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18 janvier 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/01491
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 18 JANVIER 2024
N° 2024/32
Rôle N° RG 23/01491 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKWDH
S.C.I. D’INVESTISSEMENT EUROPEEN ‘SEII’
C/
[M] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON
SCP PASCAL – CHAMPDOIZEAU
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 12 janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/01383.
APPELANTE
S.C.I. D’INVESTISSEMENT EUROPEEN ‘SEII’
dont le siège social est situé [Adresse 3] – [Localité 2]
représentée par Me Charles TOLLINCHI substitué par Me CORINNE PERRET-VIGNERON de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et assistée de Me Gilbert UGO, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Madame [M] [J]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000917 du 14/04/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le 26 mai 1959 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4] – [Localité 1]
représentée par Me Michelle CHAMPDOIZEAU-PASCAL de la SCP PASCAL – CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 28 novembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
Mme Florence PERRAUT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 6 avril 2011, la société civile immobilière (SCI) d’Investissement Européen (SEII) a donné à bail précaire, d’une durée de 23 mois, à effet au 1er mai 2011, à Mme [D] [N], se portant fort pour sa fille, Mme [M] [J], des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] comprenant notamment deux salles d’exposition, un comptoir de réception et un coin d’habitation.
Mme [J] s’est maintenue dans les lieux après l’arrivée du terme du bail précaire.
Le 5 août 2022, la société SEII a délivré à Mme [J] un commandement d’avoir à payer la somme principale de 2 334,87 euros et de justifier de l’attestation d’assurance en visant la clause résolutoire insérée au bail.
Se prévalant d’un commandement de payer resté infructueux, la société SEII a fait assigner Mme [J], par acte d’huissier en date du 16 septembre 2022, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir constater la résiliation de plein droit du bail, ordonner son expulsion et la condamner à lui verser diverses sommes à titre provisionnel.
Par ordonnance en date du 12 janvier 2023, ce magistrat :
– s’est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal de proximité d’Antibes ;
– dit que le dossier de l’affaire serait transmis par le greffe, avec copie de la décision de renvoi ;
– réservé les dépens qui seront tranchés par la juridiction de renvoi.
Il a considéré que, faute pour la bailleresse de démontrer que les parties avaient soumis le bail aux dispositions de l’article L 145-5 du code de code de commerce ou qu’un fonds de commerce ou artisanal avait été exploité dans les lieux, le moyen soulevé par la bailleresse selon lequel il s’était opéré un bail soumis au statut des baux commerciaux, en ce que Mme [J] s’était maintenue dans les lieux au-delà de l’expiration du bail précaire, ne pouvait être retenu. Il a également souligné qu’aucune disposition du bail ne faisait référence au code de commerce, au caractère commercial des locaux loués ou de l’activité autorisée et au caractère dérogatoire du bail précaire conclu vis-à-vis du statut des baux commerciaux. Enfin, il a indiqué qu’il n’était pas contesté que les locaux constituaient la résidence principale du preneur. En considération de ces éléments, il a considéré, qu’en application de l’article L 213-4-4 du code de l’organisation judiciaire, le juge des contentieux de la protection était seul compétent pour connaître de l’action portant sur l’occupation d’un logement consenti aux termes d’un contrat de bail mixte professionnel et d’habitation.
Suivant déclaration transmise au greffe le 23 janvier 2023, la société SEII a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 30 janvier 2023, le président de la chambre 1-2 a autorisé la société SEII à faire assigner à jour fixe Mme [M] [J] devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour l’audience du 23 mai 2023 afin qu’il soit statué sur l’appel de l’ordonnance de référé d’incompétence susvisée.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 19 septembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, la société SEII sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau qu’elle ;
– dise que le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse était compétent ;
– évoque l’affaire au fond en faisant application de l’article 88 du code de procédure civile ;
– constate la résiliation du bail liant les parties ;
– ordonne l’expulsion de Mme [J] des lieux loués et celle de tous occupants de son chef, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
– condamne Mme [J] à lui verser une indemnité d’occupation de 839 euros par mois jusqu’à libération des lieux ;
– la condamne à lui verser la somme provisionnelle de 11 384,97 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 1er septembre 2023 ;
– la condamne à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamne aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et de la sommation ;
– déboute Mme [J] de toutes ses demandes.
Sur l’exception d’incompétence, elle expose, qu’en application de l’article L 145-5 du code de commerce, si un locataire d’un bail de courte durée se maintient dans les lieux au terme du bail initial, les parties sont soumises au statut des baux commerciaux. Elle affirme que le bail qui a été conclu porte sur des locaux pour un usage professionnel ou commercial, et non pour un usage d’habitation. Elle relève que le local est désigné comme comportant des niches, rails de spot, un comptoir de réception et un ‘coin’ habitation. Elle indique qu’il s’agit d’un local artisanal, une ancienne verrerie, comprenant un atelier au Nord où était en place des fours, une douche, un lavabo et un WC, un coin repas et un coins repos pour les verriers, avec salle d’exposition au Sud de plus de 120 m2. Elle souligne que la partie habitation ne représente qu’une superficie de 23 m2. Elle expose que les clauses du bail sont celles que l’on trouve habituellement dans les baux commerciaux. Elle considère donc que l’intention des parties étaient d’utiliser le local à usage d’artisan et non d’habitation. Elle fait observer que Mme [J], qui a fermé sa galerie en septembre 2021, a exploité dans le local loué durant 9 années une activité de créatrice en arts plastiques sous l’enseigne C [J] Gallery dans laquelle elle a fait de fréquentes expositions et y recevait du public. Le fait même qu’elle utilisait la salle d’exposition comme une chambre n’enlève rien à la nature commerciale du bail mais révèle uniquement qu’elle ne respectait pas la destination des locaux.
Sur l’irrecevabilité de sa demande, elle se prévaut de l’article 1204 du code civil pour soutenir que celui qui se porte fort pour un tiers en promettant la ratification par ce dernier d’un engagement est tenu d’une obligation dont il se trouve décharger dès la ratification par le tiers. Elle considère donc que seule Mme [J], qui exécute le bail depuis plusieurs années, devait être assignée.
Sur le fond, elle affirme que Mme [J], qui occupe les lieux depuis 2011 sans jamais s’être plainte de quoique ce soit, ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution tenant à des dégâts des eaux qui dureraient depuis plusieurs années. De plus, elle souligne que les dispositions sur la décence ne concernent que les logements d’habitation. Elle demande donc à la cour de faire droit à ses demandes en évoquant le fond afin de donner à l’affaire une solution définitive.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 16 mai 2023, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, Mme [J] demande à la cour de :
à titre principal,
– confirme l’ordonnance entreprise ;
– déclare le juge des référés du tribunal judiciaire incompétent au profit du juge des contentieux et de la protection ;
– déclare le commandement de payer et l’assignation irrecevables en raison de l’absence d’une partie à la procédure ;
à titre subsidiaire,
– déboute l’appelante de ses demandes en raison d’une contestation sérieuse ;
à titre infiniment subsidiaire,
– ordonne l’échelonnement du paiement de sa dette sur 36 mois ;
– suspende les effets de la clause résolutoire ;
en tout état de cause,
– déboute l’appelante de ses demandes ;
– la condamne à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamne aux dépens, avec distraction au profit de Me Champdoizeau-Pascal, avocat aux offres de droit.
Sur l’exception d’incompétence, elle indique que le bail ne porte que sur un local d’exposition n’entraînant aucune activité commerciale, mais uniquement un usage professionnel. Elle relève qu’en raison de problèmes de santé, elle ne peut plus exploiter professionnellement les lieux. Elle indique toutefois que, dès lors que le local loué comprend une partie habitation, elle y réside, sachant qu’il s’agit de sa résidence principale. Elle estime donc que son bail n’est pas soumis au régime des baux commerciaux mais à celui des baux d’habitation conformément à l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989. Elle relève que la bailleresse elle-même faisait état d’un bail renouvelé mixte dans un courrier du 3 novembre 2015. Elle affirme que, dès lors qu’un litige porte sur un local à usage mixte professionnel et d’habitation, le tribunal d’instance est seul compétent pour en connaître en application des anciens articles R 211-4 et R 221-38 du code de l’organisation judiciaire.
Sur l’irrecevabilité des demandes, elle indique que Mme [N] n’a pas été assignée alors même que le bail indique qu’elle s’est portée fort pour elle.
Sur le fond, elle se prévaut de contestations sérieuses tenant à l’incompétence du juge des référés compte tenu de la nature du bail, à la nullité du commandement de payer qui vise les dispositions du code de commerce et à une exception d’inexécution résultant des dégâts des eaux qu’elle subie depuis plusieurs années, et en particulier en 2016 à la suite d’une fuite des canalisations et en 2022 à la suite d’une fuite émanant de la toiture. Elle se prévaut donc d’un logement insalubre et indécent.
