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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 39H
DU 04 AVRIL 2023
N° RG 21/01313
N° Portalis DBV3-V-B7F-ULCZ
AFFAIRE :
Société KE.M PROD
C/
S.A.S.U. F PRODUCTIONS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 16/11337
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Claire RICARD,
-la SELARL LEXAVOUE [Localité 6]-[Localité 7]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société KE.M PROD
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 811 280 072
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Claire RICARD, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211285
Me Laurent KLEIN, avocat – barreau de BAYONNE, vestiaire : 46
APPELANTE
****************
S.A.S.U. F PRODUCTIONS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 397 596 180
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2165681
Me Frédéric CAZAUX substituant Me Stéphane RUFF de la SCP RSG AVOCATS, avocat – barreau de TOULOUSE, vestiaire : 386
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [G] et M. [J] sont artistes, auteurs de spectacles humoristiques.
Selon le contrat de production conclu le 31 mai 2015, ils ont cédé l’exclusivité de leur spectacle intitulé ‘ [E] et [B] – un duo à lui seul ‘ à la société de production KE.M Prod, spectacle qui devait être joué à de nombreuses reprises au cours de l’année 2015, en particulier durant le Festival Off d'[Localité 5] du 4 au 26 juillet 2015, soit 23 représentations au théâtre ‘Le [Localité 6]’ à [Localité 5] (article 1er du contrat).
Le 30 juin 2015, ils signaient avec la société KE.M Prod un contrat d’engagement à durée déterminée d’artistes français.
En mars 2016, ils faisaient part à la société KE.M Prod de leur souhait de se libérer de leurs engagements contractuels, en particulier de l’exclusivité consentie par eux jusqu’au 30 octobre 2018.
La société F. Productions a, en particulier, pour objet la production de spectacles. Elle a régularisé avec M. [G] et M. [J] un contrat de production limité à l’organisation de vingt-cinq représentations au festival d'[Localité 5], portant sur le spectacle ‘ [E] & [B] – Big Bug ‘. Les représentations de ce spectacle ont eu lieu en juillet 2016 au théâtre Le [Localité 6].
C’est dans ces conditions que la société KE.M Prod a sollicité, par voie de requête, et obtenu la désignation d’un huissier de justice pour obtenir la captation de l’une des représentations.
Selon deux mises en demeure du 15 juin 2016, adressées la première aux comédiens et la seconde à la société F Productions, la société KE.M Prod a sollicité par la voie de son conseil, réparation du préjudice consécutif à la violation contractuelle qu’elle estimait avoir subi.
Par acte introductif d’instance du 30 septembre 2016, la société KE.M Prod a fait assigner M. [G] et M. [J] ainsi que la société F Productions devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins notamment de les voir condamner pour concurrence déloyale.
Le 27 février 2017, la société KE.M Prod s’est désistée de son action à l’encontre de M. [G] et M. [J], après être parvenus à un accord les 10 et 15 décembre 2016. Une ordonnance de désistement partiel a été rendue le 13 mars 2017 par le juge de la mise en état constatant le désistement de la société KE.M Prod de son instance et de son action à l’encontre de M. [G] et M. [J].
Une ordonnance enjoignant à la société KE.M Prod de produire le protocole transactionnel conclu le 15 décembre 2016 avec M. [G] et M. [J] a été rendue le 25 octobre 2018 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement contradictoire rendu le 23 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– Rejeté l’intégralité des demandes de la société KE.M Prod à l’encontre de la société F Productions,
– Rejeté la demande de la société KE.M Prod au titre des frais irrépétibles,
– Condamné la société KE.M Prod à payer à la société F Productions la somme de 4 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société KE.M Prod à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La société KE.M Prod a interjeté appel de ce jugement le 26 février 2021 à l’encontre de la société F Productions.
Par dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2022, la société KE.M Prod demande à la cour, au fondement des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1240 du code civil, de :
– Réformer le jugement rendu le 23 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a :
* Rejeté l’intégralité des demandes de la société KE.M Prod à l’encontre de la société F Productions,
* Rejeté la demande de la société KE.M Prod au titre des frais irrépétibles,
* Condamné la société KE.M Prod à payer à la société F Productions la somme de 4.000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,
* Condamné la société KE.M Prod à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Et statuant de nouveau :
– La déclarer bien fondée en ses demandes,
– Condamner la société F. Productions à lui verser la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale commis,
– Condamner la société F. Productions à verser à la société KE.M Prod la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– Condamner la société F. Productions à verser à la société KE.M Prod la somme de 1 000 euros au titre des frais d’huissier de justice ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance lesquels incluront les frais d’huissiers nécessaires à la signification et à l’exécution de l’arrêt à intervenir dont distraction faite en application de l’article 699 du code de procédure civile.
En tout état de cause,
– Débouter la société F Productions de ses demandes incidentes,
– Débouter la société F Productions de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Débouter la société F Productions de sa demande de rejet de la captation audiovisuelle (Pièce 13) communiquées de manière contradictoire le 17 décembre 2021.
Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2022, la société F Productions demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1165, 1382 et 1383, 2051 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* Rejeté l’intégralité des demandes de la société KE.M Prod à l’encontre de la société F Productions,
* Rejeté la demande de la société KE.M Prod au titre des frais irrépétibles,
* Condamné la société KE.M Prod à payer à la société F Productions la somme de 4.000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,
* Condamné la société KE.M Prod à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés directement par Me Duvernoy conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Ajoutant au jugement,
– Ecarter des débats toute captation audiovisuelle qui serait présentée comme une annexe à la pièce adverse 13 et dans laquelle le son du spectacle serait audible, faute de communication contradictoire de ladite captation,
– Débouter la société KE.M Prod de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner la société KE.M Prod à lui verser la somme complémentaire de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– La condamner aux entiers dépens d’appel, dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 janvier 2023.
SUR CE, LA COUR
Sur les limites de l’appel,
L’appelante poursuit l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions. Elle reprend les mêmes prétentions que celles formées devant le premier juge, fondées sur les mêmes dispositions légales. Elle verse cependant aux débats des pièces supplémentaires qu’elle n’avait pas produites en première instance et qui sont combattues par son adversaire.
L’intimée demande quant à elle la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et sollicite que soit écartée des débats toute captation audiovisuelle qui serait présentée comme une annexe à la pièce 13 et dans laquelle le son du spectacle serait audible, faute de communication contradictoire de ladite captation.
Cette demande sera examinée préalablement, après avoir rappelé les motifs du jugement.
Le jugement
Pour rejeter les demandes de la société KE.M Prod fondées sur la concurrence déloyale, le tribunal a rappelé qu’aux termes d’un protocole d’accord du 10 décembre 2016 réitéré le 15 décembre suivant, les parties, à savoir la société KE.M Prod et M. [G] et M. [J], ont mis fin par anticipation au contrat de production du 16 mai 2015 signé entre elles de sorte qu’elles étaient de ce fait libérée de leurs obligations respectives, à savoir l’exclusivité liant les comédiens lesquels versaient solidairement la somme forfaitaire de 22 500 euros à titre d’indemnisation à la société KE.M Prod.
Le tribunal a donc écarté le moyen de la société F. Productions tiré de l’existence d’une rupture unilatéralement décidée par les comédiens dès le mois de mars 2015 qui les aurait libérés de leur obligation d’exclusivité et qui aurait privé de toute portée la contestation de son adversaire sur le fondement de la concurrence déloyale qui lui a été notifiée en juin 2015.
Les premiers juges ont souligné qu’il revenait à la société KE.M Prod de démontrer la violation par la société F. Productions des droits que les artistes lui avaient concédés. En particulier, la société KE.M Prod devait, selon eux, démontrer que le contrat conclu entre la société F. Productions et les artistes, pour une série de représentations au sein du théâtre Le [Localité 6] à [Localité 5] du 7 au 30 juillet 2016, portait sur une prestation artistique présentant de grandes similarités avec la sienne.
