Votre panier est actuellement vide !
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 2
ARRET DU 31 MAI 2023
(n° , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/18593 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUOA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2022 – Tribunal judiciaire de Paris – RG n° 20/12513
APPELANTE
Société SQLF
SARL immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 833 016 165
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Agnès LEBATTEUX SIMON et plaidant par Me Cédric JOBELOT – SCP ZURFLUH – LEBATTEUX – SIZAIRE ET ASSOCIES – avocat au barreau de PARIS, toque : P0154
INTIMES
Monsieur [F] [T]
né le 16 août 1965 à [Localité 9] (57)
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représenté par Me Laurent LAGARDETTE de l’AARPI TERSOU LAGARDETTE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E2140
SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES [Adresse 4] représenté par son syndic la société DOMINIQUE G. FESSART SAS immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 479 919 490
C/O Société DOMINIQUE G. FESSART
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Laurent LAGARDETTE de l’AARPI TERSOU LAGARDETTE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E2140
SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES [Adresse 3] représenté par son syndic la société CABINET J. SOTTO, SASU immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 308 622 455
C/O CABINET J. SOTTO
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Laurent LAGARDETTE de l’AARPI TERSOU LAGARDETTE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E2140
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Madame Muriel PAGE, Conseillère
Mme Nathalie BRET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.
* * * * * * * * * * * *
FAITS & PROCÉDURE
M. [F] [T] est propriétaire d’un appartement au rez-de-chaussée de l’immeuble sis [Adresse 3], soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.
La société à responsabilité limitée SQLF a acquis, courant 2018, un appartement duplex situé au premier et deuxième étage de l’immeuble sis [Adresse 3], lequel correspond au lot n°4 décrit par le règlement de copropriété comme : ‘un appartement situé au 1er étage à gauche sur le palier (…) composé d’un bureau et un grand escalier, petite pièce à usage de cuisine ; au-dessus, au deuxième étage, desservis par un escalier extérieur, balcon et trois petites loges, water closet’.
L’assemblée générale des copropriétaires réunie le 18 juin 2018 a approuvé le modificatif au règlement de copropriété et à l’état descriptif de division, visant à changer l’affectation des nouveaux lots n°4 et 11 d’atelier en local d’habitation.
Au cours de l’assemblée générale du 22 novembre 2018, les copropriétaires ont autorisé la société SQLF à effectuer, à ses frais exclusifs, des travaux de modification de ses ouvertures sous réserve de respecter la réglementation en vigueur ainsi que le règlement de copropriété.
Se plaignant depuis de nuisances du fait de l’exploitation en location meublée touristique du lot appartenant à la société SQLF, M. [F] [T] et les copropriétaires de l’immeuble voisin sis [Adresse 4] ont fait intervenir un huissier de justice, le 29 septembre 2020, lequel a constaté la mise en ligne d’une annonce relative à l’appartement sur le site Airbnb.
Par courrier recommandé du 13 octobre 2020, le conseil de M. [F] [T] et du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] a mis en demeure la société SQLF de cesser toute activité de location de courte durée au motif que celle-ci génère des nuisances répétées pour la copropriété.
Le syndic de l’immeuble sis [Adresse 3] a mis la société SQLF en demeure, pour les mêmes raisons, par courrier recommandé du 9 avril 2021.
Ces courriers étant restés vains, par acte d’huissier délivré le 4 décembre 2020, M. [F] [T] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] ont saisi le tribunal aux fins de voir condamner la société SQLF à cesser toute exploitation commerciale et à les indemniser des préjudices subis.
Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] est intervenu volontairement à la procédure par conclusions du 21 mai 2021.
Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives n°3 du 21 janvier 2022, M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] et celui du [Adresse 3] ont demandé au tribunal, au visa des articles 329 du code de procédure civile, 9, 15 et 7 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et 544 du code civil, de condamner la société SQLF à cesser immédiatement toute exploitation commerciale, via location, du bien qu’elle détient dans l’immeuble sis [Adresse 3], et ce, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée à l’expiration d’un délai d’un mois après signification du jugement à intervenir, d’ordonner à la société SQLF de justifier auprès du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] du retrait des annonces de location du bien qu’elle détient dans ledit immeuble sur les sites AirBnb et Abritel, et ce, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, de condamner la société SQLF à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] et au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, la somme de 15.000 € en réparation du préjudice ayant résulté, pour chacun d’eux, des nuisances et des troubles ayant résulté de la mise en location commerciale du bien détenu par ladite société SQLF.
