Droits des Artistes : 28 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12919

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Droits des Artistes : 28 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12919
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28 septembre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/12919

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/587

Rôle N° RG 22/12919 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKCU4

[U] [F]

C/

[G] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Patrick LEROUX

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 20 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 20/02288.

APPELANTE

Madame [U] [F]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4] – [Localité 1]

représentée et assistée par Me Patrick LEROUX de la SELARL LEROUX PATRICK, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉ

Monsieur [G] [D]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 5] – [Localité 9]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Michel MONTAGARD de l’AARPI MONTAGARD & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

Monsieur [G] [D] a été autorisé à prendre une inscription d’hypothèque provisoire sur un bien immobilier appartenant à madame [U] [F], situé à [Adresse 4] et dénommé villa Mireille, pour avoir garantie d’une créance de 756 954.70 €. Il indiquait avoir vécu avec madame [F], artiste plasticienne renommée, et avoir contribué à l’acquisition de l’immeuble et son amélioration par d’importants travaux, tandis que cette dernière s’était engagée à lui reverser la moitié des gains obtenus par la vente du bien.

Madame [F] a contesté cette mesure devant le juge de l’exécution de Grasse, qui par décision du 20 septembre 2022 a :

– rejeté l’ensemble de ses contestations,

– l’a condamnée à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Il retenait que le principe de créance était établi au vu de diverses factures établies au nom de monsieur [D] ou acquittées par lui, et d’un arrêté de compte portant la signature de madame [F] dont il ne résultait pas qu’il ait été extorqué. Le relationnel tendu entre les parties depuis leur séparation en 2020 et l’importance de la créance vraisemblable lors de la vente du bien lui paraissait caractériser un risque de non recouvrement.

Madame [F] a fait appel de la décision par déclaration au greffe de la cour, le 28 septembre 2022.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 13 février 2023, auxquelles il est ici renvoyé, madame [U] [F] demande à la cour de :

Vu l’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article 1353 du Code civil,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 20

septembre 2022,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– dire et juger que monsieur [G] [D] ne justifie pas d’une créance paraissant fondée en son

principe, ni de menaces de recouvrement de sa prétendue créance ;

– ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire prise sur le bien à [Localité 9], [Adresse 4], appelée villa Mireille, cadastrée section [Cadastre 6], dont elle est propriétaire,

Subsidiairement,

Dans le cas où la cour devait considérer que monsieur [D] justifierait d’une créance paraissant fondée en son principe au titre des travaux réalisés,

– réduire le montant de l’assiette de l’hypothèque judiciaire provisoire à la somme de 178 435,44 euros,

En tout état de cause,

– dire et juger que les frais de mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire seront à la charge de monsieur [D],

– condamner monsieur [D] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle expose que monsieur [D] a profité de leur liens affectifs pour la spolier progressivement de tous ses droits d’artiste au moyen de différents contrats dont elle n’a jamais eu aucune contrepartie. Un important contentieux judiciaire a existé entre eux et la cour d’appel dans un arrêt du 10 juin 2021 a admis cette véritable dépossession. Il en aurait été de même lorsqu’en mars 2016, monsieur [D] s’est improvisé maître d’oeuvre et maître de l’ouvrage sur l’immeuble qu’elle a acquis à [Localité 9]. Elle souligne que monsieur [D] a saisi le juge du fond le 2 juin 2020 pour voir consacrer ses créances, mais que le tribunal judiciaire de Grasse, par décision du 15 novembre 2022 a déclaré nulle pour vice du consentement l’attestation de madame [F] s’engageant à donner la moitié de la plus value et le décompte de travaux en condamnant cependant madame [F] à lui payer la somme totale de 178 435.44 euros en remboursement des sommes employées par lui en travaux. Elle a mis en vente l’immeuble dont s’agit mais il est invendable en raison de travaux non autorisés tels la piscine et un escalier, non régularisables. Les travaux ne sont pas justifiés, alors que monsieur [D] est propriétaire de plusieurs immeubles et qu’une confusion entre tous est opérée pour les factures produites. Même après le jugement de fond, elle soutient que demeurent des incohérences et que la facture des travaux n’est pas justifiée. Madame [F] ajoute que les dépenses ont été faites dans une intention libérale et pour compenser ses frais d’hébergement par monsieur [D]. Le bien ne pouvant être cédé, il n’y a pas de menace dans le recouvrement outre le fait qu’elle n’a jamais perçu les diverses redevances qui lui sont dues par la société Artmedi. Elle indique s’être acquittée de la dette fixée par le jugement du 15 novembre 2022 assorti de l’exécution provisoire mais à titre subsidiaire demande que l’assiette de l’inscription soit réduite à ce montant de 178 435.44 €.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 15 mai 2023, auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [G] [D] demande à la cour de :

Vu les articles 1100-1, 1103 et 1231-1 du code civil,

Vu l’article L. 51 1-1 du code des procédures civiles d ‘execution,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 septembre 2022 par le juge de l’exécution de Grasse, ayant :

– Débouté madame [U] [F] dite [M], de ses demandes,

– Condamné madame [U] [F] dite [M], à lui payer la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procedure civile,

– Condamné madame [U] [F] dite [M], aux dépens,

– la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner madame [U] [F] dite [M] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de l’appel visés a l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la présente instance.

