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25 janvier 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/03806
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2024
N° RG 21/03806 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U5GV
AFFAIRE :
[W] [Z]
C/
S.A.R.L. A QUI LE TOUR PRODUCTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE
N° Section : AD
N° RG : 18/03441
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Florent HENNEQUIN de
la SELARL LEPANY & ASSOCIES
Me Christophe GUYOT de
la SELARL GUYOT – DE CAMPOS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [W] [Z]
née le 25 Mai 1978 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222
APPELANTE
****************
S.A.R.L. A QUI LE TOUR PRODUCTION
N° SIRET : 530 241 835
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Christophe GUYOT de la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS, vestiaire : 80 – substitué par Me Jacques TELLACHE avocat au barreau de REIMS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [W] [Z] a été engagée par contrats de travail à durée déterminée successifs, du 23 mai 2008 au 8 octobre 2010, puis de février à décembre 2011, du 29 janvier 2012 au 5 avril 2014, en qualité de musicienne ou de choriste, statut non cadre, par la société Media Audio Communication, puis par la société à responsabilité limitée A qui le tour Production, qui ont chacune une activité de tourneur pour des chanteurs et musiciens.
La société A qui le tour Production emploie moins de onze salariés.
Mme [W] [Z] a saisi, par requête du 13 juillet 2015, notifiée le 28 septembre 2015, le conseil de prud’hommes de Nanterre, en vue, sur l’exécution de son contrat de travail, de voir dire et juger qu’une partie de son salaire n’a pas été régulièrement déclarée aux organismes sociaux, de voir requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter de 2008 et d’obtenir une indemnité de requalification à ce titre, ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé, et enfin des dommages et intérêts pour discrimination en raison de sa situation familiale. Elle sollicitait, au titre de la rupture de son contrat de travail, la nullité de son licenciement et, à titre subsidiaire, de le voir juger sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire. La société s’opposant aux prétentions adverses, formait une demande reconventionnelle en paiement de l’indu.
Par jugement de départage rendu le 5 février 2021, notifié le 8 février suivant, la lettre recommandée avec avis de réception adressée à Mme [W] [Z] étant cependant revenue avec la mention de n’avoir pas été réclamée, le conseil a statué comme suit :
Dit qu’il n’y a pas lieu à requalification de la relation de travail entre Mme [Z] et la société A qui le tour Production ;
Fixe la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 1.924 euros ;
Condamne la société A qui le tour Production à payer à Mme [Z] la somme de 11.544 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus ;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne la société A qui le tour Production à payer à Mme [Z] la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la société A qui le tour Production aux dépens de l’instance.
Le 26 juillet 2021, la société A qui le tour Production a relevé appel par voie électronique de cette décision, et s’est ensuite désistée de son appel par conclusions du 21 octobre 2021.
Le 23 décembre 2021, Mme [W] [Z] a relevé appel par voie électronique du jugement.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 16 septembre 2022, Mme [W] [Z] demande à la cour de :
Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, de sa demande de rappel de salaire afférente, en ce qu’il a considéré que le terme du contrat de travail ne pouvait être qualifié de licenciement, en ce qu’il a considéré qu’aucune discrimination ne pouvait être établie à cet égard, en ce qu’il l’a en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes au titre tant du licenciement que de la discrimination, en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité pour travail dissimulé à 11.544 euros, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de régularisation du versement des cotisations sociales auprès des organismes sociaux, en ce qu’il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à sa demande de documents de fin de contrat sous astreinte.
Déclarer Mme [Z] recevable et bien fondée en son appel
Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 8 juillet 2021 en ce qu’il a :
– condamné la société A qui le tour Production à lui verser une indemnité pour travail dissimulé,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus,
– condamné la société A qui le tour Production à lui verser une somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société A qui le tour Production de ses demandes reconventionnelles
Infirmer le jugement pour le surplus,
Statuer à nouveau
1. Dire et juger qu’une partie de son salaire n’a pas été régulièrement déclarée aux organismes sociaux,
Confirmer l’existence du travail dissimulé,
Prononcer l’existence d’une fraude à la liquidation judiciaire et au transfert d’activité à la charge de la société A qui le tour Production
Prononcer à titre principal le transfert de son contrat de travail de la société Media Audio Communication exerçant sous le nom « Mediacom » à la société Mediacom Tour, devenue la société A qui le tour Production, le 6 avril 2011, en application des articles L.1224-1 et suivants du code du travail,
Condamner à titre subsidiaire la société A qui le tour Production à prendre en charge les rappels de salaire et de cotisation pour la période antérieure au 6 avril 2011, pour le compte de la société Media Auto Communication compte tenu de l’existence d’une fraude à la liquidation judiciaire et au transfert d’activité.
En conséquence
Condamner la société A qui le tour Production à verser aux organismes sociaux des cotisations correspondant aux versements en espèce suivants :
– 2010 : 8.830 euros nets
– 2011 : 8.200 euros nets
– 2012 : 4.000 euros nets
et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par organisme, la cour se réservant le contentieux de la liquidation de l’astreinte,
Porter le montant de l’indemnité pour travail dissimulé que la société A qui le tour Production est condamnée à verser à Mme [Z] à la somme de 12.970 euros nets, (6 mois) sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail.
Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts spécifiques pour fraude à la liquidation judiciaire et au transfert d’activité,
2. Requalifier le contrat de travail de Mme [Z] en contrat à durée indéterminée à compter du 23 mai 2008, sur le fondement de l’article L. 1245-1 du code du travail,
Prononcer la nullité des contrats de travail produits par la société A qui le tour Production, comportant une signature « pour ordre », faute d’identification, de qualité et de pouvoir du signataire, et à titre subsidiaire leur inopposabilité, à savoir les contrats suivants :
– contrat du 24 au 26 juin 2011, signé le 21 juin 2011
– contrat du 2 juillet 2011, signé le 29 juin 2011
– contrat du 8 et 9 juillet 2011, signé le 5 juillet 2011
– contrat du 12 et 13 juillet 2011, signé le 7 juillet 2011
– contrat du 19 juillet 2011, signé le 11 juillet 2011
– contrat du 23 juillet 2011, signé le 11 juillet 2011
– contrat du 6 août 2011, signé le 6 août 2011
– contrat du 26 au 28 août 2011, signé le 23 août 2011
– contrat du 10 septembre 2011, signé le 7 septembre 2011
– contrat du 18 septembre 2011, signé le 13 septembre 2011
– contrat du 7 octobre 2011, signé le 3 octobre 2011
– contrat du 22 octobre 2011, signé le 17 octobre 2011
– contrat du 18 novembre 2011, signé le 14 novembre 2011
– contrat du 3 décembre 2011, signé le 29 novembre 2011
– contrat du 7 décembre 2011, signé le 6 décembre 2011
– contrat du 10 décembre 2011, signé le 6 décembre 2011
– contrat du 1er au 11 février 2012, signé le 23 janvier 2012
– contrat du 28 et 30 avril 2012, signé le 23 avril 2012
– contrat du 3 au 6 mai 2012, signé 6 avril 2012
– contrat du 10 au 11 mai 2012, signé le 26 avril 2012
– contrat du 19 mai 2012, signé le 16 mai 2012
– contrat du 27 mai 2012, signé le 23 mai 2012
– contrat du 2 au 3 juin 2012, signé le 30 mai 2012
– contrat du 23 au 24 juin 2012, signé le 18 juin 2012
– contrat du 29 juin 2012, signé le 18 juin 2012
– contrat du 6 au 8 juillet 2012, signé le 4 juillet 2012
– contrat du 13 au 14 juillet 2012, signé le 4 juillet 2012
– contrat du 20 et 21 juillet 2012, signé le 4 juillet 2012
– contrat du 23 juillet 2012, signé le 4 juillet 2012
– contrat du 24 juillet 2012, signé le 4 juillet 2012
– contrat du 27 et 28 juillet 2012, signé le 4 juillet 2012
– contrat du 22 août 2012, signé le 20 août 2012
– contrat du 28 août 2012, signé le 20 août 2012
– contrat du 8 au 12 octobre 2012, signé le 10 octobre 2012
– contrat du 13 octobre 2012 signé le 10 octobre 2012
– contrat du 20 au 23 octobre 2012, signé le 15 octobre 2012
– contrat du 26 au 29 octobre 2012, signé le 15 octobre 2012
– contrat du 1er au 3 novembre 2012, signé le 15 octobre 2012
– contrat du 16 novembre 18 novembre 2012, signé le 7 novembre 2012
– contrat du 8 décembre 2012, signé le 3 décembre 2012
– contrat du 14 au 15 décembre 2012, signé le 5 décembre 2012
– contrat du 5 au 11 mars 2013, signé le 27 février 2013
– contrat du 13 au 15 mars 2013, signé le 11 mars 2013
– contrat du 21 au 23 mars 2013, signé le 19 mars 2013
– contrat du 1er avril 2013, signé le 26 mars 2013
– contrat du 4 au 6 avril 2013, signé le 20 mars 2013
– contrat du 12 au 13 avril 2013, signé le 20 mars 2013
– contrat du 17 au 20 avril 2013, signé le 20 mars 2013
– contrat du 20 avril au 24 avril 2013, signé le 5 avril 2013
– contrat du 26 avril 2013, signé le 5 avril 2013
– contrat du 11 au 12 mai 2013, signé le 10 mai 2013
– contrat du 17 au 19 mai 2013, signé le 14 mai 2013
– contrat du 24 mai 2013, signé le 22 mai 2013
– contrat du 30 mai 2013, signé le 28 mai 2013
– contrat du 1er au 2 juin 2013, signé le 28 mai 2013
– contrat du 15 juin 2013, signé le 12 juin 2013
– contrat du 23 juin 2013, signé le 20 juin 2013
– contrat du 26 au 29 juin 2013, signé le 20 juin 2013
– contrat du 1er août 2 juillet 2013, signé le 20 juin 2013
– contrat du 1er au 2 juillet 2013, signé le 20 juin 2013
– contrat du 4 au 7 juillet 2013, signé le 20 juin 2013
– contrat du 10 au 12 juillet 2013, signé le 8 juillet 2013
– contrat du 15 juillet 2013, signé le 8 juillet 2013
– contrat du 10 août 2013, signé le 27 juillet 2013
– contrat du 14 août 2013, signé le 27 juillet 2013
– contrat du 18 août 2013, signé le 27 juillet 2013
– contrat du 24 août 2013, signé le 30 juillet 2013
– contrat du 10 au 11 octobre 2013, signé le 9 octobre 2013
– contrat du 18 au 19 octobre 2013, signé le 14 octobre 2013
– contrat du 23 octobre 2013, signé le 18 octobre 2013
– contrat du 31 octobre 2013, signé le 29 octobre 2013
– contrat du 1er au 3 novembre 2013, signé le 29 octobre 2013
– contrat du 6 au 9 novembre 2013, signé le 29 octobre 2013
– contrat du 14 au 16 novembre 2013, signé le 29 octobre 2013
– contrat du 19 novembre 2013, signé le 4 novembre 2013
– contrat du 22 au 23 novembre 2013, signé le 4 novembre 2013
– contrat du 16 au 17 janvier 2014, signé le 10 janvier 2014
– contrat du 8 mars 2014, signé le 4 mars 2014,
– contrat du 5 avril 2014, signé le 31 mars 2014
En conséquence,
Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] un rappel de salaire, de 2011 à 2014, à hauteur de 26.546,40 euros, ainsi que 2.654,64 euros de congés payés afférents.
Fixer le salaire de référence de Mme [Z] à la somme de 2.161,57 euros bruts mensuels.
Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] une somme de 6.485 euros (3 mois), à titre d’indemnité de requalification, en application de l’article L. 1245-2 du code du travail,
3. Prononcer l’existence d’une discrimination par la société A qui le tour Production, au préjudice de Mme [Z], en raison de sa situation familiale,
En conséquence,
Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] une somme de 12.970 euros nets (6 mois) à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article L.1132-1 du code du travail.
4. Prononcer l’existence d’un licenciement sans procédure au préjudice de Mme [Z] au dernier jour payé, le 2 mai 2014, lequel est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Prononcer à titre principal la nullité du licenciement sur le fondement des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, et en tout état de cause, le dire nécessairement abusif,
Prononcer à titre subsidiaire le caractère abusif de la rupture du contrat de travail,
En conséquence,
Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :
– indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 4.323,14 euros
– congés payés sur préavis : 432,31 euros
– indemnité de licenciement : 2.594 euros
Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] :
– A titre principal : compte tenu de la nullité du licenciement : une somme de 21.616 euros nets (10 mois) à titre d’indemnité pour licenciement nul,
– A titre subsidiaire : compte tenu de la rupture abusive du contrat de travail : une somme de 21.616 euros nets (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, sur le fondement de l’article L.1235-5 du code du travail,
En tout état de cause
5. Débouter la société A qui le tour Production de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
6. Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] une somme de 2.161,57 euros nets (1 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
7. Condamner la société A qui le tour Production à délivrer à Mme [Z] des bulletins de paie, et des documents sociaux conformes au « jugement » à intervenir, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,
8. Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte,
9. Dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal, avec anatocisme conformément à l’article 1343-2 du code civil
10. Condamner la société A qui le tour Production à verser à Mme [Z] une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
11. Condamner la société A qui le tour Production aux entiers dépens ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 3 mars 2023, la société A qui le tour Production demande à la cour de :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
A titre principal,
Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Nanterre en date du 8 juillet 2021, en ce qu’il a débouté Mme [Z] de ses demandes :
– en requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée et l’a déboutée de ses demandes subséquentes ;
– de dommages et intérêts pour discrimination sur le fondement des dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail ;
L’infirmer pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Débouter Mme [Z] de ses prétentions au titre du travail dissimulé ;
A titre subsidiaire,
Débouter Mme [Z] de sa demande au titre de l’indemnité pour irrégularité de procédure ;
Débouter Mme [Z] de sa demande de rappel de salaire, outre les congés payés y afférant ;
Fixer la moyenne de la rémunération de Mme [Z] à la somme de 1.081,12 euros ;
Fixer l’indemnité de requalification à la somme de 186,17 euros ;
Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 592,82 euros ;
Fixer l’indemnité de préavis à la somme de 372,34 euros outre la somme de 37,23 euros au titre des congés payés y afférant ;
Réduire à de plus juste proportion la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dans tous les cas,
Condamner Mme [Z] à payer à la société A qui le tour Production la somme de 5.809,34 euros au titre de rappel de salaire indument perçu ;
Condamner Mme [Z] à payer à la société A qui le tour Production la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 8 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 5 décembre 2023.
MOTIFS
Sur le travail dissimulé
Sur le principe
Mme [W] [Z] prétend avoir perçu partie de ses cachets en espèces.
La société relève que l’intéressée recevait, avant et après la relation de travail, des espèces sur son compte à vue. Elle querelle l’imprécision et la partialité des attestations adverses, ajoute qu'[F] [H], autour duquel les tournées étaient organisées et qui est le père des enfants de l’appelante, lui confiait des sommes en liquide prélevées sur son cachet destinées à l’entretien et l’éducation de ses enfants, qu’elle remettait à Mme [W] [Z].
L’article L.8221-5 du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
En l’occurrence, M. [X], tour manager de la société A qui le tour Production, atteste avoir été chargé de remettre les fiches de paie avec le chèque de règlement sur les tournées d'[F] [H], et précise : « je remettais aussi une partie en espèces à la demande de M. [K] et M [C] qui étaient les responsables de la société. Pour Mme [W] [Z], j’ai remis à chaque concert un chèque accompagné de la même somme en espèces. Il en était de même pour certains musiciens. Il y a certaines tournées où je remettais de l’argent en espèces à Mme [Z] sans fiches de paies toujours à la demande de M. [K] et [C]. Je n’ai jamais eu de justificatifs concernant ces espèces malgré mes nombreuses remarques à M. [K] et M. [C] ».
Mme [F] [D], fille d'[F] [H], directrice artistique de la maison d’édition de son père, atteste avoir assisté plusieurs fois dans le cadre de ses fonctions « au règlement en espèces de Mme [Z] par M. [K], il lui remettait en plus d’un chèque des [enveloppes] en main propre ou passait par le road manager du moment, M. [Y] [X] (‘) cela (les doubles cachets de [W]) [a] déjà été mentionné à plusieurs reprises lors de réunion. Et toutes les dates à l’étranger n’étaient pas toujours déclarées (‘) ».
La société A qui le tour Production querelle inutilement ces attestations, concordantes, au motif de litiges l’ayant opposée au premier témoin ou ayant opposé [F] [H] au second, et qui sont corroborées par le versement sur le compte à vue de l’appelante de numéraire, concomitamment, la plupart du temps, avec la remise d’un chèque.
La circonstance qu’expose l’intimée de la persistance de dépôt d’espèces après les dates dont se prévaut Mme [Z] de 2010 à 2012, ne contredit nullement ses affirmations, la coexistence, possible, de plusieurs origines n’en évinçant aucune.
Encore le témoignage de M. [D], autrement appelé [F] [H], contestant le témoignage de sa fille en ces termes « d’abord parlant de double cachet, c’est moi qui ai demandé à [S] [[K]] de donner des sous à Lillia pour les deux enfants que nous avons afin de l’aider par rapport aux enfants, et cet argent était prélevé sur mon cachet à moi » est insuffisant pour entrer en voie d’infirmation, dans l’instant où M. [X] se fait l’écho d’une pratique générale.
Le jugement sera confirmé, sur le principe d’un travail dissimulé par minoration des salaires, dont une partie n’était pas déclarée.
Sur la base des salaires que Mme [W] [Z] allègue avoir perçus de 2011 à 2012, il convient d’arrêter l’indemnité pour travail dissimulé à la somme forfaitaire de 10.146,72 euros, et le jugement sera infirmé sur le montant alloué.
Sur le débiteur des rappels des cotisations sociales
Au moyen adverse de la création de la société en février 2011, Mme [W] [Z] oppose la fraude à la liquidation judiciaire prononcée le 15 mars 2011, close le 12 mars 2013 faute d’actifs suffisants, puisque la même activité était reprise, dans les mêmes lieux avec les mêmes personnes, sous le même nom commercial. Elle voit dans l’ancienneté au 23 mai 2008 que lui reconnaissent ses bulletins de paie, le signe de cette continuité. Elle en déduit que son contrat a été transféré par application de l’article L. 1224-1 du code du travail, et sinon, que la fraude oblige la société A qui le tour Production.
Suite à quoi, l’intimée fait valoir les dispositions de l’article L.1224-2 du code du travail, et oppose à son contradicteur sa carence probatoire dans la démonstration du transfert d’une entité économique autonome. Elle note que le dernier contrat conclu avec la société Média audio communication exerçant sous l’appellation « Mediacom » date du 8 octobre 2010 alors qu’elle l’engagea en avril 2011. Elle soutient la prescription de la demande, au visa de l’article L.1471-1 du code du travail. Elle affirme enfin n’y avoir aucune fraude à remonter une autre activité similaire, sans distraire les actifs de la précédente structure.
La société A qui le tour Production n’élevant au dispositif de ses conclusions aucune fin de non-recevoir, la cour n’en est pas saisie au regard des dispositions de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile.
L’article L.1224-1 du code du travail expose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Cependant, Mme [W] [Z] se borne à affirmer y avoir eu un transfert d’activité sans offre de preuve. Elle ne prétend au reste pas y avoir eu aucune modification dans la situation juridique de son précédent employeur, puisque, selon elle, les mêmes associés montaient une activité autonome en parallèle de la liquidation judiciaire de la société Média audio communication, et ne spécifie aucun lien entre elles, que présuppose l’article L.1224-1 précité.
Au reste, comme le relève l’intimée, l’article L.1224-2 du même texte réserve le cas de la liquidation judiciaire qu’il pose comme une exception en ces termes : « le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ».
Dès lors, le moyen de Mme [W] [Z] de voir constater un tel transfert sera rejeté.
Si la société A qui le tour Production suggère l’incompétence de cette juridiction sur le moyen subsidiaire d’une fraude à la liquidation judiciaire, force est de constater que la cour n’en est pas saisie faute d’aucune exception régulièrement soulevée au dispositif de ses conclusions.
Cependant, les allégations, quoique non contestées, de Mme [W] [Z] sur la reprise d’une activité similaire par les mêmes personnes, dans les mêmes locaux, sans autre précision, ne sauraient convaincre, à elles seules, d’une telle fraude. Dès lors, la société A qui le tour Production ne peut pas être redevable des cotisations avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, le 14 février 2011, étant précisé que le premier engagement de la salariée prend date le 6 avril suivant.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme [W] [Z] fondée sur la « fraude à la liquidation judiciaire et au transfert d’activité », en complément du jugement.
Pour autant, la société A qui le tour Production sera invitée à régulariser la situation de Mme [W] [Z] auprès des organismes sociaux, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant 90 jours, sur la base des versements en espèces allégués par la salariée et qui ont été retenus pour le calcul de l’indemnité forfaitaire, soit 8.200 euros en 2011 et 4.000 euros en 2012.
Elle sera également tenue de remettre à l’intéressée les bulletins de paie régularisés.
Sur la requalification de la durée du contrat
Sur la cause
Se fondant sur les dispositions du code du travail et de l’accord-cadre du 18 mars 1999 mis en ‘uvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 du conseil de l’Union européenne, Mme [W] [Z] fait valoir le non-respect du formalisme applicable aux contrats à durée déterminée ainsi que caractère normal et permanent de son emploi.
Elle soutient qu’avant 2013, la relation était réglée par la convention collective régissant les rapports entre les entrepreneurs de spectacles et les artistes dramatiques, lyriques, marionnettistes, de variété et musiciens en tournée, et que les contrats manquaient aux stipulations de son article 11 obligeant à spécifier l’objet particulier du contrat et l’indication de son terme par une date ou l’intervention d’un fait déterminé, et qu’ainsi la production pour lequel il a été conclu devait être spécifiée.
La société A qui le tour Production lui oppose la prescription qui court, selon elle, dès la conclusion du contrat.
Néanmoins, ne soulevant au dispositif de ses conclusions aucune fin de non-recevoir dans l’instant où elle sollicite la confirmation du jugement qui a débouté Mme [Z] de ses prétentions à cet égard, la cour n’en est pas saisie.
L’intimée prétend, au fond, que l’objet était spécifié à chaque contrat, dans le respect de l’accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif aux secteurs du spectacle, du cinéma, de la production audiovisuelle et de la production phonographique visé dans les contrats à durée déterminée.
Les contrats, dès le 4 avril 2011 jusqu’au 20 août 2012, sont ainsi libellés : motifs : « emploi d’usage des secteurs du spectacle, de l’audiovisuel, de l’action culturelle et de la production cinématographique (code du travail : article D.121-2) », ils mentionnent les dates d’engagement, la durée horaire du travail quotidien, la nature de l’emploi « musicien », le lieu de travail est ainsi spécifié « le salarié pourra être occupé à divers endroits ». Dès le 23 juin 2011, il est précisé en plus : « lieu des départs et des retours des concerts : [Localité 6] ».
Cela étant, l’accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif au contrat à durée déterminée d’usage, étendu le 21 mai 1999, vise l’article D.121-2 du code du travail, devenu l’article D.1242-1 et avait vocation à s’appliquer à la relation.
Il stipulait :
« 3.2. CDD de droit commun
Les signataires entendent réserver le recours au CDD d’usage, dans leurs branches d’activité, aux seuls cas où les particularités de ces branches le justifient.
En conséquence :
a) Les employeurs doivent recourir au contrat à durée déterminée de droit commun dans tous les cas prévus par la loi ;
b) Lorsqu’ils recourent à des CDD de droit commun, les employeurs versent aux salariés la prime de précarité et font application des textes en vigueur en matière de congés payés ;
c) Toutefois, si les salariés concernés exercent l’emploi d’artiste du spectacle ou l’un des emplois figurant dans les listes ci-après, les employeurs, en accord avec les intéressés, cotiseront, au titre des contrats en cause, aux organismes sociaux du spectacle.
3.3. Objet du contrat
L’employeur qui engage un collaborateur dans le cadre d’un CDD d’usage devra faire figurer sur le contrat l’objet particulier de celui-ci, et justifier du caractère temporaire de cet objet, en indiquant son terme, par une date ou l’intervention d’un fait déterminé. »
La convention collective nationale régissant les rapports entre les entrepreneurs de spectacles et les artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques, marionnettistes, de variétés et musiciens en tournées du 7 février 2003, étendue par arrêté du 20 octobre 2004, dont se prévaut Mme [Z], au motif justifié qu’il apparait, à l’occasion, sur ses bulletins de paie et dans le champ de laquelle entre indubitablement l’activité de l’entreprise, stipule, en son article 11, « le contrat doit obligatoirement comporter :
(‘)
4. L’objet particulier du contrat et l’indication de son terme par une date ou l’intervention d’un fait déterminé :
Les dates de début et de fin de tournée (‘) »
Dès lors que les deux textes obligent le contrat à durée déterminée d’usage à contenir l’objet particulier pour lequel il est conclu, force est de constater que cette exigence s’appliquait à la relation entre les parties.
Cela étant, il est manifeste que les contrats conclus dès 2011 ne mentionnaient aucun objet particulier, et ainsi la définition précise de leur motif, serait-ce la tournée ou les concerts dont il s’agissait et qui n’étaient pas même évoqués en leur principe jusqu’au 29 juin 2011, alors que le recours d’usage à de tels contrats n’en dispense pas l’employeur. En effet, l’article L.1242-2 du code du travail dispose qu’il ne peut être recouru à un tel contrat que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, quand bien même il serait d’usage dans le secteur d’activité.