A défaut, elle sollicite des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire compte tenu de ses problèmes de santé et de ses faibles revenus comme ne percevant que le RSA. Elle indique avoir assuré son logement et entreprendre des démarches pour obtenir un logement social. Elle expose également avoir versé la somme de 100 euros en août 2022.
La clôture de l’instruction est intervenue à l’audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exception d’incompétence matérielle
En application de l’article L 213-4-4 du code de l’organisation judiciaire, le juge des contentieux de la protection est seul compétent pour connaître de l’action dont un contrat de louage d’immeubles à usage d’habitation ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement est l’objet, la cause ou l’occasion.
Selon l’article R 213-9-4 du même code, le juge des contentieux de la protection statue en dernier ressort lorsque la demande n’excède pas 5 000 euros et à charge d’appel au-delà de ce montant ou lorsque la demande est indéterminée.
L’article R 211-3-26 11° du même code énonce, qu’outre les baux commerciaux, les baux professionnels et les conventions d’occupation précaire en matière commerciale sont de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.
Ainsi, sont exclus de la compétence des juges des contentieux de la protection les litiges intéressants les baux commerciaux ainsi que toutes les contestations en matière de locaux à usage commercial ou artisanal ou à usage mixte d’habitation et commercial ou artisanal régis par les articles L 145-1 et L 145-2 du code de commerce.
En revanche, le juge des contentieux de la protection demeure compétent en matière de baux mixtes à usage d’habitation et à usage professionnel autre que commercial ou artisanal en application de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989.
En l’espèce, le bail précaire d’une durée de 23 mois consenti par la société SEII à Mme [J] pour la période allant du 1er mai 2011 au 31 mars 2013 porte sur des locaux comprenant un escalier permettant d’accèder au local d’exposition, une entrée, deux grandes salles d’exposition contig’es, avec niches et rails de spots en l’état, de l’eau et électricité en l’état, un comptoir de réception recouvert de pierres en l’état ainsi qu’un coin habitation comprenant : dégagement coin cuisine aménagée non équipée, salle d’eau WC, une pièce aveugle avec un sous escalier avec étagères, un rangement avec tableau électrique, une cave (…).
Les parties discutent la nature de la location portant sur les locaux loués, la société SEII affirmant que le contrat précaire qui a été conclu doit être requalifié en un bail à usage commercial soumis au statut des baux commerciaux par suite du maintien de Mme [J] dans les lieux au-delà du 31 mars 2013 tandis que Mme [J] affirme que le bail, qui était à usage d’habitation et professionnel, doit être qualifié en un bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 par suite de la cessation de son activité professionnelle pour des raisons de santé.
Un mois après la conclusion du bail, il s’avère que Mme [J] a créé une entreprise individuelle portant le numéro de SIRET 532 481 140 00012 afin d’exercer, au sein des locaux loués par la société SEII, une activité professionnelle dans le domaine de la création artistique relevant des arts plastiques sous le nom de C [J] Gallery.
C’est la raison pour laquelle le bail stipule dans un article L que Mme [J] ne pourra exercer dans les lieux loués qu’exclusivement l’activité DECORATION ARTISANALE et activités connexes, tels artiste-sculpteur etc…
L’entreprise créée par Mme [J] s’apparente donc à une entreprise artisanale. Bien que la preuve d’une immatriculation au répertoire des métiers ou au registre des entreprises n’est pas rapportée, il apparaît que Mme [J] bénéficie de l’assurance vieillesse et d’allocations familiales, tel que cela résulte de la décision prise, le 13 avril 2023, par la commission de surendettement des particuliers des Alpes-Maritimes imposant des mesures après avoir déclaré le dossier de Mme [J] recevable le 23 février 2023. Or, l’article L 145-2 I 6)° du code de commerce étend le statut des baux commerciaux aux artistes admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes et reconnus auteurs d”uvres graphiques et plastiques dès lors que l’artiste réalise dans les lieux loués des travaux de création.
