Droits des Artistes : Cour administrative d’appel de Paris, 5ème chambre, 17 février 2023, 21PA00288

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Droits des Artistes : Cour administrative d’appel de Paris, 5ème chambre, 17 février 2023, 21PA00288
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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, et de lui accorder le sursis de paiement.

Par un jugement n° 1814376 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 janvier 2021, 6 juillet 2021, 25 octobre 2021 et 14 octobre 2022, M. B…, représenté par la Selarl Arbor, Tournoud et associés, avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler ou de réformer le jugement n° 1814376 du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions contestées et des intérêts de retard et majorations correspondantes, ou à tout le moins la réduction des rappels d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des revenus des années 2013, 2014 et 2015, et la décharge des pénalités (droits, intérêts de retard, majorations et amendes) dont ces rappels sont assortis ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 600 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– en jugeant que l’administration était en droit d’imposer au titre des bénéfices non commerciaux les sommes facturées par la société Terrasol à la société PBCL, sans rechercher si ces sommes lui avaient effectivement été versées, le tribunal a entaché son jugement d’une erreur de droit.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

– la proposition de rectification n’est pas suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l’article

L. 57 du livre des procédures fiscales, s’agissant en particulier des motifs qui ont conduit le service à considérer que les rémunérations perçues par le truchement de la société chinoise, qu’il avait déclaré en salaires, pouvaient être requalifiées en bénéfice non commerciaux ;

– en l’absence de mention, dans la réponse de l’administration à ses observations, de ce qu’il a la possibilité de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire, il a été privé de cette possibilité.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

– les sommes qui ont fait l’objet des impositions litigieuses ne pouvaient pas être imposées dans la catégorie des bénéfices non-commerciaux mais dans celles des traitements et salaires ;

– la doctrine BOI-RSA-CHAMP-10-10-10 n° 30 à 50, 12-9-2012, dans laquelle l’administration précise que ” d’une manière générale, la rémunération au temps passé permet d’établir l’existence d’un lien de subordination. “, est opposable à l’administration sur le fondement de l’article

L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

– les salaires qu’il a perçus sont exonérés d’impôt en France en application du 2° du I de l’article 81 A dès lors qu’il justifie d’au moins 183 jours à l’étranger ;

– la documentation administrative référencée 5 B-642 n° 1 du 1er août 2001 et la doctrine référencée au BOI-IR-DOMIC-30 n° 210 du 19 septembre 2012, selon lesquelles le prestataire de services doit être imposé à raison des sommes encaissées par le bénéficiaire des rémunérations, sont opposables à l’administration sur le fondement de l’article

L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

– l’article 15 de la convention fiscale franco-algérienne s’oppose à une imposition en France ;

– si les sommes en cause devaient être requalifiées comme des bénéfices non commerciaux, l’article 14, paragraphe 1 de la convention fiscale franco-algérienne s’oppose à ce qu’il soit imposé sur des bénéfices non-commerciaux en France, dès lors qu’il a séjourné plus de 183 jours en Algérie pour chacune des années considérées et qu’il y a une base fixe ;

– dans tous les cas, l’imposition initiale des revenus déclarés et imposés au taux effectif fait double emploi avec la taxation supplémentaire entreprise au vu des sommes versées à la société PBCL par la société Terrasol à raison des mêmes prestations ; cette double imposition est proscrite par le Conseil Constitutionnel (décision QPC du 26 novembre 2010 n° 2010-70 QPC) ; l’administration devra donc, a minima, corriger le montant des rappels en déduisant des montants ainsi taxés ceux qu’il a déclarés comme des revenus salariaux de source étrangère ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

– l’erreur qu’il a commise, le cas échéant, en déclarant les sommes en cause dans la catégorie des salaires de source étrangère et non pas dans celle des bénéfices non commerciaux ne constitue pas un manquement délibéré pouvant justifier une majoration de 40 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mai 2021, 6 septembre 2021, 26 septembre 2022 et 18 octobre 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par M. B… n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la Constitution ;

– la convention du 17 octobre 1999 conclue entre la France et l’Algérie en vue d’éliminer les doubles impositions, de prévenir l’évasion et la fraude fiscales et d’établir des règles d’assistance réciproque en matière d’impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la décision 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme D…,

– les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

– et les observations de M. B….

Une note en délibéré, présentée pour M. B…, a été enregistrée le 30 janvier 2023.

Considérant ce qui suit

:

1. M. B… a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à l’issue duquel ont été mises à sa charge, par une proposition de rectification en date du 7 décembre 2016, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015, assorties de pénalités. M. B… a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments d’imposition, mis en recouvrement par un avis du 30 septembre 2017. Il relève appel du jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s’imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d’irrégularité, il appartient au juge d’appel, non d’apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel. Par suite, M. B… ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d’une erreur de droit.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l’article

L. 57 du livre des procédures fiscales : ” l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…). / Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée “.

4. M. B… soutient que la proposition de rectification du 7 décembre 2016 est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l’article

L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu’elle n’explique pas pourquoi l’administration a considéré que les rémunérations qu’il a perçues venant de la société PBCL Limited, qu’il a déclarées comme salaires, pouvaient être requalifiées en bénéfices non commerciaux. Toutefois, il ressort des énonciations de la proposition de rectification que l’administration a procédé à cette requalification après avoir détaillé les éléments qui l’ont conduit à considérer que M. B… était le prestataire réel des services fournis à la société Terrasol et facturés par la société PBCL, pour l’application du I de l’article

155 A du code général des impôts. Si M. B… soutient, pour la première fois en appel, que l’administration aurait dû analyser ses liens avec la société Terrasol, il ne résulte pas de l’instruction que M. B… aurait fait valoir lors de la procédure de contrôle l’existence d’une relation salariale avec cette société, un tel lien ne ressortant par ailleurs pas de l’instruction, notamment des termes du contrat de prestations de services conclu entre la société Terrasol et, formellement, la société PBCL. Dans ces conditions, M. B…, qui a pu utilement faire valoir ses observations, le 7 février 2017, dans lesquelles il a d’ailleurs indiqué, au point 2.2.4, qu’il ne contestait pas l’application par l’administration fiscale des dispositions de l’article 155 A I et de l’article

92 du code général des impôts, n’est pas fondé à soutenir que la procédure est irrégulière pour défaut de motivation de la proposition de rectification.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article

L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : ” Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l’administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis (…) de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article

1651 du code général des impôts (…) “.

6. Si M. B… avait, en application de ces dispositions, la possibilité de solliciter la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire, sous réserve que celle-ci soit compétente, en vertu des dispositions de l’article

L. 59 A du livre des procédures fiscales, l’administration n’était pas tenue de l’en informer. Par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’imposition à défaut d’indication, dans la réponse aux observations du contribuable, de la possibilité pour M. B… de demander la saisine de ladite commission, doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : ” L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article

L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande “.

8. Il résulte de ces dispositions qu’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l’intéressé d’y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l’administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu’il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d’en vérifier l’authenticité ou d’en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s’agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu’à l’administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu’il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l’administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

9. M. B… soutient que l’administration a méconnu les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas les renseignements qu’elle a nécessairement, selon lui, recueillis auprès des autorités fiscales de Hong-Kong. Toutefois, d’une part, il ne résulte pas de l’instruction, en particulier des énonciations de la proposition de rectification du 7 décembre 2016 ou de celles de la réponse aux observations du contribuable du 28 mars 2017, que le service aurait utilisé, pour fonder les impositions litigieuses, des renseignements ou documents transmis par les autorités fiscales de Hong-Kong et dont M. B… n’aurait été informé que tardivement par ces mêmes autorités, dans le courrier daté du 2 juin 2017 qu’il produit au dossier, alors qu’il ressort des termes même de ce courrier qu’il porte sur des renseignements et documents qui n’ont pas encore été transmis aux autorités fiscales françaises à cette même date, à laquelle les impositions contestées avaient déjà été établies. D’autre part et en tout état de cause, M. B…, qui avait donc connaissance de la transmission, par les autorités fiscales de Hong-Kong de documents et renseignements le concernant, n’allègue pas ne pas avoir été à même d’en demander à l’administration la communication avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, le 30 septembre 2017. Par ailleurs, si la proposition de rectification du 7 décembre 2016 mentionne le compte bancaire détenu par M. B… à Hong-Kong, qu’il n’avait pas déclaré, les coordonnées de ce compte bancaire, dont l’existence était nécessairement connue de M. B…, figure sur les différentes factures payées par la société Terrasol à la société PBCL, et dont l’administration a eu connaissance, pour la première fois, lors de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l’objet avant qu’un contrôle sur pièces ne soit diligenté à l’encontre de M. B…. Il en ressort que l’administration fiscale n’a pas eu connaissance du compte bancaire ouvert au nom de la société PBCL à Hong-Kong par des renseignements obtenus auprès de tiers. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de M. B… à être informé et à demander la communication des documents et renseignements obtenus auprès de tiers que l’administration a utilisé, le cas échéant, pour fonder les impositions, ne peut qu’être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur le principe de l’imposition en France :

10. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer – en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office – si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.

Sur le terrain de la loi :

11. En premier lieu, aux termes de l’article

155 A du code général des impôts : ” I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; (…) “. Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d’être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l’essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte. Ces dispositions ne dispensent pas l’administration, pour soumettre cette rémunération à l’impôt sur le revenu entre les mains de la personne ayant rendu les services, de faire application des règles de taxation relatives à la catégorie de revenus dont elle relève. La détermination de cette catégorie ne saurait dépendre que de l’analyse des relations existant entre la personne qui a rendu pour l’essentiel les services facturés et le bénéficiaire de ces services.

12. Par ailleurs, aux termes de l’article

92 du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige : ” 1. Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (…) “.

13. L’administration a, sur le fondement des dispositions du I de l’article 155 A et de l’article

92 du code général des impôts, imposé entre les mains de M. B…, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les sommes perçues par la société PBCL et payées par la société Terrasol. Ainsi qu’il a été dit au point 4, dans les observations qu’il a formulées le 7 février 2017, M. B… a indiqué qu’il ne contestait pas l’application par l’administration fiscale de ces dispositions et de celles de l’article

92 du code général des impôts. En conséquence, s’il soutient, pour la première fois en appel, d’une part, que le service n’établit pas que les sommes en cause ont été encaissées par la société PBCL Limited et, d’autre part qu’elles auraient dû être imposées dans la catégorie des salaires, la charge de la preuve lui incombe.

14. D’une part, M. B… ne conteste pas qu’il contrôle directement la société PBCL Limited, qu’il a créé en 2012, ni que cette société, établie dans un Etat à fiscalité privilégiée, n’a pas d’activité industrielle et commerciale et que les sommes facturées par la société Terrasol au titre d’un contrat de prestation de services ne trouvent aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de la société PBCL Limited permettant de regarder ces services comme ayant été rendu pour le compte de cette dernière. En outre M. B… n’apporte aucun élément démontrant que les sommes en cause n’auraient pas été encaissées par la société PCB Limited, alors que l’administration soutient sans être contredite que cela ressort des justificatifs de virements bancaires fournis par la société Terrasol et que M. B… a reconnu tout au long de la procédure avoir appréhendé les sommes litigieuses et les avoir déclarées à l’administration fiscale. Par suite, l’administration fiscale était fondée à procéder, pour les années en litige, à imposer entre les mains de M B… les sommes facturées par la société PBCL Limited à la société Terrasol.

15. D’autre part, si M. B… se prévaut, pour la première fois en appel, du lien de subordination qui existerait entre la société Terrasol et lui-même, un tel lien de subordination ne ressort pas des termes du contrat de prestations de services conclut, formellement, par la société PBCL Limited avec cette société, qui peut être résilié à tout moment par chacune des parties, sans préavis ni indemnité, ni des conditions dans lesquelles M. B… effectuait lesdites prestations, sous son propre contrôle, en signant tous les rapports de mission, d’expertise et les comptes rendus de chantier, et ne saurait résulter de la seule circonstance, invoquée par M. B…, selon laquelle il était payé ” au temps passé “, qui ne constitue qu’un critère parmi d’autres pouvant être pris en compte pour établir l’existence d’un lien de subordination et qui n’est pas exclusive d’une relation salariale.

16. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B… ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l’article

81 A du code général des impôts, qui s’appliquent aux salaires perçus par des salariées qui sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d’établissement de cet employeur.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

17. En premier lieu, si M. B… invoque la doctrine référencée au BOI-RSA-CHAMP-10-10-10 publiée le 12 septembre 2012, qui reprend la documentation de base 5 F-1111 à jour au 10 février 1999, indiquant que : ” (…) Sans constituer un critère exclusif, le mode de rémunération est un élément d’appréciation important pour déterminer l’existence d’un contrat de travail. D’une manière générale, la rémunération au temps passé permet d’établir l’existence d’un lien de subordination. Mais un salarié peut également être rémunéré à la tâche, à la commission ou au pourcentage. Il peut également bénéficier d’une participation aux bénéfices. (…) “, celle-ci énonce toutefois, de manière générale, en préalable, que ” pour établir l’existence d’un contrat de travail, la jurisprudence a dégagé la notion de subordination juridique qui repose, en fait, sur l’autorité de l’employeur qui nomme et révoque le salarié, donne les directives concernant l’exécution du travail, en contrôle l’accomplissement, en vérifie les résultats ” et se borne à décrire l’état de la jurisprudence sans comporter une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

18. En deuxième lieu, si M. B… invoque, sur le fondement de l’article

L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation administrative référencée 5 B-642 n° 1 du 1er août 2001 et la doctrine référencée au BOI-IR-DOMIC-30 n° 210 du 19 septembre 2012, indiquant que ” l’article 155 A du CGI permettant de faire abstraction de l’existence du bénéficiaire des rémunérations, le prestataire de services doit être imposé à raison des sommes encaissées par ce dernier (…) “, celles-ci ne donnait pas, pour la première, et ne donne pas, pour la seconde, de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application.

Sur le terrain de la convention fiscale bilatérale :

19. En premier lieu, M. B… ayant été, à bon droit, imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le terrain de la loi, il ne peut pas utilement se prévaloir, pour s’opposer à cette imposition, des stipulations de l’article 15 de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999, qui concernent les traitements et salaires.

20. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l’article 14 de la convention fiscale du 17 octobre 1999 : ” Professions indépendantes / 1. Les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire d’une profession libérale ou d’autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat ; toutefois, ces revenus sont aussi imposables dans l’autre Etat contractant dans les cas suivants : a) Si ce résident dispose de façon habituelle, dans cet autre Etat, d’une base fixe pour l’exercice de ses activités ; dans ce cas, seule la fraction des revenus qui est imputable à cette base fixe est imposable dans cet autre Etat ; ou / b) Si son séjour dans cet autre Etat s’étend sur une période ou des périodes d’une durée totale égale ou supérieure à 183 jours pendant l’année fiscale considérée ; dans ce cas, seule la fraction des revenus qui est tirée des activités exercées dans cet autre Etat y est imposable. / 2. L’expression ” profession libérale ” comprend notamment les activités indépendantes d’ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectes, dentistes et comptables “.

21. D’une part, M. B… fait valoir, dans son mémoire en réplique, qu’il occupe un appartement en Algérie, depuis 2008, lequel se compose d’un lieu de vie et d’un espace bureautique où se trouvent ses archives et la totalité de ses dossiers actifs concernant les affaires traitées en Algérie, ainsi que son secrétariat, et qui constitue selon lui son ” principal établissement professionnel au sens français du terme “. Toutefois, ni le ” certificat d’hébergement ” établi par le directeur du groupe CITIC-CRCC, qui indique que M. B… réside dans la villa que sa société lui loue à Alger, ni l’attestation du directeur général de CRCC Algéria, selon laquelle la société a ” mis à disposition ” de M. B… cette même villa afin d’exercer l’ensemble des missions qui lui sont confiées par la société en Algérie, ne permettent, en l’absence de toute autre pièces justificatives comme des factures ou des photographies, d’établir que M. B… disposait dans la villa mise à sa disposition lors de ses déplacements en Algérie d’un espace pourvu des moyens techniques et humains nécessaires à son activité de consultant indépendant, notamment un secrétariat, comme il l’allègue, et dans lequel il pouvait recevoir ses clients et développer son activité en Algérie. Par suite, M. B… n’est pas fondé à soutenir qu’il disposait dans ce pays d’une ” base fixe ” au sens des stipulations du a) de l’article 14 de la convention.

