Droits des artistes : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01084

·

·

Droits des artistes : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01084
Ce point juridique est utile ?

ARRET N°

du 31 janvier 2023

N° RG 22/01084 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFYW

Société LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE

c/

[L]

Formule exécutoire le :

à :

Me Stéphane BLAREAU

la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE 1ère SECTION

ARRET DU 31 JANVIER 2023

RENVOI DE CASSATION

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de PARIS, décision attaquée en date du 20 Décembre 2018, enregistrée sous le n° 2018021081

Arrêt Au fond, origine Cour d’Appel de PARIS, décision attaquée en date du 23 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 19/02605

Jugement Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 09 Février 2022, enregistrée sous le n° H20-20.602

DEMANDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE

Société LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE

en son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane BLAREAU, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDEUR A LA DECLARATION DE SAISINE

Madame [T] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier DELVINCOURT de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Amaury SONET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame Florence MATHIEU, conseillère, a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et Madame Eva MARTYNIUK, greffière lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 05 décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Eva MARTYNIUK, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par un acte du 23 mars 2016, la société « les déchargeurs-le pôle » a ouvert un compte courant dans les livres de la société Caisse d’Épargne et de prévoyance Île-de-France, ci-après dénommée la caisse d’épargne, pour les besoins de son activité professionnelle de gestion d’un lieu artistique.

Par un acte du 12 avril 2017, Madame [T] [L] s’est portée caution solidaire et indivisible envers la caisse d’épargne, en garantie du remboursement des dettes pouvant être dues par la société « les déchargeurs-le pôle », dans la limite de 26.000€ pour une durée déterminée de 5 mois, le terme étant expressément prévu le 12 septembre 2017.

Le même jour, Madame [L] a rempli une fiche de patrimoine, de laquelle il résulte qu’elle est propriétaire d’un bien immobilier sis à [Localité 6] et d’un appartement sis à [Localité 5].

Par jugement du 17 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société « les déchargeurs-le pôle ». Par courrier en recommandé du 21 décembre 2017, la caisse d’épargne a déclaré sa créance afférente au solde débiteur du compte courant susvisé pour un montant de 24.558,46 €, à titre chirographaire.

Par courrier du même jour en recommandé, la banque a mis en demeure Madame [L], en sa qualité de caution, d’avoir à lui régler la créance afférente au compte courant à l’issue de la période d’observation.

Au 12 septembre 2017, date du terme de l’engagement de caution de Madame [L], le compte courant susvisé présentait un solde débiteur de 25.528,57 euros.

Par ordonnance du 15 février 2018 le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé la caisse d’épargne à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier situé à Paris appartenant à Madame [L], et ce pour garantir la somme de 17 000 €. Cette hypothèque a été inscrite 2 mars 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 6] et a été dénoncé à Madame [L] par acte huissier du 7 mars 2018.

La caisse d’épargne, ne bénéficiant pas encore d’un titre exécutoire, en vertu des articles L 511-4 et R 511-7 du code des procédures civiles d’exécution, par acte huissier en date du 26 mars 2018 a fait assigner Madame [T] [L] devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de cette dernière à lui payer les sommes de :

-25.528,57 euros outre les intérêts au taux contractuel de 12,60 à compter du 1er juillet 2017 et capitalisation des intérêts échus au titre du solde du compte-courant de la société,

-2.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 20 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, :

-condamné Madame [T] [L] en sa qualité de caution, à payer à la caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France, au titre du compte courant n°90000 08 0089460 52, la somme de 16.696,61 €, et dit que Madame [T] [L] pourra s’acquitter de cette dette par 23 versements mensuels égaux de 300€ chacun, le solde étant payé à la 24ème mensualité, le premier paiement devant intervenir dans les 30 jours de la signification du présent jugement mais que, faute pour Madame [T] [L] de payer à bonne date une seule des échéances prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible,

-dit que la somme due de 16.696,61 € portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2017.

-ordonné la capitalisation des intérêts.

-dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 CPC.

-condamné madame [T] [L] aux dépens.

Par un acte en date du 4 février 2019, la caisse d’épargne a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt en date du 23 juillet 2020, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau a :

-débouté la caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de madame [L] afférentes au cautionnement du 12 avril 2017 ;

-condamné la caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France à payer à madame [T] [L] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-l’a déboutée de sa propre demande formulée sur ce même fondement,

-condamné la caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse d’épargne, par un arrêt en date du 9 février 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé totalement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris et remis l’affaire et les parties en l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Reims. Elle a condamné Madame [L] aux dépens et au versement de la somme de 3.000€ à la caisse d’épargne au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation a adopté la motivation suivante :

« Aux termes l’article 2290 du code civil, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.

Pour rejeter la demande de la banque, l’arrêt retient que la caution peut invoquer, en vertu de la convention des parties, le non-respect du délai expressément stipulé pour la mise en jeu de son engagement et qu’en l’espèce la créance de la banque n’est devenue exigible qu’à la clôture du compte-courant, le 17 juillet 2018 soit après le terme convenu de l’obligation de couverture, le 12 septembre 2017.