Mme [W] [Z] précise qu’ensuite la convention collective appliquée fut celle du personnel des prestataires de service du secteur tertiaire, qui ne prévoit pas le recours aux contrats à durée déterminée d’usage, et la société A qui le tour Production lui objecte avoir seulement appliqué l’accord interbranche du 12 octobre 1998 relatif aux secteurs du spectacle, du cinéma, de la production audiovisuelle et de la production phonographique, visé dans les contrats à durée déterminée.
Cela étant, si les contrats font référence à l’usage que permet l’accord comme l’article L.1242-2 du code du travail, ils réservent l’application éventuelle d’une convention collective dans l’entreprise.
S’il est vrai que les bulletins de paie de Mme [W] [Z] font référence à la convention collective du « personnel des prestataires de service du secteur tertiaire », cela n’empêche qu’officiant dans le secteur d’activité des spectacles comme artiste et dans la mesure où le contrat fait référence à l’accord du 12 octobre 1998 et à l’article L.1242-2, permettant ensemble, par renvoi à l’article D.1242-1, un tel usage, il ne s’en déduit pas, de ce seul motif, qu’il en aurait été évincé. Ce moyen n’est pas fondé.
Mme [W] [Z] relève ensuite qu’aucun contrat écrit ne fut établi les 23 avril, 30 avril et 2 mai 2014, et la société A qui le tour Production, le confirmant, lui oppose qu’aucun travail suite à l’agression par la salariée d’une amie d'[F] [H] à l’occasion d’une tournée durant l’été 2013 ayant conduit à son arrestation et sa présentation en justice, ne lui fut plus fourni, [F] [H] souhaitant suspendre sa collaboration avec elle, même si l’employeur continua à la rémunérer et à la déclarer encore.
L’article L. 1242-12 du code du travail disposant que « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée », l’argument de la société A qui le tour Production d’une « relation fictive » est inopérant du moment qu’elle a établi des bulletins de paie pour ces prestations, et la requalification est encore encourue pour ce motif.
Mme [W] [Z] estime par ailleurs que l’identité du signataire pour ordre de la société n’est pas identifiable sur un ensemble de contrats, listés, et en déduit leur nullité sinon leur inopposabilité.
Cependant, c’est à raison que la société A qui le tour Production lui oppose sa reconnaissance et ainsi sa validation, de la sincérité de ces contrats, suite à délégation, serait-elle orale, de sa signature à l’une de ses salariés. Il sera ajouté au jugement, le rejet de la demande de voir constater la nullité de ces contrats. Ces contrats, des mêmes motifs, ne sauraient lui être déclarés inopposables.
Par ailleurs, Mme [W] [Z] tient également inopposables les contrats du 5 avril 2013 signés pour ordre, en ses lieux et places, faute d’aucun mandat.
Etant précisé que l’intimée ne soulève pas valablement la fin de non-recevoir tirée de la prescription dans le dispositif de ses conclusions, il doit être considéré que les contrats du 5 avril 2013 pour des engagements des 24 et 26 avril 2013, qui n’ont pas été signés par Mme [Z], sans qu’elle n’en valide la signature pour ordre y apposée, ne valent pas contrats écrits, et la relation doit encore être requalifiée de ce motif.
Mme [W] [Z] plaide n’y avoir eu de contrat pour les périodes d’emploi non déclarées, ayant donné lieu à versement d’espèces.
Cependant, s’il appartient à l’employeur de justifier de l’existence d’un contrat à durée déterminée, il incombe au salarié de préciser les périodes pendant lesquelles il prétend avoir eu un tel contrat sans l’avoir reçu.
Dès lors, en dépit de l’attestation de M. [X] rapportant que l’intéressée reçut en contrepartie de sa prestation, du numéraire sans bulletins de paie, il ne saurait, par manque de précision dans l’instant où Mme [W] [Z] n’énonce aucune période où elle aurait travaillé sans contrat écrit, être considéré qu’il y aurait lieu à requalification de ce motif.
Mme [W] [Z] conclut qu’en toute hypothèse, l’importance et la permanence de son poste, serait-ce à temps partiel, sont établies, par la conclusion de 100 contrats en 3 ans, et ce, alors que son ancienneté remontant au 23 mai 2008 lui était reconnue sur ses bulletins de paie. Elle souligne par ailleurs qu’il appartient à l’employeur de justifier objectivement du caractère par nature temporaire de son emploi, au sein de l’établissement.
Suite à quoi, la société A qui le tour Production lui oppose qu’elle n’occupait pas un emploi permanent, qu’elle fut employée comme musicienne puis choriste, que les spectacles étaient aléatoires et qu’elle travaillait pour d’autres.
L’article L.1242-1 du code du travail dit qu’« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. »
Il importe, par application de l’accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en ‘uvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, de vérifier que le recours à l’utilisation de tels contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Cependant, étant constant que l’intéressée était musicienne à l’occasion des tournées du chanteur [F] [H] qui étaient nécessairement temporaires et aléatoires, il s’en déduit que l’employeur n’a pas méconnu le recours d’usage à de tels contrats.
En tout état de cause, les irrégularités formelles des contrats dès l’origine imposent la requalification de la relation dans sa durée et il doit être considéré que les contrats à durée déterminée successifs de Mme [W] [Z] sont réputés conclus à durée indéterminée, en application des articles L. 1242-12 et L.1245-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 21 janvier 2008, qui énonce que « est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12, alinéa premier, L.1243-11, alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4. »
Le jugement sera infirmé dans son expression contraire, sur le principe et ses conséquences.
Sur les conséquences
Mme [W] [Z] soutient que la requalification doit déployer ses effets dès sa première embauche, et fait égard à l’ancienneté libellée sur ses bulletins de paie.
Cependant, l’appelante n’alléguant d’aucune irrégularité avant le mois d’avril 2011 et la pérennité de son emploi n’ayant pas été retenue, il s’en déduit que la requalification ne saurait pas avoir lieu antérieurement à cette date, peu important à cet égard que ses bulletins de paie portent mention d’une « date d’entrée : 23/05/08 ».
Mme [W] [Z] considère ensuite par le truchement de l’article L.3242-1 du code du travail, que l’employeur lui devait un salaire constant chaque mois, et rappelle que les mentions portées sur le bulletin de paie ne valent pas présomption de paiement. Ce faisant, elle sollicite un rappel de salaire de 26.546,40 euros, et la société A qui le tour Production lui objecte qu’elle ne saurait demander un forfait correspondant à 10 mois de salaire, alors qu’elle n’apporte pas la preuve de son maintien à sa disposition pendant les périodes interstitielles.
Cela étant, la requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’emporte que la disparition du terme contractuel stipulé dans les contrats irréguliers, et n’a pas pour effet d’en modifier les autres stipulations, qui restent inchangées.
Dès lors, l’appelante n’est pas fondée à réviser son salaire au seul motif de la mensualisation du paiement qu’induit la relation à durée indéterminée. Ses prétentions articulées autour de la garantie d’un salaire constant, doivent être rejetées.
Mme [W] [Z] sollicite une indemnité de requalification en application de l’article L.1245-2 du code du travail, en ajustant son montant à la pérennité de sa précarité durant 7 ans.
L’article L.1245-2 du code du travail exprime que lorsque la requalification est ordonnée, une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, à la charge de l’employeur, est accordée au salarié.
Sachant que cette indemnité ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine et que l’intéressée perçut en mai 2014, 186,17 euros bruts, il lui sera alloué la somme de 1.000 euros, tenant compte de l’ancienneté de la requalification.
Sur la discrimination et la rupture
Sur la cause de la rupture
Mme [W] [Z] explique avoir été choriste sur les concerts d'[F] [H], père de ses deux enfants nés en 2010 et 2013, et que leur relation rompue, il exigea de ne plus travailler avec elle, qu’ainsi la société la paya durant 3 mois sans lui fournir aucune prestation de travail, puis cessa toute collaboration dès le 2 mai 2014. Elle en déduit avoir été victime d’une discrimination en raison de sa situation de famille.
En application de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison notamment de sa situation de famille.
L’article L. 1134-1 du même texte dit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, s’il y a lieu, toutes les mesures d’instruction utiles.
Il est constant que Mme [W] [Z] et [F] [H] étaient parents de deux enfants nés en 2010 et 2013 et qu’ils rompirent leurs relations en août 2012.
Il est également constant que par mail du 12 septembre 2013, la société A qui le tour Production a confirmé la suspension de toute collaboration de l’intéressée avec le musicien.
Pour étayer la matérialité des faits évoqués, Mme [W] [Z] produit ensuite :
L’attestation de Mme [D], qui indique qu’en « août 2013, papa [[F] [H]] a demandé à [S] [[K]] de contacter [W] [[Z]] pour lui signifier son licenciement », poursuit sur les négociations financières qui s’en suivirent, et ajoute « j’ai assisté à une conversation téléphonique entre [S] [K] et mon père où [S] [disait] à papa que [W] réclamait ces dernières fiches de paie et où papa répondait à [S] de ne rien lui donner ni fiche de paie ni argent. »
L’attestation de M. [X] disant que Mme [Z] « a été renvoyée sans motifs à la surprise générale. Il y a eu un mélange entre vie privée et professionnelle de la part de Médiacom. »
Il est ainsi acquis, comme l’a relevé le jugement, que les relations entre les parties ont été rompues à la demande d'[F] [H], mais un an après leur rupture sentimentale, survenue selon l’appelante le 28 août 2012.
Faute de concomitance, la discrimination ne saurait être présumée de ce seul fait matériellement établi.
Etant ajouté que ce dernier comme Mme [J] témoignent dans les formes du code de procédure civile avoir été agressés le 1er juillet 2013 à Washington par Mme [W] [Z] qui les frappa, lança à la tête de l’artiste des objets, tira les cheveux et roua de coups Mme [J] ce qui occasionna outre diverses blessures, la plainte de l’hôtel où se déroula cette scène et l’arrestation par la police de Mme [Z] qui fut, selon [F] [H], présentée devant les tribunaux américains, il s’en déduit que la fin de la collaboration qui s’articulait seulement autour des concerts de ce musicien trouve sa cause, comme l’affirme l’employeur, dans cette agression rendant impossible sa poursuite, encore que ce dernier ait continué à rémunérer Mme [W] [Z] d’octobre 2013 à mai 2014, sans contrepartie d’aucune prestation.