Constatant que la société KE.M Prod ne versait aux débats aucun enregistrement du spectacle intitulé ‘[E] et [B] – un duo à lui seul’ qu’elle produit, ni aucun élément permettant non pas de caractériser l’exécution de sa prestation, non contestée, mais les caractéristiques de l’oeuvre produite tels son sujet, sa mise en scène, ses dialogues, son déroulement ou encore le jeu des acteurs, afin de la comparer au spectacle en débat, il a rejeté les demandes de la société KE.M Prod formées sur ce fondement. Il a déploré que l’enregistrement pratiqué par un huissier de justice de la représentation du spectacle joué par M. [G] et M. [J] le 25 juillet 2016 n’ait pas été versé aux débats alors que ‘cette captation (était) pourtant seule susceptible d’établir les similitudes, voire l’identité, entre les prestations produites par les parties’ (page 6 du jugement). Il a insisté sur le fait que la demanderesse, qui se prévalait de changements ‘mineurs’ de mise en scène, ne décrivait, même de façon sommaire, le parti-pris de celle du premier spectacle et les modifications dont il s’agissait.
Il en concluait que faute d’établir d’autres similitudes entre les spectacles en cause qu’une identité d’auteurs, d’acteurs et de genre, la société KE.M Prod n’était pas en mesure de démontrer que sa prestation et celle promue par la société F. Productions présentaient un tel degré de similarité, voire une identité, qu’un risque de confusion en résultait dans l’esprit du public permettant de caractériser, de la part de la défenderesse, un comportement déloyal à l’égard du producteur historique du duo comique et générateur de préjudice.
En outre, il relevait que la société KE.M Prod ne caractérisait nullement le concours de la société F. Productions à la violation, par les comédiens, de leur engagement d’exclusivité et qu’il ne pouvait par voie de conséquence que la débouter de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.
Au titre du parasitisme, le tribunal relevait que la société KE.M Prod justifiait bien avoir investi dans la production du spectacle ‘[E] et [B]’, avoir promu celui-ci, contribuant ainsi à le faire connaître auprès d’un large public et à accroître la notoriété des comédiens, mais que faute de démontrer le contenu de la prestation produite par la société F. Productions à compter du printemps 2016, elle échouait à établir la captation invoquée, sans bourse délier, de ses investissements, par la simple reprise par un concurrent d’un spectacle d’ores et déjà monté et rodé auprès du public.
Il déboutait donc la société KE.M Prod de ses demandes formées à ce titre.
Sur la demande de la société F. Productions tendant à faire écarter des débats toute captation audiovisuelle qui serait présentée comme une annexe à la pièce adverse 13
‘ Moyens des parties
La société F. Productions rappelle que le spectacle sur lequel portait le contrat d’organisation qu’elle avait conclu avec les artistes, M. [G] et M. [J], était différent de celui produit par la société KE.M Prod ; qu’ainsi non seulement le titre n’était pas le même, mais la mise en scène avait également évolué.
Elle souligne que le contrat de production liant M. [G] et M. [J] et la société KE.M Prod ne concernait que la production du spectacle ‘[E] et [B] – un Duo à lui seul’ qui avait vocation à être joué pendant le Festival Off d'[Localité 5] 2015 et, le cas échéant par la suite. Elle soutient que rien ne permet de conclure que les comédiens étaient tenus de faire produire le spectacle ‘[E] & [B] – Big Bug’ par cette dernière ; que la société KE.M Prod ne bénéficiait d’aucun engagement exclusif à ce titre et que les deux artistes interprètes étaient seuls titulaires des droits d’auteur attachés à leur création.
Elle fait valoir que les fichiers produits à hauteur d’appel présentés comme étant des extraits d’une captation audiovisuelle du spectacle que la société KE.M Prod avait produit sont dénués de toute force probante en ce que :
* leur origine est inconnue, n’étant du reste ni datés ni documentés et rien ne permet de déterminer à quel spectacle ils se rapportent ;
* au surplus, ne sont versés aux débats que de simples extraits dont rien ne permet de vérifier quel était le contenu réel du spectacle produit par la société KE.M Prod et quel était l’enchaînement des scènes, ce qui conduit à éluder de façon bien commode, selon l’intimée, la question de la mise en scène notamment ;
* la société KE.M Prod n’a communiqué que le 17 décembre 2021 un fichier correspondant à la captation audiovisuelle de l’huissier de justice, mais seules les images sont visibles, en revanche le son est inaudible.
En définitive, la société F. Productions soutient que les éléments de preuve produits à hauteur d’appel par la société KE.M Prod sont toujours aussi insuffisants pour emporter la conviction de la cour sur le bien-fondé de ses demandes.
La société KE.M Prod rétorque que les allégations de son adversaire au sujet du caractère inaudible de la captation adressée le 17 décembre 2021 sont fausses et que la seule explication informatique pouvant expliquer cette difficulté tient à ce qu’il s’agit d’un fichier MP4 lisible via un logiciel acceptant ce format de type ‘VLC’ (logiciel disponible gratuitement sur internet). Or, selon elle, en utilisant l’outil informatique conforme, le constat est lisible et audible de sorte que, selon l’appelante, la preuve a été rapportée que les pièces produites sont parfaitement exploitables et que la comparaison réalisée par ses soins entre le spectacle ‘[E] et [B] : Big Bug’ et les extraits du spectacle ‘[E] et [B] : un duo à lui seul’, pour lequel M. [G] et M. [J] lui ont cédé l’exclusivité, apparaît probante et démontre qu’il s’agit du même spectacle produit par ses soins qui a été joué sous la production de la société F. Productions en fraude de ses droits.
‘ Appréciation de la cour
La cour constate que le procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 25 juillet 2016 (pièce 13) mentionne que ce dernier a procédé à la captation audiovisuelle du spectacle ‘[E] et [B]’ performé par M. [G] et M. [J], débutant à 19h30 ; qu’une fois le spectacle achevé, l’huissier de justice a procédé à la photographie de l’affiche de ce spectacle ; que la mission s’est terminée vers 21 heures et que de retour à son étude l’huissier de justice a gravé sur 3 DVD (un original n° FA4C15KL664426T1, une expédition conforme n° FA4C15KL656111T4 et une copie n° FA4C15KL647222T2) l’intégralité du film réalisé en application de l’ordonnance rendue sur requête. Figure à la fin du procès-verbal la copie de la pochette d’un DVD intitulé ‘procès-verbal de constat sur ordonnance du 25 juillet 2016 la société KE.M Prod / Théâtre Le [Localité 6] ; copie’.
Le DVD n’est pas produit, mais une clé USB. Il n’est pas précisé qui a procédé au transfert du contenu du DVD sur la clé USB, ni comment, selon quel protocole. Cependant, il apparaît clairement des pièces de la procédure que cette opération n’a pas été réalisée par l’huissier de justice requis.
Les éléments de comparaison produits à hauteur d’appel figurent sous les pièces 37 à 41 et sont constitués de cinq vidéos intitulées ‘extrait du spectacle ‘[E] et [B] – un duo à lui seul’. Dans ses écritures, la société KE.M Prod se borne à affirmer, sans preuve, que ces vidéos sont des ‘extraits du spectacle ‘[E] et [B] : un duo à lui seul’ produit (par ses soins qui) ont été capturés avant le litige pour réaliser la promotion des Comédiens auprès des différents producteurs’.
Le visionnage de ces vidéos enseigne qu’il s’agit d’extraits de sketches interprétés par M. [G] et M. [J], mais rien ne permet à la cour de vérifier tant la date à laquelle la prise des vidéos a eu lieu, que le lieu dans lequel cette ‘représentation’ s’est déroulée. Il est également impossible de comprendre, a fortiori de vérifier, à quel spectacle ces ‘extraits’ se rattachent.
Dans ces conditions, il est très téméraire de la part de l’appelante de prétendre qu’elle a été victime d’actes de concurrence déloyale ou de parasitisme dès lors qu’elle place la cour dans l’incapacité de procéder sérieusement à la comparaison des deux spectacles en litige.
Il est incontestable que la société KE.M Prod affirme que :
* M. [G] et M. [J] ont joué le spectacle ‘[E] et [B] : un duo à lui seul’ à de nombreuses reprises,
* ces nombreuses représentations rendues possibles grâce à son travail et à son investissement ont permis aux comédiens de percer dans le monde des médias,
* en dépit du nombre de représentations programmé et de l’exclusivité consentie jusqu’au 30 octobre 2018, les comédiens ont rompu brutalement leurs engagements contractuels,
* M. [G] et M. [J] ont conclu un contrat avec la société F. Productions portant sur le spectacle ”[E] et [B] – Big Bug’ au mépris de leur engagement avec la société KE.M Prod.
Dans ces conditions, il revenait à la société KE.M Prod de démontrer en produisant des preuves fiables, donc sérieuses et incontestables, les similitudes voire l’identité entre les deux prestations produites.
Or, les éléments versés aux débats, dont le sérieux est contesté par la société F. Productions, ne sont pas probants pour les raisons précédemment exposées, et ne sont pas de nature à permettre à la cour de dire fondées les demandes de l’appelante.
Sans qu’il y ait lieu d’ ‘écarter des débats’ ces éléments, il convient d’en retenir le manque de caractère probant et, par voie de conséquence, de débouter la société KE.M Prod de l’intégralité de ses demandes.
Il s’ensuit que le jugement en ce qu’il rejette les demandes de la société KE.M Prod ne pourra qu’être confirmé en raison de sa carence probatoire flagrante.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
La société KE.M Prod, partie perdante, supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il apparaît équitable d’allouer la somme de 10 000 euros à la société F. Productions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’amende civile
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros.
Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
En l’espèce, le tribunal avait clairement indiqué les insuffisances de la procédure engagée par la société KE.M Prod, à savoir l’absence de production de tout élément de preuve sérieux. Ainsi, il avait indiqué que la captation du spectacle litigieux avait été réalisée par un huissier de justice le 25 juillet 2016, images qui avaient été gravées par cet officier ministériel sur trois supports dont un original lesquels n’étaient pas produits. Il avait stigmatisé encore le fait que la demanderesse ne produisait aucun enregistrement du spectacle intitulé ‘[E] et [B] – un duo à lui seul’. Il avait insisté sur le fait qu’il revenait à la demanderesse d’établir la similitude voire l’identité entre les deux spectacles et que pour ce faire, il lui fallait produire au moins les éléments de question et de comparaison, donc les preuves justifiant ses demandes.
A hauteur d’appel, la société KE.M Prod ne tient toujours pas compte de ces motifs très pertinents puisque les supports gravés par l’huissier de justice ne sont toujours pas produits, mais en revanche l’est une clé USB dont la réalisation n’est ni expliquée ni justifiée. De même, les éléments de comparaison sont là encore bien insuffisants pour emporter la conviction de la cour alors que le spectacle dont l’exclusivité est revendiquée ayant été joué à plusieurs reprises, aux dires de l’appelante elle-même, il lui aurait été aisé de produire la vidéo de son intégralité et ce, recueillie dans des conditions sérieuses, incontestables donc probantes.
L’abus de l’appel interjeté par la société KE.M Prod est dès lors caractérisé.
En conséquence, la société KE.M Prod sera condamnée à une amende civile de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société KE.M Prod aux dépens d’appel ;
DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société KE.M Prod à verser à la société F. Productions la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande formée à ce titre par la société KE.M Prod ;
Vu l’article 32-1 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société KE.M Prod à une amende civile de 5 000 euros.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,