Droits des Artistes : 8 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13160

·

·

Droits des Artistes : 8 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13160
Ce point juridique est utile ?

8 septembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/13160

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/243

Rôle N° RG 19/13160 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYFB

[F] [M] [G] [D]

C/

EPIC ECOLE INTERCOMMUNALE MUSIQUE DANSE ET THEATRE E DANSE ET THEATRE)

Copie exécutoire délivrée

le : 08 septembre 2023

à :

Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-ROVENCE

Me Audrey JURIENS, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Autres juridictions ou autorités ayant rendu la décision attaquée devant une juridiction de première instance d’AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00888.

APPELANT

Monsieur [F] [M] [G] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphane MÖLLER de la SELARL SELARL D’AVOCATS STEPHANE MÖLLER, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE, Me Elisabeth LECLERC MAYET, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

INTIMEE

EPIC ECOLE INTERCOMMUNALE MUSIQUE DANSE ET THEATRE E DANSE ET THEATRE), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Audrey JURIENS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Aline DURATTI, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023,

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [F] [D] a été embauché par l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] (ci-après dénommé EPIC ECOLE DE MUSIQUE) par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 4 septembre 1997 en qualité d’enseignant saxophone.

Par un avenant du 1er septembre 1998, la durée de travail a été portée à temps plein.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’animation.

Par courrier avec accusé de réception du 5 août 2016, l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE a notifié deux avertissements datés des 4 août 2016 à Monsieur [D] qui les a contestés par courriers des 17 et 20 août 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 octobre 2016, Monsieur [D] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement prévu le 7 novembre 2016 et mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 novembre 2016, il a été licencié pour faute grave.

Le 30 novembre 2016, le président de l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE a signé un relevé de décision prévoyant :

– la mise en place dans les plus brefs délais d’un audit de l’EPIC par un cabinet extérieur et l’attente du rapport RPS ainsi que des avis extérieurs de la DIRECCTE 04 et de la médecine du travail ;

– l’annulation du licenciement, ce qui juridiquement produit les effets d’une réintégration de Monsieur [D] ;

– pour préserver la sécurité et la santé de l’ensemble du personnel de l’EPIC, il a été décidé d’isoler physiquement Monsieur [D] le temps d’avoir le rendu de décision de tous les intervenants du point 1 sus-cité.

Par décision du 6 décembre 2016, le Conseil d’administration de l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE a voté à l’unanimité le rejet du relevé de décision du 30 novembre 2016.

Monsieur [F] [D] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 17 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains pour contester les avertissements, son licenciement, voir constater l’existence d’un harcèlement moral à son encontre et solliciter une indemnisation à ces titres.

Le 14 septembre 2017, l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE a déposé une requête aux fins de suspicion légitime auprès du premier président près la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Par ordonnance du 16 octobre 2017, le premier président près la cour d’appel d’Aix-en-Provence a désigné le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence pour connaître des suites de la procédure.

Par jugement du 8 juillet 2019 notifié le 18 juillet 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section activités diverses, a ainsi statué :

vu la tentative infructueuse de conciliation du 24 janvier 2018,

vu les articles L.1152-1 et suivants, L.1154-1, L.1232-1, L.3174-1, L.8221-5 du code du travail,

vu les pièces versées aux débats,

– dit fondé le premier avertissement concernant l’attitude de Monsieur [F] [D] et confirme ce dernier,

– dit non fondé le deuxième avertissement concernant le programme du spectacle et annule ce dernier,

– requalifie le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [D] en licenciement pour motif réel et sérieux,

– condamne l’EPIC ECOLE INTERCOMMUNALE MUSIQUE DANSE ET THEATRE à lui payer les sommes suivantes :

– 6 544,00 euros à titre d’indemnité de licenciement sur la base du mois de salaire d’octobre 2016,

– 4 284,00 euros brut à titre d’indemnité de préavis,

– 428,40 euros brut à titre de congés payés y afférents,

– 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboute Monsieur [F] [D] de ses autres demandes,

– déboute l’EPIC ECOLE INTERCOMMUNALE MUSIQUE DANSE ET THEATRE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne l’EPIC ECOLE INTERCOMMUNALE MUSIQUE DANSE ET THEATRE aux entiers dépens.

Par déclaration du 9 août 2019 notifiée par voie électronique, Monsieur [D] a interjeté appel du jugement dont il a sollicité l’infirmation de chacun des chefs du dispositif, parfois s’agissant du quantum octroyé, hormis l’annulation d’un des avertissements et la condamnation de l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE aux dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 4 mai 2020, Monsieur [F] [D], appelant, demande à la cour de :

– le recevoir les présentes écritures et, le déclarant bien-fondé,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en ce qu’il a :

– dit fondé le premier avertissement et l’a confirmé,

– requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement pour motif réel et sérieux,

– limité la condamnation au titre de l’indemnité de licenciement à la somme de 6 544,00 euros,

– l’a débouté de ses autres demandes (dommages-intérêts pour harcèlement moral, heures supplémentaires et travail dissimulé),

– limité l’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1 000,00 euros,

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus et par conséquent débouter L’ÉCOLE DE MUSIQUE de son appel incident,

en l’état des infirmations et des confirmations,

– dire et juger infondés, et par conséquent, annuler les deux avertissements datés du 4 août 2016,

– dire et juger nul son licenciement et par conséquent ordonner sa réintégration et condamner l’école de musique au paiement de ses salaires depuis son licenciement du 17 novembre 2016 jusqu’à la date effective de sa réintégration ; salaires dus chiffrés au 17 novembre 2019 à la somme de 77 112,00 euros bruts, à actualiser jusqu’au jour de la date effective de la réintégration et dont à déduire les revenus de remplacement dont Monsieur [D] a bénéficié pendant cette période, sur la base de ses déclarations de revenus et avis d’imposition,

– dire et juger, à titre subsidiaire, qu’il est en droit d’obtenir condamnation de L’ECOLE DE MUSIQUE au paiement des sommes suivantes sur le fondement de la nullité ou de l’absence de cause réelle et sérieuse son licenciement :

– 10 174,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 4 284,00 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 428,40 euros à titre de congés payés y afférents, confirmation sur ce point,

– 42 840,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

– dire et juger qu’il a subi des faits et harcèlement moral et lui allouer, à titre de dommages-intérêts, une somme de 10 000,00 euros en réparation de son préjudice,

– dire et juger qu’il a droit au paiement des heures supplémentaires qu’il a accomplies sur l’année scolaire 2015/2016 et condamner l’employeur au paiement d’une somme de 1 834,18 euros à ce titre, outre 183,41 euros à titre de congés payés y afférents,

– condamner L’ECOLE DE MUSIQUE au paiement d’une somme de 12 852,00 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– condamner L’ECOLE DE MUSIQUE au paiement d’une somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,

– condamner L’ECOLE DE MUSIQUE au paiement d’une somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

A l’appui de son recours, l’appelant fait valoir en substance que :

sur les avertissements :

– il conteste les propos qui lui sont prêtés aux termes du premier avertissement ;

– s’agissant du second avertissement, il n’est pas à l’origine des modifications du spectacle, les enseignants des écoles primaires gardant la responsabilité pédagogique permanente de l’organisation de la séance ;

sur le licenciement :

– seul le directeur était habilité à signer la lettre de licenciement rendant ipso facto le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– l’entretien préalable a été un simulacre d’entretien en ce qu’il ne lui a pas été permis de se défendre ;

– les faits étaient prescrits, l’employeur ayant eu connaissance des faits fondant le licenciement le 15 juin 2016 et mené une enquête le 18 juillet 2016 ;

– l’employeur avait par ailleurs purgé son pouvoir disciplinaire par les avertissements prononcés le 4 août 2016 ;

– le licenciement s’inscrit dans un contexte de harcèlement moral mis en place par le directeur de l’école de musique ;

– il dément avoir proféré des propos grossiers ou injurieux à l’égard de ses collègues de travail ;

– la seule pièce produite par l’employeur n’est qu’un catalogue de supputations et d’insinuations d’une salariée, qui ne décrit aucun fait précis et dont il prouve qu’elle ment, en rapportant les propos d’un élève ;

sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :

– il a accompli sur l’année scolaire 2015/2016 des heures supplémentaires à raison de 1h20 minutes par semaine, qui n’ont pas été sciemment rémunérées par son employeur.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 4 février 2020, l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE, relevant appel incident, demande à la cour, au visa des articles L.1331-1 et suivants, L.1232-1 et suivants, L.4121-1 et suivants, L.1152-1 et suivants du code du travail, de :

– le recevoir en ses écritures, le déclarant bien-fondé,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence du 8 juillet 2019 en ce qu’il a :

– dit fondé le premier avertissement concernant l’attitude de Monsieur [F] [D] et confirmé ce dernier,

– dit régulière la procédure de licenciement,

– débouté Monsieur [F] [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, harcèlement moral, heures supplémentaires et travail dissimulé,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence du 8 juillet 2019 en ce qu’il a :

– dit non fondé le deuxième avertissement concernant le programme du spectacle et annulé

ce dernier,

– requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [D] en licenciement pour motif réel et sérieux,

– l’a condamné au paiement de l’indemnité de licenciement, indemnité de préavis et congés payés y afférents,

– l’a condamné à payer Monsieur [F] [D] la somme de 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

statuant à nouveau sur ces points,

– dire fondé le deuxième avertissement concernant le programme du spectacle et confirmer ce dernier,

– sur le licenciement :

– à titre principal : dire et juger bien-fondé le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [D],

– à titre subsidiaire : dire et juger bien-fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [F] [D],

– condamner Monsieur [F] [D] à lui payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

L’intimée réplique que :

– l’avertissement concernant des propos grossiers tenus à l’égard d’une collègue, Madame [IY] en présence de public, est justifié ;

– s’agissant du deuxième avertissement relatif à l’organisation des rencontres chantantes de l’école primaire de [Localité 3], Monsieur [D] a présenté le 23 juin 2016 au dernier moment un programme différent de celui prévu initialement sans avertir ses collègues, sa hiérarchie et surtout l’équipe technique du Zocalo, engendrant un désordre portant préjudice à l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE ;

– sur la qualité du signataire du licenciement, il entre dans les attributions du président d’association de mettre en ‘uvre la procédure de licenciement et donc de signer la lettre de licenciement ;

– lors de l’entretien préalable, Monsieur [D] a pu s’exprimer et se défendre puisque ses explications ont été recueillies avec la présence d’un conseiller du salarié ;

– sur la prescription soulevée, le conseil d’administration de l’EPIC  ECOLE DE MUSIQUE n’a pu mesurer que le 7 septembre 2016 l’ampleur du problème et les difficultés existantes ;

– les propos injurieux, grossiers et inacceptables de Monsieur [D] à l’encontre de salariés et du directeur sont établis ;

– plusieurs salariés de l’EPIC ont exprimé leur désarroi et leur détresse suite aux propos calomnieux et dégradants de Monsieur [D] à l’encontre de la plupart de ses collègues de travail et de la hiérarchie et ont fait valoir l’exercice de leur droit de retrait, le 1er décembre 2016 après le relevé de décision du président de l’EPIC du 30 novembre 2016 ;

– Monsieur [D] a immédiatement mis sur la place publique la notification de son licenciement créant ainsi une pression populaire sur la Communauté de communes de [Localité 4] ;

– des communiqués de presse, des pétitions, des intrusions lors des assemblées générales, des publications sur les réseaux sociaux et des interventions dans les médias ont été effectués de manière extrêmement virulente par des groupes menés par Monsieur [D], portant ainsi un lourd préjudice à l’établissement de musique ;

– à l’appui du harcèlement moral, Monsieur [D] ne relate aucun fait précis et se contente de généralités alimentant le discours qu’il a initié ;

– la demande de Monsieur [D] au titre des heures supplémentaires n’est absolument pas sérieuse, justifiée et fondée ;

– aucun travail dissimulé n’est caractérisé à l’encontre de l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 17 avril 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 17 mai suivant.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exécution du contrat de travail :

Sur les demandes d’annulation des avertissements notifiés par courrier du 5 août 2016 :

En cas de contestation du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, l’annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire également les éléments qui viennent à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le 5 août 2016, Monsieur [D] s’est vu notifier deux avertissements datés du 4 août 2016, l’un pour ‘faute disciplinaire’ et l’autre pour ‘faute professionnelle’.

– Sur l’avertissement daté du 4 août 2016 pour faute disciplinaire :

Le courrier portant notification de cette sanction est ainsi rédigé :

‘Monsieur,

Le 9 juin 2016 en fin d’ après-midi, vous avez interpellé Mme [J] [IY] concernant la musique que vous avez entendu venant du bureau du Directeur. Elle vous a expliqué de quoi il s’agissait. Vous étiez au niveau de l’accueil, en présence d’élèves, de parents d’élèves et de collègue de travail.

Vous avez proféré envers madame [IY] à plusieurs reprises, les termes suivants :

“C’est inadmissible”, “c’est de la merde”, “ça devient n importe quoi ici vous faites vraiment que de la merde”.

Vu l’ampleur des faits et l’ importance pour toute l’équipe d’avoir un comportement exemplaire, en particulier en présence du public, je me vois dans l’obligation, par cette lettre, de vous adresser un avertissement’.

A l’appui du fait reproché, l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE verse aux débats les pièces suivantes :

– un courrier du 9 juin 2016 de Madame [IY] adressé au directeur de l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE comportant la mention manuscrite ‘ reçu en main propre le 9/6/16″ qui relate les faits décrits dans le courrier de sanction en mentionnant la présence ‘d’élèves, de Mlle [U] [O] et d’un parent d’élève’ et précise : ‘c’est la première fois qu’il me prend directement à partie, mais depuis quelques temps, je dois régulièrement subir ses réflexions qui ne me sont pas directement adressées, mais qui sont dites suffisamment fort pour que je les entendes’ ;

– un courriel du 9 juin 2016 de Madame [IY] adressé à Monsieur [D] avec copie à Monsieur [VR] et Madame [D] rédigé dans ces termes :

‘[F],

Suite à ta réaction

hier après midi, devant des élèves, des parents et des collègues de travail, je souhaite faire une mise au point. Je n’ai pas à accepter ton comportement envers moi ni la façon dont tu me parles. Tu ne m’apprécies pas, c’est ton droit, et je m’en accommode très bien. En revanche je suis plus que lasse de ces réflexions inappropriées, de ces querelles de cour de récréation.

Aussi, à compter d’aujourd’hui nous allons nous comporter en adultes responsables, et nous en tiendrons aux rapports de courtoisie aux quels nous contraint notre travail commun ni plus ni moins. Je reste maman d’une de tes élèves, qui aime ce qu’elle fait et je ne souhaite pas que cela change, pour son bien, Si tu es capable de ne pas altérer ta relation avec elle alors tant mieux, Nous pouvons en parler, si tu le souhaites’.