Aux termes de ses dernières conclusions en réponse n°4 du 10 janvier 2021, la société SQLF, au visa des articles 1382 du code civil, 835 du code de procédure civile et 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, a demandé au tribunal de débouter M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et, en tout état de cause, de les condamner in solidum à lui verser la somme de 10.000 € au titre de la réparation du préjudice subi consécutivement à la procédure abusive menée à son encontre.
Par jugement du 23 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
– condamné la société SQLF à cesser toute exploitation commerciale du lot n°4, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 1.000 € (mille euros) par infraction contestée, laquelle courra sur une période de deux mois, à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué si nécessaire par le juge de l’exécution,
– rejeté la demande de retrait des annonces de location sur les sites internet dédiés,
– condamné la société SQLF à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] et au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, une somme de 3.000 € (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts,
– rejeté la demande reconventionnelle de la société SQLF,
– condamné la société SQLF aux dépens,
– condamné la société SQLF à payer à M. [F] [T], au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,
– rejeté toutes autres demandes.
La société SQLF a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 4 novembre 2022.
Par ordonnance du 16 novembre 2022, la société SQLF a été autorisée à assigner à jour fixe le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] et M. [F] [T] pour l’audience du 22 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 22 mars 2023 par lesquelles la société SQLF, appelante, invite la cour, au visa des articles 1382 du code civil, 835 du code de procédure civile et 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, à :
– ordonner la jonction de la présente instance (RG 22/18593) avec la déclaration d’appel rectificative régularisée le 21 mars 2023 (RG 23/05079), laquelle est incorporée à la première déclaration d’appel régularisée le 4 novembre 2022,
– infirmer le jugement n°20/12513 du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 septembre 2022 en ce qu’il :
‘ a déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3],
‘ l’a condamnée à cesser toute exploitation commerciale du lot n°4, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 1.000 € (mille euros) par infraction contestée, laquelle courra sur une période de deux mois, à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué si nécessaire par le juge de l’exécution,
‘ l’a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] et au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, une somme de 3.000 € (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts,
‘ a rejeté sa demande reconventionnelle,
‘ l’a condamnée aux dépens,
‘ l’a condamnée à payer à M. [F] [T], au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ a rejeté toutes autres demandes,
– débouter M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
et statuant à nouveau de,
– déclarer irrecevable la demande de cessation de l’activité commerciale dans le lot n°4 au motif qu’elle est prescrite,
– débouter M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
– condamner in solidum M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à lui verser la somme de 10.000 € au titre de la réparation du préjudice subi consécutivement à la procédure abusive menée à son encontre,
– condamner M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à lui verser chacun la somme respective de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Vu les conclusions en date du 22 mars 2023 par lesquelles M. [F] [T], le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], intimés, invitent la cour, au visa des articles 542, 562, 768, 954 du code de procédure civile, 9, 15 et 17 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et 544 du code civil, à :
à titre principal,
– juger dépourvue d’effet dévolutif la déclaration d’appel du 4 novembre 2022 (déclaration d’appel n° 22/23349) ayant été régularisée par la société SQLF,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement ayant été rendu le 23 septembre 2022 par la 8ème chambre 3ème section du tribunal judiciaire de Paris (RG n° 20/12513) en toutes ses dispositions,
et par voie de conséquence,
– débouter la société SQLF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
– condamner la société SQLF à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] et au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], chacun, la somme de 6.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société SQLF aux entiers dépens ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Sur l’effet dévolutif de l’appel
La société SQLF a relevé appel le 4 novembre 2022 du jugement du tribunal de grande instance de Paris rendu le 23 septembre 2022, l’objet mentionné dans sa déclaration d’appel étant :
‘Appel du jugement en ce qu’il a :
– déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
– condamné la S.A.R.L. SQLF à cesser toute exploitation commerciale du lot n°4, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 1.000 € (mille euros) par infraction contestée, laquelle courra sur une période de deux mois, à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué si nécessaire par le juge de l’exécution,
– rejeté la demande de retrait des annonces de location sur les sites internet dédiés,
– condamné la S.A.R.L. SQLF à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] et au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, une somme de 3.000 € (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts,
– rejeté la demande reconventionnelle de la S.A.R.L. SQLF,
– condamné la S.A.R.L. SQLF aux dépens,
– condamné la S.A.R.L. SQLF à payer à M. [F] [T], au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], chacun, une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,
– rejeté toutes autres demandes.’ ;
M. [F] [T] et les syndicats des copropriétaires des [Adresse 3] et [Adresse 4] à [Localité 10] font valoir que cette déclaration d’appel qui ne mentionne pas l’objet de l’appel, soit l’infirmation, la réformation ou l’annulation du jugement de première instance, se trouve dépourvue de tout effet dévolutif ;
La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle ;
Aux termes de l’article 54 du code de procédure civile, la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.
A peine de nullité, la demande initiale mentionne : (…)
2° L’objet de la demande ; (…) ;
En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ;
En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ;
Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé ;
Par ailleurs, la déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile ;
En l’espèce, il n’est pas sollicité la nullité de la déclaration d’appel, les intimés invitent la cour à juger dépourvue d’effet dévolutif la déclaration d’appel du 4 novembre 2022 ayant été régularisée par la société SQLF ;
Or, l’article 562 du code de procédure civile sur l’effet dévolutif de l’appel ne se réfère qu’aux chefs de jugement critiqués et non à l’objet de l’appel ;
S’il n’est pas contesté que l’acte d’appel a omis de préciser l’objet de l’appel, à savoir l’infirmation, la réformation ou l’annulation de la décision déférée, cet acte contient bien les chefs du jugement critiqués ;
En énumérant les chefs du jugement qu’elle critique, la déclaration d’appel les a déférés à la connaissance de la cour, qui se trouve valablement saisie au regard de l’effet dévolutif qui s’attache aux chefs du jugement expressément critiqués par la société SQLF ;
En conséquence et sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur la régularisation de cette déclaration d’appel, il convient de débouter M. [F] [T] et les syndicats des copropriétaires des [Adresse 3] et [Adresse 4] à [Localité 10] de leur demande tendant à voir juger dépourvue d’effet dévolutif la déclaration d’appel du 4 novembre 2022 régularisée par la société SQLF ;
Compte-tenu de la seconde déclaration d’appel du 21 mars 2023 et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il sera fait droit à la demande de jonction des procédures inscrites au rôle de la cour, sous les numéros 22 /18593 et 23 /05079 et de dire qu’elles se poursuivront sous le numéro 22 /18593 ;
Sur la recevabilité de l’intervention volontaire du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3]
Le jugement déféré a déclaré le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] recevable en son intervention volontaire ;
Devant la cour, la société SQLF se contente de solliciter l’infirmation du jugement sur ce point sans développer de moyens ou arguments dans ses conclusions ;
Le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
Sur la contrariété de l’activité de location de courte durée au règlement de copropriété
Devant la cour, la société SQLF soulève la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de M. [F] [T] et les syndicats des copropriétaires des [Adresse 3] et [Adresse 4] à [Localité 10] sur laquelle le tribunal n’avait pas statué faute d’inscription de la demande au dispositif de ses conclusions ;
Elle fait valoir que son local est à usage commercial depuis plus de 40 ans puisqu’il était exercé dans les lieux, avant son acquisition, l’activité commerciale d’école de danse ;
L’action en cessation de l’usage d’une partie privative contrairement à sa destination définie par le règlement de copropriété se prescrit par cinq ans en application de l’article 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
S’il est exact que l’activité exercée dans le local était celle d’une école de danse, il ressort des pièces produites et notamment la déclaration modèle H2 du 16 décembre 1974 et la fiche infogreffe de Mme [O], qui dirigeait l’école, que l’occupation des lieux n’était pas à usage commercial mais à usage professionnel et que Mme [O] n’était pas inscrite au registre du commerce et des sociétés mais exerçait une profession libérale d’enseignement culturel ;
De surcroît, le règlement de copropriété de l’immeuble a expressément prévu que l’activité d’école de danse restait autorisée dans les appartements des étages, contrairement à l’activité commerciale qui est prohibée ;
La prescription n’est pas encourue ;
L’action visant à faire cesser immédiatement toute exploitation commerciale, via location, du bien détenu par la société SQLF, et ce, sous astreinte de 10.000 € par infraction constatée est recevable ;
Sur le fond, la société SQLF fait valoir que son activité ne contrevient pas au règlement de copropriété et à la destination de l’immeuble ;
Selon l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ‘chaque copropriétaire dispose des parties privatives de son lot, il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble’ ;
Aux termes de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l’état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l’administration des parties communes. Il énumère, s’il y a lieu, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative.
Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ;
En l’espèce, le règlement de copropriété de l’immeuble sis [Adresse 3] indique : ‘les appartements des étages à partir du 1er devront toujours être habités bourgeoisement, à l’exclusion de toute occupation commerciale, industrielle ou artisanale, à moins d’une dérogation expresse, donnée par le syndicat à la majorité des trois quarts des voix. La destination des locaux est soit d’habitation, soit à usage professionnel.
La danse, musique, ou chant étant pratiquée dans certains d’eux resteront autorisés et pourront continuer mais sans toutefois troubler l’immeuble, en conformité avec les règlements de police.
Sont formellement proscrits l’exploitation d’un cabinet vétérinaire, médical ou dentaire, de maison de tolérance et toute professions contraires aux bonnes vie et moeurs ou qui par le bruit et l’odeur, seraient susceptibles de troubler les copropriétaires.’ ;
Les activités commerciales sont donc expressément prohibées dans les appartements situés à partir du premier étage de l’immeuble, en ce compris le lot n°4 propriété de la société SQLF ;
Or, il n’est pas contesté par la société SQLF, qu’elle exerce dans les locaux qu’elle a acquis situés aux premier et deuxième étages de l’immeuble, une activité commerciale de location touristique meublée de courte durée ;
Selon la société SQLF, les clauses du règlement de copropriété qui interdisent l’activité commerciale dans l’immeuble doivent être réputées non écrites ;
Néanmoins, comme en première instance, elle n’émet aucune prétention dans le dispositif de ses conclusions à ce titre ;
De surcroît, contrairement à ses affirmations, l’immeuble n’est pas composé de multiples studios de danse, de musique et de chant à usage commercial dès lors que l’école de danse dirigée par Mme [O] n’est plus présente dans l’immeuble et qu’il a été vu qu’il s’agissait d’une profession libérale artistique quand bien même le lot n° 4 a été qualifié par la Direction des Finances de local commercial, étant observé que celle-ci a adressé à M. [U], un formulaire de déclaration de changement d’affectation de ‘professionnel en habitation’ ;
Egalement, aucun élément ne vient démontrer que des activités de chant ou de représentation théâtrale perdurent dans l’immeuble et le syndicat des copropriétaires précise qu’elles n’ont plus cours depuis des années ;
S’agissant de la promesse de vente consentie à M. [R] [U] sur le lot n° 8, correspondant à un appartement composé notamment d’un atelier s’il est exact que l’acte mentionne que sa dernière utilisation était ‘autre qu’habitation’, il n’est pas établi que cette utilisation était commerciale dès lors qu’il résulte des termes de la promesse de vente que le promettant est une société civile immobilière et que les lieux correspondent à l’adresse de son siège social ;
Le règlement de copropriété a une nature conventionnelle et sa violation engage la responsabilité contractuelle du copropriétaire contrevenant ;
Or, comme l’a dit le tribunal, le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est une activité commerciale qui contrevient directement aux clauses du règlement de copropriété précitées relatives à l’usage que les copropriétaires doivent faire de leur lot et à la destination bourgeoise de cet immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible ;
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la société SQLF à cesser toute exploitation commerciale du lot n°4, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 1.000 € par infraction contestée (lire constatée), laquelle courra sur une période de deux mois, à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué si nécessaire par le juge de l’exécution ;
Le rejet de la demande de retrait des annonces de location de courte durée sur les sites spécialisés n’est pas contesté en appel ;
Sur les nuisances suscitées par l’activité de location de courte durée
A l’appui de son appel, la société SQLF maintient qu’il n’est apporté aucune démonstration matérielle des nuisances récurrentes alléguées, que les attestations produites n’évoquent que trois événements ponctuels et ne sont pas étayées par des vidéos ou des photographies, qu’elle a conclu un contrat avec la société Roomonitor, qui surveille les variations sonores à l’aide d’un logiciel de reconnaissance des bruits en temps réel ;
Selon l’article 544 du code civil, le droit pour un propriétaire de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage ;
La mise en oeuvre de cette responsabilité objective spécifique et autonome ne nécessite ni la preuve d’une faute ni la preuve d’une intention de nuire, mais uniquement la démonstration du caractère anormal du trouble invoqué ;
Les juges du fond apprécient souverainement en fonction des circonstances de temps et de lieu, la limite de la normalité des troubles de voisinage ;
En l’espèce, contrairement aux affirmations de la société SQLF, les attestations produites aux débats par les intimés permettent d’établir que les événements festifs ou professionnels organisés dans les locaux lui appartenant ne se résument pas à trois événements ponctuels mais sont récurrents (dernier week-end d’août 2020, nuit du 26 au 27 septembre 2020, soirée du 27 novembre 2020, fête le 9 janvier 2021, soirées du 5 au 10 février 2021 notamment) et occasionnent des nuisances sonores très importantes portant atteinte à la tranquillité des résidents des deux immeubles du [Adresse 4] et [Adresse 3] ;