Dès lors, c’est à raison que la société A qui le tour Production plaide l’absence de toute discrimination. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de l’intéressée en nullité du licenciement et en dommages-intérêts pour discrimination.
Sinon, Mme [W] [Z] déduit de ce qui précède avoir subi un licenciement sans forme, et ainsi sans cause, le 2 mai 2014.
La relation de travail requalifiée en contrat à durée indéterminée ayant pris fin à l’échéance du dernier contrat à durée déterminée, le 2 mai 2014, elle s’analyse nécessairement en un licenciement dépourvu de cause. Le jugement sera infirmé dans son expression contraire, sur le principe et ses conséquences.
Sur les conséquences
Mme [W] [Z] sollicite à bon droit le règlement de l’indemnité compensatrice du préavis de 2 mois ni effectué ni payé en application de l’article L.1234-1 du code du travail.
Il convient de fixer, vu l’aléa des concerts, la rémunération mensuelle à laquelle elle aurait pu prétendre, au printemps 2014, à la somme de 930 euros, et l’indemnité compensatrice de préavis s’établit à 1.860 euros, plus les congés payés afférents.
Mme [W] [Z] a droit à l’indemnité légale de licenciement instituée par l’article L.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable à la cause. Y incluant le préavis, elle bénéficie, vu ce qui précède, d’une ancienneté de 3 ans et 3 mois. Ses droits, selon l’article R.1234-2 du code du travail, s’établissent donc à la somme de 1.081,12 euros bruts x 1/5 x (3 + ¿) = 702,72 euros, en prenant en considération le salaire moyen indiqué par l’employeur calculé sur 12 mois.
Vu son âge, son ancienneté et son évolution professionnelle marquée par la précarité, en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, elle sera justement indemnisée de la perte injustifiée de son emploi par l’allocation de 5.000 euros.
Le licenciement n’étant pas basé sur un motif réel et sérieux, l’indemnité prévue par l’article L.1235-2 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, qui est due au cas contraire, n’est pas fondée.
Il sera ordonné à l’employeur de remettre à la salariée les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n’est pas nécessaire à assurer l’exécution de cette injonction.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement des salaires
La société sollicite le remboursement des salaires versés d’octobre 2013 à mai 2014, sans contrepartie d’aucune prestation de travail, en soulignant l’aveu de l’intéressée.
L’article 1235 du code civil, dans sa version alors en vigueur, dit que « tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition. »
L’article 1376 du même code, dans sa version applicable au litige, ajoute que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »
C’est au demandeur en restitution des sommes qu’il prétend avoir indûment payées qu’incombe de prouver le caractère indu du paiement.
Cela étant, il ressort des explications de l’intimée que s’étant trouvée au c’ur du conflit entre les artistes qu’elle produisait, elle fit le choix, pour ménager Mme [W] [Z], de lui verser pendant quelques mois des salaires sans lui demander aucune contrepartie.
Dès lors qu’elle a elle-même mis en place cet arrangement amiable au cours de la relation de travail, selon elle dans un souci d’apaisement, elle ne saurait pas en solliciter la restitution au seul motif que la salariée, sur la demande de la société, n’aurait fourni aucun travail.
La demande sera rejetée par confirmation du jugement.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu’il a alloué sur le principe une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à Mme [W] [Z], en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [W] [Z] en nullité du licenciement, de dommages-intérêts pour discrimination, d’une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, en ce qu’il a rejeté la demande de la société à responsabilité limitée A qui le tour Production en répétition de l’indu, sur les intérêts et sur les frais de justice ;
L’infirme sur le surplus ;
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
Requalifie les contrats à durée déterminée d’usage de Mme [W] [Z] auprès de la société à responsabilité limitée A qui le tour Production dès le 6 avril 2011 en un contrat à durée indéterminée ;
Condamne la société à responsabilité limitée A qui le tour Production à payer à Mme [W] [Z] 1.000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
Constate l’irrégularité de la rupture de la relation conventionnelle ;
Dit qu’elle déploie les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société à responsabilité limitée A qui le tour Production à payer à Mme [W] [Z] :
– 1.860 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 186 euros bruts pour les congés payés afférents ;
– 702,72 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 5.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement injustifié ;
Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;
Ordonne la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Rejette la demande d’astreinte ;
Enjoint à la société à responsabilité limitée A qui le tour Production de régulariser la situation de Mme [W] [Z] auprès des organismes collecteurs de charges sur la base de la perception, nette de charges, en 2011 de 8.200 euros, en 2012 de 4.000 euros, sous astreinte de 50 euros par jours de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision, la durée de l’astreinte provisoire étant limitée à 90 jours ;
Rejette les demandes de Mme [W] [Z] de voir constater la nullité des contrats de travail listés dans ses conclusions, de voir constater le transfert de son contrat sur le fondement de l’article L.1224-1 du code du travail, de dommages-intérêts pour fraude, de rappel de salaires ;
Condamne la société à responsabilité limitée A qui le tour Production à payer à Mme [W] [Z] 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;
Condamne la société à responsabilité limitée A qui le tour Production aux dépens, hors les frais d’exécution de la décision régis par des textes spéciaux.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,