L’employeur pointe l’absence de réfutations de Monsieur [D] en se référant à la réponse qu’il adresse à Madame [IY] par courriel du 13 juin 2016 dans laquelle il dit être ‘très surpris par le mail’ et ajoute notamment : ‘Tu me fais part de ton ressenti et je ne comprends pas. Je t’apprécie et je n’ai jamais voulu te blesser (…)’.

Monsieur [D] dit contester les propos qui lui sont reprochés. Il pointe l’absence de témoignage produit par l’employeur, se fondant uniquement sur une lettre d’une salariée, ainsi que la tardiveté de la sanction.

Il verse quant à lui aux débats une attestation du 12 avril 2017 de Madame [U] [O], professeure de piano, qui indique : ‘Le 8 juin 2016, étant présente à l’entrée de ma salle de cours non loin de celle de Mr [D], je n’ai pas entendu celui-ci accuser Mme [IY] de faire ‘de la merde’, ce n’est d’ailleurs pas le vocabulaire habituel de Mr [D]. Ayant écouter l’enregistrement du spectacle de danse du 29 mai 2016 et la qualité plus que médiocre de l’enregistrement d’un passage joué par l’orchestre dirigé par Mr [D], et qui ne permettait d’entendre uniquement le piano et non la totalité de l’orchestre. Je comprends alors que Mr [D] ait fait part de son mécontentement, qui n’était pas dirigé vers Mme [IY] avec qui je l’ai toujours vu entretenir de bonnes relations professionneles et dont il savait pertinement qu’elle n’y était pour rien’.

Les propos de Madame [IY] n’étant pas corroborés par le témoignage de Madame [O], qui se trouvait à proximité, il subsiste un doute sur la matérialité des faits reprochés, qui doit bénéficier au salarié.

Par voie d’infirmation du jugement déféré, cet avertissement est annulé.

– Sur l’avertissement daté du 4 août 2016 pour faute professionnelle :

Il est reproché au salarié aux termes de ce second avertissement d’avoir présenté le soir du spectacle ‘les Classes Chantantes’ du 23 juin 2016 de l’école primaire de [Localité 3] ‘un tout autre spectacle, sans avertir’ sa ‘hiérarchie et l’équipe technique du théatre’ que celui prévu lors de la répétition du 21 juin 2016 engendrant ‘un désordre que l’équipe technique et les professeurs des écoles ne peuvent endosser’.

Pour en justifier, l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE se réfère à :

– un courriel du 24 juin 2016 de Madame [P] [FJ], professeure de guitare, adressé au directeur de l’école de musique, qui souligne que les tension au sein de l’école ont des conséquences sur les partenaires (notamment écoles primaires). Elle donne deux exemples : la fête de la Musique du 21 juin 2016 et les ‘les Classes Chantantes’ du 23 juin 2016. Concernant ce dernier événement, elle évoque un ‘malaise organisationnel’, relève que ‘la fiche régie qui était en place depuis le 15 juin n’a pas été du tout respectée’, personne ne pouvant la renseigner sur le déroulement du spectacle. Elle fait état d’une ‘discussion très animée’ en fin de soirée entre ‘les enseignants en milieu scolaire et le personnel du théâtre quant aux responsabilités professionnelles de chacun, l’organisation et de la coordination de la soirée’. Elle ajoute avoir été l’objet de diffamations par Monsieur [C] [Y] devant Monsieur [K] [JL], Monsieur [L] [B], Madame [SC] [EW], Madame [PN] [FX] et le directeur lui-même (Monsieur [Z] [IK]) et mentionne que ‘le dialogue semble rompu avec mes collègues [NA] [D] et [F] [D]’. Elle dit ‘souffrir de ces situations’ et ne pas comprendre ‘les raisons de ces attaques’ ;

– un courriel du 24 juin 2016 du maire de [Localité 3], Monsieur [W] [A] adressé à plusieurs interlocuteurs dont le régisseur du théâtre de [Localité 3], indiquant avoir été informé du ‘gros dysfonctionnement dans l’organisation des Classes chantantes’ la veille et qui évoque l”organisation pour la 1ère fois des Classes chantantes par l’Ecole Elémentaire avec le soutien de l’Ecole de musique (des professeurs de musique ont participé)’, les ‘tensions entre l’Ecole élémentaire et l’Ecole de musique, tensions internes au sein de l’Ecole de musique’, l”absence d’encadrement des nombreux enfants présents, [K] et [L] ne disposant pas des infos essentielles plusieurs fois demandées (ordre de passage des morceaux sur scène, moments d’ouverture et de fermeture des rideaux, ‘), ‘ Plus gênant : ces dysfonctionnements sont à l’origine d’un gros “bordel” sur scène comme dans la salle (des enfants qui crient et courent partout, improvisations sur scène, problèmes techniques, ‘) perceptible par le public’. Monsieur [A] propose ‘une réunion avec les différentes parties pour mettre en place des règles d’organisation’ tout en précisant que la ville n’est pas organisatrice des Classes Chantantes.

L’EPIC ECOLE DE MUSIQUE souligne que Monsieur [D], en sa qualité de régisseur, devait prévenir l’équipe technique des changements opérés au niveau du spectacle. Le salarié rétorque que le régisseur était le directeur de l’EPIC et produit pour en justifier un document sans entête et non daté présentant un tableau relatif aux ‘Rencontres Chantantes’ du ’23/6/16″ au ‘El Zocalo’ mentionnant comme régisseur : ‘[Z] [VR]’.

Si les pièces produites mettent en évidence l’existence de fortes tensions existant au sein de l’école de musique, elles ne permettent pas d’établir la responsabilité de Monsieur [D] dans les dysfonctionnements du spectacle des ‘Classes Chantantes’ du 23 juin 2023.

Aucun élément du dossier ne permet en effet d’établir que Monsieur [D] intervenait en qualité de régisseur de ce spectacle. Il résulte en outre des explications tant de Monsieur [A] que de Madame [FJ] que ces premières rencontres chantantes ont mis en évidence un manque d’organisation et de répartition des rôles et attributions des intervenants de l’Ecole Elémentaire ou de l’Ecole de musique ainsi que de nombreuses confusions et incompréhensions.

Les griefs reprochés au salarié n’étant pas caractérisés, le second avertissement est également annulé. Le jugement entrepris est confirmé en ce sens.

– Sur la demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires :

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles

Monsieur [D] expose avoir effectué 25 heures et 20 minutes d’enseignement par semaine sur l’année 2015/2016, soit 1,4 heures supplémentaires par semaine.

Au soutien de sa demande, il produit un planning informatisé concernant la semaine du 18 au 24 janvier 2016 et mentionnant des rendez-vous ou cours avec les noms de personnes. Certains rendez-vous sont rajoutés de manière manuscrite ainsi qu’un décompte :

‘Ecole = 11h15

Orchestre = 2h30

Saxo = 7h20

Flute = 4h15

Total = 25h20″

Le salarié souligne que ce planning correspond à une semaine type de cours de l’année scolaire 2015/2016. Il précise avoir ajouté manuscritement ses interventions dans les écoles maternelles ou primaires.

Après examen du planning produit, il est relevé que certains cours particuliers se chevauchent sur le planning à hauteur de 10 minutes, deux cours correspondant dans ce cas à 40 minutes.

En tout état de compte, la cour décompte moins de 24h00 hebdomadaires au total.

Au regard de ces éléments, Monsieur [D] ne produit pas d’éléments précis pouvant être discutés par l’employeur.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires.

– Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé :

Le rejet de la demande de Monsieur [D] au titre des heures supplémentaires implique le rejet de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé. Le jugement déféré est confirmé en ce sens.

– Sur la situation de harcèlement moral :

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions des articles L 1152-4 et L 1152-5 du code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible de sanction disciplinaire.

Par ailleurs, l’article L 1154-1 du même code prévoit lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Monsieur [D], qui fait état d’une situation de harcèlement moral, invoque les faits suivants :

– une accumulation de sanctions injustifiées ;

– un traitement discriminatoire concernant les salles de cours ;

– une mise à l’écart de certaines réunions ;

– le mépris de son travail.

Il est établi par Monsieur [D] qu’il s’est vu notifier un avertissement le 15 mars 2016 signé par le directeur de l’EPIC, Monsieur [Z] [IK] pour avoir organisé le 16 février 2016 un événement impliquant son action pédagogique dans les locaux de l’école sans en avertir sa hiérarchie en violation de l’article 9 du réglement intérieur stipulant : ‘vous ne pouvez ni organiser, ni participer à l’élaboration de spectacles, fêtes et manifestations étrangers à l’école sans l’autorisation du Directeur’. Cet avertissement a été toutefois annulé par un courrier du 18 avril 2016 du directeur indiquant avoir été ‘convaincu’ suite à l’entretien par les ‘arguments’ apportés par le salarié. Le directeur ajoute : ‘Comme nous l’avons soulevé, et étant tombés d’accord sur ce point, je compte sur notre vigilance afin que les enseignants de l’école communiquent sur les projets pédagogiques qu’ils ont, en particulier avec les élèves de l’école. À fortiori s’ils sortent du cadre normal des cours donnés en période scolaire. Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguités, je vous demande de m’informer directement de tous les changements et/ou modifications d’horaires concernant vos cours à l’avenir’.

Il est également justifié par le salarié de la notification des deux avertissements notifiés par courrier du 5 août 2016 et examinés précédemment.

S’agissant du traitement discriminatoire allégué concernant les salles de cours, Monsieur [D] verse un document intitulé ‘Planning Salles’ avec notamment la mention manuscrite ‘Octobre 2016″ dont il résulte qu’il doit la journée du mardi changer de salle de cours à quatre reprises soit davantage que ses collègues (étant relevé que son épouse également professeure au sein de l’école et qui est la seule salariée ayant également sur le planning quatre cours différents sur une journée, a pour sa part trois changements de salles).

S’agissant de la mise à l’écart de certaines réunions, Monsieur [D] communique une attestation du 10 janvier 2017 de Monsieur [C] [Y], enseignant, qui indique s’être rendu le lundi 27 juin 2016 à une réunion des enseignants des écoles publiques de [Localité 4] et ceux de l’école [5] à l’école de musique ‘pour faire le bilan de l’année et pour organiser l’année 2016/17″ et dit avoir ‘constaté’ à son ‘grand étonnement que [F] [D] notre intervenant a été interdit d’y participer’ et précise que ‘les autres années, il était toujours présent’. Il précise avoir discuté avec Madame [X] ‘en passant devant le comptoir du secrétariat’ laquelle était ‘au courant que [F] avait été interdit de participer à la réunion et elle était remontée contre les pratiques de [Z] [IK].’ Ces éléments permettent d’établir l’absence de Monsieur [D] lors d’une réunion du 27 juin 2016 mais sont insuffisants sur la base d’un témoignage indirect à démontrer une mise à l’écart ou interdiction de participer à ladite réunion.

A l’appui du comportement méprisant qu’aurait adopté le directeur vis-à-vis de son travail, Monsieur [D] produit deux attestations.

Dans une attestation en date du 6 janvier 2017 émanant de Madame [S] [CH], chirurgien dentiste et élève de Monsieur [D] à l’école de musique depuis 2014, dit avoir toujours été témoin d’une bonne ambiance au sein de l’école entre les différents professeurs de musique et les autres membres de l’équipe (‘sauf le directeur’) et évoque un ‘climat de bonne entente et de rire, très éloigné de celui de harcèlements et de violences!’. Elle ajoute que : ‘Mr [IK] ne répond jamais quand on lui dit bonjour’ qu’il jette ‘un ‘il en interrompant nos séances de répétition au quartette sans s’excuser, ni dire un mot, en jetant simplement un regard de travers avant de repartir’.

Dans une attestation en date du 5 novembre 2016, Madame [U] [O], professeure de piano, indique : ‘Par la présente, je voudrais apporter mon soutien moral à Mr [F] [D]’. Elle loue la compétence de ce dernier, son implication ‘reconnue par tous dans la vallée et même au-delà’ ainsi que ses qualités humaines. Elle ajoute : ‘Mon soutien ne peut que s’accompagner d’un évident devoir de témoignage envers mon collègue qui se trouve en situation de souffrance. Je constate que Mr [D] est en train de perdre sa joie de vivre : il est accablé car depuis plusieurs mois son travail semble être remis en cause par ses supérieurs hiérarchiques, il n’est pas soutenu ni écouté. Ses projets ne sont pas toujours considérés, contrairement à ceux d’autres professeurs. Une certaine mise à l’écart se fait ressentir pour Mr [D] qui est victime d’inégalités de traitement. J’espère de tout c’ur que cette situation de conflits et de tensions cessera au plus vite, de façon à ce que nous retrouvions notre collègue apaisé et serein, loin de tout acharnement. Je souhaite profondément le voir à nouveau considéré et apprécié à la hauteur de son immense talent de professeur pédagogue et artiste’.

Force est de constater que ces attestations imprécises et non circonstanciées ne font état d’aucun fait précis établissant un comportement méprisant du directeur vis-à-vis du travail du salarié.

Au regard de ces éléments et des pièces versées aux débats, Monsieur [D] n’établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral de sorte qu’il sera débouté, par voie de confirmation du jugement déféré, de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral.

Sur la contestation du licenciement :

Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :

La situation de harcèlement moral ayant été écartée, la demande en nullité du licenciement avec les conséquences qui y sont attachées est rejetée. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

– Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Un licenciement prononcé par une personne n’ayant pas autorité pour ce faire est dénué de cause réelle et sérieuse.

Vu l’article L.1232-6 du code du travail et la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association,

Il entre dans les attributions du président d’une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d’un salarié.

En l’espèce, il résulte de l’article 14 du réglement intérieur de l’Ecole de musique et de danse de [Localité 4] du 23 septembre 1985 relatif aux attributions du directeur que :

‘Le directeur assure, sous l’autorité et le contrôle du Président du Conseil d’administration,

le fonctionnement de la régie.

A cet effet :

(‘)

– Il recrute et licencie le personnel nécessaire dans la limite des inscriptions budgétaires, (…)’.

Aucune stipulation expresse des statuts ne prévoit le dessaisissement du président en matière de licenciement. Il est à cet égard précisé que le directeur agit ‘sous l’autorité et le contrôle du Président du Conseil d’administration’. Ce dernier conserve donc son droit de représenter l’employeur et de licencier.

Il n’est dès lors pas justifié d’une irrégularité de procédure à ce titre.

