Droits des Artistes : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00220

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Droits des Artistes : 16 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00220
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16 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/00220

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 16 MARS 2023

(n°2023/ , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00220 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC47F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/01052

APPELANT

Monsieur [G] [N]

[Adresse 14]

[Localité 17]

né le 22 Décembre 1974 à [Localité 22] (99)

Représenté par Me Odile LARY-BACQUAERT, avocat au barreau de PARIS, toque : D2025

INTIMEE

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL – CIC

[Adresse 15]

[Localité 16]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [G] [N] a été engagé par la société Crédit industriel et commercial, ci-après le CIC, par contrat de travail à durée indéterminée du 15 juillet 2016, à effet au 12 septembre suivant, en qualité de directeur d’agence grand public, statut cadre, niveau 1. A compter du 1er décembre 2016, il a été affecté à l’agence de [Localité 25] Brancion.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000 et le CIC occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

En septembre 2016, l’inspection du CIC a effectué une mission sur l’agence de [Localité 25] Brancion alors dirigée par Mme [K]. En juin 2017, l’inspection a opéré un premier suivi de mission. En septembre 2017, elle est à nouveau intervenue sur alerte du contrôle permanent. En novembre 2017, elle a démarré un second suivi de mission. Le contrôle de l’inspection a donné lieu à une note du 19 décembre 2017, relevant l’absence de traitement satisfaisant des recommandations du rapport initial et une dérive alarmante dans le développement du segment professionnel. L’inspection a reçu M. [N] en entretien le 11 janvier 2018.

M. [N] a été convoqué par lettre du 22 janvier 2018 à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé au 30 janvier 2018.

Par lettre du 8 février 2018, il a été licencié pour faute et dispensé d’exécuter son préavis.

Contestant son licenciement et reprochant à son employeur une exécution déloyale du contrat de travail, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 2 septembre 2020 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes, débouté le CIC de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [N] aux dépens.

Par déclaration du16 décembre 2020. M. [N] a relevé appel de ce jugement dont la lettre de notification le concernant est revenue avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’.

Par conclusions transmises le 1er novembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [N] demande à la cour de :

– le dire recevable et bien fondé en son appel ;

– infirmer le jugement ;

statuant à nouveau,

– condamner le CIC à verser à M. [N] les sommes suivantes :

* 29 808 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas d’inapplication du plafonnement prévu à l’article L.253-3 du code du travail,

* sous subsidiairement la somme de 9 936 euros avec le plafonnement,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 6 février 2019 ;

– dire irrecevable, subsidiairement débouter le CIC de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de ses dépens ;

– condamner le CIC à verser à M. [N] une indemnité de 6 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions transmises le 7 décembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

– dire M. [N] mal-fondé en son appel ;

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

– débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :

‘[…] Je fais suite à l’entretien qui s’est déroulé le 30 janvier 2018, en présence de M. [P] [D], votre Responsable de Secteur.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons et qui ont été portés à notre connaissance par l’Inspection le 12 janvier 2016.

Vous avez intégré le Groupe le 12 septembre 2016 en qualité de Directeur d’Agence Grand Public. Vous occupez le poste de Directeur d’Agence de BRANCION depuis le 1er décembre 2016.

En septembre 2016, l’Inspection a débuté une mission sur l’agence de BRANCION.

En juin 2017, à la suite de plusieurs relances auprès de vous, l’Inspection a débuté le 1er suivi de cette mission. Ce suivi avait été différé pour tenir compte de votre prise de fonction de Directeur récente en décembre 2016. Toutefois les premiers constats lors de cette mission de suivi n’ont pas permis de clôturer la mission car persistaient des foyers de risques importants.

En septembre 2017, indépendamment du suivi de mission, et sur alerte du Contrôle permanent, l’Inspection est intervenue dans votre agence pour évaluer les risques liés à l’absence de suivi des comptes internes depuis plusieurs mois et notamment la présence de nombreux suspens comptables anormaux.

En novembre 2017, l’Inspection a démarré le second suivi de mission de fin 2016. A deux reprises vous avez demandé un délai supplémentaire pour finaliser votre plan d’action, et malgré cela vous avez été relancé par l’Inspection.

Ce second suivi de mission a fait ressortir les éléments suivants :

Sur le respect de la lutte anti blanchiment :

Une absence totale de mise en ‘uvre des recommandations de l’Inspection :

– vous n’avez engagé aucune action dans le cadre de la normalisation de Tiers avec Risques LAB : les clientes Mme FM, FFM, et OAK sont identifiées comme « Tiers en vigilance active liste rouge ».

– Dans le cadre de la connaissance du client, vous n’avez engagé aucune action probante sur les dossiers de clients mentionnés dans le rapport et suite au contrôle effectué sur un échantillon d’une douzaine

– de tiers, il n’est noté aucune amélioration des pratiques dans l’agence en matière de connaissance des clients.

Une aggravation du risque LAB :

– La multiplication des alertes LAB sur des comptes (PRO) ouverts récemment : après étude de 7 dossiers préoccupants, l’Inspection a saisi la cellule LCB-FT du contrôle Permanent qui a confirmé leur exposition avérée et confirmé la nécessité d’engager un process de déclaration de soupçon pour 4 d’entre eux et une cessation de relation pour les 3 autres.

– Une absence de réaction sur plusieurs dossiers alors que vous avez été alerté par les correspondants TRACFIN.

– Vous avez ouvert en 2017 plusieurs comptes à des tiers privés résidents fiscaux iraniens alors même que ces ouvertures sont exclues de nos procédures groupe qui n’acceptent ‘aucun flux en lien direct ou indirect avec l’Iran…’ depuis fin 2016. *

– Vous avez ouvert deux comptes (HK et CCI) en décembre 2017 dont l’environnement ou les premiers flux domiciliés suscitent des interrogations en raison de l’absence d’informations ou de précisions sur la cohérence des situations ou la légitimité des flux associés.

Sur la qualité des entrées en relation professionnelle :

– Vous avez ouvert des comptes à une quantité anormale de sociétés très délocalisées et sans l’accord préalable du RDS, règle que vous connaissiez pour l’avoir mise en pratique quelques fois. En outre ces sociétés qui disposaient d’un capital faible exerçaient des activités potentiellement sensibles en termes de risques opérationnels.

Pour certaines, le système d’information a relevé une trace qu’il s’agissait de tiers directement ou indirectement connu de vous. Pour d’autres ces tiers ont été clients de la BRED votre ancien employeur.

– Dans de nombreux dossiers, les documents que vous avez recueillis sont non conformes. L’inspection a notamment relevé deux entrées en relation récentes – janvier 2018- qui appellent les mêmes remarques que les autres :

Société S : la domiciliation de cette société est un bail précisant que l’objet est la résidence du locataire à l’exclusion de toute activité commerciale et l’identification du Président est non conforme (absence de GRI)

Société A : l’identification du Président est erronée : le titre de séjour mentionne qu’il est réfugié Turc alors il est enregistré comme étant de nationalité française.

Alors que dès le milieu de l’année 2017, votre RDS avait attiré votre attention sur le caractère anormal de ces ouvertures, sous l’angle de leur activité et de leur qualité globale, vous avez perduré dans ces pratiques.

Votre Conseillère Clientèle, que vous avez accusée d’avoir ouvert certains comptes, à votre insu, a par ailleurs confirmé qu’elle connaissait très bien cette procédure de demande d’accord préalable du RDS pour les Pro délocalisés (elle l’a d’ailleurs respecté à deux reprises en 2017) mais explique qu’ensuite si elle n’a pas respecté cette procédure c’est à votre demande. Vous lui auriez assuré que votre RDS était informé…

Sur les Crédit Professionnels :

– Il vous est reproché une absence d’analyse sur la faisabilité (voire la cohérence) des demandes dans le cadre de leur instruction. Or dès lors qu’il s’agit souvent de création d’entreprise, vous auriez dû adopter une approche plus complète et une analyse critique des données fournies par le client (prévisionnels (…).

– Il vous est également reproché votre absence de contrôle en validation des crédits : la validation du risque crédits s’accompagne dans IDCE (outil informatique) le plus souvent du seul commentaire « avis favorable ».

Votre absence de sélectivité à l’entrée en relation ainsi que la dégradation anormale de la qualité du portefeuille crédit sur le segment des Pro constituent des fautes graves et sont en infraction avec les procédures en vigueur dans l’Entreprise faisant courir un risque opérationnel à votre agence.

En outre le non-respect des dispositifs de lutte anti-blanchiment entraine un risque pénal pour notre entreprise pouvant porter atteinte également à son image.

Nous vous rappelons les règles édictées par le Code d’éthique et de déontologie et notamment les règles de bonne gestion : « Elus et salariés, chacun dans le cadre de ses fonctions s’engagent à :

‘ Agir pour le développement et la pérennité du Crédit Mutuel,

‘ Appliquer la politique du Groupe.

Dans leurs décisions et leurs actes, élus et salariés s’efforcent d’agir avec discernement afin de préserver et d’améliorer la qualité des actifs de l’entité dont ils ont la responsabilité et/ou dont ils assument la gestion. Une vigilance particulière doit s’exercer sur toutes les opérations inhabituelles, notamment celles qui pourraient être liées au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme ».

Vos explications lors de l’entretien n’ont pas suffi à atténuer la gravité des faits commis.

Par conséquent, nous n’avons d’autre choix que de vous licencier pour faute […] ».

M. [N] observe que le rapport initial de l’inspection contenant des recommandations ne concernait que son prédécesseur et prétend avoir répondu aux demandes de l’inspection en dépit de son arrivée récente, des délais brefs qui lui ont été laissés, de son manque de moyens humains et de son intégration dans un parcours de formation. Il conteste l’ensemble des griefs figurant dans la lettre de licenciement. S’agissant de la lutte anti blanchiment, il affirme qu’il était ‘au clair’ sur tous les comptes ouverts et avoir engagé des actions dès son arrivée sur les questions soulevées dans le rapport. Il soutient qu’aucun risque LAB n’a été créé ou maintenu sous sa direction. Concernant le grief relatif à la qualité des entrées en relation professionnel, il avance que son responsable de secteur lui a indiqué que la plupart des directeurs ne demandaient pas son autorisation pour les comptes délocalisés, que pour bon nombre de ces comptes, il s’agissait de parrainages de clients de l’agence ou d’avocats ou experts comptables qu’il connaissait, ce qui était permis par la note applicable, et que sa conseillère professionnelle a ouvert d’autres comptes. Il prétend que tous les crédits professionnels faisaient l’objet d’une analyse avant le montage et que pour l’ensemble des dossiers présentés avec une note de synthèse, il a donné un avis avec un commentaire le cas échéant.

Le CIC rétorque que les griefs sont établis et le licenciement justifié. Il reproche à M. [N] de ne pas avoir appliqué les recommandations de l’inspection pour lutter contre le blanchiment d’argent, exposant son agence à un risque important. Il lui impute aussi l’ouverture de comptes à une quantité anormale de sociétés très délocalisées sans l’accord de son responsable de secteur, au profit de tiers connus directement ou indirectement de lui, et d’avoir persisté en ce sens malgré les remarques de son responsable. Il considère aussi que le reproche lié aux crédit professionnels est justifié. Il soutient qu’il ne pouvait conserver un salarié aux telles pratiques violant son code d’éthique et de déontologie, règles auxquelles il s’était engagé à se conformer dans son contrat de travail. Il objecte que la grande majorité des griefs datent de la période où M. [N] était en fonction et qu’il lui est reproché de ne pas avoir pris de mesure pour remédier aux anomalies préexistantes. Il prétend qu’à la suite des recommandations de l’inspection, M. [N] s’est principalement contenté d’apporter des précisions, que son licenciement est intervenu plus d’un an après sa nomination, à une époque où il devait maîtriser son poste, outre qu’une prétendue absence de formation ne peut expliquer ses manquements, et que l’absence d’aide prétendue ne peut non plus justifier ses fautes.

En application de l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il convient d’examiner les différents griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

– sur le respect de la lutte anti blanchiment (LAB)

* sur l’absence totale de mise en oeuvre des recommandations de l’inspection

. sur l’absence d’action dans le cadre de la normalisation de tiers avec risques LAB

Il résulte des pièces versées aux débats qu’à la suite de la mission d’inspection de septembre 2016, un plan d’action a été élaboré portant comme recommandation : ‘Se mettre en conformité avec la réglementation s’agissant de la ‘connaissance client’ à retranscrire dans les bases informatiques. Examiner sous l’angle LCB-FT les dossiers identifiés par l’inspection afin de s’assurer de la cohérence et légitimité des flux. Consigner les explications dans l’outil après entretien avec ces clients. Formaliser les enregistrements nécessaires dans le portail TRACFIN’ et que cette action devait porter à l’égard des clientes suivantes : Mme [B] [Y] [T], Mme [C] [BK] [O] et Mme [X] [V] [A].

M. [N] prétend avoir engagé les actions nécessaires en invoquant sa pièce n°7 intitulée ‘Réponses de la succursale aux recommandations du rapport’ précisant pour la première cliente ‘Nécessaire fait le 05.12.2016″, pour la deuxième ‘Cliente réside en Algérie. Elle est propriétaire en France, son fils étudiant y loge d’où les mouvements du compte. Les versements d’espèces proviennent de ces fonds en Algérie. Se rend régulièrement en France’ et pour la troisième ‘rentière (difficile à joindre) elle vit des droits musicaux de son défunt père Mr [I] [J] (célèbre artiste chanteur)’. Pour sa part, le CIC se fonde sur le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 indiquant qu’aucune action n’a été engagée concernant ces clientes.

M. [N] n’apporte pas de précision sur le nécessaire fait pour la première des clientes. Cependant le CIC n’invoque aucune pièce accréditant les dires de l’inspection sur l’absence de toute action engagée pour cette cliente. S’il argue que les précisions apportées par M. [N] pour les deux autres clientes étaient sans pertinence sur leur activité, il omet lui-même d’indiquer concrètement ce qui aurait dû être fait et n’invoque pas plus de pièce corroborant l’affirmation de l’inspection de l’absence de toute action engagée. Ce grief n’est pas établi.

. sur l’absence d’action probante sur les dossiers de clients mentionnés dans le rapport

M. [N] prétend aussi avoir engagé les actions nécessaires. Pour sa part, le CIC se fonde sur le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 indiquant ‘Contrôle d’abord sur des tiers mentionnés dans le rapport d’origine, ensuite étendu à des comptes ouverts récemment. Au total contrôle sur un échantillon d’une douzaine de tiers dans le cadre du présent suivi. Aucune action probante engagée par l’agence sur les dossiers concernés et peu d’améliorations relevées dans ses ‘pratiques’.

Le CIC ne produit aucune pièce corroborant les dires généraux de l’inspection sur l’absence d’action engagée sur l’échantillon de tiers en cause, non identifiés, et sur le peu d’améliorations apportées dans les pratiques de l’agence. Ce grief n’est pas établi.

* sur l’aggravation du risque LAB

. sur la multiplication des alertes LAB sur des comptes professionnels ouverts récemment

M. [N] fait valoir qu’à la suite de la réunion du 11 janvier 2018, les recommandations ont été suivies.

Pour sa part, le CIC invoque le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 indiquant ‘les alertes LAB se multiplient sur des comptes (Pros) ouverts récemment, ce qui a conduit l’IG à examiner plus attentivement ces dossiers dans leur ensemble. Les Inspectrices en charge de ce suivi ont d’ailleurs saisi fin décembre la cellule LCB-FT du Contrôle Permanent ([E] [L]) pour avis sur quelques dossiers (7) parmi les plus préoccupants sous cet angle :

– SM DECO [XXXXXXXXXX05] : Travaux de rénovation intérieure, EER 06/2017 (entrée en relation)

– LOCA TERRE [XXXXXXXXXX06] : Location de bennes, EER 08/2017,

– LABORATOIRE FIJIE [XXXXXXXXXX011] : Achat/Vente de produits cosmétiques (EER 04/2017)

– KAIROS IMMOBILIER [XXXXXXXXXX01] : DSCI, EER 01/2017

– STAR FLY [XXXXXXXXXX02] : Plate-forme de réservation Touristique, EER 01/2017

– [Localité 25] PUB [XXXXXXXXXX03] : Bâtiment, EER 03/2017

– DESTOCK [XXXXXXXXXX010] : Comm de gros équip. Informatique, EER 03/2017

(L’environnement de ces dossiers et leurs flux est détaillé dans la note qui accompagnait le mail du 20/12/2017).

Après analyse, [E] [L] confirme leur exposition avérée et confirme la nécessité d’engager un process de DS (déclaration de soupçon) pour 4 d’entre eux en préconisant une cessation de relation pour les 3 autres’.

Le CIC se fonde aussi sur sa pièce n° 4 qui est un mail de M. [Z], de l’inspection, relatif à l’entretien du 11 janvier 2018 entre l’inspection et M. [N], indiquant : ‘Absence quasi-totale de mise en ‘uvre des recommandations (notamment sur des tiers en ‘vigilance LAB’ qui a minima rendaient nécessaire la normalisation d’un dossier juridique et la formalisation d’un KYC)’. Sur ce sujet, les propos de [G] [N] sont souvent étonnants, voire parfois incohérents. Ils témoignent (dans le meilleur des cas) d’une incompréhension des obligations réglementaires en matière de LAB’.

Le CIC invoque encore le mail du 15 janvier 2018 adressé par M. [L] à M. [N] mentionnant les mesures à prendre à l’égard des 7 clients susvisés, soit des déclarations de soupçon pour quatre d’entre eux et des relations à dénoncer pour trois autres.

Il invoque enfin la note de l’inspection du 19 décembre 2017 précisant in fine ‘certaines parmi ces entités alimentent un circuit de flux bancaires entre elles sans cohérence avec la connaissance de ceux (sic) clients ou leurs activités respectives’ ainsi qu’une annexe II relative à l’organigramme ‘flux’ sur les entités gravitant autour des sociétés Ledao bâtiment et Destock.

La cour observe à la lecture de ces documents d’une part qu’il n’est pas précisé, ni justifié en quoi la multiplication des alertes LAB trouverait son origine dans un manquement de M. [N] à ses obligations, d’autre part que rien n’établit que ce dernier ait été avisé des mesures à prendre avant l’entretien du 11 janvier 2018 et le mail de M. [L] du 15 janvier 2018 alors que la procédure de licenciement a été engagée une semaine après ce mail. Par ailleurs, le CIC qui s’abstient de toute explication pour caractériser l’anormalité prétendue des flux ci-dessus évoquée est mal fondé à l’invoquer pour reprocher à M. [N] des alertes LAB en augmentation. Ce grief n’est pas établi.

. sur l’absence de réaction sur plusieurs dossiers malgré des alertes des correspondants TRACFIN

Le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 selon lequel M. [L] de la cellule LCB-FT confirme l’absence de réaction de la succursale face à plusieurs dossiers pour lesquels elle a été alertée par les correspondants TRACFIN est insuffisant à établir ce grief, la justification de ces alertes, des dossiers sur lesquels elles portaient et de leur date n’étant pas fournie.

. sur l’ouverture en 2017 de plusieurs comptes à des tiers privés résidents iraniens

M. [N] dit avoir appris l’existence de ces comptes lors de l’entretien du 11 janvier 2018, avoir demandé au collaborateur concerné la justification de leur ouverture, qui lui a indiqué n’avoir trouvé aucune note l’interdisant, et en avoir immédiatement demandé la clôture.

L’existence d’ ouverture de comptes à des résidents iraniens à l’agence dirigée par M. [N] est acquise. Cependant, il n’est produit, d’une part, aucune note interne du CIC destinée à ses collaborateurs prohibant des flux avec l’Iran, d’autre part, aucun élément objectif corroborant les allégations du CIC sur le rôle de contrôle du directeur d’agence permettant d’en déduire que M. [N] aurait dû avoir connaissance de ces comptes. Enfin, si M. [N] ne justifie pas de ses dires suivant lesquels il a immédiatement demandé leur clôture, le CIC, qui détient les éléments nécessaires, ne verse pas aux débats de pièce de nature à les contredire. Ce grief n’est pas établi.

. sur l’ouverture de deux comptes (HK et CCI) en décembre 2017 dont l’environnement ou les premiers flux domiciliés suscitent des interrogations en raison de l’absence d’informations ou de précisions sur la cohérence des situations ou la légitimité des flux associés

M. [N] invoque ne pas connaître la société HK et l’absence de fonctionnement du compte CCI en dehors du dépôt du capital, aucune pièce n’étant néanmoins fournie par l’appelant pour étayer ce dernier dire.

Mais le CIC se borne pour sa part à produire le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 selon lequel deux dossiers ‘interpellent par leur environnement ou les premiers flux domiciliés (du moins en l’absence d’informations ou précisions sur la cohérence de ces situations ou légitimité des flux associés) :

– HOLDING KUZNETSOV ([XXXXXXXXXX08] ouvert le 17/12/2017

– CONNECT CONSEIL INTERNATIONAL ([XXXXXXXXXX07]) ouvert le 6/12/2017″

sans verser aux débats le moindre élément se rapportant notamment au fonctionnement de ces comptes permettant de corroborer l’existence d’une suspicion possible à leur égard et sans d’ailleurs expliciter clairement le grief, lequel ne sera donc pas retenu.

* sur la qualité des entrées en relation professionnelle

. sur l’ouverture par M. [N] de comptes à une quantité anormale de sociétés très délocalisées sans l’accord du responsable de secteur (RDS)

La note relative à l’ouverture de comptes à des professionnels délocalisés produite par M. [N], dont le CIC se prévaut, prévoit :

‘Les entrées en relation avec des professionnels sont autorisées aux prospects dont l’adresse sociale ou d’exploitation relève du périmètre géographique de l’Agence.

S’agissant des professionnels, l’ouverture d’un compte dans les communes ou arrondissements limitrophes peut être justifiée par une action de recommandation et par le statut de client privé d’un tiers par ailleurs prospect à titre professionnel.

Concernant les CHR, il convient de se limiter au seul périmètre géographique de l’agence. (…)

Toute exception à la présente règle devra être soumise au Responsable de Secteur et validée par lui,cela préalablement à l’ouverture du compte et la délivrance des moyens de paiement’.

Selon la note de l’inspection du 19 décembre 2017 produite par l’intimé :

‘Sur les 12 derniers mois, 120 racines professionnelles ont été activées. Pour environ un quart, il s’agit de SCI et/ou dirigeants des entreprises dont le compte a été ouvert ces 12 derniers mois (pour quelques-uns, un compte privé leur a été ouvert concomitamment sauf exceptions il n’est pas identifié d’attache antérieure avec le CIC).

Pour les autres (90 racines), il s’agit pour beaucoup de structures domiciliées sur les départements :

– 93 ([Localité 18], [Localité 27], [Localité 29], [Localité 20], [Localité 24], [Localité 21]’) : une vingtaine d’entités,

– 94 ([Localité 23], [Localité 19], [Localité 28],’) : plus d’une dizaine de Stés,

– [Localité 25] Centre, Est et Nord’ : une vingtaine de tiers.

Il s’agit le plus souvent d’entreprises exerçant sur des activités qui ne relèvent pas du c’ur de cible (du moins compte tenu de leur éloignement de la succursale : restauration rapide, sécurité, transport et frêt,…), voire d’activités non grata (cf annexe I p3).

Sur ce point, [P] [D] (Responsable de Secteur) a confirmé n’avoir à aucun moment été sollicité parla succursale sur des ouvertures de comptes délocalisées (…).

Globalement, seule une quinzaine parmi ces entrées en relation sont domiciliées sur le 15 ème arrondissement parisien, voire les arrondissements limitrophes’.

L’annexe I évoquée dans cette note est produite aux débats, listant une quarantaine de comptes professionnels ouverts sur les 12 derniers mois avec le nom de l’entreprise, son code postal et sa commune, la date de création et l’activité de l’entreprise.

Le CIC se fonde aussi sur le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 reprenant les éléments évoqués dans la note précitée et ajoutant :

‘Par ailleurs, outre l’absence systématique d’accord préalable sollicité auprès du RDS, on relève que nombre parmi ces créations portent sur des activités potentiellement ‘sensibles’.

Bien qu’il s’agisse d’une minorité de cas, il est trouvé dans le système d’information (HCOM, CENT, RELA) une trace qu’il s’agit d’un tiers directement ou indirectement connu de [G] [N].

Pour d’autres, ils ont été (voire sont encore) clients de la BRED, ancien employeur de [G] [N]. Il s’agit presque toujours de clients délocalisés.’.

Enfin le CIC se prévaut du mail de M. [Z] de l’inspection du 12 janvier 2018 relatif à l’entretien tenu la veille avec M. [N] indiquant :

‘Sur les entrées en relation depuis un an, une quotité anormale de Stés très délocalisées, gravitant autour d’activités potentiellement sensibles en termes de risques opérationnels ; le plus souvent, il s’agit de créations d’entreprises présentant un capital de départ insignifiant.

[P] [D] confirme ne pas avoir été saisi de demandes d’accord préalable sur ces ouvertures délocalisées

* à une ou deux exceptions près début 2017, ce qui démontrerait que la procédure est connue de l’agence, à défaut d’être appliquée. (…)

Sont évoquées plusieurs des entrées en relation « Pro » en question.

Pour certaines, [G] [N] affirme ne pas les connaitre (ou feint de ne pas les connaître) et se montre surpris de la présence de ces comptes, expliquant que lui-même a demandé à sa jeune CDC Pro ([F] [R]) de ne plus ouvrir ce type de clients.

Clairement, il charge sa CDC Pro et lui fait porter seule la responsabilité de ces ouvertures qu’elle aurait réalisé à son insu.

Pour autant, au regard des procédures en vigueur (pré contrôle obligatoire du directeur), il est surprenant qu’il découvre aujourd’hui l’existence de ces comptes (d’autant qu’ils ont probablement pour origine son propre réseau d’apporteurs – cf.infra).

Par ailleurs, quelques-uns ont été ouverts par [W] [S] (CDC Patrimonial); Enfin, [G] [N] est lui-même à l’origine de certaines de ces ouvertures ; il est notamment évoqué une Sté d’électricité domiciliée à [Localité 26] (SOFELEC) dont le compte a été ouvert par lui-même, il y a précisément 4 jours.

Pour certaines, [G] [N] avance que l’ouverture de leurcompte était motivée parla présence du dirigeant en qualité de client privé de l’agence. Propos fallacieux puisqu’au moins dans les cas concernés, le compte privé dudit dirigeant a été ouvert concomitamment à celui de son entreprise.

(la situation aurait été différente si l’entrée en relation s’appuyait sur une ancienne relation privée de la succursale).

Sur ce point, seule information utile obtenue (et que nous pressentions) : la présence d’un réseau de prescripteurs dont plusieurs que [G] [N] connait de la BRED, son précédent employeur :

– des cabinets comptables ou d’expertise : MARCIANO, FICO, FISCOFIN qui auraient prescrit à eux 3 une dizaine de dossiers

– des avocats : Me [H] et Me « [U] » (il l’appelle par son prénom, ne connaissant pas son nom de famille, ce qui ne manque pas de surprendre) – une vingtaine de dossiers’

Aucun n’est client sinon Me [H] (mais il admet que ce compte privé a été ouvert très récemment à sa demande).

A souligner également la présence parmi les prescripteurs de TOMEN CONSULTING (compte [XXXXXXXXXX013] ouvert début 2017 et dont il a connu l’environnement à la BRED)’.

Il résulte de ces éléments que l’ouverture d’un compte à une société délocalisée nécessitait l’accord du RDS, ce que M. [N] ne pouvait ignorer au vu de la note qu’il produit et qu’il dit avoir reçue à son arrivée, étant observé que l’allégation de ce dernier selon laquelle M. [D] lui aurait affirmé que beaucoup de directeurs ne lui demandaient pas systématiquement son aval n’est corroborée par aucun élément. S’il peut être déduit de cette note que l’ouverture d’un compte délocalisé à un professionnel est autorisée dans certains cas, c’est à la condition que cela soit justifié par une action de recommandation et ‘par le statut de client privé d’un tiers par ailleurs prospect à titre professionnel’, outre que les cafés, hôtels, restaurants en sont exclus.

L’annexe I qui est détaillée confirme l’ouverture au cours des douze derniers mois d’un grand nombre de comptes à des sociétés délocalisées, dont beaucoup n’étaient pas situées dans des arrondissements ou communes limitrophes du [Localité 12] où se trouve l’agence [Localité 25] Brancion. Plusieurs d’entre elles ont pour activité la restauration.

Le mail relatant le contenu de l’entretien du 11 janvier 2018 établit qu’à une ou deux exceptions près, l’accord du RDS n’a pas été sollicité pour ces ouvertures.

M. [N] ne conteste pas qu’il a procédé à ces ouvertures, à l’exception de la société Loca-terre et de trois autres entreprises situées aussi dans le 93.

Force est de constater que M. [N] ne produit pas de pièce justifiant de la réalité d’actions de recommandations concernant ces sociétés, le seul fait qu’il ait communiqué des noms de cabinets d’expertise comptable ou d’avocats lors de l’entretien du 11 janvier 2018 étant insuffisant, ni du statut de client privé par ailleurs exigé par la note.

Si aucun élément ne permet de retenir avec certitude que M. [N] est aussi à l’origine de l’ouverture du compte Loca-terre et des trois autre comptes situés dans le même secteur et si, comme indiqué supra, aucun élément objectif n’est fourni corroborant les allégations du CIC sur le rôle de contrôle du directeur d’agence permettant d’en conclure que M. [N] aurait dû avoir connaissance de ces comptes, il se déduit de ce qui précède qu’il a enfreint à de nombreuses reprises la règle obligeant à solliciter l’accord du RDS pour l’ouverture des comptes délocalisés.

La cour relève cependant que les mentions de la lettre de licenciement selon lesquelles les sociétés délocalisées concernées disposaient d’un capital faible et exerçaient des activités potentiellement sensibles en termes de risques opérationnels ne font que reprendre des énonciations générales de la note de l’inspection sans être assorties d’éléments objectifs et précis les étayant sauf en ce qui concerne le capital faible de la société Sofelec.

Sera retenu le grief tenant à l’ouverture de comptes à une quantité anormale de sociétés très délocalisées sans accord préalable du RDS. Or, le CIC justifie en plus par le rapport de mission de septembre 2016 incluant les réponses de la succursale avoir précisément recommandé de respecter la procédure d’ouvertures de comptes aux professionnels délocalisés.

En revanche, le CIC n’invoque aucun élément au soutien des imputations de la lettre de licenciement selon lesquelles M. [N] aurait demandé à sa conseillère clientèle de ne pas respecter la procédure d’accord préalable du RDS.

. Sur la non conformité des documents recueillis lors des entrées en relation

L’article L. 561-5 du code monétaire et financier oblige les banques à vérifier les éléments d’identification de leurs clients sur présentation de tout document écrit à caractère probant.

Le CIC se réfère au rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 qui cite deux exemples. Le premier concerne la société Sofelec, à l’activité électricité/domotique, dont il est indiqué que le bail présent en ‘GED’porte sur la résidence du locataire à l’exclusion de toute activité commerciale. Le second porte sur la société Artisold dont il est indiqué que l’actionnaire unique et président est de nationalité turque au vu de son titre de séjour alors que le rapport note que sa nationalité est enregistrée comme française. M. [N] ne fournit aucune explication, ni aucune pièce de nature à contredire ces éléments précis relevés par le rapport d’inspection. Il est ainsi établi l’existence de documents non conformes lors de l’entrée en relation dans deux dossiers mais non pas dans de nombreux dossiers comme indiqué dans la lettre de licenciement.

* sur l’absence d’analyse sur la faisabilité des demandes de crédits professionnels dans le cadre de leur instruction et une absence de contrôle lors de la validation des crédits

Le CIC verse aux débats des extraits du référentiel engagements groupe Crédit mutuel précisant le dispositif d’octroi du crédit et du mémento crédit dont M. [N] ne conteste pas que les règles contenues dans ces documents s’appliquaient lors des faits. Le premier de ces documents porte sur la collecte des informations et des documents, avec toutes les vérifications nécessaires, et l’analyse de la demande qui doit être ‘aussi détaillée que nécessaire’. Le second présente un zoom sur les crédits de fonctionnement.

Le rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 invoqué par le CIC précise :

‘En synthèse, l’octroi de crédit professionnel s’opère en dehors des procédures et règles d’usage.

– Les analyses, lorsque présentes, sont «creuses » (les «bonnes questions» voire les questions de «bon sens» ne sont pas abordées en présence parfois de critères «d’exclusion»).(…)

En matière de suivi des risques, le laxisme de la succursale interpelle tout autant. Pour exemple : dossier «Plaisir Gascon » ([XXXXXXXXXX04]), bénéficiaire d’un prêt de 50k€ octroyé en mars 2017 (dans des conditions tout aussi critiquables que supra). Sté placée en redressement judiciaire en novembre dernier (6 mois après la mise en place du crédit). Omission d’informer le CTX ou déclarer la créance (problème de forclusion).

Un dernier prêt, décaissé très récemment (janvier 2018) a été examiné. Il appelle les mêmes réserves de fond comme de forme :

D KUP ([XXXXXXXXXX09]) : compte ouvert le 26/12/2017 : Prêt PCE de 50 k€ décaissé le 7 janvier 2018

D’abord le contexte : SAS unipersonnelle dont le Pdt n’est pas l’actionnaire unique (ce qu’autorise la loi). Toutefois lors de l’entretien du 11/01, F [N] explique que l’associé a choisi pour mandataire un membre de sa famille car son propre titre de séjour en France était échu.

Sur le fond : l’analyse qui a présidé à l’octroi de ce prêt est incohérente et incomplète. Elle se cale sur des données prévisionnelles qui, à l’évidence, n’ont pas été analysée sous un angle critique.

Sur la forme : Les documents contractuels et garanties sont absents de la GED (prêt néanmoins très récent), Risque de contestation de sa garantie par BPI France. Le choix du fond sollicité («Création ex-nihilo» avec garantie à 70% pouvant être contesté au regard de la situation et des antécédents de l’associé unique.’

Si M. [N] ne fournit aucun élément de preuve pour appuyer ses dires selon lesquels une analyse était toujours faite de même qu’un avis avec le cas échéant un commentaire, le rapport de l’inspection sur le caractère creux des analyses n’est en lui-même pas probant, s’agissant d’une appréciation générale. Le laxisme en matière de suivi des risques qui y est évoqué est étranger aux motifs de la lettre de licenciement. Le caractère incohérent et incomplet de l’analyse de fond pour le dossier DKUP ne repose sur aucun élément objectif permettant d’en apprécier la réalité. En revanche, la remarque non contestée par l’appelant sur le choix d’un mandataire car le titre de séjour de l’associé était échu révèle de la part de M. [N] une absence d’analyse critique. Le manque de documents contractuels et garanties qui y est décrit traduit une absence de contrôle en validation des crédits.

Le CIC invoque aussi l’annexe III du rapport de la note de l’inspection du 19 décembre 2017 sur les principaux crédits ‘pro’ listant ‘les principaux dossiers qui interpellent sur le fond et/ou la forme’ avec un détail par dossier. Certains des problèmes qui y sont évoqués ne justifient pas de la réalité des motifs de la lettre de licenciement portant sur l’absence d’analyse lors de l’instruction des demandes et de contrôle en validation des crédits, comme les transferts de fonds, virements et émissions de chèques par les clients intervenus après le déblocage des fonds. En revanche d’autres relèvent d’une absence d’analyse dans les demandes ou de contrôle lors de la validation : montants accordés en cumul dépassant les normes usuelles d’octroi (Nina’s Nails), octroi d’un crédit à une société présentant des critères discriminants (fonds propres négatifs et pertes) (VLQ), fiches patrimoniales manquantes (Nina’Nails, Star Fly, Paris Pub, Plaisir Gascon, Tomen Consulting…), contrats de prêts non signés (MRSW, Prestige Roose, Who’s my guide, N’Coiff, Chaouki alimentation, La bague du 15ème…), absence de signature de la caution ou mention manuscrite illisible de la caution (Star Fly, Paris Pub, MRSW, Parisian Luxury Moove…). Les problèmes listés dans cette annexe permettent d’identifier les clients en cause et sont détaillés. Ils ne font l’objet d’aucune critique précise de la part de l’appelant qui ne produit non plus aucun élément propre à les démentir.

En définitive, la cour retient les griefs suivants : l’ouverture de nombreux comptes à des sociétés délocalisées sans accord du RDS alors qu’une recommandation avait alerté sur la nécessité de respecter la procédure à ce titre, l’existence de documents non conformes lors de l’entrée en relation dans deux dossiers, l’absence d’analyse dans quelques demandes de crédits professionnels et l’existence de nombreux dossiers de crédits professionnels révélant une absence de contrôle en validation.

Il résulte de ce qui précède et de l’annexe III précitée que les griefs retenus par la cour datent de la période au cours de laquelle M. [N] exerçait ses fonctions de sorte qu’il ne peut se retrancher derrière les erreurs de son prédécesseur. Le manque de moyens humains qu’il allègue n’est corroboré par aucun élément. M. [N] a été licencié plus d’un an après son embauche et alors que, comme il l’indique, il a bénéficié d’une formation à raison d’une semaine par mois. Les griefs retenus à son encontre procèdent pour les nombreuses ouvertures de comptes délocalisés sans autorisation d’une violation d’une règle interne qu’il connaissait parfaitement et pour les nombreux dossiers de crédits professionnels révélant une absence de contrôle en validation d’un défaut de respect des exigences élémentaires en matière d’octroi de prêts de sorte que le caractère fautif de ces agissements est établi et ne saurait être justifié par un manque d’expérience, d’autant que M. [N] avait déjà exercé des fonctions de responsable de clientèles dans un autre établissement bancaire.

Compte tenu des nombreux faits imputables à M. [N] et des risques qu’ils faisaient peser à son agence, son licenciement est fondé, le jugement étant confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [N] reproche à son employeur, sur le fondement des articles 1104 du code civil et L. 1222-1 du code du travail, d’avoir exécuté de bout en bout de façon déloyale son contrat de travail alors que le CIC l’a débauché de la banque où il travaillait et qu’il a amélioré la situation de l’agence qu’il dirigeait. Il soutient avoir été harcelé par sa direction qui l’a tenu pour responsable de la situation laissée par son prédécesseur, lui imposé des délais très brefs tant pour répondre des erreurs de ce dernier que pour mettre en oeuvre des solutions et a pris précipitamment des sanctions en lui infligeant hâtivement une mise à pied pour une accusation calomnieuse de harcèlement sexuel, sans les précautions minimales, ni explication, puis en le licenciant brutalement. Il fait grief au CIC de ne lui avoir présenté aucune excuse, ni soutien en lien avec cette accusation infondée et de ne lui avoir offert aucune réhabilitation devant son équipe. Il prétend avoir très déstabilisé.

Le CIC rétorque n’avoir commis aucune faute dans la mise en oeuvre du licenciement et conteste le redressement allégué par M. [N] dans la situation de l’agence. Il fait valoir qu’il ne saurait être reproché à l’inspection d’avoir poursuivi son enquête tant que les risques étaient présents au sein de l’agence, ajoutant que de longs délais ont été laissés à M. [N] pour répondre à ses demandes. Il avance que les accusations de harcèlement sexuel ont été proférées par Mme [M], qu’il devait mettre en oeuvre une enquête et n’avait d’autre choix que de mettre à pied M. [N] au titre de son obligation de sécurité. Il souligne qu’il a été mis fin à la mise à pied conservatoire, laquelle a été rémunérée, lorsque l’enquête n’a pas permis d’établir les faits dénoncés. Il prétend qu’il n’avait pas d’excuses à présenter à M. [N], n’étant pas l’auteur des accusations, ni certain de leur caractère mensonger.

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

M. [N] ne produit pas d’élément au soutien de l’allégation selon laquelle le CIC serait allé le recruter chez son précédent employeur. Il ne justifie pas non plus avoir redressé la situation de l’agence de [Localité 25] Brancion sur de nombreux points comme il l’affirme.

M. [N] se plaignant d’avoir été harcelé par sa direction, la cour rappelle qu’aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [N] prétend avoir été tenu pour responsable de la situation laissée par son prédécesseur. Mais il ressort des pièces produites par lui que l’inspection a, à la suite de la mission effectuée en septembre 2016 concernant l’agence de [Localité 25] Brancion alors dirigée par Mme [K] et des recommandations formulées à la fin de celle-ci, simplement opéré des suivis de la mission et des recommandations faites alors que M. [N] en avait repris la direction. La lettre de licenciement n’impute pas à ce dernier des manquements commis du temps de son prédécesseur mais de ne pas avoir pris de mesures pour y remédier, ce qui est différent, et l’essentiel des griefs énoncés dans cette lettre portent d’ailleurs sur des agissements datant exclusivement de l’époque où M. [N] assurait la direction de l’agence, comme l’ouverture de comptes délocalisés sans l’accord requis. Le fait d’avoir été tenu pour responsable de la situation de son prédécesseur n’est pas établi.

M. [N] prétend ensuite s’être vu imposer des délais très brefs pour répondre des erreurs de son prédécesseur et mettre en oeuvre des solutions. Il résulte des pièces produites par l’appelant qu’il a été affecté à l’agence de [Localité 25] Brancion à compter du 1er décembre 2016 et que le 19 janvier 2017, M. [Z] de l’inspection lui a adressé un mail pour lui indiquer que le plan d’action en réponse au rapport transmis le 19 septembre 2016 était attendu pour le 23 décembre 2016 mais qu’informé du changement de direction, il a attendu ce jour pour le réclamer, que M. [N] a transmis des éléments de réponse le jour-même et que M. [Z] a le même jour estimé que le retour était insuffisant sur certains points, laissant à M. [N] jusqu’au 24 février suivant pour apporter de plus amples précisions. M. [N] dit avoir répondu dans le délai, versant aux débats sa pièce n°7 intitulée ‘Plan d’action Réponses de la succursale aux recommandations du rapport’. Il s’en déduit que l’inspection a attendu plus d’un mois et demi après la prise de fonction de M. [N] dans l’agence pour solliciter un premier retour sur le plan d’action à mettre en oeuvre, étant précisé qu’il ressort des propres pièces et explications de M. [N] que son prédécesseur lui avait transmis des premiers éléments de réponse (sa pièce n°5). Comme déjà indiqué, les allégations de M. [N] sur l’absence d’aide et le manque de moyens pour régler certains des problèmes, malgré notamment une alerte en avril 2017, ne reposent sur aucun élément. Enfin, il ressort du rapport de l’inspection du 8 janvier 2018 produit par M. [N] que le premier suivi de la mission n’est intervenu qu’en juin 2017, après avoir été différé pour tenir compte de sa prise de fonction récente, et que le deuxième n’a commencé qu’en novembre suivant, un délai supplémentaire ayant été demandé par ce dernier. Au regard de ces éléments, les délais très brefs imposés à M. [N] ne sont pas établis.

Ce dernier se plaint enfin de la mise à pied prononcée contre lui et du licenciement brutal dont il a fait l’objet.

Il verse aux débats la convocation que son employeur lui a remise en main propre le 5 septembre 2017, pour un entretien fixé au 18 septembre suivant, indiquant : ‘Des faits graves ont été portés à notre connaissance et justifient que nous vous convoquions à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement’ et ‘Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous avons décidé de procéder à une mise à pied conservatoire. Nous vous demandons donc de ne plus vous présenter à votre travail jusqu’à la notification de notre décision’. Il s’agit d’une mesure conservatoire, distincte d’une mise à pied disciplinaire, de sorte que M. [N] n’est pas fondé à se plaindre d’avoir été victime d’une sanction.

Il prétend aussi qu’il a été mis à pied lors de la pause déjeuner d’une réunion de directeurs et sans explication. Cependant, les circonstances dans lesquelles la mise à pied lui a été notifiée ne sont pas établies par M. [N] qui indique aussitôt dans ses conclusions que son employeur lui a annoncé qu’il était accusé de harcèlement sexuel par une collaboratrice de l’agence, Mme [M].

M. [N] prétend encore que la mise à pied mesure était hâtive, dénuée de la moindre prudence et reposait sur une accusation calomnieuse. Il produit des échanges de SMS avec Mme [M] entre les 9 mars 2017 et 1er septembre 2017 dont il ressort qu’ils faisaient du co-voiturage ensemble et entretenaient des relations amicales. Il prouve en outre par ses bulletins de paie que le salaire retenu au titre de la mise à pied en septembre 2017 lui a été payé en octobre 2017. Il en ressort qu’en définitive, la mise à pied conservatoire, laquelle ne peut être justifiée que par une faute grave, ne l’était pas.

Il est constant que s’il a régularisé le salaire retenu au titre de la mise à pied, le CIC, qui l’admet, n’a présenté aucune excuse à M. [N]. En revanche, l’allégation de ce dernier selon laquelle son employeur ne lui aurait apporté aucun soutien, ni ne l’aurait réhabilité officiellement devant son équipe ne repose sur aucun élément de preuve.

La cour observe aussi que M. [N] ne produit pas d’élément de nature à justifier qu’après la mise à pied, il est resté déstabilisé pendant plusieurs semaines, l’attestation d’un psychologue versée aux débats portant sur un suivi du 7 octobre 2018 au 18 novembre 2018, plus d’un an après, et ne faisant pas état de difficultés anciennes.

Enfin, si M. [N] se plaint d’avoir subi un licenciement brutal, il n’existe pas d’élément en ce sens au regard du délai écoulé depuis son embauche et des différentes étapes des missions de l’inspection ainsi que des délais qui lui ont été laissés.

Il reste que M. [N] présente des éléments de fait (mise à pied conservatoire non justifiée par une faute grave et absence d’excuse) qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

Le CIC rétorque qu’informé des accusations de harcèlement sexuel proférées par Mme [M], il devait procéder à une enquête et n’avait d’autre choix que de mettre à pied M. [N] au titre de son obligation de sécurité, afin d’éviter tout contact de la plaignante avec l’auteur présumé. M. [N] admet l’existence des accusations de harcèlement sexuel de Mme [M]. Si le CIC devait diligenter une enquête, il ne produit cependant aucun élément sur le contenu précis des accusations dont il a été saisi de la part de Mme [M] permettant d’apprécier leur gravité et ne démontre pas en quoi elles justifiaient la mise à l’écart immédiate de M. [N] de l’entreprise, étant notamment relevé que selon les indications non contredites de ce dernier, celui-ci, avant d’être nommé à l’agence de [Localité 25] Brancion, avait été affecté transitoirement au siège de l’entreprise puis dans une autre agence. L’intimé ne prouve pas que sa décision de mise à pied conservatoire était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, le CIC, qui ne communique pas le contenu et le résultat de son enquête, échoue à prouver ne pas être parvenu à une certitude sur le caractère mensonger des accusations de Mme [M]. Mais il fait valoir à juste titre qu’en tout état de cause, il n’avait pas à présenter d’excuses pour des accusations dont il n’était pas l’auteur.

La seule mise à pied conservatoire non justifiée, s’agissant d’un fait ponctuel, ne constitue pas un harcèlement moral. Elle ne suffit pas non plus à établir l’exécution déloyale du contrat de travail dont se plaint M. [N]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. M. [N] sera condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code procédure civile. Le CIC, dont la propre demande à ce titre est recevable, en sera débouté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant :

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE M. [G] [N] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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