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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00154 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EZC6.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 12 Février 2021, enregistrée sous le n° F 19/00067
ARRÊT DU 25 Mai 2023
APPELANT :
Monsieur [I] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Maître Nathalie GREFFIER, avocat au barreau d’ANGERS, substituée par Maître LABARRE
INTIMEE :
S.A. DELTA NEO VENANT AUX DROITS DE DELTA COMPOSANTS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 25 Mai 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
La Sa Delta Neo, venant aux droits de la société Delta Composants, est spécialisée dans le secteur d’activité de la fabrication d’articles en fils métalliques, de chaînes et de ressorts. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective de la métallurgie de la Sarthe.
M. [I] [M] a été engagé par la société Delta Composants par contrat de travail à durée indéterminée du 19 juin 2017 en qualité de responsable du secteur perçage, statut cadre, position II, indice 108 de la convention collective précitée.
Par un avenant du 13 décembre 2017, la rémunération annuelle de M. [M] a été portée à la somme de 40 000 euros brut outre une rémunération variable versée en janvier de l’année N+1.
Le 17 juillet 2018, M. [M] a été placé en arrêt de travail jusqu’au 2 septembre 2018. Cet arrêt de travail a été prolongé jusqu’au 9 décembre 2018.
Par courrier du 25 juillet 2018, la société Delta Composants a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 3 août 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 août 2018, et au vu de l’absence du salarié à l’entretien préalable prévu le jour-même, la société Delta Composants a adressé à M. [M] les motifs la conduisant à envisager son licenciement en lui accordant un délai jusqu’au 10 août pour présenter ses observations. Dans ce courrier, l’employeur reprochait au salarié son insuffisance de résultats sur le plan commercial, son insuffisance de compétences caractérisée par un manque d’organisation et un management défaillant, l’absence de transmission des rapports de visites clients, et la rétention du matériel de l’entreprise nécessaire à la continuité de l’activité.
Puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 14 août 2018, la société Delta Composants a notifié à M. [M] son licenciement pour insuffisance professionnelle en reprenant les griefs invoqués dans le courrier du 3 août 2018.
Par courrier du 22 août 2018, M. [M] a contesté l’intégralité des manquements reprochés, précisant avoir réceptionné le courrier du 3 août seulement le 10 août et n’avoir pu transmettre ses observations dans le délai imparti.
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes du Mans le 25 février 2019, pour obtenir la condamnation de la société Delta Composants, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées, les congés payés afférents, une indemnité de congés payés complémentaire, une prime de rémunération variable, les congés payés afférents, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts du fait des circonstances de la rupture du contrat de travail, des dommages et intérêts pour préjudice familial dont les frais de déménagement outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Delta Composants s’est opposée aux prétentions de M. [M] à l’exception d’un rappel de rémunération variable minoré par rapport à la demande, et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 12 février 2021, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [M] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, de congés payés afférents, d’indemnité de congés payés complémentaire ;
– condamné la société Delta Composants à verser à M. [M] la prime variable d’intéressement réclamée à hauteur de 29 006,57 euros, outre les congés payés y afférents à hauteur de 2 900,65 euros ;
– ordonné la remise par la société Delta Composants à M. [M] d’un bulletin de salaire conforme, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi rectifiés, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le délai de huit jours suivant la notification du jugement, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte ;
– dit que le licenciement de M. [M] pour motif réel et sérieux est fondé ;
– débouté M. [M] de l’ensemble de ses autres demandes à savoir dommages et intérêts pour rupture dénuée de cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et préjudice moral ;
– condamné la société Delta Composants à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société Delta Composants de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement sur le fondement de l’article R.1454-28 du code du travail en retenant une moyenne de 3 367,34 euros ;
– condamné la société Delta Composants aux entiers dépens.
M. [M] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 26 février 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.
La société Delta Neo, venant aux droits de la société Delta Composants, a constitué avocat en qualité de partie intimée le 5 mars 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur du 7 mars 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [M], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 25 mai 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel ainsi qu’en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions lui faisant grief sauf celles concernant l’octroi de la prime variable d’intéressement et les congés payés afférents non soumis à la cour ;
– requalifier la rupture du contrat de travail en rupture abusive du contrat de travail ;
– condamner la société Delta Neo à lui payer à titre de rappel de salaires et congés payés afférents les sommes suivantes :
* heures supplémentaires : 3 024 euros brut ;
* congés payés sur heures supplémentaires : 302,40 euros brut ;
* indemnité de congés payés complémentaire : 466,25 euros brut ;
– condamner la société Delta Neo à lui payer au titre de la rupture du contrat de travail les sommes suivantes :
* dommages et intérêts pour rupture abusive : 18 000 euros ;
* dommages et intérêts pour non remise de l’attestation Pôle emploi conforme au jugement : 21 835 euros ;
* dommages et intérêts pour les circonstances de la rupture : 1 mois de salaire : 3 367 euros ;
* préjudice familial dont frais de déménagement (3 300 euros) : 2 mois de salaire: 6 734 euros ;
– ordonner en conséquence la remise des documents administratifs conformes sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;
– et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables en tout cas non fondées;
– condamner la société Delta Neo à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [M] fait valoir qu’il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées par la société Delta Neo assurant que le système de pointage utilisé ne permettait pas de contrôler la réalisation d’heures supplémentaires dans la mesure où il n’était pas possible d’enregistrer une prise de poste avant 8 heures ou un départ après 17h15.
Il soutient ensuite que la société Delta Neo ne l’a pas rémunéré de la totalité des congés payés auxquels il pouvait prétendre, indiquant que cinq jours de congés lui ont été déduits au lieu de quatre à l’occasion de son mariage. Il ajoute que deux jours de congés ont été déduits à tort au mois de novembre 2018.
M. [M] prétend également que la société Delta Neo a adopté un comportement déloyal dans le cadre de la rupture du contrat de travail. À cet égard, il indique qu’elle a attendu son déménagement dans la Sarthe pour solliciter sa démission puis, face à son refus, a mis en oeuvre une procédure de licenciement ce, alors que son contrat de travail était suspendu par un arrêt de travail. Le salarié souligne également avoir acquis des actions de la société peu de temps avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Enfin, il prétend avoir été harcelé par son employeur pour la récupération du matériel de l’entreprise.
M. [M] soutient par ailleurs que la reconnaissance par la société Delta Neo de la nécessité de lui verser la rémunération variable au titre de l’exercice 2018 compte tenu de l’augmentation du résultat d’exploitation de l’activité perçage exclut l’hypothèse d’une insuffisance professionnelle. Il ajoute n’avoir jamais été alerté pendant l’exécution de son contrat de travail sur d’éventuelles difficultés techniques et organisationnelles. Il conteste ensuite chaque grief avancé par son employeur, et affirme que les attestations communiquées par ce dernier sont mensongères. Il estime que son licenciement ne repose par conséquent sur aucune cause réelle et sérieuse.
Enfin, M. [M] affirme que l’absence de paiement de sa rémunération variable a minoré ses droits au chômage et les indemnités journalières de sécurité sociale versées pendant la suspension de son contrat de travail, aggravant son préjudice qu’il estime supérieur à la réparation maximale fixée par le barème de l’article L.1235-3 du code du travail. Il sollicite le rejet de ce barème soulevant son inconventionnalité au regard des articles 4 et 10 de la convention n° 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne.
*
La société Delta Neo, venant aux droits de la société Delta Composants, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 23 août 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes du Mans du 12 février 2021 ;
– constater l’absence de preuve de la réalité des heures supplémentaires dont le paiement est sollicité ;
– constater que M. [M] a été rempli de ses droits au titre de ses congés payés et qu’il n’existe aucune erreur de décompte ;
– dire que le licenciement de M. [M] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ;
À titre infiniment subsidiaire :
– constater que l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicitée par M. [M] est excessive et dépasse le plafond d’indemnisation fixé par le code du travail ;
– dire que cette indemnité ne saurait être supérieure à une somme correspondant à 2 mois de salaire ;
En tout état de cause :
– condamner M. [M] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [M] aux entiers dépens.
La société Delta Neo assure qu’elle contrôlait les horaires de ses salariés à l’aide d’un logiciel de gestion de production fiable et infalsifiable, et que M. [M] n’a réalisé aucune heure supplémentaire. Elle ajoute que les tableaux communiqués par le salarié sont établis par un site internet et ne sont confirmés par aucune autre pièce concrète permettant de faire concorder les heures prétendument réalisées avec son activité réelle. En tout état de cause, elle indique qu’elle n’a jamais donné son accord pour la réalisation d’heures supplémentaires et que M. [M] ne justifie pas de la nécessité de réaliser ces heures supplémentaires pour la réalisation des tâches confiées.
L’employeur fait ensuite observer qu’il a correctement déduit cinq jours de congés pour le mariage de M. [M] lesquels ont été pris du 5 au 9 novembre 2018 et qu’aucune erreur n’a été réalisée dans le décompte des jours de congés en novembre 2018.
La société Delta Neo assure par ailleurs que ni le rachat de parts sociales par M. [M], ni son déménagement au Mans n’ont de lien avec son licenciement, lequel est justifié par son insuffisance professionnelle. Elle ajoute que la restitution du matériel de la société lors de la suspension du contrat de travail pour maladie était nécessaire à la poursuite de l’activité et que cette restitution ne pouvait entraîner la requalification de la rupture du contrat de travail ou la caractérisation de circonstances vexatoires du licenciement.
Enfin, la société Delta Neo s’attache à justifier de l’incapacité de M. [M] à travailler avec ses différents interlocuteurs professionnels, de son incompétence technique, de ses difficultés relationnelles et de la répercussion de ces lacunes en termes d’image auprès des clients de la société.
MOTIVATION
A titre liminaire, il sera constaté qu’aucun appel principal ou incident ne porte sur les dispositions du jugement ayant condamné la société Delta Composants à verser à M. [M] la prime variable d’intéressement à hauteur de 29 006,57 euros outre les congés payés afférents à hauteur de 2 900,65 euros. Il s’en suit que la cour n’est pas saisie de ces chefs qui sont définitifs.
Sur les heures supplémentaires
L’article L.3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Il est de principe que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Aux termes de l’article 5 du contrat de travail du 19 juin 2017, la durée de travail de M. [M] est fixée dans le cadre d’un forfait en heures sur la base annuelle de 1 767 heures incluant la journée de solidarité, soit un horaire mensuel de 166,83 heures et hebdomadaire de 38,50 heures. Ce forfait en heures ne fait pas obstacle au paiement d’éventuelles heures supplémentaires.
M. [M] prétend avoir réalisé 119,87 heures supplémentaires non rémunérées par la société Delta Composants. A cet égard, il communique les calendriers de présence 2017 et 2018 lesquels font état de la réalisation de 60,30 heures supplémentaires en 2017, et de 59,57 heures supplémentaires en 2018. Ces tableaux, réalisés par ses soins sur un support informatique, mentionnent les heures d’entrée et de sortie chaque jour du 19 juin 2017 à juillet 2018, ainsi que le total des heures supplémentaires réalisées chaque mois (par exemple : 8,62 heures supplémentaires en octobre 2017 et 15,10 heures en février 2018).
Ces tableaux sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments.
La société Delta Composants conteste la réalisation d’heures supplémentaires par M. [M] et produit un tableau de juin 2017 à juillet 2018 arguant qu’il s’agit des relevés de pointage le concernant.
Pour autant, aucune annotation ne permet de relier ce tableau à M. [M] dont le nom n’apparaît nulle part, ni de considérer qu’il s’agit d’un relevé de pointage dans la mesure où les heures d’entrée et de sortie ne sont pas mentionnées. Rien ne permet davantage de l’attribuer au logiciel de gestion de production contrôlant les horaires de travail compte tenu de l’absence de titre, de nom et de la moindre indication quant à sa provenance. Il ne fait apparaître qu’un même volume horaire journalier de 7,7 heures de travail, identique chaque jour de la période précitée, y compris quand M. [M] était en déplacement, ce dernier point corroborant de plus fort le fait qu’il ne s’agit pas d’un relevé de pointage.
Dès lors, ce document est insuffisant pour répondre utilement aux éléments fournis par le salarié.
Si l’absence d’accord exprès de la société Delta Composants pour la réalisation d’heures supplémentaires n’est pas contestée, son accord implicite se déduit de la charge importante de travail confiée au salarié ainsi qu’en témoignent les multiples mails échangés avec les clients, parfois à des heures matinales ou tardives (notamment les 25 octobre 2017 à 8h17, 3 mai 2018 à 19h21et 17 mai 2018 à 19h17).
Par conséquent, il convient de faire droit à la demande d’heures supplémentaires de M. [M] à hauteur de la somme de 3 024 euros brut ainsi qu’aux congés payés afférents à hauteur de la somme de 302,40 euros brut.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité complémentaire de congés payés
M. [M] sollicite une indemnité de congés payés complémentaire d’un montant de 466,25 euros assurant que la société Delta Composants a déduit à tort cinq jours de congés payés au lieu de quatre pris en raison de son mariage, et deux jours en novembre 2018.
Il résulte des pièces communiquées, que M. [M] a sollicité par courrier du 5 octobre 2018, cinq jours de congés ‘mariage’ du lundi 5 au dimanche 11 novembre 2018 lesquels ont été validés le 12 octobre 2018 par la société Delta Composants.
Rien ne permet de démontrer que le salarié aurait modifié sa demande ou n’aurait pris que quatre jours au lieu des cinq accordés par l’employeur.
M. [M] ne justifie pas plus de l’existence d’une erreur sur le bulletin de salaire de novembre 2018 quant à la déduction de deux jours de congés, ce document précisant : ‘Ind Congés Payés sur solde de Compt : 4 878,23 euros soit 31 jours dont 18 congés acquis et 13 en cours d’acquisition’.
Dès lors, il apparaît que M. [M] a été rempli de ses droits quant aux congés payés et il doit être débouté de sa demande d’indemnité de congés payés complémentaire.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le licenciement
Selon l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L.1235-1 du même code, en cas de litige portant sur le licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’insuffisance professionnelle, qui traduit l’incapacité objective et durable du salarié à exercer de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments concrets et objectifs imputables au salarié.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 14 août 2018 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
‘Nous avons le regret de vous informer que nous prenons la décision de vous licencier.
Cette décision fait suite à votre convocation à un entretien préalable prévu le 3 août 2018, auquel vous ne vous êtes pas présenté, et à notre courrier du même jour vous informant des motifs de notre projet de licenciement et du délai que nous vous accordions pour faire valoir vos observations.
Nous vous confirmons que notre décision a été prise pour les motifs suivants :
En premier lieu, nous avons eu à déplorer une insuffisance de vos résultats sur le plan commercial.
En particulier, nous avons observé depuis plusieurs mois une très forte baisse du chiffre d’affaires nouveaux clients, divisé par 3, alors même que nous vivons une période économiquement porteuse.
Vous ne semblez pas avoir pris la mesure de votre mission contractuelle en la matière. À titre d’exemple, vous vous êtes rendu injoignable pour les clients et prospects (ainsi que pour les autres collaborateurs de l’entreprise) sur votre téléphone mobile professionnel, en laissant votre messagerie saturée.
Nous avons tenté de vous accompagner sur ce plan en vous incitant à déléguer certaines tâches commerciales à une collaboratrice technico-commerciale, mais force est de constater que vous n’avez pas saisi cette opportunité.
Par ailleurs, nous avons constaté une insuffisance de compétences de votre part. Celle-ci se traduit tout d’abord sur un plan technique et organisationnel. Ainsi, vous vous êtes révélé incapable de calculer le coût de revient réel de production sur une affaire particulièrement sensible d’un point de vue exploitation (mail de M. [U] [D] le 17/05/18, relancé le 25/05/18 et le 04/06/18). Au delà des difficultés engendrées pour le fonctionnement de votre service, cette insuffisance technique a participé à l’absence de légitimité que vous accordent vos collègues et l’équipe que vous avez pour mission d’encadrer.
En outre, votre manque d’organisation provoque un retard sensible dans la facturation de prestations en attente de traitement de votre part et génère un risque de non-facturation sur certaines d’entre elles.
Votre insuffisance de compétence est également flagrante dans le domaine du management. Nous avons dû à plusieurs reprises vous demander de modifier votre style de management (entretien début juin avec M. [O] [Y]), perçu par beaucoup comme trop autoritaire et directif, et d’éviter les maladresses de communication telles que celles qui nous ont conduit à devoir mener une enquête après des accusations de harcèlement dont vous aviez fait l’objet.
Là encore, nous vous avons proposé de vous accompagner, au besoin par de la formation et du conseil, mais nous n’avons noté aucune amélioration dans votre attitude.
Il est à noter que vous éprouvez également des difficultés pour collaborer avec vos collègues d’autres secteurs de l’entreprise.
Enfin, nous constatons dans votre comportement certains faits qui ne sont pas admissibles. Ainsi, malgré plusieurs demandes du directeur général, votre supérieur hiérarchique, vous vous êtes abstenu de lui fournir des rapports de vos visites en clientèle, notamment (celles) que vous organisez les lundis et vendredis.
Enfin, très récemment, nous vous avons demandé de nous restituer pendant votre période d’indisponibilité, par un moyen à convenir ensemble, certains matériels (ordinateur et téléphones portables) appartenant à l’entreprise et nécessaires à la continuité de son activité dans des conditions normales. Malgré nos demandes répétées, vous avez abusivement conservé ces matériels et vous êtes abstenu de toute communication à notre égard, pendant plus de deux semaines. Cette attitude démontre bien que vous n’avez pas pris conscience des nécessités de fonctionnement de notre entreprise.
Par conséquent, votre contrat de travail sera définitivement rompu à l’issue de votre préavis de trois mois, qui commencera à compter de la date de première présentation de la présente lettre.
À la fin de votre préavis, vous recevrez en sus du salaire correspondant au temps de préavis, les différentes indemnités auxquelles vous pouvez prétendre.
Par ailleurs, nous vous rappelons que votre contrat de travail comporte une clause de non-concurrence. Nous vous informons par la présente que nous vous libérons de cette interdiction de concurrence, conformément aux dispositions conventionnelles applicables. Vous ne recevrez donc aucune indemnité à ce titre’.
La société Delta Composants fait état de plusieurs manquements de M. [M]. Le salarié conteste la totalité des griefs et souligne le caractère mensonger de chacune des attestations communiquées par son employeur.
* Sur l’insuffisance de résultats sur le plan commercial
Selon la société Delta Neo, cette insuffisance de résultats est caractérisée en particulier par une baisse du chiffre d’affaires nouveaux clients.
Elle communique à cet égard un témoignage de M. [D], directeur général, qui atteste que ‘le chiffre d’affaires réalisé avec de nouveaux clients au secteur perçage (…) a été divisé par trois pendant l’année où il (M. [M]) a travaillé à Delta Composants, avec des impacts financiers conséquents pour l’entreprise sur ce sujet des nouveaux clients’.
Pour autant, il sera relevé que M. [D] est le signataire de la lettre de licenciement, ce qui est de nature à remettre en cause son impartialité.
L’employeur ne produit aucun autre élément, notamment comptable, justifiant de la baisse de ce chiffre d’affaires alors que le tableau de synthèse du résultat d’exploitation établi par la société Delta Composants mais communiqué par le salarié fait état d’une augmentation substantielle du résultat d’exploitation entre l’année 2017 et l’année 2018, celui-ci étant passé de 1 864 250 euros à 2 371 617 euros.
Au surplus, il ressort du jugement entrepris que la société Delta Composants a reconnu spontanément devant les premiers juges devoir verser la somme de 21 775 euros au titre de la prime variable pour l’exercice 2017/2018, qu’elle a finalement été condamnée à ce titre à hauteur de 29 006,57 euros, et qu’elle n’a pas interjeté appel incident sur ce point. Or, cette prime contractuelle instaurée par l’avenant du 13 décembre 2017 dépend exclusivement du résultat d’exploitation de l’activité perçage, et traduit une augmentation de ce résultat de 25%, incompatible avec l’insuffisance de résultats invoquée par l’employeur.
Enfin, la société Delta Neo a déclaré au magazine Lune Packaging Insight que la ‘seule activité de ‘ micro-perçage a progressé de 12 % au cour de l’année 2018’.
Il s’en suit que la société Delta Neo échoue à démontrer l’insuffisance de résultats de M. [M] sur le plan commercial, qui sera considérée comme non établie.
* Sur l’insuffisance de compétences sur un plan technique et organisationnel
La société Delta Neo reproche à M. [M] son insuffisance de compétences sur un plan technique et organisationnel notamment à l’égard des sociétés Po [Localité 5], LVMH et Electronica, et plus généralement, son incapacité à calculer des prix de revient, à déterminer des projets de vente rationnels et à comprendre le calcul d’un résultat d’exploitation, ses carences provoquant un retard dans la facturation de prestations en attente de traitement de sa part et générant un risque de non-facturation.
En premier lieu, M. [G], gérant de la société Po [Localité 5], atteste avoir rencontré de nombreuses difficultés dans les relations techniques et commerciales avec M. [M], notamment dans la sous-traitance d’une commande de micro perçage pour la marque Cartier.
Ces difficultés sont confirmées par un mail du 13 juin 2018 de Mme [F], project manager du groupe Po [Localité 5], dans lequel elle fait mention d’un ‘taux de non-conformité et de gâche important (supérieur à 20%)’ concernant le ‘projet Cartier en cours’ ajoutant, ‘vous nous avez remis ce jour un carton de 3 018 paons à trier. Malheureusement, nous ne pouvons les exploiter en l’état et il convient de relancer dès à présent une nouvelle fabrication pour honorer la commande’. Elle chiffre alors le ‘coût de refabrication’ à ‘1 311,30 euros’ qu’elle demande à la société Delta Neo de prendre en charge.
Dans un nouveau mail du 15 juin 2018, Mme [F] relève la non-conformité de ‘1 035 crocodiles’ et indique attendre un ‘retour suite à (sa) demande de prise en charge de la re-fabrication des paons manquants’.
Il est ainsi reproché des défauts de fabrication et de production sur une importante commande passée par la société Po [Localité 5]. Cependant, il ressort d’un mail de M. [D] du 19 décembre 2017, que depuis le 1er janvier 2018, la société avait un responsable de fabrication atelier perçage en la personne de M. [P], et que ce dernier avait pour fonctions la responsabilité de la fabrication de l’atelier perçage, le suivi de l’efficacité et de la qualité du travail réalisé par le personnel, et la représentation du service qualité concernant les processus de production en cas d’absence de M. [D], toutes missions dont relevaient les reproches allégués par le client et pour lesquels il n’a pas été inquiété.
Surtout, il apparaît que M. [M] a rapidement géré la difficulté et a sollicité M. [D] aux fins de répondre à Mme [F] en lui demandant le 19 juin 2018, ‘pour les paons, nous avons finalisé la production avec un pourcentage de rebut supérieur à 20%. Au téléphone, M. [G] parle de 30%. Il est à noter que nous avons commencé la production par les paons, nous avons déterminé les réglages machines à partir de ce produit. Malgré un taux de gâche important cela nous a permis de diminuer le taux de gâche pour les autres produits, les crocodiles, oiseaux du paradis et chimères (…). Merci de me donner vos conseils concernant la demande de Po [Localité 5] concernant leur demande de prendre en charge ces frais de refabrication (…) soit un total de 1 311,30 euros’.
Le même jour, M. [M] a pu confirmer à Mme [F] la prise en charge du coût de refabrication.
En tout état de cause, il ressort des mails communiqués par le salarié que la production de pièces pour la société Po [Localité 5] a été achevée dès le 28 juin 2018, soit avant le terme prévu, et que la cliente a remercié la société Delta Composants par mail du 27 juillet 2018 ‘des efforts consentis par votre équipe pour honorer et terminer à temps cette commande’, concluant ‘revenir vers (elle) à la rentrée de septembre pour la suite de (leurs) futurs projets’.
Aucune insuffisance ne peut être dès lors être reprochée à M. [M] concernant la société Po [Localité 5].
En second lieu, la société Delta Neo communique l’attestation de Mme [A], assistante ADV de M. [M] témoignant de difficultés rencontrées avec le client LVMH.
À cet égard, elle fait état de l’absence de bons de livraison officiels pour ‘les panneaux de cuir’ partant de l’atelier ainsi que de l’absence d’ordre de fabrication et d’intention de commande, pourtant nécessaires, selon elle, à l’acheminement des matières et à leur facturation, malgré plusieurs relances auprès de M. [M].
Cependant, il ressort d’un échange de mails entre Mme [V], salariée de LVHM, et M. [M], que la procédure interne à LVMH prévoit que les bons de commande sont réalisés après l’envoi physique de la marchandise et développés à partir d’une intention de commande créée via le numéro de collection. Cet échange de mails mentionne et répertorie les quatre intentions de commande du client LVMH. Dès lors, aucun reproche ne peut être fait à M. [M] dont il n’est au demeurant pas justifié qu’il ait été relancé, quant à l’absence d’ordre de fabrication, de bon de livraison ou d’intention de commande concernant le client LVMH.
Enfin, la société Delta Neo communique l’attestation de Mme [K], responsable achats, selon laquelle M. [M] aurait fait preuve d’un ‘manque de connaissance technique’ et d’arrogance lors d’une réunion avec la société Electronica au cours de laquelle étaient présents M. [Z] et M. [N], salariés de la société Electronica.
Mme [K] décrit cette réunion comme étant ‘l’une des pires réunions à laquelle elle a pu assister’, assurant que M. [M] a imposé que la réunion se tienne en espagnol afin de l’évincer des discussions et entraver l’exercice de ses fonctions. Elle soulève également le manque de ‘crédibilité technique’ de M. [M] qui aurait voulu ‘apprendre à un fournisseur dont c’est le métier depuis des décennies, comment est élaboré un foret et son mode de fonctionnement’. Elle indique alors avoir raccompagné seule M. [Z] et M. [N] pour leur présenter ses excuses au nom de la société Delta Composants, et avoir directement fait part de cet incident à son responsable hiérarchique de peur que celui-ci ‘n’entache de manière définitive la relation commerciale’ entretenue avec la société Electronica. Enfin, elle conclut son attestation en indiquant que M. [M] ‘était avant tout préoccupé par son égo et ses propres convictions bien plus que par les intérêts de la société à laquelle il appartenait’.
Si M. [Z] confirme ces faits dans son attestation, ceux-ci sont contestés par le salarié lequel assure ne pas connaître le catalan et n’avoir pu alors imposer cette langue pendant la réunion précitée. Le salarié communique également plusieurs mails de M. [N] lequel ne fait aucune allusion à une expérience indélicate avec la société Delta Composants. Bien au contraire, M. [N] utilise le tutoiement pour communiquer avec M. [M], signe d’une entente cordiale entre les deux salariés et exclusif de tout comportement irrespectueux ou arrogant comme dénoncé par l’employeur. Il se déduit aussi de cet échange que la relation commerciale s’est poursuivie dans des conditions tout à fait normales. Enfin, si Mme [K] assure avoir alerté son supérieur hiérarchique, aucun élément communiqué par la société Delta Neo ne permet de confirmer cette alerte ou encore un rappel à l’ordre de la direction sur un tel comportement.
Enfin, s’agissant des retards de facturation, de l’incapacité de M. [M] à calculer des prix de revient, à déterminer des projets de vente rationnels et à comprendre le calcul d’un résultat d’exploitation, il apparaît que ces reproches ne résultent que de l’attestation de M. [D] dont on rappellera qu’il est le signataire de la lettre de licenciement, et qu’ils ne sont corroborés par aucun autre document. De surcroît, la société Delta Neo ne justifie ni des plaintes de clients évoquées dans ce témoignage, ni d’éventuelles conséquences préjudiciables qu’aurait subies l’entreprise du fait de l’insuffisance de M. [M].
Il s’en suit que la société Delta Neo échoue à démontrer l’insuffisance de compétences de M. [M] sur un plan technique et organisationnel et que ce grief n’est pas établi.
* Sur l’insuffisance dans le domaine du management
La société Delta Neo indique avoir dû lui demander à plusieurs reprises à M. [M] de modifier son management, perçu par son équipe comme autoritaire et directif.
L’employeur produit l’attestation de Mme [A], assistante ADV de M. [M], laquelle fait état des difficultés rencontrées pour réaliser un travail professionnel avec lui, soulignant notamment l’absence de formation sur la partie ‘création compte client’ et ‘tarif’ et ce malgré de nombreuses demandes. Elle conclut son attestation en indiquant avoir ‘le titre d’assistante ADV mais non la jouissance’ et assure qu’elle en a perdu confiance en elle.
Pour autant, le salarié communique plusieurs pages d’agenda électronique desquelles il ressort l’organisation de plusieurs formations au bénéfice de Mme [A] les 12, 22, 27 et 28 mars et les 3 et 4 avril 2018 contredisant ainsi l’absence de formation évoquée par son assistante.
Il résulte également des mails produits par M. [M], que Mme [A] disposait, contrairement à ce qu’elle prétend, de toute ‘la jouissance’ du poste d’assistante ADV dès lors qu’elle avait une activité de prospection commerciale et a obtenu plusieurs rendez-vous avec des clients importants.
Enfin, la lettre de licenciement fait état d’un entretien début juin avec M. [Y], président de la société Delta Neo, et de différentes alertes adressées à M. [M] sur son management inadapté. Cependant aucun élément ne vient confirmer et justifier de la tenue de cet entretien, de ses conséquences ou encore des différentes alertes invoquées.
Il apparaît ainsi que l’insuffisance de management n’est pas démontrée par la société Delta Neo. Ce grief n’est pas établi.
* Sur les difficultés relationnelles
La société Delta Neo soutient que M. [M] a rencontré des difficultés pour collaborer avec ses collègues soulevant ses maladresses de communication. Elle ajoute avoir été contrainte de réaliser une enquête après des accusations de harcèlement portées à son encontre.
M. [D] reproche ainsi à M. [M] de ne pas se mettre en position d’apprentissage et d’humilité soulignant qu’il ‘s’est toujours senti très supérieur, très hautain avec ses différentes interlocuteurs, qu’il s’agisse de collègues travaillant à Delta Composants, de fournisseurs ou même de clients’. Il sera rappelé qu’au vu de sa position, l’impartialité de M. [D] est sujette à caution.
Mme [X], sa remplaçante au poste de responsable de l’activité micro-perçage, indique que les qualificatifs d’ ‘arrogant et égocentrique sont les deux termes qui reviennent le plus souvent’ s’agissant de M. [M]. Ayant été embauchée après le départ du salarié, elle n’a pu constater elle-même les faits qu’elle rapporte.
M. [P], responsable de production de la société Delta Composants, ajoute qu’il a ‘véhiculé auprès des clients du secteur perçage une mauvaise image de lui même et de son travail’ soulignant le soulagement des clients suite à son départ de la société. Là encore, M. [P] ne rapporte pas de faits qu’il a constatés lui-même, se faisant le porte-parole de clients qui ne se sont au demeurant pas manifestés pour confirmer ses dires.
Si la société Delta Neo fait état d’une plainte pour harcèlement d’une collègue de M. [M] et d’une enquête réalisée par la suite, elle ne produit aucun élément permettant de confirmer ces faits.
Enfin, l’employeur communique une attestation de Mme [L], chargée de mission et communication, selon laquelle Mme [B], directrice artistique de la société Chambre Graphique, aurait été confrontée à une attitude déplacée de M. [M], lequel l’aurait invitée à le retrouver chez lui alors qu’elle ne le connaissait pas. Pour autant, ce témoignage est contredit par les mails communiqués par le salarié desquels il résulte que le rendez-vous du 4 décembre 2017 a eu lieu dans un café, et dont le ton cordial permet d’exclure toute attitude déplacée et tout harcèlement envers Mme [B].
Il apparaît ainsi que les difficultés relationnelles de M. [M] reprochées par la société Delta Neo ne sont confirmées par aucun élément objectif. Dès lors, ce grief n’est pas établi.
* Sur la rétention du matériel de la société
La société Delta Neo reproche encore à M. [M] d’avoir volontairement gardé le matériel de l’entreprise pendant la période de suspension de son contrat de travail pour arrêt de travail. Au contraire, M. [M] assure que son employeur l’a harcelé pour récupérer son matériel alors qu’il était en arrêt maladie.
Il est établi que le salarié a été placé en arrêt maladie à compter du 17 juillet 2018 et que la société Delta Neo a sollicité la restitution du matériel de l’entreprise par courrier du 19 juillet 2018 dont copie a été envoyé par mail du même jour. L’employeur invoquait la nécessité pour la société d’accéder aux équipements de M. [M] pour la continuité de l’activité compte tenu de la durée de l’arrêt maladie, lequel devait initialement s’achever le 2 septembre 2018. Il précise dans ce courrier la possibilité de convenir avec le salarié des modalités de récupération du matériel. En l’absence de réponse, M. [Y] s’est rendu au domicile de M. [M] le 25 juillet 2018. Toutefois, et comme il résulte de la main courante déposée le 1er août 2018, le salarié s’est ‘senti mal et incapable de lui (M. [Y]) ouvrir la porte et de l’affronter’ dans la mesure où, toujours selon cette main courante, il a reçu la lettre de licenciement le même jour.
Par courrier du 26 juillet 2018, la société Delta Composants a relancé M. [M] quant à la restitution du matériel, lui rappelant son obligation de loyauté.
Il apparaît que M. [M] a restitué le matériel de l’entreprise le 3 août 2018, soit deux semaines après la première demande de la société Delta Composants et une semaine après son second courrier, soit dans un délai raisonnable, et il n’est pas démontré qu’il ait eu l’intention de nuire à son employeur.
Partant, ce grief n’est pas établi.
* Sur les autres griefs mentionnés dans la lettre de licenciement
La lettre de licenciement du 14 août 2018 fait état d’autres manquements tels le fait d’avoir été injoignable sur son téléphone professionnel en laissant sa messagerie saturée ou l’absence de transmission des rapports de visites en clientèle. Cependant, la société Delta Neo ne produit aucun élément démontrant la réalité de ces manquements. Dès lors, ces griefs ne sont pas établis.
Enfin, la société Delta Neo ne justifie ni avoir accompagné le salarié comme elle le prétend, ni l’avoir précédemment alerté quant à une éventuelle insuffisance professionnelle.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’aucun des griefs avancés par la société Delta Neo n’est considéré comme établi. Par conséquent, le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions de la Charte sociale européenne n’ont pas d’effet direct entre particuliers de sorte que leur invocation devant le juge, dans le cadre de la contestation d’un licenciement, ne peut pas conduire à écarter l’application du barème prévu par les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, étant par ailleurs acquis que ces dernières sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L.1235-3 du code du travail, lesquels sont compris, au vu de son ancienneté, entre un mois et deux mois de salaire.
M. [M] était âgé de 37 ans et avait un an et un mois d’ancienneté au moment de son licenciement. Il a été placé en arrêt de travail jusqu’au 9 décembre 2018 puis il justifie avoir touché les allocations chômage jusqu’au 31 août 2020. Sur la base d’un salaire mensuel moyen de 4 179 euros intégrant l’intégralité de ses éléments de salaire, son préjudice sera réparé l’allocation d’une somme que la cour est en mesure de fixer à 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les circonstances du licenciement
Indépendamment de la cause réelle et sérieuse du licenciement, les circonstances dans lesquelles la mesure a été prononcée peuvent parfois être brutales ou vexatoires. Dans ce cas, si le comportement fautif de l’employeur crée un préjudice distinct au salarié, il peut en demander réparation.
M. [M] sollicite des dommages et intérêts à raison du préjudice familial et des circonstances brutales de son licenciement.
* Sur le préjudice familial
Le salarié fait valoir que son licenciement est intervenu peu de temps après l’achat de parts sociales de la société en mai 2018 et son déménagement au Mans les 14 et 15 juillet 2018. Pour autant, il ne communique aucun élément permettant de lier son licenciement à ces deux événements qui résultent de choix personnels, et d’en imputer la responsabilité à la société Delta Composants.
Il sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts sollicitée au titre d’un préjudice familial et le jugement confirmé de ce chef.
* Sur les circonstances brutales et vexatoires
M. [M] soutient que la société Delta Composants l’a poussé à démissionner le 16 juillet 2018 et que face à son refus, elle a mis en oeuvre la procédure de licenciement.
Il communique à cet égard un mail adressé à M. [Y] le 16 juillet 2018 dans lequel il écrit ‘vous m’avez fait part de votre volonté de vous séparer de moi. Pour ce faire, vous me proposez de démissionner. Il est évidemment hors de question que je démissionne étant donné que c’est vous qui êtes à l’initiative de cette demande’. La société Delta Neo n’a pas démenti ce mail. Ebranlé par cette demande, M. [M] a été placé en arrêt maladie dès le lendemain.
Il est également établi que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre le 25 juillet 2018, soit moins de dix jours après cette demande, alors que le contrat de travail de M. [M] était suspendu pour raison médicale, à tout le moins jusqu’au 2 septembre.
Dans ces conditions, la rupture du contrat de travail de M. [M] qui n’est au surplus justifiée par aucun motif, présente un caractère brutal et vexatoire.
Par conséquent, la société Delta Neo sera condamnée à verser à M. [M] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des circonstances de la rupture du contrat de travail.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour non remise de l’attestation Pôle emploi conforme au jugement
M. [M] sollicite la somme de 21 835 euros à ce titre, arguant de la minoration de ses droits du fait de l’absence de prise en compte de la prime variable et de ce que la société Delta Neo ne lui a toujours pas délivré une attestation Pôle emploi conforme au jugement entrepris, bien que cette remise soit assortie de l’exécution provisoire et d’une astreinte.
Pour autant, non seulement il n’explicite pas le calcul lui permettant de chiffrer son préjudice à la somme susvisée, mais encore, ainsi que le lui indique Pôle emploi dans son courrier du 22 février 2021, ses droits seront rétablis à réception de ce document pour lequel il bénéfice d’ores et déjà d’un titre exécutoire. Enfin, il ne justifie d’aucune difficulté ni d’aucun préjudice de ce fait.
Par conséquent, il sera débouté de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions ayant ordonné la remise sous astreinte d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi rectifiés sauf à préciser qu’ils seront conformes au présent arrêt.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Selon l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles qu’il énonce, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les conditions d’application de cet article étant réunies, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société Delta Neo à Pôle emploi des indemnités de chômage effectivement versées à M. [M] par suite de son licenciement et ce dans la limite de trois mois d’indemnités.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Il est équitable d’allouer à M. [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel.
La société Delta Neo, qui succombe pour l’essentiel à l’instance supportera les dépens d’appel et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel, contradictoirement, publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Mans le 12 février 2021 sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [M] de sa demande d’indemnité de congés payés complémentaire et de dommages et intérêts pour préjudice familial, ordonné la remise sous astreinte d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi rectifiés sauf à préciser qu’ils seront conformes au présent arrêt, et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la Sa Delta Neo à payer à M. [I] [M] la somme de 3 024 euros brut au titre des heures supplémentaires et la somme de 302,40 euros brut au titre des congés payés afférents ;
DIT que le licenciement de M. [I] [M] est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Sa Delta Neo à payer à M. [I] [M] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Sa Delta Neo à payer à M. [I] [M] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les circonstances de la rupture du contrat de travail ;
DÉBOUTE M. [I] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour non remise de l’attestation Pôle emploi conforme au jugement ;
ORDONNE à la Sa Delta Neo de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées à M. [I] [M] par suite de son licenciement et ce dans la limite de trois mois d’indemnités ;
DEBOUTE la Sa Delta Neo de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sa Delta Neo à payer à M. [I] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
CONDAMNE la Sa Delta Neo aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN C. TRIQUIGNEAUX-MAUGARS