– Sur le non-respect du principe du contradictoire :

L’article L1232-3 du code du travail énonce qu’au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

En l’espèce, Monsieur [D] ne conteste pas avoir eu connaissance des faits qui lui étaient reprochés lors de l’entretien préalable et avoir été assisté d’un conseiller du salarié. Il affirme par contre ne pas avoir été en mesure de se défendre dans la mesure où l’employeur ne lui aurait pas indiqué le nom de la personne ayant rapporté les propos qui lui étaient reprochés.

Il produit un compte-rendu d’entretien préalable d’un peu plus de quatre pages établi par Monsieur [I] [CV], conseiller du salarié, qui mentionne qu’il a demandé à deux reprises qui avait rapporté les propos litigieux et que Monsieur [R] et Madame [JZ] ont refusé de lui répondre.

L’EPIC ECOLE DE MUSIQUE rétorque que le salarié a pu s’exprimer et se défendre lors de l’entretien préalable puisque ces explications ont été recueillies en présence d’un conseiller du salarié.

L’association verse également aux débats un compte-rendu de l’entretien préalable dans lequel il est souligné que Monsieur [R] (vice-président de l’association) précise à Monsieur [D] les propos dénigrants reprochés (‘[P] [FJ] est incompétente, je vais lui montrer, moi comment on donne des cours, en même temps vu son état’. [U] [O] n’est pas une prof de piano, elle n’a pas de diplôme, elle aime les filles, je soupçonne [Z] d’avoir couché avec elle. [T] [X] n’est qu’une alcoolo, elle sert à rien [J] [IY] est pistonnée, d’autres voulaient son poste, elle n’a même pas les compétences ni les diplômes. [Z] [IK] est un connard, il est directeur grâce à son père, branle rien, s’est tapé [V] par intérêt. [H] [IK] est un bâtard, si j’avais eu un fusil et lui en face de moi, je l’aurais buté. [YE] [WE] est une chaudasse et elle s’est tapée tous les mecs de la vallée et c’est une mauvaise instit. [E] [EI] est une neuneu.’) et ajouté : ‘il ne s’agit pas d’allégations mais d’un témoignage porté à la connaissance du conseil d’administration récemment et conforté par les indications de la médecine du travail’.

Il résulte des dispositions de l’article L1232-3 du code du travail que le salarié n’a pas à avoir accès lors de l’entretien préalable au dossier constitué par l’employeur contre lui. Si la procédure de licenciement est pour partie soumise au principe du contradictoire, à travers notamment l’organisation d’un entretien préalable au cours duquel le salarié peut être assisté, le respect de ce principe ne peut être confondu avec le respect des droits de la défense s’exerçant dans le cadre d’une procédure juridictionnelle.

La cour constate qu’il a été satisfait par l’employeur aux exigences de loyauté et de respect des droits du salarié lors de l’entretien préalable.

– Sur la prescription des faits reprochés :

Selon l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Monsieur [D] soulève la prescription des faits qui lui sont reprochés, arguant que ceux-ci étaient connus de l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE depuis plus de deux mois à la date du licenciement.

Il précise que l’EPIC a eu connaissance des propos litigieux suite au courrier du 15 juin 2016 de Madame [N], réceptionné le même jour (date et signature de l’employeur apposées). Il souligne que même en prenant en compte la date du 18 juillet 2016, journée au cours de laquelle les membres du conseil d’administration ont interrogé l’ensemble du personnel présent, les faits demeurent prescrits, la convocation à l’entretien préalable étant intervenue le 25 octobre 2016. Il ajoute que l’employeur avait en outre purgé son pouvoir disciplinaire par la notification des avertissements du 4 août 2016.

L’EPIC ECOLE DE MUSIQUE en réponse soutient avoir eu une connaissance exacte et objective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits commis par Monsieur [D] le 7 septembre 2016.

L’association explique que le conseil d’administration a d’abord eu connaissance, fin juin 2016, de propos injurieux et grossiers qui auraient été tenus par Monsieur [D] à l’encontre d’autres salariés ; qu’elle a décidé de procéder à une enquête le 18 juillet 2016 par le biais d’entretiens individuels et confidentiels des salariés. Elle ajoute avoir à l’issue de ces entretiens mené une nouvelle enquête afin d’éviter toute prise de décision hâtive et convié l’ensemble du personnel de l’équipe de musique à une nouvelle rencontre, le 5 septembre 2016 à 17 heures.