22. D’autre part, et contrairement à ce qui est soutenu par M. B…, il résulte de l’instruction, en particulier des mentions qui figurent sur les factures relatives aux prestations effectuées en Algérie, et sur lesquelles figurent le code international ” DZ “, que l’intéressé a passé moins de 183 jours dans ce pays pour chacune des années considérées. Par suite, il ne peut pas davantage se prévaloir des stipulations du b) de l’article 14 de la convention.

Sur le montant de l’imposition :

23. Dans sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que l’article 155 A précité ne créait pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, sous la réserve suivante : ” dans le cas où la personne domiciliée ou établie à l’étranger reverse en France au contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, la disposition contestée ne saurait conduire à ce que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d’un même impôt “.

24. M. B… fait valoir qu’il subit une double imposition dès lors qu’il avait déclaré les sommes qui font l’objet de l’imposition litigieuse dans la catégorie des salaires en provenance de l’étranger, en tant que revenus exonérés d’impôt sur le revenu mais pris en compte pour l’application du taux effectif (case 1 AC), pour les trois années considérées, et qu’il convient donc de déduire les montants déjà acquittés à ce titre.

25. Toutefois, d’une part, ainsi que le relève l’administration, les montants des sommes déclarées par M. B…, à hauteur de 133 400 euros en 2013, 125 000 euros en 2014 et 84 000 euros en 2015, ne coïncident pas avec ceux des sommes qui ont fait l’objet des impositions litigieuses, pour des montants non contestés de 83 898 euros en 2013, 142 923 euros et 92 937 euros en 2015. D’autre part, les mentions qui figurent sur le relevé du compte détenu par la société PBCL Limited auprès de la banque HSBC ne permettent pas d’identifier le bénéficiaire de certaines des sommes dont M. B… indique qu’elles lui ont été versées, s’agissant en particulier des sommes suivies de la mention ” withdrawal “, dans aucune autre précision. Certaines de ces sommes ont par ailleurs, selon M. B… lui-même, été payées à un certain ” C… “. Surtout, rien n’indique que ces sommes correspondent, en tout ou en partie, à celles qui ont été payées par la société Terrasol, alors que les factures produites au dossier attestent de paiement effectués, au cours des trois années considérées, et pour des montants de plusieurs dizaines de milliers d’euros, par d’autres sociétés que la société Terrasol. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que les bénéfices non commerciaux en litige ont déjà été imposés, pour la détermination du taux effectif, dans la catégorie des salaires d’origine étrangère. Par suite, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de compensation présentée par M. B….

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

26. Aux termes de l’article

1729 du code général des impôts : ” Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré. (.. ) “. Aux termes de l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales alors applicable : ” Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable “.

27. Pour justifier les majorations litigieuses, le service a relevé, sans être contesté sur ce point, que l’interposition de la société PBCL, qui a été créée dans un Etat à fiscalité privilégiée et qui n’a pas d’autre activité économique que celle effectivement effectuée par M. B… personnellement, lui permettait d’éluder l’impôt en France pour plus de 60 % de ses revenus imposables, et ce pour chacune des trois années en litige. Si M. B… soutient que c’est suite à une simple erreur qu’il a déclaré les sommes qui font l’objet des impositions litigieuses dans une autre catégorie que celles dans laquelle il aurait dû les déclarer, il résulte de ce qui a été dit au point 25 qu’il n’y a pas de coïncidence entre les sommes en cause et celles déclarées dans la catégorie des salaires exonérés de source étrangère. Dans ces conditions, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré du requérant à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l’application de la majoration de 40 % prévue à l’article

1729 du code général des impôts.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d’annulation et de décharge ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l’audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

– Mme Vinot, président de chambre,

– Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

– M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2023.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N° 21PA002882


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