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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N°2023/168
Rôle N° RG 21/13073 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BICCM
[B] [F]
C/
S.A.R.L. SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES
[Adresse 5]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Gilbert SAVIOZ
Me Hugo GERVAIS DE LAFOND
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 15 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/08202.
APPELANTE
Madame [B] [F]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021-3048 du 01/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 2] / France
représentée par Me Gilbert SAVIOZ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.R.L. SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHA NTIER SAINTE MARIE La SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIER SAINTE MARIE, exploitant sous le sigle ou enseigne « Chantier Sainte-Marie », SARL au capital de 7.622,45 euros dont le siège social est : [Adresse 4], RCS MARSEILLE B 061 802 450, agissant en la personne de son gérant, Monsieur [M] [V]., demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Hugo GERVAIS DE LAFOND de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lola ZUCCHELLI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.
Madame Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE (SARL CHARPENTE TRAC MARITI REP NAVIR) a mis à disposition de Madame [B] [F] une partie de ses locaux.
Par acte d’huissier du 20 juillet 2018, Madame [F] a fait assigner la SARL CHARPENTE TRAC MARITI REP NAVIR aux fins notamment de dire qu’elle bénéficie d’un bail professionnel verbal, aux fins d’être réintégrée dans les lieux avec remise des clés et aux fins de voir condamner le défendeur à lui verser diverses sommes au titre d’un préjudice professionnel et d’un préjudice moral.
Par jugement contradictoire du 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– déclaré irrecevable la note en délibéré déposée par Madame [B] [F] le 25 janvier 2021,
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR (SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE),
– rejeté la fin de non recevoir soulevée par la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR (SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE),
– déclaré recevable l’action de Madame [B] [F],
– rejeté la demande de Madame [B] [F] relative à la constatation de 1’existence d’un bail professionnel verbal,
– rejeté les demandes formées par Madame [B] [F] au titre de la réintégration dans les locaux et de la remise des clés d’accès sous astreinte,
– rejeté les demandes indemnitaires formées par Madame [B] [F],
– rejeté la demande formée par Madame [B] [F] sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamné Madame [B] [F] à verser à la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR (SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE) une indemnité mensuelle d’occupation égale à 200,00 Euros TTC à compter du 01 juillet 2018 jusqu’à la libération effective des locaux, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 sur les indemnités échues et non réglées,
– condamné Madame [B] [F] à retirer son matériel entreposé dans les locaux de la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR (SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE) situés à l'[Adresse 4],
– rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR (SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE),
– condamné Madame [B] [F] à verser à la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR (SOCIETE DE CHARPENTAGE ET DE TRAVAUX MARITIMES CHANTIERS SAINTE MARIE) la somme de 3.000,00 Euros sur 1e fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– rejeté toute autre demande,
– condamné Madame [B] [F] aux dépens’.
Le premier juge a rejeté l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire au profit du tribunal administratif, au motif que la convention liant les parties s’analysait comme un contrat de droit privé, passé entre deux personnes de droit privé, dont aucune n’était délégataire de service public.
Il a rejeté la fin de non-recevoir tiré du défaut d’intérêt à agir de Madame [F] en relevant que son intérêt découlait de la possibilité pour cette dernière de revendiquer l’existence d’un bail professionnel.
Il a estimé que le contrat liant les parties était une convention d’occupation renouvelable de mois en mois, dont la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR pouvait demander la résiliation au 30 juin 2018.
Il a rejeté les demandes accessoires de Madame [F] puisqu’il ne l’a pas reconnue titulaire d’un bail professionnel.
Il a jugé que Madame [F] était donc occupante sans droit ni titre et l’a obligée à retirer son matériel.
Il a estimé que la demande formée par Madame [F] n’avait pas dégénéré en abus de droit.
Le 08 septembre 2021, Madame [F] a déposé une déclaration d’appel libellée de la manière suivante :
Objet/Portée de l’appel :
L’objet de l’appel est de demander à la cour d’appel l’annulation et/ou la réformation de la décision de première instance. Chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité suivants : 1°) – La motivation du Tribunal de l’existence d’un bail professionnel verbal entre [B] [F] et le gestionnaire du domaine alors que la prétention est entre [B] [F] et la société CHANTIER SAINTE MARIE en se fondant sur la théorie de l’apparence. 2°) – La preuve des paiements des loyers permettant de prouver un commencement d’exécution afin de constater de l’existence d’un bail professionnel verbal. 3°) – L’ajout d’une condition supplémentaire, à savoir la souscription d’une assurance par la locataire. 4°) – La qualification de convention d’occupation renouvelable de mois en mois dont les conditions ne sont pas réunies. 5°) – Le paiement d’une indemnité d’occupation et le retrait du matériel par un renversement de la charge de la preuve et sans retenir le préjudice causé par l’absence de jouissance paisible des lieux loués. 6°) – Les frais irrépétibles. 7°) – Les dépens de l’instance’.
La SARL CHARPENTE TRAC MARITI REP NAVIR a constitué avocat.
Par conclusions notifiées le 02 novembre 2021 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Madame [F] demande à la cour :
– de débouter l’intimée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– de réformer le jugement entrepris pour tous les chefs du jugement expressément critiqués.
– de qualifier de bail professionnel verbal, la convention des parties relative aux locaux litigieux
– de condamner le bailleur à lui payer la somme de 172.032 €, à titre de dommages-
intérêts en réparation de son préjudice professionnel, relatif à la perte de recettes pour la période du 05/06/2018 au 04/05/2020, causé par la faute du bailleur qui lui interdit le libre accès à son local professionnel, ce qui l’empêche d’exercer sereinement son activité professionnelle et d’en percevoir des recettes.
– de compenser le préjudice de jouissance locative de la concluante causé par la faute de l’intimée, né après la résiliation unilatérale du bailleur, avec le montant d’une éventuelle indemnité d’occupation due au bailleur pour la même période.
– de condamner le bailleur à lui payer des dommages-intérêts évalués à 10.000€ en réparation de son préjudice moral causé par les conditions humiliantes et abusives de la résiliation du bail intervenue avant terme et sans respect d’un préavis d’usage de 6 mois, à tout le moins suffisant, avec notamment l’interdiction d’accéder aux toilettes communes;
-de condamner l’intimée à payer à Maître SAVIOZ Gilbert la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en application de l’article 37, alinéas 2 à 4, de la loi
n° 91-647 du 10 juillet 1991.
– de condamner l’intimée aux entiers dépens de premières instance et d’appel distraits au profit de Maître Gilbert SAVIOZ qui y a pourvu en application des articles 695 et 696 du Code de procédure civile, y compris les frais de 385,79 € du constat du 05/06/2018.
Elle expose être photographe auteur professionnel indépendant et bénéficier d’un bail verbal professionnel conclu le 15 octobre 2016 avec la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR, portant sur un bureau et deux locaux qu’elle a aménagés en studio photo et laboratoire de développement.
Elle reproche à son bailleur d’avoir changé les serrures et de l’avoir empêchée d’accéder aux lieux loués en juin 2018.
Elle souligne que le bail conclu doit trouver application, selon la théorie de l’apparence, même si la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR n’était pas propriétaire des locaux ou même si elle ne pouvait consentir aucun bail. Elle fait état de la validité d’un bail portant sur la chose d’autrui, qui n’est pas nul mais uniquement inopposable au propriétaire. Elle expose que si la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR est locataire des locaux, elle devient elle-même sous-locataire.
Elle indique justifier d’une occupation des locaux pour son activité professionnelle valant commencement d’exécution du bail et du paiement de loyers. Elle déclare justifier par témoins de l’existence d’un bail professionnel et de l’aménagement des lieux en studio photo et en laboratoire de développement par un procès-verbal d’huissier.
Elle conteste l’existence d’une convention d’occupation précaire qui n’est pas un bail et qui est une convention aux termes de laquelle un occupant est autorisé, en raison de circonstances exceptionnelles, à occuper les lieux jusqu’à ce qu’un événement, indépendant la seule volonté des parties, se réalise.
Elle conteste avoir manqué à ses obligations.
Elle indique que si la qualification de convention d’occupation précaire était retenue, il appartiendrait à la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR de démontrer qu’elle a continué à occuper les lieux et qu’elle doit retirer son matériel.
Elle estime que l’indemnité d’occupation dont elle serait redevable se compense avec le préjudice de jouissance qu’elle subit du fait qu’elle ne peut accéder aux lieux loués, en raison du changement des serrures effectué par son bailleur.
Elle fait état des préjudices qu’elle a subis liés au fait qu’elle a été empêchée d’accéder aux locaux loués; elle relève avoir subi un préjudice professionnel (pertes de recettes) et un préjudice moral en raison d’une résiliation abusive du contrat.
Par conclusions notifiées le premier février 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la SARL CHARPENTE TRAV MARIT REP NAVIR demande à la cour :
* in limine litis :
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence
– de se déclarer incompétent au profit du tribunal administratif
* à titre principal :
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté sa fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de Madame [F]
– de déclarer irrecevable Madame [F] de l’ensemble de ses demandes
– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le contrat liant les parties était un contrat d’occupation
– de constater que le contrat la liant à Madame [F] était un contrat de mise à disposition onéreux
– de débouter Madame [F] de ses demandes
*à titre subsidiaire :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le contrat la liant à Madame [F] est un contrat d’occupation
– de constater qu’il s’agit d’un contrat d’occupation précaire
– de limiter le préjudice de Madame [F] à la somme de 8773 euros
– de débouter Madame [F] de ses demandes
* en tout état de cause :
– de réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts
– de condamner Madame [F] au paiement de la somme de 5000 euros au titre du caractère abusif de la présente procédure
– de condamner Madame [F] à évacuer ses affaires sous astreinte de 100 euros par jour
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
*condamné Madame [F] au paiement de la somme de 200 euros par mois au titre de l’indemnité d’occupation depuis juillet 2018 augmenté des intérêts légaux
*condamné Madame [F] aux dépens comprenant le constat d’huissier
*condamné Madame [F] au versement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soulève une exception d’incompétence au motif que les bâtiments dans lesquels elle exploite son activité de chantier naval ainsi que le terrain où se trouvent ces derniers appartiennent au domaine public. Elle soutient que le litige qui oppose les parties est relatif à un contrat d’occupation du domaine public.
Elle soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de Madame [F] au motif que cette dernière, qui s’estime bénéficiaire d’un bail professionnel en qualité de photographe professionnel n’exerce plus cette profession car elle est radiée depuis le 06 mars 2018 et qu’elle ne démontre par aucune pièce poursuivre cette activité.
Sur le fond, elle soutient que Madame [F] ne bénéficie ni d’un contrat de bail professionnel, ni d’une convention d’occupation. Elle note qu’il est impossible de conclure du bail professionnel, qui doit être écrit, sur le domaine public. Elle ajoute qu’à supposer établie la possibilité de la conclusion d’un bail professionnel, il appartient à Madame [F] d’en démontre l’existence et le contenu. Elle déclare avoir simplement autorisé Madame [F] à entreposer du matériel dans la cadre de la réalisation d’un projet artistique autour du chantier naval et conteste l’argument selon lequel il existait une apparence de droit lui permettant de bénéficier d’un bail professionnel. Elle précise ne bénéficier elle-même que d’un contrat d’occupation et ne pouvoir consentir des contrats de mise à disposition pour des activités qui ne sont pas l’accessoire de son activité. Elle conteste tout accord des parties pour soumettre leur convention au statut des baux professionnels. Elle précise que la convention portait sur des locaux partagés avec le chantier naval, ce qui est incompatible avec la notion d’un bail professionnel.
Elle indique que Madame [F] bénéficie d’un contrat de mise à disposition qui n’a pas été renouvelé car cette dernière n’a pas usé raisonnablement de l’espace mis à sa disposition. Elle lui reproche d’avoir entreposé son matériel sur plus d’espace que prévu et d’avoir gêné la marche normale des opérations de chantier.
Elle conteste les demandes de dommages et intérêts formées par Madame [F] au titre d’un préjudice professionnel, alors qu’elle ne démontre pas avoir été empêchée de travailler. Elle lui conteste également tout préjudice moral. Subsidiairement, elle déclare que le préjudice professionnel se calcule sur la perte de chance de réaliser des bénéfices en prenant comme base la moyenne des trois dernières années.
Subsidiairement, elle estime que la convention s’analyse comme une convention d’occupation précaire, d’une durée maximale de trois ans.
Elle indique avoir régulièrement résilié le contrat liant les parties et soutient que Madame [F] est donc occupante sans droit ni titre. Elle demande que cette dernière soit condamnée sous astreinte à venir récupérer son matériel. Elle sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2023.
MOTIVATION
Sur l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire
Aux termes de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : ” Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (…).
La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie bénéficie d’un contrat d’occupation de terre-plein située sur le port de plaisance du vieux port de [Localité 6] ([Adresse 4]) à des fins commerciales conclu avec la métropole [Localité 3]-[Localité 6] Provence. Cette mise à disposition avait pour objet la construction et la réparation de tous navires.
Il ne ressort pas de cette convention que la métropole [Localité 3]-[Localité 6] Provence ait délégué à la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie la gestion d’un service public.
Le contrat conclu entre Madame [F] et la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie porte sur une partie des bâtiments qui a été mise à la disposition de cette dernière.
Les conventions de sous-occupation du domaine public conclues entre deux personnes privées sont des contrats administratifs dès lors que l’occupant à la qualité de délégataire de service public, en application de l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. A contrario, si l’occupant n’est pas un délégataire de service public, les conventions de sous-occupation du domaine public sont des contrats de droit privé qui relèvent de la compétence du juge judiciaire en cas de contentieux.
La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie qui n’allègue ni ne démontre s’être vue déléguer la gestion d’un service public, sera déboutée de son exception d’incompétence, le contentieux opposant les parties lié au contrat litigieux devant être porté devant la juridiction judiciaire.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et intérêt à agir de Madame [F]
Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’intérêt et la qualité à agir de Madame [F] sont les conditions nécessaires de son action en justice. L’existence d’un contrat d’occupation des lieux entre la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie et Madame [F], qui s’est présentée comme photographe est établie. Le fond du débat porte sur la qualification juridique de cette occupation.
En tout état de cause, Madame [F] justifie d’une inscription au répertoire des entreprises et des établissements et d’un numéro SIREN ( sa pièce 32), avec une prise d’activité le premier juillet 2016 et une mise à jour au 05 mars 2018.
En conséquence, le jugement déféré qui a rejeté cette fin de non-recevoir soulevée par la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie sera confirmé.
Sur la qualification juridique de l’occupation des lieux par Madame [F]
Selon l’article 57 A de la loi n° 86.1290 du 23 décembre 1986, dans sa version modifiée par la loi du 04 août 2008, le contrat de location d’un local affecté à un usage exclusivement professionnel est conclu pour une durée au moins égale à six ans. Il est établi par écrit (…).
Le bail professionnel peut néanmoins être verbal et l’absence d’écrit ne lui fait encourir aucune nullité.
Madame [F] produit au débat une attestation de Monsieur [R] (sa pièce 22) qui atteste qu’elle travaillait en novembre 2016 sur le chantier en qualité de photographe indépendante avec un bureau au premier étage du hangar principal, dans un espace partagé avec deux autres personnes occupant également des activités indépendantes.
Monsieur [W] (pièce 17 de l’intimée) atteste, le 25 juin 2020, qu’il bénéficiait depuis le mois de juin 2016 d’un local mis à sa disposition par Monsieur [V] [gérant de SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie ] afin de stocker divers équipements et qu’il a partagé ce local avec Madame [B] [F], photographe de métier.
Il ressort ainsi de ces deux attestations concordantes, qui ne sont pas contredites par le procès-verbal d’huissier du 05 juin 2018 produit par Madame [F] (qui établit uniquement la présence de matériel photographique dans les locaux) que les locaux mis à la disposition de Madame [B] [F] sont partagés avec d’autres personnes, ce qui exclut la notion de local professionnel. Par ailleurs, un procès-verbal d’huissier du 12 juin 2018, établi à la demande de Monsieur [V], mentionne qu’un employé du chantier naval et le gérant de la SARL vont déplacer le matériel de Madame [F] sur un seul côté de la pièce, car ils ne peuvent déployer une voile aux fins de la réparer.
Madame [B] [F] ne démontre pas que l’espace dont elle bénéficie ne pouvait être utilisé que par elle-même, à des horaires à sa convenance.
Elle ne démontre pas plus qu’il aurait été de la commune intention des parties de soumettre leurs relations au statut des baux professionnels.
Ainsi, en l’absence de démonstration d’une convention portant sur des locaux à usage strictement privatif, Madame [F] échoue dans la démonstration de l’existence, à son bénéfice, d’un local professionnel.
Madame [F] a bénéficié de la jouissance de locaux concédés par la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie qu’elle a en partie aménagés avec du matériel qui lui appartient. En l’absence d’une libre disposition du local à titre exclusif, l’occupation de ces locaux ne peut être qualifiée de bail.
Il ne s’agit pas plus d’une convention d’occupation précaire puisque l’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties au moment de la signature de la convention justifiant cette précarité n’est pas démontrée.
Madame [F] bénéficie d’une convention de mise à disposition de locaux partagés.
Elle ne démontre pas que cette convention portait sur une période différente de celle mentionnée sur les factures produites au débat (convention de mise à disposition de locaux renouvelable de mois en mois).
En raison d’un différend entre Madame [F] et la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie, cette dernière a mis fin à ce contrat, par un courrier recommandé (que l’intimée date du 13 juin 2018 dans son bordereau) réceptionné le 14 juin 2018, notant que la convention ne serait pas renouvelée à la fin de la période en cours. Les motifs de la résiliation exposés par le gérant de la SARL étaient les suivants : ‘Vous gênez la bonne marche de l’entreprise; vous teniez des propos diffamatoires à mon endroit; vous vous mettez en danger en accédant à des zones du chantier naval qui vous sont interdites et sur lesquelles vous déambulez malgré nos mises en garde formelles; vous avez accédé au chantier en dehors des heures d’ouverture et parfois accompagnée de tiers non autorisés’. Il est établi que Madame [F] a fait venir des tiers dans les locaux, alors que la convention qui la liait à la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie n’avait que pour seul objet le stockage de matériel. Il ressort des propos recueillis par l’huissier de justice mandaté par la SARL auprès de certains employés de cette société que Madame [F] a pris plus de place que prévu et que son matériel pouvait gêner. Les autres motifs de résiliation ne sont pas démontrés.
Selon l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
S’il est démontré que des personnes extérieures ont été introduites dans les locaux par Madame [F] et que son matériel pouvait gêner, il apparaît toutefois que ces reproches n’ont pas fait l’objet de mise en demeure et ont été utilisés pour mettre fin de façon rapide à la convention liant les parties. Il ressort également des pièces produites que Madame [F] a rencontré des difficultés pour avoir libre accès aux locaux à compter du 04 juin 2018 (attestation du 17 juin 2018 de Monsieur [Z], employé de la SARL et compagnon de Madame [F], pièce 26 de l’appelante), en raison d’un changement de serrure et de l’absence de clés fournies à cette dernière, alors même qu’il n’est pas contesté qu’elle avait payé une facture qui couvrait tout le mois de juin 2018. L’attestation du 26 juin 2020 de Monsieur [Z], qui relève avoir subi une pression de Madame [F] avec laquelle il était en couple, n’infirme toutefois pas ses précédentes allégations (fermeture de l’accès au local à Madame [F]; nouveaux horaires de fermeture et d’ouvertures des locaux; changement de serrures; distribution de clés aux autres occupants à l’exception de Madame [F]).
Les conditions dans lesquelles la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie a mis fin à cette convention (le 12 juin pour le 30 juin), en rendant par ailleurs difficiles l’accès aux locaux et donc la possibilité pour Madame [F] de reprendre son matériel, utilisé pour sa profession de photographe, pendant une période durant laquelle cette avait payé un droit de stockage et d’accès, a entraîné un préjudice moral au détriment de cette dernière qui sera intégralement réparé par la somme de 2500 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Madame [F], qui ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un bail professionnel, sera déboutée de sa demande au titre d’un préjudice professionnel. Ce préjudice n’est pas plus démontré dans le cadre d’une convention de mise à disposition, celle-ci venant régulièrement à échéance le 30 juin 2018. Le jugement déféré qui a rejeté cette demande sera confirmé.
La relation contractuelle existant entre les parties est venue à échéance le 30 juin 2018.
La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie ne démontre pas avoir permis à Madame [F] de pouvoir accéder aux locaux qu’elle utilisait pour stocker du matériel après le 05 juin 2018. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’ indemnité d’occupation et de sa demande tendant à voir condamner cette dernière à évacuer ses affaires sous astreinte de 100 euros par jour. Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie
La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie ne démontre pas que la procédure intentée par Madame [F] aurait dégénéré en abus de droit. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile
Madame [F] est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle sera déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Pour des raisons tirées de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné Madame [F] aux dépens et infirmé en ce qu’il l’a condamnée à verser à La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de Madame [B] [F] au titre de son préjudice moral, sauf en ce qu’il l’a condamnée à verser une indemnité d’occupation de 200 euros par mois TTC à compter du premier juillet 2018 avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2018 sur les indemnités échues et non réglées, sauf en ce qu’il l’a condamnée à retirer son matériel, et sauf en ce qu’il l’a condamnée à verser à La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
CONDAMNE La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie à verser à Madame [B] [F] la somme de 2500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
REJETTE les demandes de La SARL société de charpentage et de travaux maritimes chantiers Sainte-Marie tendant à voir condamner Madame [B] [F] à une indemnité d’occupation à compter du premier juillet 2018 et à la voir condamner sous astreinte à venir récupérer son matériel,
REJETTE les demandes des parties au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel
CONDAMNE Madame [B] [F] aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,