Pour en justifier, l’employeur se réfère aux pièces suivantes :

– un courrier de convocation non daté qui aurait été adressé aux salariés : ‘Suite aux entretiens individuels du personnel de l’EPIC du 4 Juillet dernier, je vous convie à une nouvelle rencontre avec l’ensemble du personnel de l’école de musique :

Lundi 5 septembre 2016 à 17 h à la maison de la vallée

Merci de bien vouloir être présent dès 16 h 30 afin que l’on puisse préparer cette réunion. Dans cette attente el vous en remerclant vivement à l’avance. Bien cordialement

[PC] [R]’;

– un compte-rendu de la réunion du 5 septembre 2016 établi par Madame [D] (épouse de Monsieur [D]) produit par l’appelant mettant en évidence que le malaise, la mauvaise ambiance au sein de l’école sont évoquées lors de cette réunion de même qu’un problème sur la fiche de paie mis en avant par la CFDT ; que l’objectif a notamment été de ‘purger la mauvaise ambiance’, ‘désamorcer les difficultés rencontrées au sein de l’école’, qu’il est précisé par des membres du conseil d’administration que ‘chacun doit prendre sur soi et garder l’intérêt du sens collectif’, ‘chacun repart sur de bonnes bases’ ;

– un courrier du 7 septembre 2016 de la médecine du travail invitant à l’intervention du psychologue du travail au regard de la situation eu égard au propos diffamatoires évoqués :

‘Je reviens vers vous après avoir vu Mme [N].

Mr [XF] est en arrêt maladie pour un certain temps, je n’ai pas de compte rendu depuis lors.

A l’heure actuelle et suite à la visite médicale de Mme [N], nous entrons dans ce qui semble être des propos diffamatoires et une solution simple aux problèmes me paraît compliquée.

Je pense qu’à ce stade l’intervention d’une psychologue du travail serait plus productive que la mienne.

Si vous le souhaitez j’ai à ma disposition un outil de travail global à réaliser avec une équipe mais je ne pense pas que cela suffise’.

Au regard de ces éléments, il n’est pas justifié que l’enquête menée par l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE se soit poursuivie le 5 septembre 2016. Si le malaise au sein de l’école a manifestement été évoqué lors de cette réunion, il ressort que l’enquête avait été menée la journée du 18 juillet 2016 suite à une convocation du personnel du 6 juillet 2016 et que l’objectif de la réunion du 5 septembre 2016 était surtout de tenter de tourner la page et d’apaiser la situation. Le courrier de la médecine du travail n’apporte sinon aucun élément nouveau dont l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE n’a déjà connaissance le 18 juillet 2016, le médecin du travail invitant surtout l’établissement à solliciter l’intervention d’un psychologue du travail au regard de la situation.

Ainsi, les faits reprochés sont atteints par la prescription mais également purgés par la notification des deux avertissements du 4 août 2016, l’employeur ayant à cette date épuisé son pouvoir disciplinaire en l’absence d’éléments nouveaux ou fautes postérieures.

En conséquence la cour doit dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris est infirmé en ce sens.

Le licenciement étant privé de cause réelle et sérieuse, le salarié est en droit de prétendre à une indemnisation au titre de cette rupture abusive.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a octroyé à Monsieur [D] une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit 4 284,00 euros brut, outre 428,40 euros brut à titre de congés payés afférents, montants non contestés dans leur quantum par les parties.

S’agissant de l’indemnité de licenciement, l’article 4.4.3 de la convention collective nationale de l’animation prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à 1/4 de mois de salaire par année de présence dans l’entreprise, puis de 1/3 de mois pour la 11e année de présence, ainsi que pour les années suivantes.

La rémunération mensuelle de 2 142,00 euros et l’ancienneté de 19 années ne sont pas contestées.

Il est dès lors fait droit, par voie d’infirmation du jugement déféré, à la demande d’indemnité de licenciement sollicitée à hauteur de 10 174,50 euros.

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge, de son ancienneté, de sa qualification, de sa rémunération, des circonstances de la rupture et de son aptitude à retrouver du travail et des éléments produits (justification d’un emploi du deuxième trimestre 2017 au deuxième trimestre 2018 en qualité d’auto-entrepreneur et de deux emplois à temps partiel de juillet à décembre 2017 et en juillet et août 2018), il sera accordé àà Monsieur [D] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 30 000,00 euros.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Il convient d’ordonner d’office, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’EPIC ECOLE DE MUSIQUE à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite d’un mois d’indemnités.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles s’agissant du quantum octroyé et le confirmer s’agissant des dépens de première instance.

L’EPIC ECOLE DE MUSIQUE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à Monsieur [D] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et celle de 1 500,00 euros pour ceux exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a :

– dit fondé l’avertissement daté du 4 août 2016 pour faute disciplinaire,

– requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [F] [D] en licenciement pour motif réel et sérieux,

– condamné l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] à lui payer les sommes de 6 544,00 euros à titre d’indemnité de licenciement et 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

STATUANT à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

ANNULE l’avertissement daté du 4 août 2016 pour faute disciplinaire notifié à Monsieur [F] [D],

DIT que le licenciement dont Monsieur [F] [D] a fait l’objet de la part de l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] à verser à Monsieur [F] [D] les sommes de :

– 10 174,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 30 000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE d’office le remboursement par l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite d’un mois d’indemnités,

CONDAMNE l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] aux dépens d’appel,

CONDAMNE l’Ecole Intercommunale Musique Danse et Théâtre de [Localité 4] à payer à Monsieur [F] [D] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 1500,00 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Le greffier Le président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x