En tout état de cause, le contrat qui a été conclu est un bail précaire de 23 mois. Bien que le bail précise que Mme [J] ne pourra exercer dans les lieux loués qu’une activité de DECORATION ARTISANALE et activités connexes, tels artiste-sculpteur etc, le fait qu’aucune stipulation du bail ne fasse référence au code de commerce et au caractère commercial des lieux loués par suite de l’exploitation d’un fonds de commerce ou artisanal démontre que l’intention des parties était, au moment de sa signature, de ne pas soumettre le bail au statut des baux commerciaux. Etant donné que le bail porte sur des locaux servant à l’exploitation du fonds artisanal de Mme [J], il s’agit d’un bail précaire dérogatoire.
Or, comme le relève à juste titre la société SEII, s’il résulte de l’article L 145-5 du code de commerce que les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ne soit pas supérieure à trois ans, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par le code du commerce dès lors, qu’à l’expiration de la durée prévue, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance, le preneur reste et est laissé en possession des lieux.
En l’occurrence, le fait même pour Mme [J] d’avoir été laissée en possession des lieux à l’issue de l’échéance du bail, soit au-delà du 31 mars 2013, entraîne la soumission de la relation contractuelle au statut des baux commerciaux régis par les articles L 145-1 et L 145-2 du code de commerce.
Il reste que Mme [J] affirme, qu’ayant cessé son activité professionnelle, elle n’utilise désormais les lieux loués que pour un usage d’habitation, ce à quoi la société SEII répond que le bail n’a été consenti que pour permettre au preneur d’exploiter son fonds artisanal.
Si les clauses du bail stipulent que Mme [J] ne pourra exercer dans les lieux loués qu’une activité exclusive de décoration artisanale et d’activités connexes, aucune interdiction expresse ne lui est faite d’utiliser les lieux pour un usage d’habitation. Au contraire, les locaux sont expressément décrits comme comprenant un coin habitation.
De plus, par courrier en date du 3 mai 2023, la caisse d’allocations familiales a indiqué à Mme [J] avoir informé sa bailleresse d’une conservation de l’allocation de logement et du fait qu’elle ne serait plus versée dans l’attente de la mise en conformité du logement au regard des critères de décence voire qu’elle serait suspendue à défaut de remise en état du logement. Cette décision a été prise suite au diagnostic réalisé, le 30 mars 2023, par un responsable habitat au sein de la délégation départementale des Alpes-Maritimes de l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côtes d’Azur, concluant à la non-conformité du logement au regard des critères de décence. Il est fait état, dans le rapport de visite, d’un local constitué de deux parties, à savoir, d’une part, une partie ‘logement’ comprenant une chambre non habitable car dépourvue d’ouvrants et non utilisée, une cuisine et des sanitaires et, d’autre part, une partie ‘galerie’ effectivement occupée par Mme [J], mais inadaptée à ses besoins en raison de sa surface et des désordres constatés, et en l’occurrence les parois intérieures qui sont dégradées avec des traces d’infiltrations d’eau et le mauvais entretien général du local. Il conclut que, si l’existence et l’occupation de la zone ‘galerie’ par Mme [J], induisant une modification d’affectation de cette partie du local, ne permettent pas de recourir à une procédure d’insalubrité, il considère toutefois que l’état du local relève d’une situation de non-décence.
Préalablement à cette visite, Mme [J] verse aux débats un autre rapport dressé par la Fondation de [Localité 5] à la suite d’une visite réalisée le 20 juillet 2022 dans les lieux loués. Il est alors relevé que le logement, situé au premier et dernier étage d’une bâtisse séparée en plusieurs lots, est mixte avec une galerie de 100m2 attenant à un espace de logement de 60 m2 composé d’une pièce à vivre, d’une cuisine, d’une pièce aveugle et d’une salle d’eau. Il est également constaté que les murs ne sont pas isolés, pas plus que le toit, dont les sous-pentes présentent de nombreux défauts d’étanchéité par lesquels l’eau de pluie passe et provoque des dégâts sur le lambris du plafond, les murs et le sol. Il est mentionné que de la condensation apparaît sur le mur Nord-Est en hiver et que de la moisissure se développe sur l’ensemble de ces zones.
Dès lors que la société SEII percevait directement les allocations de logement servies à Mme [J] et que les locaux comprenaient un coin habitation, elle avait nécessairement connaissance de l’utilisation par cette dernière des lieux loués tant pour un usage professionnel que pour un usage d’habitation principale, et ce, peu important l’utilisation de la partie ‘galerie’ en tant que logement au lieu du coin habitation prévu à cet effet, dès lors que le bail porte sur le tout.
Or, en n’entreprenant aucune démarche pour contraindre Mme [J] à ne pas utiliser les lieux loués à usage de résidence principale, la société SEII ne peut sérieusement se prévaloir d’une occupation des lieux faite en violation des stipulations contractuelles.