Trois copropriétaires, dont M. [T], se sont déplacés au commissariat du 9ème arrondissement pour déposer des mains-courantes à l’issue de la soirée du 26 au 27 septembre 2020, évoquant des bruits de musique assourdissants de 23 heures à 6 heures du matin ;
La quasi-totalité des copropriétaires de l’immeuble ont témoigné de tapages nocturnes répétés générés par la location Airbnb, de va-et-vient incessants et incivilités commises par la clientèle de passage ;
Aux nombreuses attestations concordantes, conformes aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, produites par les intimés s’ajoutent des photographies non contestées de l’événement du dernier week-end d’août (pièce 8), de l’événement du 9 au 10 janvier 2021(Pièce 19b) et des vidéos en pièces 32 et 33 ;
La société SQLF ne peut valablement soutenir que de nombreux autres événements festifs se sont déroulés dans l’immeuble, alors qu’elle ne produit qu’une affiche d’une soirée organisée au 5ème étage ‘une petite fête en comité restreint’ ainsi qu’une vidéo relative à cet événement ;
Les nuisances sonores émanent bien de la location Airbnb et l’installation d’appareils de surveillance des niveaux de bruit, telle qu’elle ressort de la pièce 12, ‘cet appareil surveille les niveaux de bruit à l’intérieur de l’appartement en temps réel, envoyant des alertes lorsque les valeurs autorisées sont dépassées’ outre le service ‘alarm’ qui avertit les locataires en cas de bruit excessif, n’apparaissent pas suffisants pour les éviter ;
Par ailleurs, Mme [H], concierge de l’immeuble du [Adresse 4], a adressé un mail au syndic de l’immeuble, pour se plaindre, photographies à l’appui, de l’amoncellement de détritus laissés dans la cour de l’immeuble du fait de la location Airbnb expliquant en outre que la cour de l’immeuble devient un local pour fumer ;
Des photographies de détritus laissés dans la cour, sont également produites en pièce 29 des intimés ;
Le 11 juin 2021, Maître [L], huissier de justice, a constaté la présence d’une dizaine de personnes se tenant devant l’entrée de l’immeuble du [Adresse 4], laquelle permet d’accéder à l’immeuble du [Adresse 3], la porte étant ouverte et calée par un sac, la présence de plusieurs personnes se tenant à l’intérieur du hall de l’immeuble sis [Adresse 4], une quantité importante de matériel de tournage entreposé dans la cour intérieure des immeubles, un tournage étant organisé dans l’appartement du 1er étage de l’immeuble du [Adresse 3], loué pour l’occasion ;
Dès lors, même si selon les explications de la société SQLF, la verbalisation du samedi 29 mai 2021 pour tapage nocturne ne concernait pas la location Airbnb mais l’appartement du 3ème étage appartenant à M. [U] (l’un de ses associés), l’ensemble des pièces produites permettent de caractériser des nuisances sonores, tapages nocturnes, allers et venues répétés de personnes extérieures à l’immeuble, incivilités en lien avec la location de son appartement ;
Comme l’ont dit les premiers juges, l’activité de location de courte durée exercée par la société SQLF dans le lot n°4 génère des troubles excédant, par leur ampleur et leur répétition, les inconvénients normaux de voisinage et engageant la responsabilité de son auteur ;
Le tribunal a évalué à juste titre, le préjudice collectivement ressenti par les copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] mais aussi de l’immeuble sis [Adresse 4] à la somme de 3.000 € ;
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la société SQLF à régler ladite somme à chacun des syndicats ;
Sur la demande reconventionnelle de la société SQLF
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société SQLF de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été équitablement faite de l’article 700 du code de procédure civile ;
La société SQLF, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer aux syndicats des copropriétaires intimés, la somme supplémentaire de 3.000 € chacun, par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par la société SQLF ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Déboute M. [F] [T] et les syndicats des copropriétaires des [Adresse 3] et [Adresse 4] à [Localité 10] de leur demande tendant à voir juger dépourvue d’effet dévolutif la déclaration d’appel du 4 novembre 2022 régularisée par la société SQLF ;
Prononce la jonction des procédures inscrites au rôle de la cour, sous les numéros 22 /18593 et 23 /05079 et dit qu’elles se poursuivront sous le numéro 22 /18593 ;
Déclare non prescrite et recevable la demande de cessation de l’activité commerciale dans le lot n° 4 ;
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société SQLF aux dépens d’appel ainsi qu’à payer aux syndicats des copropriétaires des [Adresse 3] et [Adresse 4] à [Localité 10], la somme supplémentaire de 3.000 € chacun, par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT