenu.

34. Il résulte de ces énonciations que les conditions d’une résiliation du contrat pour cause de force majeure n’étaient pas réunies, alors que la société Lac Evénements avait accompli ses prestations permettant la tenue du salon, et qu’elle a proposé plusieurs dates permettant son report. Ainsi que retenu par le tribunal de commerce, l’empêchement résultant des mesures rendues nécessaires par la crise sanitaire n’a que suspendu l’exécution du contrat. Le refus des appelantes de poursuivre l’exécution du contrat sans motif légitime avéré a constitué une inexécution fautive, en dehors des prévisions légales et résultant de l’article 22 des conditions générales de vente, de sorte que les intimées n’ont pu être déchargées de leur responsabilité, comme indiqué à la fin de cet article. En conséquence, elles n’ont pu solliciter la restitution des sommes versées à la société Lac Evènements. Le jugement déféré ne peut être ainsi qu’être confirmé en ce qu’il a déclaré l’action des appelantes mal fondée.

35. Concernant la demande reconventionnelle de la société Lac Evènements, cette dernière a été intégralement payée pour ses prestations et les frais qu’elle a engagés. Elle ne justifie pas d’un préjudice résultant du refus des appelantes de reporter la date de l’évènement. En conséquence, cette demande est mal fondée, et le jugement déféré sera également confirmé sur ce point.

36. La décision entreprise sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour. Succombant en leur recours, les appelantes seront condamnées à payer à la société Lac Evènements la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l’article

700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article

450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles

1212,

1217 et

1218 du code civil ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour;

y ajoutant,

Condamne solidairement les sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution, à payer à la société Lac Evénements la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l’article

700 du code de procédure civile’;

Condamne solidairement les sociétés Selec Pro, Minoterie Forest et DGF Distribution, aux dépens exposés en cause d’appel’;

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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