Il explique avoir engagé d’importantes dépenses pour procéder à des travaux dans l’immeuble acquis par son ancienne compagne en 2016, qu’il chiffre à 189 878.07 euros et que madame [F] s’est en outre, engagée par écrit, le 2 juin 2017, à partager avec lui la moitié des gains sur la vente du bien, après bien entendu, avoir fait les calculs pour rembourser ses frais engagés. Or, la villa a été proposée à la vente au prix de 2 950 000 euros en janvier 2020. Il indique avoir fait appel de la décision du tribunal judiciaire du 15 novembre 2022 qui a invalidé une partie des engagements pris par madame [F], ce jugement n’est donc pas définitif. Sur le fondement de l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution, et malgré la décision précitée, il soutient que les critères à mettre en oeuvre ne sont pas les mêmes. Il n’aurait qu’à justifier d’une créance fondée en son principe, en sa vraisemblance. Il justifie par de nombreuses pièces des factures qu’il a acquittées. Il a même pris en charge le paiement de certaines mensualités du prêt immobilier. Bien qu’il soit propriétaire d’autres biens immobiliers, aucun d’eux n’a bénéficié des dépenses qu’il invoque, madame [F] n’apportant aucune preuve de ses dires sur ce point alors que les factures étaient bien adressées à madame [F] elle même, donc concernaient nécessairement son bien. Il combat fermement toute idée de contrainte envers cette dernière. Ayant financé au total pour 224 349.70 euros, il invoque également la notion d’enrichissement sans cause, soulignant qu’il a très peu résidé dans cette maison et n’avait aucune intention libérale en faisant ces dépenses. Il estime à 498 262.63 euros la plus value à laquelle il a droit sur le prix de vente de la maison. Monsieur [D] affirme l’existence de menaces sur le recouvrement alors qu’à la suite du jugement prononcé le 15 novembre 2022, signifié le15 décembre 2022, encore aucune somme ne lui a été payée, et au regard des relations difficiles entre les parties, qui s’opposent régulièrement sur le plan judiciaire tandis que madame [F] a été contrainte de vendre des bijoux pour satisfaire à son train de vie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

L’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute personne dont la créance parait fondée en son principe, peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Il est vrai, comme le soutient monsieur [D], que l’appréciation faite par le juge de l’exécution sur une telle demande de mesure conservatoire, se base sur une apparence, une vraisemblance de créance, et le fait qu’il existe un risque de non recouvrement.

Mais cette appréciation ne peut être isolée du contexte du dossier, et en particulier des décisions de fond qui ont pu être rendues par d’autres juridictions entre les parties. Ainsi même si un appel a été formé à l’encontre de la décision du tribunal de Grasse en date du 15 novembre 2022, cette décision garde une autorité et procéde nécessairement d’une analyse beaucoup plus poussée que la simple apparence, des pièces et éléments probatoires communiqués par les plaideurs. Or, ce jugement n’a admis au profit de monsieur [D] qu’une créance de 178 435.44 euros au titre des travaux, en invalidant l’engagement de madame [F] à verser la moitié de la plus value qu’elle réaliserait à la vente de l’immeuble, qui au demeurant ne serait pas vendu, ce au motif d’un vice du consentement et d’une contrainte qu’elle aurait subie.

Madame [F] justifie par la communication d’un décompte de la SAS Huissier 06, sous la signature de Me [E], commissaire de justice, avoir acquitté cette somme de 178 435.44 euros admise par le jugement du 15 novembre 2022 outre les frais de procédure et actes, pour un montant de 826.67 euros, de sorte que désormais il n’existe plus d’apparence de créance et qu’il y a lieu de faire droit à sa demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire.

Il est inéquitable de laisser à la charge de madame [F] les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 2 000 euros lui sera accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de monsieur [D] qui succombe en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

INFIRME la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Vu le jugement du tribunal de Grasse du 15 novembre 2022,

Vu le décompte de la SAS Huissier 06, constatant le paiement des sommes mises à la charge de madame [F] par cette décision,

ORDONNE la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire prise par monsieur

[G] [D], le 29 avril 2020, au service de la publicité foncière Antibes 1, sur le bien immobilier de madame [U] [F] dite [M] situé à [Adresse 4], appelée ‘villa Mireille’, cadastrée section [Cadastre 6],

DIT que les frais de mainlevée seront à la charge de monsieur [D],

CONDAMNE monsieur [D] à payer à madame [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [D] aux dépens de première instance et d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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