En statuant ainsi alors qu’elle retenait que la période de couverture avait pris fin le 12 septembre 2017, à l’expiration du délai fixé par les parties, et que, sauf clause contraire, l’engagement de la caution pour une durée limitée demeure pour les obligations nées avant le terme fixé, peu important la date de leur exigibilité et celle des poursuites, de sorte que Madame [L] était tenue de garantir le solde débiteur provisoire du compte-courant de la société, débitrice principale, arrêté au 12 septembre 2017, sauf à ce que, en l’absence de clause contraire, toute remise postérieure, fût-elle constituée d’une avance consentie par la banque, vienne en déduction du montant de la dette, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Par déclaration en date du 23 mai 2022, la société la caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France a saisi la cour d’appel de Reims comme juridiction de renvoi en exécution de l’arrêt de cassation susvisé.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 11 juillet 2022, la caisse d’épargne conclut à l’infirmation partielle du jugement déféré et demande à la cour de renvoi de :

Condamner madame [T] [L], en sa qualité de caution, à lui payer au titre du compte courant n°90000 08 0089460 52, la somme de 22.528,35 € outre les intérêts au taux contractuel de 12,60% à compter du 12 avril 2022, date du dernier décompte.

Condamner madame [T] [L], à lui payer la somme de 7.415 € outre les intérêts légaux postérieurs au 20 septembre 2020.

Dire que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l’article 1343-2 du Code civil.

Débouter madame [T] [L] de ses demandes.

Condamner madame [T] [L] à lui payer la somme de 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 30 août 2022, Madame [T] [L] conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

-débouter la banque de ses demandes en paiement et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 10.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles,

-subsidiairement, dire que l’engagement de caution est limité à la somme de 16.795,16 euros et en toute hypothèse lui accorder un délai de 2 ans à compter de la signification de l’arrêt à intervenir pour lui permettre de régler sa dette.

Elle soutient que la clause sur le terme du cautionnement est claire en ce que tant l’obligation de couverture que de règlement avaient pour terme 2 mois et 3 mois soit le 12 septembre 2017 de sorte qu’elle n’est pas débitrice de la banque.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 2290 du code civil, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses ;

Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.

Le cautionnement qui excède la dette, qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale.

Aux termes de l’article 2292 du même code, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Il est établi par les pièces versées aux débats que Madame [L] par acte du 12 avril 2017 s’est portée caution solidaire des dettes pouvant être dues par la société Les déchargeurs /le Pôle, et ce à hauteur de 26 000 euros, soit 20.000 euros au titre du principal et de 6.000 euros au des intérêts, commissions, frais et accessoires, pénalités et intérêts de retard, et pour la durée de 5 mois, soit jusqu’au 12 septembre 2017. Au vu du libellé du cautionnement, la cour estime que le terme fixé dans le cautionnement, soit le 12 septembre 2017, doit être considéré comme visant la seule obligation de couverture, car, si la caution garantit les dettes d’un débiteur pour telle durée, cela signifie qu’elle s’oblige à payer à la place du débiteur défaillant les dettes contractées pendant la même période, quelle que soit l’époque de leur exigibilité ou celle des poursuites et que le terme ne met fin à la garantie que pour des obligations nouvelles, nées postérieurement à son expiration. En effet, c’est la détermination de la date de la naissance de la créance qui importe, laquelle diffère de la date d’exigibilité de la créance puisqu’une créance peut devenir exigible longtemps après la date d’extinction du cautionnement. Dans l’hypothèse du cautionnement du solde débiteur d’un compte-courant consenti pour une durée déterminée, ce qui est le cas en l’espèce, la caution est tenue de garantir dans la limite de son engagement, le solde débiteur de ce compte au jour de l’expiration du cautionnement, sauf à ce que toute remise postérieure, fût-elle constituée d’une avance consentie par la banque, vienne en déduction du montant de la dette.

Au cas présent, il est justifié de ce qu’au 12 septembre 2017, date du terme de l’engagement de caution de Madame [L] (fixé d’un commun accord entre les parties dans l’acte du 12 avril 2017) le compte courant garanti de la société précitée était débiteur de 25.528,57 euros.

Devant la cour de renvoi, la banque actualise son décompte au 12 avril 2022 et réclame la somme globale de 22.578,35 euros (après avoir défalqué un règlement de 300 euros) comprenant notamment la somme en principal de 16.696,61 euros, ainsi que des intérêts à compter du 21 décembre 2017 et des frais de procédure relatives aux instances devant la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation.

Il ressort de l’historique du relevé de compte de la société Les déchargeurs /le Pôle qu’au 11 décembre 2017, que le solde débiteur du compte courant s’élevait à la somme de 16.696,61 euros ; dès lors, au vu des incohérences relevées dans les demandes successives de la banque dans le corps de ses écritures, il convient de retenir la somme de 16.696,61 euros au titre du compte courant garanti par le cautionnement et de condamner Madame [L] à payer à la banque la somme de 16.696,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2017, date de la mise en demeure, en lieu et place des intérêts conventionnels sollicités.

En vertu de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année entière est de droit si elle est demandée par le créancier, ce qui est le cas en l’espèce ; dès lors, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts précités.

Il résulte de l’article 1343-5 du code civil que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des délais de grâce peuvent être accordés au débiteur. En l’espèce, la cour relève que Madame [L] est propriétaire d’un bien immobilier et qu’au vu de l’ancienneté de l’affaire, elle a déjà bénéficié de larges délais de paiement. Dans ces conditions, il convient de la débouter de sa demande sur ce point et d’infirmer le jugement déféré de ce seul chef.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Madame [L] succombant, elle sera tenue aux dépens d’appel.

Les circonstances de l’espèce commandent de débouter les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 février 2022,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 décembre 2018, sauf en ce qu’il a accordé des délais de paiement à Madame [T] [L].

Et statuant à nouveau,

Déboute Madame [T] [L] de sa demande de délais de paiement.

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Condamne Madame [T] [L] aux dépens d’appel et fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x