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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 05 JANVIER 2023
N° 2023/8
N° RG 22/01717
N° Portalis DBVB-V-B7G-BIZ4B
[U] [P]
C/
S.A. ALLIANZ
Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE
-SCP ROBERT & FAIN-ROBERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 24 Décembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/05796.
APPELANT
Monsieur [U] [P]
né le [Date naissance 1] 1974,
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.
INTIMEES
S.A. ALLIANZ
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.
Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAR ,
Signification en date du 18/03/2022 à personne habilitée. Signification de conclusions avec assignation en date du 16/05/2022 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 2]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 08 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Le 30/08/2016, M. [P] circulant au volant de son véhicule entre [Localité 10] et [Localité 4] (Var) a été victime d’un accident de la circulation routière dans lequel était impliqué un véhicule terrestre à moteur assuré auprès de la SA Allianz. Un traumatisme thoraco-abdominal, des hanches, du pied droit et de la cheville gauche ont déterminé son admission à l’hôpital des [3] à [Localité 8] du 30/08 au 08/09/2016, puis à la clinique [5] de [Localité 7] du 06/10 au 09/10/2017. Le droit de M. [P] à la réparation intégrale de son préjudice corporel n’est pas contesté.
Commis aux fins d’expertise amiable, le docteur [M] a déposé son rapport le 17/06/2019, rectifié le 15/10/2019.
Par ordonnance du 05/02/2020, le juge des référés de Draguignan a condamné la SA Allianz à payer à M. [P] une provision de 40.000,00 € venant s’ajouter à une précédente provision de 17.500,00 €.
Par acte d’huissier de justice des 29/07 et 10/09/2020, M. [P] a saisi le tribunal judiciaire de Draguignan d’une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre la SA Allianz, au contradictoire de la caisse primaire d’assurance-maladie du Var.
Par jugement réputé contradictoire du 24/12/2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a’:
– déclaré le jugement commun et opposable à la caisse primaire d’assurance-maladie du Var,
– dit que le droit à indemnisation de M. [P] est entier,
– fixé à la somme de 188.786,09 € dont 160.636,50 € revenant à la victime la réparation du dommage corporel de M. [P] répartie comme suit :
‘ dépenses de santé actuelles’: 28.149,59 €, intégralement pris en charge par la caisse,
‘ perte de gains professionnels actuels’: 36.331,00 €
‘ frais divers’: 5.335,00 €
‘ perte de gains professionnels futurs’: 25.695,50 €
‘ incidence professionnelle’: 30.000,00 €
‘ déficit fonctionnel temporaire’: 5.400,00 €
‘ souffrances endurées’: 20.000,00 €
‘ préjudice esthétique temporaire’: 1.000,00 €
‘ déficit fonctionnel permanent’: 30.375,00 €
‘ préjudice d’agrément’: 5.000,00 €
‘ préjudice esthétique permanent’: 1.500,00 €
– dit que de cette somme il convient de déduire les provisions de 57.500,00 € déjà perçues,
– condamné la SA Allianz à payer à M. [P] les sommes suivantes’:
‘ l03.l36,50 € en réparation de son préjudice corporel,
‘ 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA ALLIANZ à payer à Mme [V] [T] les sommes de :
‘ 3.000,00 € en réparation de son préjudice d’affection et d’accompagnement,
‘ 500,00 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA Allianz aux entiers dépens de l’instance,
– accordé le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile à Maître Pascale Bah, avocat,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Pour statuer ainsi, en particulier sur la perte de gains professionnels de M. [P], musicien techno au sein du groupe Troublemakers, le premier juge a retenu les éléments suivants’:
– perte de gains professionnels actuels’:
‘ est justifiée la perte de 21.151,34 € au titre d’un contrat signé avec une société Boumqueur Édition, et de 15.180,00 € au titre de cachets de représentation, soit une perte de gains professionnels actuels de est de 36.331,00 €,
‘ n’est pas justifiée en revanche la perte de chance invoquée par M. [P] de percevoir des droits d’auteur car leur échéance aurait été postérieure à la consolidation’;
– perte de gains professionnels futurs’:
‘ malgré l’absence de toute demande de M. [P], il y a lieu de lui accorder la somme de 25.695,00 € proposée par la SA Allianz.
Le 06/05/2022, la SA Allianz a versé une somme complémentaire de 103.136,50 € à M. [P].
Par déclaration du 04/02/2022 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [P] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Draguignan, en ce qu’il a’:
– fixé le préjudice corporel à la somme de 188.786,09 € dont 160.636,50 € revenant à la victime,
– débouté M. [P] de sa demande d’indemnisation de sa perte de chance de percevoir des droits d’auteur concernant l’album non enregistré,
– condamné la SA Allianz à payer à M. [P] la somme de l03.l36,50 € en réparation de son préjudice corporel.
M. [P] précise qu’il est auteur-compositeur-interprète, et qu’il ne conteste en réalité que’la perte de gains professionnels futurs, le premier juge ayant estimé que la perte de chance de percevoir les droits d’auteur qui lui auraient été dus (après consolidation) s’il avait pu enregistrer son album (avant consolidation) ne relevait pas de la perte de gains professionnels actuels, mais futurs.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 04/05/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, M. [U] [P] demande à la cour de’:
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ dit que le droit à indemnisation de M. [P] est entier,
‘ jugé que la SA Allianz doit prendre en charge les conséquences de l’accident du 30/08/2016 dont M. [P] a été victime,
‘ évalué la réparation du dommage corporel de M. [P]
pour les postes suivants, aux sommes :
– dépenses de santé actuelles pris en charge par la CPAM : 28.149,59 €
– perte de gains professionnels actuels : 36.331,00 €
-‘frais divers : 5.335,00 €
– incidence professionnelle : 30.000,00 €
– déficit fonctionnel temporaire : 5.400,00 €
– souffrances endurées : 20.000,00 €
– préjudice esthétique temporaire : 1.000,00 €
– déficit fonctionnel permanent : 30.375,00 €
– préjudice d’agrément : 5.000,00 €
– préjudice esthétique permanent : 1.500,00 €
‘ dit qu’il conviendra de déduire des sommes revenantes à M. [P] les provisions de 57.500,00 € déjà perçues,
‘ condamné la SA Allianz à payer à M. [P] la somme de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réformer ledit jugement en ce qu’il a :
‘ fixé à la somme globale de 188.786,09 € dont 160.636,50 € revenant à la victime la réparation de l’intégralité du dommage corporel de M. [P],
‘ fixé à la somme de 25.695,50 € la réparation de son préjudice résultant des pertes de gains professionnels futurs
‘ débouté M. [P] de sa demande d’indemnisation de sa perte de chance de percevoir des droits d’auteur concernant l’album non enregistré,
‘ condamné la SA Allianz à payer à M. [P] la somme de 103.136,50 € en réparation de son préjudice corporel,
Statuant à nouveau,
– fixer à la somme de 308.102,00 € la réparation du dommage corporel de M. [P],
– condamner la SA Allianz à verser M. [P] la somme de 308.102,00 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, après déduction des provisions versées et des débours du tiers payeur,
– condamner la SA Allianz à verser à M. [P] une somme de 5.000,00 € au titre de l’article l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats associés, aux offres de droit.
Au soutien de ses demandes, M. [P] développe les moyens suivants :
– s’il n’a rien demandé au titre de la perte de gains professionnels futurs devant le premier juge, c’est uniquement parce qu’il avait rattaché la perte de chance de percevoir les droits d’auteur à la perte de gains professionnels actuels’;
– pour calculer le revenu de référence, il convient d’apprécier le montant annuel que lui aurait rapporté l’album s’il l’avait enregistré, en se fondant sur les revenus de la SACEM encaissés de 2009 à 2019 grâce à ses trois derniers albums, soit un total de 201.737,81 € en dix ans, soit 6.724,00 € par an et par album’;
– il y a lieu ensuite de croiser ce revenu de référence avec l’euro de rente viagère, soit 6.724,00 € x 32,191 (prix de l’euro de rente viagère pour un homme âgé de 44 ans lors de la consolidation, suivant barème Gazette du Palais du 28/11/2017) = 216.452,00 €’;
– ce montant doit être retraité par référence à un coefficient de perte de chance de 80’%, soit 216.452,00 € x 80’% = 173.161,00 €.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée n°1 notifiées par RPVA le 30/06/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, la SA Allianz demande à la cour de’:
– débouter M. [P] de son appel,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– condamner M. [P] à verser à la SA Allianz la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens d’appel, distraits au profit de la SCP Robert et Fain-Robert, Avocats.
La SA Allianz observe que M. [P] ne démontre pas qu’il est dans l’incapacité d’exercer une activité professionnelle après la consolidation. Elle se prévaut des conclusions du docteur [M] selon lesquelles «’il n’est pas déterminé dans la seule analyse médicale, de répercussions au titre d’une perte de gains professionnels futurs, notion très approximative, en l’état des éléments d’information et d’appréciation » et considère que le préjudice invoqué ne résulte en réalité que d’une perte de chance, très hypothétique, de sorte que la somme de 25.695,00 offerte apparaît satisfactoire.
* * *
Assignée à personne habilitée le 18/03/2022 par acte d’huissier contenant dénonce de l’appel, la caisse primaire d’assurance-maladie des Bouches-du-Rhône n’a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 28.149,59 € au titre des dépenses de santé actuelles.
* * *
La clôture a été prononcée le 25/10/2022.
Le dossier a été plaidé le 08/11/2022 et mis en délibéré au 05/01/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de la décision rendue’:
L’arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.
Sur l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs :
Le droit à indemnisation intégrale de M. [P] sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n’est pas contesté. Seule est discutée en cause d’appel l’évaluation de ce préjudice.
Données médico-légales’:
Le rapport d’expertise médicale du docteur [M] du 17/06/2019 rectifié le 15/10/2019 constitue une base valable d’appréciation des préjudices subis par M. [P]. Les conclusions médico-légales de l’expert sont les suivantes’:
– arrêt temporaire des activités professionnelles’: du 30/08/2016 au 31/01/2017, du 05/05/2017 au 19/06/2017, et du 06/10/2017 au 05/01/2018,
– déficit fonctionnel temporaire 100’%’: du 30/08 au 08/09/2016, et du 06/10 au 09/10/2017,
– déficit fonctionnel temporaire classe IV’: du 09/09 au 14/10/2016,
– déficit fonctionnel temporaire classe III : du 15/10 au 01/12/2016, et du 10/10 au 10/11/2017,
– déficit fonctionnel temporaire classe II’: du 02/12/2016 au 05/10/2017, et du 11/11/2017 au 11/08/2018,
– souffrances endurées : 4,5/7,
– préjudice esthétique temporaire’: 2/7 pendant la période de déficit fonctionnel temporaire classe IV, et 1,5/7 pendant la période de déficit fonctionnel temporaire classe III,
– consolidation’: 11/08/2018,
– déficit fonctionnel permanent’: 15’%
– préjudice esthétique permanent’: 1/7,
– incidence professionnelle’: oui, notamment en ce qui concerne le transport du matériel,
– perte de gains professionnels futurs’: non caractérisée, au regard des éléments d’information fournis.
Données chronologiques :
Date de naissance’: 07/05/1974
Date du fait générateur : 30/08/2016
Date de la consolidation’: 11/08/2018
Date de la liquidation’: 05/01/2023
Date du départ en retraite’: 07/05/2039
Durée en années de la période avant consolidation : 1,947
Durée en années de la période consolidation / liquidation’: 4,402
Age’lors du fait générateur : 42
Age’lors de la consolidation : 44
Age’lors de la liquidation : 48
L’évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime au moment de l’accident (42 ans), de la consolidation (44 ans), de la présente décision (48 ans) et de son activité (artiste musicien, intermittent du spectacle), afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
L’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Nécessaire au chiffrage des indemnités réparant des préjudices futurs, la capitalisation s’effectuera, selon des paramètres connus au jour de la liquidation et grâce au barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais le 28/11/2017 dont l’application est sollicitée par M. [P].
Perte de gains professionnels futurs (PGPF)’: 112.879,15 €
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour elle d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.
Adossé au montant du revenu antérieur à l’accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre’le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu’à la décision fixant l’indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l’âge de la victime.
Le docteur [M] admet que le traumatisme orthopédique subi par M. [P] a eu des répercussions sur certains actes inhérents à l’exercice de la profession de musicien, tels que le transport de matériel musical, tout en s’estimant insuffisamment informé pour apprécier ce poste de préjudice. Il mentionne en tout état de cause des arrêts de travail récurrents du 30/08/2016 au 31/01/2017, puis du 05/05/2017 au 19/06/2017, puis enfin du 06/10/2017 au 05/01/2018, et retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 15’%.
M. [P] produit plusieurs éléments de preuve de nature à confirmer que l’accident du 30/08/2016 a cassé la dynamique qui devait aboutir en 2017 à la sortie d’un nouvel album :
– MM. [A] [I] et [X] [N] ‘ qui sont les autres membres du groupe musical Troublemakers ‘ attestent ainsi que l’accident de leur collègue a interrompu le projet d’album prévu en 2017′;
– une annonce de la SACEM faite en juin 2016 confirme qu’un album du groupe Troublemakers était en gestation et que l’année 2017 en constituait le terme’; la SACEM évoque en outre un album solo de M. [P] ;
– la tournée des concerts du groupe en 2016/2017, et la sortie d’un album début 2017, font l’objet d’un plan de communication médias, produit par M. [P] ;
– plusieurs professionnels de l’industrie musicale ([S] [G], [Y] [K], [X] [L]) attestent que l’accident de M. [P] a mis un terme à la tournée des concerts programmés, M. [X] [L] ajoutant qu’un album du groupe était prévu en 2017.
Il peut donc être tenu pour acquis que l’accident de 2016 a déterminé une perte de chance de produire un album en 2017 ‘ ce que la SA Allianz ne conteste pas réellement. La perte de chance qu’invoque M. [P] se définit comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. Elle doit être mesurée à la valeur de la chance perdue et et ne peut être égale à la valeur de cette chance si elle s’était réalisée. Elle est donc liée à la notion d’aléa, celui qui est susceptible de générer un gain. Il revient au juge du fond de tenir compte non seulement de l’existence de l’aléa mais aussi de son degré, c’est-à-dire du caractère plus ou moins sérieux de la chance perdue.
À cet égard, le montant de la réparation demandée par M. [P] repose sur le postulat que ce nouvel album aurait vraisemblablement rencontré le succès rencontré par les précédents, et qu’il aurait généré (après consolidation) des revenus tirés des droits d’auteur d’un montant comparable aux trois albums antérieurs à l’accident. Il ne s’agit là cependant que d’une hypothèse de travail, la valorisation d’une ‘uvre artistique étant liée non seulement à sa qualité intrinsèque, parfois variable, mais aussi à sa rencontre avec un public, parfois imprévisible.
Sous le bénéfice de ces observations, la cour estime que la perte de chance de sortir en 2017 un album de qualité rencontrant la faveur du public à l’instar des précédents albums peut être appréciée au maximum à 50’%. Sous cette réserve, la méthode de chiffrage proposée par M. [P] n’appelle pas d’objection particulière. En retenant comme assiette les revenus SACEM des trois albums précédents sur la décennie 2009 ‘ 2019, soit un total de 201.737,81 €, ou 6.724,00 € par an et par album, et en appliquant un coefficient de perte de chance de 50’%, le montant de l’arrérage annuel est de 3.362,00 €.
Soit une perte de gains professionnels futurs de 112.879,15 €, ventilée comme suit’:
– montant des arrérages échus’: 3.362,00 € x 4,402 années = 14.799,52 €
– montant des arrérages à échoir’: 3.362,00 € x 29,173 (prix de l’euro de rente viagère pour un homme âgé de 48 ans lors de la liquidation, suivant barème Gazette du Palais du 28/11/2017) = 98.079,63.
* * *
Le préjudice corporel global subi par M. [P] s’établit ainsi à la somme de 275.969,74 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d’assurance-maladie, et de la somme de 160.636,50 € déjà réglée à titre provisionnel, une somme de 87.183,65 € lui revenant.
Sur les demandes annexes’:
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
La SA Allianz qui succombe partiellement dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d’appel et ne peut de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande d’allouer à M. [P] une indemnité de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris, hormis sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne la SA Allianz à M. [P] à payer une somme de 112.879,15 € (cent douze mille huit cent soixante dix neuf euros et quinze cents) au titre de la perte de gains professionnels futurs.
Condamne la SA Allianz à M. [P] à payer une somme de 2.500,00 € (deux mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA Allianz aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT