Droits des Artistes : Cour d’appel de Chambéry, Chbre Sociale Prud’Hommes, 12 janvier 2023, 21/00510

·

·

Droits des Artistes : Cour d’appel de Chambéry, Chbre Sociale Prud’Hommes, 12 janvier 2023, 21/00510
Ce point juridique est utile ?

Extraits :
* * *
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

N° RG 21/00510 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GUUN

[L] [F]

C/ S.A.R.L. INTERNATIONAL ANIMATION

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 04 Février 2021, RG F 20/00072

APPELANT ET INTIME INCIDENT

Monsieur [L] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

S.A.R.L. INTERNATIONAL ANIMATION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Serge MOREL VULLIEZ, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles

786 et

907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 06 Décembre 2022, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

Copies délivrées le :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [F] a été embauché par la Sarl International Animation sous contrat à durée indéterminée le 1er juillet 2015, en qualité de technicien polyvalent du spectacle vivant.

La société a un effectif de cinq salariés.

Le 26 mars 2018, M. [F] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, suite aux retards de paiements de salaire et d’heures supplémentaires.

En septembre 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy à fin d’obtenir des rappels de salaires et la remise de ses documents de fin de contrat.

Par jugement en date du 6 juin 2019, le conseil de prud’hommes a condamné la Sarl International Animation à verser à M. [L] [F] un rappel de salaire ainsi que diverses indemnités et a considéré que la prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur du 26 mars 2018 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il condamne la société à remettre à M. [L] [F] les bulletins de paie relatifs à l’ensemble de la relation contractuelle, ainsi qu’un certification de travail, une attestation pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte, tenant compte des condamnations prononcées sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de 30 jours suivant la notification du jugement.

Par requête du 23 mars 2020, M. [L] [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy aux fins de faire liquider l’astreinte prononcée par le jugement du 6 juin 2019.

Par jugement en date du 4 février 2021, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :

– condamné la société International Animation à payer à M. [F] la somme de 1000 € au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire,

– dit et jugé que la délivrance de documents de fin de contrat relève du devoir de l’employeur vis-à-vis de son employé,

– condamné la société International Animation à remettre impérativement l’attestation pôle emploi rectifiée à M. [L] [F], à compter d’un mois suivant la notification du jugement, sous peine d’astreinte définitive de 100 € par jour de retard durant 2 mois,

– condamné la société International Animation à payer à M. [L] [F] la somme de 1 680 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– débouté M. [F] du surplus de ses demandes,

– condamné la société International Animation aux dépens et d’exécution dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

Par déclaration reçue au greffe le 10 mars 2021 par le réseau privé virtuel des avocats, M. [F] a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a limité à 1000 € le montant de la liquidation de l’astreinte provisoire et en ce qu’elle l’a débouté de sa demande au titre de la mention de certains éléments sur l’attestation pôle emploi.

La société International Animation a formé appel incident le 5 août 2021.

Dans ses conclusions notifiées le 1er septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [F] demande à la cour de :

– dire et juger l’appel et ses demandes recevables et bien fondés,

– débouter la société International Animation de l’ensemble de ses fins, demandes, moyens et prétentions,

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la Sarl International Animation à payer à M. [L] [F] une somme de 1680 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– le reformer dans ses autres dispositions,

statuer à nouveau et :

– condamner la société International Animation à lui payer les sommes suivantes :

* 58 650 €au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée par jugement du 6 juin 2019, ce montant étant arrêté au 1er juin 2022 et étant à parfaire au jour de l’audience,

* 1680 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– condamner la société International Animation aux dépens de l’instance et d’exécution, dont les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

Il soutient que la société International Animation n’a pas interjeté appel du jugement rendu le 6 juin 2019.

L’astreinte a débuté le 16 juillet 2019, au 15 décembre 2020, 519 jours s’étaient écoulés sans que les documents n’aient été transmis par la société, l’astreinte s’élevait à 25 950 €.

La société a fait preuve de mauvaise foi. Celle-ci n’a pas retiré les courriers recommandés adressés par le salarié concernant sa mise en demeure de transmettre les documents de fin de contrat ainsi que la requête devant le conseil de prud’hommes.

L’affaire a été radiée le 27 septembre 2018, car la société a constitué avocat quelques jours avant l’audience de conciliation.

Seule l’attestation mentionnant ‘licenciement’, après la décision du conseil de prud’hommes, permet au salarié de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi.

Suite au jugement du 6 juin 2019, la société n’a rien fait. M. [L] [F] a sollicité un huissier de justice, il a dû lui verser une provision de 500 € alors qu’il se trouvait dans une situation précaire.

La société n’a versé que la somme de 7 000 € à M. [L] [F] le 9 janvier 2020.

L’employeur n’a pas retiré le courrier recommandé de convocation à l’audience, ni celui contenant les conclusions du salarié, ni le jugement du 4 février 2021.

1 173 jours se sont écoulés entre le 16 juillet 2019 et le 31 août 2022, l’astreinte s’élève à 58 650 euros.

Il n’a jamais pu bénéficier de l’indemnisation chômage.

L’attestation pôle emploi versée par la société en date du 2 février 2021, n’est ni signée, ni tamponnée. Les éléments indiqués sont erronés. Elle n’a jamais été transmise au salarié.

L’attestation signée et tamponnée transmise au conseil de M. [L] [F] par la société le 18 mai 2022, est en réalité le document du 2 février 2021 qui est complètement erroné.

L’attestation pôle emploi versée le 30 août 2022 contient les mêmes erreurs.

L’allocation d’aide au retour à l’emploi se calcule sur la base du salaire des douze derniers mois. Les sommes indiquées sur l’attestation pôle emploi sont inférieures.

La société a transmis une attestation pôle emploi régulière et correcte le 1er septembre 2022, l’astreinte cesse donc de courir à cette date.

La pandémie ne peut justifier un tel délai pour établir l’attestation pôle emploi.

La société fait l’objet d’un plan de redressement en date du 5 juillet 2011, qui perdure à ce jour. Elle ne publie pas ses résultats, il est impossible de connaître sa situation financière.

Les salaires invoqués par le salarié sont ceux prononcés par le jugement du 6 juin 2019.

Dans ses conclusions notifiées le 1er septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la société International Animation demande à la cour de :

– déclarer mal fondé l’appel interjeté par M. [L] [F] du jugement rendu,

– déclarer recevable et bien fondé son appel incident,

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il l’a condamné à payer à M. [F] les sommes de 1000 € au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire, 1000 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile et aux dépens et d’exécution dont notamment les éventuels droits proportionnels et de recouvrement,

– le confirmer dans ses autres dispositions,

et, statuant à nouveau :

– juger qu’elle a transmis l’attestation pôle emploi au conseil de prud’hommes d’Annecy le 4 février 2021, puis encore en cours de procédure devant la cour d’appel,

– juger que l’attestation pôle emploi communiquée le 1er septembre 2022 est parfaitement régulière, reprenant les indemnités fixées par le jugement rendu le 06 juin 2019,

en conséquence,

– débouter M. [F] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions mal fondées,

– condamner M. [F] à payer à la société International Animation la somme de 2 200 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– condamner M. [F] aux dépens.

Elle fait valoir que le 5 février 2019, le conseil de la société a adressé à son confrère le certificat de travail et l’attestation d’assurance chômage de M. [F], elle comporte la tampon et la signature de la société.

L’employeur a contacté son expert-comptable aux fins d’établissement de la fiche de paie de régularisation, il l’a redirigé vers les services du TESE dépendant de l’Urssaf, les fiches de salaires étant éditées à partir du système TESE.

Le 28 janvier 2021, l’employeur a communiqué au conseil de prud’hommes les démarches entreprises pour la réalisation des documents demandés, puis le 3 février 2021 elle a transmis l’attestation pôle emploi du salarié. Le bulletin de paie rectifié a été transmis le 4 février 2021.

M. [F] aurait pu se rendre au greffe du conseil de prud’hommes pour obtenir les documents sollicités.

La société a indiqué ‘licenciement’ comme motif de rupture du contrat, suite au jugement du 6 juin 2019.

L’attestation pôle emploi n’est pas signée, ni tamponnée car la déclaration a été faite via le site pôle emploi.

Le 18 mai 2022, l’employeur a transmis l’attestation pôle emploi signée et tamponnée. La pièce versée le 30 août 2022 n’est pas nouvelle, c’est la même que celle précitée.

Sur l’attestation, la société a dû regrouper certaines indemnités allouées car séparément elles ne correspondaient à aucune case proposée. Les irrégularités ne sont pas délibérées. L’addition des sommes correspond à ce que le conseil de prud’hommes a alloué.

Elle a mentionné les salaires correspondants aux bulletins de paie et le rappel de salaire prononcé par le conseil de prud’hommes.

Elle a mis en oeuvre des démarches diligentes et est de bonne foi. Elle a respecté ses obligations.

La pandémie a engendré une baisse de 90 % du chiffre d’affaire de la société, elle n’a reçu aucune aide, seulement du chômage partiel pour ses quatre salariés.

Une condamnation à une astreinte conduirait la société a déposer le bilan et à licencier ses salariés.

La pandémie a contraint la société à suspendre son activité, en l’absence de personnel, elle n’a pu réceptionner les courriers recommandés qui lui ont été adressés.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 7 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article

L 131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressé et des difficultés qu’il rencontrées pour l’exécuter’L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, ou tout ou partie, d’une cause étrangère.

Lorsque l’astreinte assortit une décision de condamnation à une obligation de faire, il incombe au débiteur condamné de rapporter la preuve de l’exécution de l’obligation à laquelle il est tenu conformément aux articles 1315 alinéa 1er du code civil et L 131-4 suscité.

L’article

R 1234-9 du code du travail prévoit que l’employeur doit délivrer au salarié une attestation Pôle emploi lui permettant de faire valoir ses droits au chômage.

En l’espèce, le jugement en date du 6 juin 2019, avait ordonné à la société International Animation de remettre au salarié une attestation pôle emploi, en tenant compte des condamnations prononcées sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de 30 jours suivant la notification du jugement.

L’employeur ne pouvait considérer que la première attestation Pôle emploi délivré le 4 février 2019 avant le jugement était suffisante.

L’employeur devait remettre au salarié une attestation Pôle emploi avec mention de la nature de la rupture du contrat de travail, à savoir prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement.

Seule une mention précise sur le motif de la rupture permettait au salarié de faire valoir ses droits à Pôle emploi.

L’attestation Pôle emploi du 2 février 2021 dont fait état l’employeur a seulement été transmise au conseil des prud’hommes, elle n’est pas signée par l’employeur, aucun tampon de la société n’y figure.

Ce n’était pas au conseil des prud’hommes de transmettre cette attestation au salarié.

Il appartenait à l’employeur de remettre au salarié une attestation conforme au jugement définitif.

L’employeur se base à nouveau sur cette attestation pour affirmer qu’elle a été remise au salarié le 18 mai 2022.

Il s’agit du même document sur lequel a été ajouté le tampon de la société.

Elle comporte toujours des erreurs sur l’indication des salaires et des indemnités ce qui ne permettait pas au salarié de rentrer dans ses droits chômage Elle a mentionné ainsi un rappel de salaire en le qualifiant d’indemnité alors que ce rappel de salaire devait être indiqué dans le récapitulatif des salaires perçus au cours des douze derniers mois, sur lesquels Pôle emploi calcule les droits du bénéficiaire des allocations chômage.

L’employeur a aussi indiqué une indemnité de licenciement erronée de 4591,73 € alors que le jugement l’avait fixé à 1669,72 €.

L’employeur n’a remis une attestation exacte et conforme au jugement que le 1er septembre 2022.

Un tel délai est particulièrement préjudiciable au salarié qui n’a pu obtenir des indemnités chômage en temps utile alors que l’employeur devait remettre l’attestation Pôle emploi au plus tard un mois après le jugement sous peine d’astreinte.

C’est donc à juste titre que le premier juge a fixé une astreinte.

Toutefois, le faible montant de l’astreinte n’est pas justifié au regard du délai s’étant écoulé depuis le jugement définitif et du comportement de l’employeur, l’attestation Pôle emploi n’ayant été remise au salarié que le 1er septembre 2022 soit avec un retard de plus de trois ans .

Le montant de celle-ci sera néanmoins modéré à la somme de 8000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi;

CONFIRME le jugement en date du 4 février 2021 rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy sauf en ce qui concerne le montant de la liquidation de l’astreinte provisoire,

Statuant à nouveau sur ce point,

CONDAMNE la société International Animation à payer à M. [L] [F] la somme de 8000 € au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par le jugement du 6 juin 2019,

CONDAMNE la société International Animation aux dépens d’appel ;

Vu l’article

700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société International Animation à payer à M. [L] [F] la somme de 2000 € au titre de l’article

700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article

450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Chat Icon