Cela est d’autant plus vrai, qu’avant même la délivrance du commandement de payer, la société SEII a mis en demeure Mme [J], par courrier du 21 juillet 2022, d’avoir à régler la somme de 1 300 euros, comprenant le montant du loyer en cours pour le bail renouvelé mixte habitation.
Il en résulte que le contrat qui a été consenti par la société SEII à Mme [J] est un bail mixte qui porte sur des locaux servant à la fois à l’habitation et à l’exploitation d’un fonds artisanal.
Il est admis que lorsque la location est de nature mixte à usage d’habitation principale et à usage commercial ou artisanal, le statut des baux commerciaux s’applique pour le tout, et ce, peu important, l’importance respective des surfaces utilisées à l’un ou l’autre des usages. En effet, dans ce cas, il existe une présomption de fait en faveur de la commercialité dès lors que le logement du preneur est considéré comme exclusivement destiné à faciliter l’exploitation de son entreprise.
Si Mme [J] justifie avoir demandé la cessation de son activité professionnelle, laquelle sera effective le 2 septembre 2021, pour des raisons de santé, en sollicitant l’allocation de solidarité aux personnes âgées prévue par l’article L 815-1 du code de la sécurité sociale, il n’en demeure pas moins que la nature de la location dépend de la destination donnée au lieux loués d’un commun accord par les parties, de sorte que le fait pour Mme [J] d’avoir cessé son entreprise au cours du bail pour n’utiliser les lieux qu’à titre d’habitation principale n’entraîne pas sa soumission à la loi du 6 juillet 1989.
Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse s’est déclaré incompétent au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Antibes.
L’exception d’incompétence matérielle soulevée par Mme [J] sera rejetée.
Sur l’évocation de l’affaire
En application de l’article 88 du code de procédure civile, lorsque la cour est la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, elle peut évoquer le fond de l’affaire si elle estime de bonne justice de lui donner une solution définitive.
En l’espèce, compte tenu de ce que la cour de céans est la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente et de l’ancienneté du litige qui justifie de donner à l’affaire une solution définitive, il y a lieu d’évoquer le fond de l’affaire.
Sur la constatation de la résiliation du bail
Il résulte de l’article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Aux termes de l’article L 145-41 alinéa 1 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en ‘uvre régulièrement.
En l’espèce, le contrat à usage mixte liant les parties stipule qu’à défaut de paiement à son échéance d’un seul terme de loyer ou en cas d’inexécution de l’une ou plusieurs des conditions du présent bail, il sera si bon semble aux bailleurs résilié de plein droit et sans aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d’exécuter les conditions en souffrance restés sans effet, et contenant déclaration par le bailleur de son intention d’user du bénéfice de la présente.
Le commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail et le défaut d’assurance délivré le 5 août 2022 porte sur la somme principale de 2 200 euros correspondant à des loyers impayés au titre des mois de juillet et août 2022 (1 400 euros), un solde foncier de 2021 (600 euros) et une clause pénale insérée au bail (200 euros).
Concernant le défaut d’assurance, Mme [J] justifie avoir souscrit un contrat d’assurance garantissant les risques locatifs auprès de la société Maaf pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2022, de sorte que la constatation de la résiliation du bail ne peut intervenir de ce chef.
Concernant le non-paiement des loyers et charges, Mme [J], qui reconnaît ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer avant l’expiration du délai qui lui était imparti, se prévaut de contestations sérieuses portant sur la validité du commandement de payer tenant à son destinataire, à son contenu et l’absence de bonne foi lors de sa délivrance en raison de l’exception d’inexécution dont elle se prévaut tirée du manquement de la société SEII à son obligation de délivrance.
Sur la validité du commandement de payer au regard des destinataires
Il n’est pas contesté que le bail a été consenti par la société SEII à Mme [D] [N], se portant fort pour sa fille, Mme [M] [J].
Il résulte de l’article 1204 du code civil qu’on peut se porter fort en promettant le fait d’un tiers. Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts. Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit.
En l’occurrence, en se maintenant dans les lieux loués depuis le 1er mai 2011, Mme [M] [J] a ratifié l’engagement pour lequel Mme [N] s’était portée fort. Cette dernière étant, dès lors, déchargée de son obligation à l’égard de la SEII, bénéficiaire de la promesse, au jour de l’acte ratifié, soit à la date du 1er mai 2011, le commandement de payer n’avait pas à être délivré à Mme [N], de même que cette dernière n’avait pas à être assignée en constatation de la résiliation du bail.
Dans ces conditions, Mme [J] ne peut se prévaloir d’un commandement de payer irrégulier en raison de ses destinataires.
Sur la validité du commandement de payer au regard de son contenu
Le commandement de payer vise, non pas les dispositions des baux d’habitation issues de la loi du 6 juillet 1989, mais celles des baux commerciaux issues en particulier des articles L 145-41 et L 145-17 du code de commerce.
Or, saisie d’un appel de l’ordonnance entreprise statuant exclusivement sur sa compétence matérielle, la cour de céans a été amenée à se prononcer sur la nature du bail liant les parties. Elle a considéré que ce dernier portait à la fois sur des locaux servant à l’habitation principale de Mme [J] mais également à l’exercice d’une activité professionnelle s’apparentant à une entreprise individuelle artisanale soumis au statut des baux commerciaux par suite notamment d’un maintien de Mme [J] dans les lieux loués bien au-delà du délai d’expiration du bail dérogatoire qui a été initialement consenti.
Dès lors que dans le cas d’une location mixte à usage d’habitation et de commerce ou artisanal, le statut des baux commerciaux s’applique pour le tout, le contenu du commandement de payer ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
Sur la validité du commandement de payer au regard de l’obligation de délivrance de bonne foi en raison d’une exception d’inexécution liée au manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance
Le commandement de payer, pour être valable, doit être délivré de bonne foi. A défaut, la clause résolutoire ne pourra jouer.
L’article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Par ailleurs, il résulte de l’article 1728 du même code que le preneur est tenu de deux obligations principales, comprenant celle de payer le prix du bail aux termes convenus.
Ainsi, même si le bailleur n’exécute pas ses obligations, le locataire ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution tirée de l’article 1219 du code civil, qui énonce qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, pour suspendre le paiement des loyers, à moins qu’il apporte la preuve de ce que l’inertie de ce dernier a pour effet d’empêcher totalement un usage des lieux suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
L’article 1220 du même code poursuit en indiquant qu’une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.
En l’espèce, afin de justifier le non-paiement de ses loyers et charges à compter du mois de juillet 2022, Mme [J] affirme ne pas avoir pu jouir des lieux répondant à sa destination de logement à usage d’habitation. Dès lors que la cour a qualifié le contrat liant les parties en un bail à usage mixte, la société SEII a l’obligation de délivrer un bien en état de servir aux deux usages auxquels il est destiné, et en l’occurrence en état de servir à un usage d’habitation principale.
Outre le rapport dressé par la Fondation de [Localité 5] à la suite d’une visite des lieux le 20 juillet 2022 et celui dressé dans le cadre du traitement de l’habitat insalubre à la suite d’une visite des lieux le 30 mars 2023, après un signalement en date du 16 février 2023 concernant les mauvaises conditions d’habitation de Mme [J], dont les contenus ont été rappelés ci-dessus, Mme [J] verse aux débats plusieurs pièces démontrant des dégâts des eaux affectant les locaux depuis plusieurs années. C’est ainsi qu’elle justifie avoir déclaré plusieurs dégâts des eaux à ses assureurs, et notamment auprès de la société CIC Assurances en janvier 2016 et de la société Maaf en juin 2021, à la suite de quoi ce dernier assureur l’a informée, par courrier en date du 21 juillet 2022, qu’il procédait à la résiliation de son contrat à effet au 31 décembre 2022 en raison de la fréquence des sinistres.
Il apparaît donc que Mme [J] justifie, qu’au moment de la délivrance du commandement de payer le 5 août 2022, les locaux ne répondaient pas aux critères de décence. Si aucune procédure d’insalubrité n’a pas pu être mise en ‘uvre, en raison de l’occupation par Mme [J] de la partie ‘galerie’, pouvant induire, selon l’inspecteur, une modification de l’affectation de cette partie du local, il n’en demeure pas moins que les locaux occupés par Mme [J] ne répondaient pas, au moment de la délivrance du commandement de payer, dans son ensemble, aux critères relatifs à la décence du logement.
En effet, si la partie ‘logement’ est composée d’une cuisine, d’une salle d’eau, d’une pièce à vivre et d’une chambre, il apparaît que la chambre est dépourvue d’ouvrants. Par ailleurs, si Mme [J] occupe la partie ‘galerie’ cette dernière n’est pas en état se servir à un usage d’habitation en raison de sa surface et des désordres l’affectant. Enfin, il est relevé que les locaux loués, dans leur ensemble, n’assurent pas le clos et le couvert. En effet, il n’y a aucune étanchéité à l’eau, ce qui explique les dégâts des eaux dénoncés par Mme [J] depuis plusieurs années, outre le fait que l’ensemble des fenêtres, bien qu’étanches, restent froides en hiver, et que les portes d’entrées manquent d’étanchéité. Il est également relevé que le tableau électrique n’est pas aux dernières normes avec la présence de fusibles.
Si les critères relatifs à la décence d’un logement s’appliquent en la cause, compte tenu du caractère mixte du bail retenu par la cour, il n’en demeure pas moins que Mme [J], qui occupe les lieux depuis le 1er mai 2011, dans lesquels elle a exploité sa galerie jusqu’au 2 septembre 2021, date à laquelle elle a cessé son activité professionnelle pour des raisons de santé, ne démontre pas une impossibilité totale de jouir des locaux suivant la destination donnée d’un commun accord par les parties.
Il s’ensuit que la Mme [J] ne peut, avec l’évidence requise en référé, se prévaloir d’une exception d’inexécution liée au manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance pour justifier le non-paiement de ses loyers à compter du mois de juillet 2022. Elle pourrait, en revanche, se prévaloir d’un préjudice de jouissance justifiant l’allocation de dommages et intérêts, ce qu’elle ne sollicite pas, à titre provisionnel, dans le cadre de la présente procédure.
Dès lors que le commandement de payer a été délivré de bonne foi, par suite d’impayés, il doit produire ses effets.
Il y a donc lieu de constater la résiliation du bail liant les parties à effet au 6 septembre 2022.
Sur la demande de provision portant sur les loyers, charges et indemnités d’occupation
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
Enfin c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
En l’espèce, à la lecture du décompte produit par la société SEII, les sommes non sérieusement contestables s’établissent de la manière suivante :
– loyers de juillet et août 2022 : 700 euros X 2 mois = 1 400 euros ;
– loyers de septembre 2022 à août 2023 : 700 euros X 12 = 8 400 euros ;
– solde foncier 2021 : 600 euros ;
– foncier 2022 : 1 360 euros ;
– foncier 2023 : 1 255 euros ;
soit un total de 13 015 euros. Déduction faite des versements effectués par Mme [J] et des allocations de logement servies de février à juin 2023 d’un montant total de 1 410 euros, Mme [J] était redevable, à la date du 1er septembre 2023, échéance du mois d’août incluse, de la somme non sérieusement contestable de 11 605 euros.
Or, déduction faite du coût du commandement de payer de 134,97 euros et de la clause pénale de 200 euros, seule la somme de 11 050 euros est réclamée par la société SEII.
Si la commission de surendettement des particuliers des Alpes Maritimes a imposé des mesures, le 13 avril 2023, prévoyant le rééchelonnement de la dette locative de 8 212,97 euros en 37 mensualités de 221,97 euros chacune au taux de 0,00 %, laquelle décision a été contestée par Mme [J], par courrier en date du 3 mai 2023 au motif qu’aucun échéancier n’était envisageable au regard du montant de sa retraite, aucune décision de rétablissement personnel avec un effacement de la dette, en tout ou partie, n’a été prise.
Il y a donc lieu de condamner Mme [J] à verser à la société SEII la somme provisionnelle de 11 050 euros arrêtée au 1er septembre 2023, échéance du mois d’août 2023 incluse, au titre de l’arriéré de loyers, de charges indemnité d’occupation.
Sur les délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire
L’alinéa 2 de l’article L 145-41 du code de commerce dispose que les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l’autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Par ailleurs, lorsque le locataire dont la procédure de surendettement est en cours d’instruction a repris le paiement du loyer courant, le juge saisi d’une action en résiliation du bail lui accorde des délais de paiement jusqu’à l’élaboration des mesures imposées. Pendant le cours des délais ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère dans les délais et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire elle reprend son plein effet.
En l’espèce, Mme [J] justifie que sa situation de surendettement a été constatée par la commission de surendettement des particuliers des Alpes-Maritimes, laquelle a prononcé la recevabilité de son dossier le 23 février 2023, soit postérieurement aux effets de la clause résolutoire insérée dans le bail. Le 13 avril 2023, la commission a imposé des mesures de réaménagement de la dette locative de Mme [J] due au titre d’une location/bail commercial d’un montant de 8 212,97 euros par le remboursement en 37 mensualités de 221,97 euros chacune au taux de 0,00 %.
Or, dès lors que la dette locative a augmenté, en passant de 8 212,97 euros en avril 2023, à 11 050 euros en août 2023, Mme [J] n’a pas repris le paiement de ses loyers et charges courants.
Dans ces conditions, la cour n’a pas à tenir compte du dossier de surendettement de Mme [J] en accordant de plein droit des délais et modalités de paiement de la dette locative imposés par la commission de surendettement et en suspendant, dès lors, la clause résolutoire insérée dans le bail.
Mme [J] sera donc déboutée de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire insérée dans le bail.
Pour ordonner l’expulsion de Mme [J], il y a lieu de tenir compte de la nature mixte des locaux.
L’article L 412-1 du code des procédure civile d’exécution dispose que si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
Ce délai ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.
L’article L 412-6 du même code dispose que nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait.
En l’occurrence, Mme [J] ne s’étant pas introduite dans les lieux par voie de fait, il n’y a pas lieu de réduire le délai de deux mois susvisé, pas plus que de supprimer le sursis de la mesure d’expulsion pendant la trêve hivernale.
En outre, compte tenu de ces délais et du fait que la mesure d’expulsion pourra, si nécessaire, intervenir avec le concours de la force publique, il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte. La société SEII sera donc déboutée de cette demande.
Enfin, étant donné que Mme [J] se maintient dans les lieux sans droit ni titre, elle sera condamnée à verser à la société SEII, à titre provisionnel, une indemnité mensuelle d’occupation de 700 euros correspondant au montant du loyer, majoré des charges et accessoires sur justificatifs, à compter du mois de septembre 2023, et ce, jusqu’à parfaite libération des lieux caractérisée par la remise des lieux.
Sur les délais de paiement de droit commun
En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoin du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, Mme [J] reconnaît ne pas avoir les capacités financières de prendre en charge un loyer de 700 euros par mois à compter du mois de septembre 2023, tout en apurant sa dette locative de 11 050 euros en 24 mensualités, ce qui supposerait des versements mensuels de 1 160 euros (700 euros + 460 euros).
Elle sera donc déboutée de sa demande de délais de paiement de droit commun.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société SEII, obtenant gain de cause, il y a lieu de condamner Mme [J] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du commandement de payer.
Par ailleurs, l’équité commande de la condamner à verser à la société SEII la somme de 1 500 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse s’est déclaré incompétent au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Antibes ;
Statuant à nouveau, après évocation du fond de l’affaire, et y ajoutant ;
Constate la résiliation du bail mixte à usage d’habitation et à usage commercial ou artisanal liant les parties à effet au 6 septembre 2022 ;
Ordonne, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l’expulsion de Mme [M] [J] ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;
Déboute Mme [M] [J] de sa demande de voir ordonner l’expulsion de Mme [M] [J] des lieux loués sous astreinte ;
Dit qu’il sera procédé, conformément à l’article L 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, à la remise des meubles se trouvant sur les lieux, aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et, qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer ;
Rappelle que l’expulsion ne peut avoir lieu qu’à l’expiration du délai de deux mois qui suit la délivrance du commandement d’avoir à libérer les locaux, conformément aux dispositions de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
Rappelle, en outre que, nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés au locataire, il devra être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante, à moins que le relogement de l’intéressé soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille ;
Condamne Mme [M] [J] à verser à la SCI SEII la somme provisionnelle de 11 050 euros arrêtée au 1er septembre 2023, échéance du mois d’août 2023 incluse, au titre de l’arriéré de loyers, de charges indemnité d’occupation ;
Condamne Mme [M] [J] à verser à la SCI SEII la somme provisionnelle de 700 euros par mois au titre de l’indemnité d’occupation à compter du mois de septembre 2023, majorée des charges et accessoires sur justificatifs, et ce, jusqu’à parfaite libération des lieux caractérisée par la remise des clés ;
Déboute Mme [M] [J] de sa demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que de sa demande de délais de paiement de droit commun ;
Condamne Mme [M] [J] à verser à la SCI SEII la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;
Condamne Mme [M] [J] aux entiers dépens de première instance et de la procédure d’appel, en ce compris le coût du commandement de payer.
La greffière Le président