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Il résulte de l’instruction que lors de la vérification de la comptabilité de la société Caramba, dont il est constant qu’elle emploie plus de 10 salariés, le service a estimé que cette dernière n’avait pas inclus dans l’assiette de la participation à la formation professionnelle continue versée au titre des années 2015 et 2016 la part correspondant aux congés spectacles des intermittents, ce qui représente 10 % du montant des salaires versés auxdits intermittents, et qu’il lui a notifié des rappels à ce titre pour les années en cause, ainsi que la majoration prévue par l’article L. 6331-30 du code de travail.
* * * REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Caramba a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de participation des employeurs à la formation professionnelle continue auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1914748 du 9 mars 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrée le 5 mai 2021, le 10 janvier 2022 et le 27 janvier 2022, la société Caramba, représentée par Me Bois et Me Dotseva, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1914748 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l’Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
– aucun texte ne prévoit que l’administration fiscale est compétente pour contrôler la participation des employeurs à la formation professionnelle continue versée par les employeurs d’intermittents du spectacle ;
– la majoration prévue en cas d’insuffisance de versement de la participation à la formation professionnelle continue n’est pas applicable aux employeurs d’intermittents du spectacle ; cette majoration constituant une sanction, elle ne pouvait lui être appliquée sans texte ;
– elle s’est acquittée de la quote-part de la participation calculée sur les indemnités des congés spectacles directement auprès de la Caisse des congés spectacles comme prévu par l’accord interbranche du 25 septembre 2014 ;
– il n’existe pas d’écart entre les sommes qu’elle a versées à la Caisse des congés spectacles et les sommes dues à ce titre et elle s’est conformée aux dispositions de l’article D. 7121-37 du code du travail pour déterminer l’assiette de calcul des indemnités de congés payés.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par la société Caramba n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code du travail ;
– la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 ;
– l’ordonnance n° 207-329 du 12 mars 2007 ;
– l’accord interbranche relatif aux modalités d’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie pour les salariés intermittents du spectacle, conclu le 25 septembre 2014 et étendu par arrêté du 16 mars 2015 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme A… ;
– les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
– et les observations de Me Dotseva, pour la société Caramba.
:
1. La société Caramba est une société de production et d’édition musicale qui organise des spectacles musicaux et des événements dans le domaine du spectacle vivant. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2017. Par une proposition de rectification du 24 avril 2018, le service lui a notamment notifié des suppléments de participation des employeurs à la formation professionnelle continue au titre des années 2015 et 2016. La société Caramba relève appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments, en droits et pénalités.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l’article 235 ter C du code général des impôts dans sa version applicable au litige : ” Conformément aux dispositions de l’article L. 6331-1 du code du travail, tout employeur, à l’exception de l’Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif, concourt au développement de la formation professionnelle continue dans les conditions définies par ce même article “. Aux termes de l’article L. 6331-55 du code du travail dans sa version applicable : ” Par dérogation aux dispositions relatives au financement du congé individuel de formation, prévues par l’article L. 6322-37, à l’obligation de financement pour les employeurs de moins de dix salariés, prévue par l’article L. 6331-2, et à l’obligation de financement pour les employeurs de dix salariés et plus, prévue par les articles L. 6331-9, L. 6331-14 à L. 6331-20, lorsque des employeurs occupent un ou plusieurs salariés intermittents du spectacle qui relèvent des secteurs d’activités du spectacle vivant et du spectacle enregistré, pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, une convention ou un accord professionnel national étendu peut prévoir pour ce ou ces salariés intermittents une participation unique au développement de la formation professionnelle, quel que soit le nombre de salariés occupés. Cette contribution est due à compter du premier salarié intermittent. / Le pourcentage de la contribution ne peut être inférieur à 2 % des rémunérations versées pendant l’année en cours. Les rémunérations sont entendues au sens des règles prévues aux chapitres premier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale. / (…) “. Selon l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ” (…) sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés (…) “. Le I de l’article L. 3141-22 du code du travail, applicable aux artistes du spectacle en vertu de l’article D. 7121-31 de ce code, dispose : ” Le congé annuel prévu par l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. (…) “.
3. Par ailleurs, aux termes de l’article D. 7121-38 du code du travail : ” Une caisse de congés payés assure le service des congés annuels au personnel artistique et technique employé de façon intermittente dans les entreprises mentionnées aux articles D. 7121-28 et D. 7121-29. / Cette caisse répartit entre ces entreprises les charges résultant de l’attribution des congés payés “. Aux termes de l’article 3.2 de l’accord interbranche relatif aux modalités d’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie pour les salariés intermittents du spectacle, conclu le 25 septembre 2014 et étendu par arrêté du 16 mars 2015 : ” (…) En ce qui concerne la partie de l’assiette relative aux congés payés, les signataires entendent mandater la caisse des congés spectacles, lors de ses appels de fonds, et compte tenu de la convention de délégation conclue entre cette dernière et l’AFDAS, pour appeler auprès des employeurs la contribution formation professionnelle continue, sur la base des taux définis par la loi et le présent accord. / Il en résulte que, pour les employeurs relevant de la caisse des congés spectacles, l’assiette de contribution mentionnée au premier alinéa du présent article et déclarée directement à l’AFDAS sur le bordereau annuel de calcul et de versement sera diminuée de la partie relative aux indemnités de congés payés calculées sur les salaires versés aux salariés ‹ intermittents du spectacle › “. Aux termes de l’article 3.3 du même accord : ” (…) la part de la contribution formation professionnelle continue, assise sur les indemnités de congés payés des salariés ‹ intermittents du spectacle ›, sera collectée par la caisse des congés spectacles et reversée intégralement à l’AFDAS pour le compte des employeurs concernés “.
4. En outre, aux termes de l’article 235 ter JA du code général des impôts dans sa version applicable au présent litige : ” Conformément aux dispositions de l’article L. 6331-33 du code du travail, le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont réalisés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d’affaires “. Aux termes de l’article L. 6331-30 du code du travail dans sa version applicable au litige : ” Lorsqu’un employeur n’a pas opéré le versement auquel il est assujetti dans les conditions prévues à l’article L. 6331-9 à l’organisme collecteur paritaire agréé pour collecter ce versement ou a opéré un versement insuffisant, le montant de sa contribution est majoré de l’insuffisance constatée et l’employeur verse au Trésor public une somme égale à la différence entre le montant des sommes versées à l’organisme collecteur et le montant de la contribution ainsi majorée. / Ce versement est établi et recouvré selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires. / L’article L. 6331-33 s’applique à ce versement et au complément d’obligation ” et aux termes de l’article
L. 6331-33 du même code dans sa version applicable : ” Le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont réalisés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d’affaires. / Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux litiges relatifs à la réalité et à la validité des versements faits aux organismes collecteurs paritaires agréés au titre de la participation des employeurs de moins de onze salariés au développement de la formation professionnelle continue “.
5. Il résulte de l’instruction que lors de la vérification de la comptabilité de la société Caramba, dont il est constant qu’elle emploie plus de 10 salariés, le service a estimé que cette dernière n’avait pas inclus dans l’assiette de la participation à la formation professionnelle continue versée au titre des années 2015 et 2016 la part correspondant aux congés spectacles des intermittents, ce qui représente 10 % du montant des salaires versés auxdits intermittents, et qu’il lui a notifié des rappels à ce titre pour les années en cause, ainsi que la majoration prévue par l’article L. 6331-30 du code de travail.
6. En premier lieu, la société Caramba soutient que l’administration fiscale n’était pas compétente pour contrôler et rectifier la participation à la formation professionnelle continue des entreprises employant des intermittents du spectacle en l’absence de texte l’y autorisant. Toutefois, il ressort des dispositions précitées de l’article L. 6331-55 du code du travail, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 31 décembre 1992 relative à l’emploi, au développement du travail à temps partiel et à l’assurance chômage dont elles sont issues, avant la codification opérées par l’ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), qu’elles ne dérogent qu’aux seules dispositions des articles L. 6331-2, L. 6331-9 et L. 6331-14 à L. 6331-20, en prévoyant, pour les employeurs qui occupent un ou plusieurs salariés intermittents, et quel que soit le nombre de salariés occupés, le versement d’une participation unique au taux de 2 %, due à compter du premier salarié intermittent. Ces mêmes dispositions n’ont donc ni pour objet ni pour effet de déroger aux dispositions, notamment, de l’article L. 6331-33 du même code qui, ainsi qu’il a été dit, précisent que ” le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont réalisés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d’affaires “. Par suite, et alors qu’aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit une possibilité de dérogation à cette règle pour les entreprises employant des intermittents du spectacle, la société n’est pas fondée à soutenir que l’administration fiscale n’était pas compétente pour lui notifier les rappels litigieux. De même, aucun texte ne prévoit qu’il soit possible de déroger aux dispositions concernant la majoration pour défaut ou insuffisance de versement prévue par l’article L. 6331-30 du même code pour les entreprises employant des intermittents du spectacle et la société n’est pas fondée à soutenir qu’une telle majoration ne pouvait pas lui être appliquée.
7. En second lieu, toutefois, il résulte des stipulations de l’article 3-2 de l’accord professionnel du 25 septembre 2014 relatif aux modalités d’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie que, contrairement à ce qui est prévu notamment pour la taxe d’apprentissage, à laquelle l’administration ne peut donc pas utilement se référer, c’est la caisse des congés spectacles qui verse à l’AFDAS la quote-part de la participation assise sur les indemnités de congés payés des intermittents et qu’il en résulte, pour les employeurs qui relèvent de cette caisse, que l’assiette des contributions qu’ils versent directement à l’AFDAS, déclarées sur le bordereau annuel de calcul et de versement, est diminuée de la partie relative aux indemnités de congés payés calculées sur les salaires versés aux salariés intermittents du spectacle. La société Caramba soutient sans être contredite que dans ce cadre, la cotisation patronale qu’elle verse à la caisse des congés spectacles couvre à la fois l’indemnité de congés payés, les différentes charges patronales auprès de l’URSAFF et la quote-part de la contribution à la formation professionnelle assise sur les indemnités de congés payés, versée directement à l’AFDAS par la caisse. Elle produit en outre, d’une part, deux attestations établies par l’AFDAS les 13 décembre 2017 et 6 novembre 2018, qui indiquent que la société a effectué une déclaration annuelle de formation professionnelle continue et lui a versé les contributions correspondantes au titre des années 2015 et 2016, et, d’autre part et pour la première fois en appel, une attestation d’Audiens, organisme mandaté par la caisse des congés spectacles, en date du 28 octobre 2021, selon laquelle elle ” est à jour des cotisations AFDAS au titre des indemnités de congés payés versées aux artistes et aux techniciens du spectacle des années 2014 à 2017 et des cotisations courantes qui comprennent notamment la contribution due au titre de la formation professionnelle telle que visée par les articles L. 6331-55 et suivants du Code du travail et l’accord professionnel du 25 septembre 2014 relatif aux modalités d’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie “. L’administration, qui a eu communication de ces attestations, n’a pas contesté la réalité des éléments qui y figurent. Dans ces conditions, et alors même que l’employeur reste le seul redevable de la participation, l’administration n’établit pas l’existence d’une insuffisance de cotisation au titre de laquelle les suppléments de participation litigieux ont été réclamés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Caramba est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de participation des employeurs à la formation professionnelle continue auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.
Sur les frais liés à l’instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Caramba et non compris dans les dépens.
Article 1er : Le jugement du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société Caramba est déchargée, en droits et pénalités, des suppléments de participation des employeurs à la formation professionnelle continue auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016.
Article 3 : Le versement à la société Caramba de la somme de 1 500 euros est mis à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Caramba et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à al direction régionale du contrôle fiscal d’Ile-de-France.
Délibéré après l’audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :
– Mme Vinot, présidente de chambre,
– Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
– M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 mars 2023.
La rapporteure,
C. A…La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
N° 21PA024102