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Mme C A a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l’école supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole (ESBANM) au versement d’une somme de 151 144,14 euros en réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’absence de prise en compte du travail qu’elle aurait effectué pour le compte de cet établissement entre octobre 2010 et avril 2014. Elle soutient qu’elle a exercé les fonctions de professeur d’enseignement artistique après octobre 2011 sans rémunération relevant des fonctions d’enseignant chercheur du supérieur en participant à un projet pédagogique, au suivi des travaux des élèves, à la coordination des cursus d’étude, en contribuant à des expositions, à l’évaluation et l’orientation des étudiants, à l’élaboration du projet pédagogique de l’établissement et en assurant une veille artistique, en participant à une publication de revue ;
* * * REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse avant cassation :
Mme C A a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l’école supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole (ESBANM) au versement d’une somme de 151 144,14 euros en réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’absence de prise en compte du travail qu’elle aurait effectué pour le compte de cet établissement entre octobre 2010 et avril 2014.
Par un jugement n° 1602934 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné l’ESBANM à lui verser une indemnité de 2 000 euros et a rejeté les conclusions de l’ESBANM, ainsi que le surplus des conclusions de la demande de Mme A.
Par un arrêt n° 18NT02956 du 13 octobre 2020, la cour a rejeté la demande de Mme A et annulé l’article 1er du jugement du 27 juin 2018 en tant qu’il a mis à la charge de l’ESBANM une somme de 2 000 euros.
Par une décision n° 445582 du 19 mai 2022, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt de la cour en tant seulement qu’il s’est prononcé sur la relation d’emploi établie entre l’ESBANM et Mme A pendant sa période d’activité en qualité d’artiste-chercheur et a, dans cette mesure, renvoyé devant la cour l’affaire, qui porte désormais le n° 22NT01558.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires enregistrés les 1er et 7 juillet 2022, Mme A, représentée par
Me Experton, demande à la cour :
1°) à titre principal, de condamner l’ESBANM à lui verser la somme de
89 263,02 euros, selon la grille indiciaire du grade de professeur des écoles supérieures d’art de seconde classe au second échelon, au titre du préjudice financier subi du fait de l’absence de versement de rémunération en contrepartie du travail effectué ainsi que celle de 27 629,03 euros, sur la base de la même grille indiciaire, en réparation du préjudice subi du fait de sa contribution à un projet de publication d’une revue ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner l’ESBANM à lui verser la somme de
109 682,16 euros, selon la grille indiciaire du grade de maître de conférence de classe normale, 3ème échelon, au titre du préjudice financier résultant de l’absence de rémunération en contrepartie du travail effectué, outre la somme de 33 949,24 euros, sur la base de la même grille indiciaire, en réparation du préjudice subi du fait de sa contribution à un projet de publication d’une revue ;
3°) de condamner l’ESBANM à lui verser la somme de 11 881,12 euros en réparation du préjudice lié à l’absence de prise en compte de son ancienneté ;
4°) de condamner l’ESBANM à lui verser les sommes de 10 000 et de 40 000 euros en réparation, respectivement du préjudice moral et psychologique et du harcèlement subis par elle ;
5°) de mettre à la charge de l’ESBANM la somme de 5 000 euros au titre de l’article
L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– elle a exercé les fonctions de professeur d’enseignement artistique après octobre 2011 sans rémunération relevant des fonctions d’enseignant chercheur du supérieur en participant à un projet pédagogique, au suivi des travaux des élèves, à la coordination des cursus d’étude, en contribuant à des expositions, à l’évaluation et l’orientation des étudiants, à l’élaboration du projet pédagogique de l’établissement et en assurant une veille artistique, en participant à une publication de revue ;
– les dispositions du décret n° 85-733 du 17 juillet 1985 ont été méconnues puisqu’elle avait droit au renouvellement de sa bourse d’études et à être informée par l’école de son intention de ne pas renouveler cette bourse ; un contrat tacite a été conclu avec l’école ;
– le jugement du tribunal doit être confirmé en ce qu’il a reconnu que l’ESBANM a commis une faute en l’employant sans la rémunérer ;
– elle doit être indemnisée à hauteur de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir en qualité de professeur des écoles nationales supérieures d’art ou comme maître de conférences et en tenant compte de sa perte d’ancienneté ;
– son préjudice moral et psychologique doit être réparé ;
– sa situation matérielle et psychologique s’est dégradée.
Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2022, l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes Saint-Nazaire, représentée par Me Marchand, conclut à ce que l’indemnisation du préjudice de Mme A soit limitée à la somme de 5 304,24 euros.
Elle soutient que :
– les conclusions tendant à la condamnation de l’Ecole pour la période postérieure au 31 octobre 2011 doivent être rejetées dès lors que l’arrêt initial de la cour est devenu définitif sur ce point ainsi que les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral qu’elle allègue avoir subi sur cette période ;
– l’ESBANM constitue une école territoriale d’art dont les enseignants relèvent du décret du 2 septembre 1991 ; le préjudice de Mme A ne peut donc être évalué au regard de la rémunération versée aux enseignants des écoles nationales supérieures d’art ou des maîtres de conférences ;
– le préjudice subi par la requérante ne peut être évalué à une somme supérieure à 5 304,24 euros ; le préjudice de carrière n’est pas établi ; aucun lien entre la relation de travail et l’état de santé de la requérante ne peut être constaté.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
– le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme B,
– les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
– et les observations de Me Experton pour Mme A et de Me Couetoux du Tertre pour l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Nantes métropole.
:
1. Mme A, diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne et docteure en philosophie, a, en novembre 2010, été intégrée en qualité d’” artiste-chercheur ” à l’équipe de l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Nantes métropole (ESBANM) afin de contribuer à un projet de recherche dénommé ” plug-in “. A cet effet, elle a été allocataire d’une bourse d’études, accordée pour une durée d’un an d’un montant mensuel de 1 000 euros. Postérieurement à cette première année et jusqu’en avril 2014, Mme A a participé à une publication scientifique pour laquelle elle a été amenée à rédiger des articles. Elle a également participé, en lien avec des enseignants de l’école, à la mise en place d’expositions, de séminaires, a réalisé une veille artistique et a effectué des interventions scientifiques. Elle a, en outre, contribué au tutorat et au suivi des travaux d’étudiants et a participé, comme membre du jury d’un diplôme blanc pour lequel elle a perçu une rémunération spécifique. Mme A a, le 10 décembre 2015, saisi l’ESBANM d’une demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice qu’elle allègue avoir subi en raison non seulement du non-versement des rémunérations qu’elle estime lui être dues mais également de divers dommages. Cette demande a été explicitement rejetée par le directeur de l’école le 11 février 2016.
2. Par un jugement du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné l’ESBANM à verser à Mme A la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa participation en qualité de rédactrice en chef, sans rémunération, au projet de publication. Par un arrêt du 13 octobre 2020, la cour a rejeté l’appel présenté par Mme A contre ce jugement en tant qu’il ne faisait pas entièrement droit à sa demande et, sur l’appel incident présenté par l’ESBANM, a annulé ce jugement en tant qu’il y faisait droit et a rejeté la demande de première instance présentée par l’intéressée. Par une décision du 19 mai 2022, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt de la cour en tant seulement que cet arrêt s’est prononcé sur la relation d’emploi établie entre l’ESBANM et Mme A au cours de sa période d’activité en qualité d’artiste-chercheur et a renvoyé, dans cette mesure, l’affaire devant la cour.
Sur l’étendue du litige après la décision de renvoi du Conseil d’Etat :
3. Après cassation partielle par le Conseil d’État statuant au contentieux, il appartient à la Cour à laquelle le jugement d’une affaire est renvoyé, de se prononcer de nouveau sur le litige dans les limites résultant de la décision du juge de cassation. Ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées par la Cour statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, les conclusions des parties qui tendent à faire trancher des questions étrangères aux seuls points restant à juger en vertu de la décision du Conseil d’Etat, soit parce qu’elles relèvent de litiges distincts, soit parce qu’elles tendent à remettre en cause l’autorité de la chose jugée par la Cour telle qu’elle a été confirmée par le juge de cassation.
4. Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires que Mme A reprend dans ses dernières écritures et qui tendent à l’engagement de la responsabilité de l’ESBANM, d’une part, du fait qu’elle l’aurait employée sans la rémunérer pour préparer un projet de publication d’une revue au-delà de l’année au cours de laquelle elle bénéficiait d’une bourse d’études et, d’autre part, en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime, conclusions qui ont été rejetées définitivement par l’arrêt de la cour du 13 octobre 2020, doivent, ainsi que le soutient l’ESBANM, être rejetées.
Sur les conclusions à fin d’indemnisation des préjudices subis par Mme A du fait de sa relation d’emploi avec l’ESBANM au cours de sa période d’activité en qualité d’artiste-chercheur :
5. Eu égard à la fois au nombre, à la nature et aux conditions d’exécution des tâches confiées à Mme A rappelées au point 1 et de ce que l’ESBANM, qui est un établissement public de coopération culturelle, présentait, lorsqu’elle y exerçait ses fonctions, le caractère d’une école territoriale d’arts, et non celui d’une école nationale ou d’un établissement composante d’une université, Mme A doit être regardée comme ayant, en réalité, exercé au cours de la période de validité de son recrutement en qualité d’artiste-chercheur, sous couvert d’un contrat à durée déterminée, de nature purement verbale, des fonctions d’agent public contractuel s’apparentant à celles d’un professeur d’enseignement artistique relevant des dispositions du décret du 2 septembre 1991 portant statut du cadre d’emplois des professeurs territoriaux d’enseignement artistique, de sorte que la responsabilité de l’établissement public est engagée à ne pas l’avoir employée comme tel.
6. Par suite, en ayant exercé, dans les conditions rappelées ci-dessus, les missions qui lui ont été confiées par l’ESBANM et qui excédaient ce qui avait été convenu lors de son recrutement, Mme A a subi, au cours de la période allant de novembre 2010 à octobre 2011 inclus à la fois un préjudice matériel lié à la moindre rémunération que celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait été engagée en qualité de contractuelle de la fonction publique territoriale et un préjudice moral dont elle est fondée à demander réparation.
7. Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu à la fois du montant de la rémunération à laquelle pouvait prétendre Mme A en qualité d’enseignante contractuelle, liquidée sur la base du 1er échelon du grade de professeur d’enseignement artistique de classe normale, correspondant en 2011, à une rémunération nette, indemnités incluses, de
18 836 euros, dont il convient de déduire le montant de la rémunération qu’elle a effectivement perçue au cours de cette période soit 13 531 euros, le préjudice lié à l’insuffisance de rémunération perçue par la requérante doit être évalué à la somme de 5 305 euros. Par ailleurs, il sera, en l’espèce, fait une équitable appréciation du préjudice moral subi par l’intéressée en l’évaluant à la somme de 2 000 euros. Enfin, si l’intéressée se prévaut d’un préjudice de carrière, tenant à la circonstance que l’université de Paris 8 qui l’a postérieurement recrutée n’a pu tenir compte de l’ancienneté acquise lorsqu’elle travaillait à l’ESBANM, un tel préjudice n’est pas, en l’espèce, établi.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l’indemnisation de son préjudice lié à l’insuffisance de sa rémunération et de son préjudice moral.
9. Enfin, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’ESBANM, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros qui sera versée à Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 1er : L’ESBANM est condamnée à verser à Mme A la somme de 7 305 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er.
Article 3 : L’ESBANM versera à Mme A la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C A et à l’Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole.
Délibéré après l’audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :
– M. Salvi président,
– Mme Brisson, présidente-assesseure,
– M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2023.
La rapporteure,
C. B
Le président,
D. SALVI
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.