Droits des Artistes : 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/07043

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Droits des Artistes : 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/07043
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14 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/07043

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 14 DECEMBRE 2023

(n° 2023/ , 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07043 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE4Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/05536

APPELANT

Monsieur [B] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexandre MAILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R 71

INTIMEE

LA COMMUNAUTE [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D 945, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Me Charlotte HAMMELRATH, avocat au barreau de PARIS, toque : P 496

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [J] BOU, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [H] a été engagé par la Communauté ou Compagnie [5] qui est une congrégation, ci-après la communauté, par contrat de travail à durée indéterminée du 1er novembre 2006 à effet du 28 octobre 2006, en qualité d’organiste titulaire avec une rémunération au cachet.

Par avenant du 18 septembre 2018, cette rémunération a été remplacée par une rémunération mensuelle brute fixe de 2 542,32 euros.

M. [H] a ensuite remis en cause cet avenant.

Une réunion a été organisée à ce sujet en novembre 2018. Un nouvel avenant daté du 6 novembre 2018 prévoyant une rémunération brute fixe mensuelle de 2 670,54 euros a été signé.

Au mois de février 2019, des courriels ont été échangés entre le salarié et l’employeur au sujet de sa rémunération. Le 25 mars 2019, la communauté a adressé un rappel à l’ordre à M. [H] puis, par lettre du 5 juillet 2019, lui a reproché des absences sans justificatif. Le même jour, la communauté l’a informé que son jour de repos hebdomadaire était fixé le lundi et que son salaire mensuel était porté à 2 722,90 euros à compter du 1er août 2019 compte tenu de l’intégration à son salaire de 12 répétitions par an. Le 5 septembre 2019, la communauté a adressé un nouveau courrier à M. [H] au sujet de la disparition temporaire d’un cahier de partitions.

M. [H] a été convoqué par lettre du 1er octobre 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 octobre 2019 puis s’est vu notifier, par lettre du 15 octobre 2019, son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il a été dispensé de l’exécution de son préavis.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective des artistes musiciens des cultes pour la zone apostolique de [Localité 7] et la communauté occupait habituellement au moins 11 salariés lors de la rupture du contrat de travail.

Estimant avoir été victime de discrimination, d’une rupture d’égalité de traitement, de harcèlement et de mesures de rétorsion et invoquant la nullité de son licenciement, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 9 juillet 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté M. [H] de sa demande, débouté la communauté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile de sa demande et condamné M. [H] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration transmise le 1er août 2021, M. [H] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 5 mai 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [H] demande à la cour de :

– réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

– juger que la rupture du contrat de travail du 15 octobre 2019 est un licenciement nul et de nul effet ;

en conséquence,

– condamner la communauté à payer la somme de 3 200 euros à titre de salaire mensuel, outre la somme de 320 euros à titre de congés payés y afférents, à compter du 16 janvier 2020 jusqu’à la réintégration effective du salarié à son poste, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir ;

à titre subsidiaire,

– juger que la rupture du contrat de travail du 15 octobre 2019 est un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

– condamner la communauté à payer la somme de 64 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

en toutes hypothèses,

– condamner la communauté à payer les sommes de :

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale et rupture d’égalité de traitement,

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

* 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 10 janvier 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la communauté demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouter M. [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la communauté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant de nouveau, condamner M. [H] à verser à la communauté la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance ;

– condamner M. [H] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a laissé à la charge de M. [H] les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur la modification du contrat de travail et les revendications de M. [H] afférentes à la rémunération

M. [H] soutient avoir subi une modification substantielle de son contrat de travail et une baisse de sa rémunération nette après la signature de l’avenant. Au visa de l’article L.1222-1 du code du travail, il argue de la légitimité de ses demandes durant l’année 2019 visant notamment à bénéficier d’une prime d’ancienneté comme tous les autres salariés, être payé pour les 26 répétitions accomplies annuellement et avoir une rémunération fixe identique pour toutes les heures effectuées, y compris les trois messes du mardi et les vêpres, et conforme aux minima conventionnels du barème du diocèse. Il prétend que lors de la réunion de novembre 2018, il a signé l’avenant sous la contrainte et que sa rémunération est restée inférieure à celle de 2017.

La communauté conteste que M. [H] ait signé sous la contrainte l’avenant, disant qu’aucune preuve n’en est apportée et affirme que c’est à sa demande qu’il n’a plus été rémunéré aux cachets. Elle conteste la baisse de rémunération alléguée, relevant sa hausse de janvier à août 2019 par rapport à la même période l’année précédente, et invoque sa conformité à la convention collective applicable. Elle considère que M. [H] ne peut revendiquer une prime d’ancienneté non prévue par cette convention et affirme qu’il a été rémunéré en fonction de ses répétitions, des messes et vêpres.

La rémunération du salarié ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [H] conclu le 1er novembre 2006 prévoyait qu’il devait assurer les célébrations des dimanches et fêtes de précepte, les célébrations en semaine et les autres célébrations occasionnelles et qu’en contrepartie, il percevrait le salaire au cachet prévu par le barème en vigueur proposé par la zone apostolique de [Localité 7].

Il résulte de sa lettre du 24 octobre 2019 et de l’attestation de Mme [F] [A], ex économe, qu’à la suite d’un arrêt maladie en juin 2018, M. [H] a demandé que sa rémunération soit mensualisée.

Un avenant prévoyant une rémunération brute fixe mensuelle de 2 542,32 euros a été signé le 18 septembre 2018 par M. [H]. Il prétend que l’avenant a été établi par Mme [R], responsable de la gestion du personnel, et qu’elle lui a garanti l’absence de toute diminution de sa rémunération, ce qui explique sa signature immédiate. Cependant, M. [H] ne produit aucune pièce justifiant de l’existence de cette garantie ainsi que de ses termes et du fait qu’il a signé l’avenant sans délai de réflexion. Ni les dires de M. [H] contenus dans ses divers écrits, ni l’affirmation de M. [S] lors de la réunion du 6 novembre 2018 selon laquelle M. [H] a été floué ne suffisent en effet à prouver que l’assurance alléguée lui avait été donnée. Partant, il ne justifie pas avoir été trompé et que son consentement aurait été vicié par l’erreur ou le dol de sorte que la validité de l’avenant ne saurait être mise en cause et qu’il ne peut se plaindre d’une légère baisse de sa rémunération lors du premier paiement ayant suivi la signature par rapport aux deux mois précédents, la cour observant par ailleurs la conformité de cet avenant aux montants figurant dans le barème des rémunérations au 1er janvier 2018 annexé à la convention collective applicable.

M. [H] a ensuite voulu obtenir d’autres conditions de rémunération selon notamment sa note du 10 octobre 2018 comportant l’énoncé de ses revendications. Une réunion a alors été organisée le 6 novembre 2018 à laquelle ont pris part M. [H], M. [O], en qualité d’ami de ce dernier et d’observateur, M. [S], président du syndicat CFTC-SNAPE auquel M. [H] était affilié, M. [V], coordonnateur des correspondants ressources humaines paroissiaux au diocèse de [Localité 7] et président de la commission des orgues de ce même diocèse, Mme [R] et Mme [F] [A] (Soeur [F]-[D]).

Selon les attestations de MM. [O] et [S], lors de la réunion, ce dernier a évoqué qu’il serait légitime de faire bénéficier M. [H] de la prime d’ancienneté versée à tous les autres salariés du couvent, ce à quoi M. [V] a répondu que la convention collective n’en prévoyait pas et Mme [R] s’y est opposée au motif qu’un organiste avait un travail moins pénible que des personnels comme les aide-soignantes et infirmières. D’après ces attestations, M. [O] a aussi indiqué que M. [H] avait été trompé car l’avenant signé le 18 septembre 2018 avait entraîné une baisse de sa rémunération, suite à quoi la soeur économe a protesté vivement puis, prenant la main de M. [H], lui a demandé si la communauté n’avait pas toujours été gentille envers lui. Les témoins relatent que M. [V] a ensuite présenté un contrat en précisant qu’il entraînait une faible baisse par rapport à la situation antérieure au 18 septembre 2018.

C’est ainsi que l’avenant du 6 novembre 2018 a été signé prévoyant que M. [H] assurait 4 messes dominicales (2 non consécutives, 2 consécutives), 3 messes hebdomadaires chaque mardi, soit 13 offices de semaine, 26 offices de vêpres par mois, que sa rémunération était de :

– au titre des fonctions dominicales et fêtes de précepte (Toussaint, Noël, Ascension et Assomption) : 960,39 euros ;

– au titre des 13 célébrations de semaine : 570,05 euros ;

– au titre des 26 offices de vêpres : 1 140,10 euros ;

soit une rémunération brute fixe mensuelle au titre des trois types d’office de 2 670,54 euros, et qu’il percevrait à titre exceptionnel une indemnité de déplacement forfaitaire de 290 euros, tous les autres offices assurés et non mentionnés ci-dessus faisant l’objet d’un paiement au cachet.

M. [H] a donné son accord par sa signature à cette modification de son contrat de travail. Il ne peut en contester sa validité sauf à prouver l’existence d’un vice du consentement. S’il affirme avoir signé l’avenant sous la contrainte, il ne justifie pas d’un vice tel la violence. La cour souligne que les écrits de M. [H], dont sa lettre du 24 octobre 2019 dans laquelle il fait état de pressions en vue d’obtenir son accord, ne suffit pas à les établir, que le vice allégué est d’autant moins crédible qu’il était assisté de deux personnes lors de la réunion dont un représentant syndical et que les attestations produites par lui ne prouvent aucune contrainte exercée sur lui, seulement les positions contraires exprimées par M. [S] et la direction ainsi qu’une réaction vive mais brève de Soeur [F]-[D] face à un propos de ce dernier.

Si la rémunération brute perçue immédiatement après cet avenant est légèrement moindre que celle de la même période de 2017 (4 796,60 euros brut en décembre 2018 contre 5 287,30 euros brut en décembre 2017), elle est conforme à l’avenant signé le 6 novembre 2018 dont la validité ne peut être mise à cause à défaut de tout vice du consentement établi et dont la cour relève la conformité aux montants indiqués dans le barème précité. Comme le fait observer à raison l’intimée, la rémunération brute perçue par M. [H] de janvier à août 2019, postérieurement à la mensualisation et au dernier avenant, est supérieure de plus de 3 000 euros à celle perçue sur la même période de 2018, antérieurement à la mensualisation, étant souligné que la seule comparaison pertinente est celle en brut et non en net. Il n’est pas justifié d’une baisse globale et persistante de la rémunération imputable aux avenants.

Mais comme M. [H] s’en est plaint dans ses échanges de mails avec Mme [R] de février 2019, la communauté qui, selon le dernier avenant du 6 novembre 2018, s’est engagée à le rémunérer au titre des fonctions dominicales et fêtes de précepte à hauteur de 960,39 euros par mois, a baissé sa rémunération sur ce point à 933,70 euros à partir de janvier 2019. La communauté a expliqué qu’elle avait appliqué le barème du diocèse applicable au 1er janvier 2019 annexé à la convention collective et que si M. [H] avait bénéficié d’une erreur du comptable sur laquelle elle n’était pas revenue en 2018, elle avait appliqué le nouveau barème en 2019. Cependant l’employeur qui avait convenu de rémunérer M. [H] à une somme supérieure au barème ne pouvait sans son accord modifier sa rémunération sur ce point.

Il résulte aussi de cet échange de mails que comme l’a admis la communauté par suite de la réclamation de M. [H], elle a omis de lui payer l’indemnité de congés payés afférente aux 6 prestations hors contrat de janvier 2019.

L’absence de versement d’une prime d’ancienneté à M. [H] ne caractérise pas une modification de son contrat de travail ni une non-conformité aux dispositions conventionnelles, M. [H] n’ayant jamais perçu de prime d’ancienneté qui n’est pas prévue par la convention collective et l’éventuelle discrimination et/ou atteinte au principe d’égalité de traitement dont il se plaint sur ce point sera examinée ci-après.

Si M. [H] produit une lettre recommandée du 5 juillet 2019 de la communauté l’avisant de l’intégration à son salaire de 12 répétitions par an payées au cachet ordinaire de 44,73 euros et un salaire brut mensuel augmenté à 2 722,90 euros à partir du 1er août 2019, rien n’établit le non paiement de certaines répétitions ou de certaines prestations accomplies par lui, l’appelant ne précisant pas quelles répétitions ou quelles prestations n’auraient pas été rémunérées.

S’agissant de la revendication d’une rémunération fixe identique, y compris pour les messes du mardi et les vêpres, la cour note, d’une part, qu’une rémunération identique pour toutes les célébrations est contraire à l’avenant auquel M. [H] a consenti, d’autre part, que selon la convention collective et le barème des rémunérations qui y est annexé, il existe un salaire mensuel fixe tenant compte des 52 dimanches de l’année et des fêtes de précepte et un salaire distinct pour les autres offices de sorte que les différentes catégories de rémunération prévues par les deux avenants sont conformes aux dispositions conventionnelles.

Il s’ensuit que sont établies une modification d’une partie de sa rémunération imposée à l’intéressé en janvier 2019 et la légitimité de sa réclamation sur ce point, de même que sur les congés payés afférents aux prestations hors contrat de janvier 2019.

Sur le harcèlement moral

M. [H] invoque qu’à partir de ses demandes renouvelées d’avoir une rémunération conforme aux engagements pris et de bénéficier d’une prime d’ancienneté, il a subi à compter de la fin de l’année 2018, des mesures de rétorsion et actes de harcèlement, arguant des nombreux courriers recommandés infondés qui lui ont été adressés, de la dégradation très importante de ses conditions de travail attestée par des témoignages et de la dégradation de son état de santé entre l’été 2018 et son licenciement. Il soutient que les manoeuvres se sont poursuivies au delà de la fin du préavis, la responsable des ressources humaines ayant rempli l’attestation Pôle emploi de manière erronée, à son détriment.

La communauté nie tout harcèlement, mettant en cause la valeur probante des attestations produites par l’appelant et se prévalant de celles qu’elle communique qui contrediraient le harcèlement allégué. Elle affirme avoir demandé la correction de l’attestation Pôle emploi dès qu’elle a eu connaissance de l’erreur l’affectant.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [H], qui se plaint d’avoir reçu de nombreux courriers recommandés infondés de la responsable des ressources humaines et d’une dégradation de ses conditions de travail ainsi que de son état de santé, se prévaut des éléments suivants :

– un échange de lettres recommandées de mars à mai 2019 composé de :

* une lettre du 25 mars 2019 signée de Mme [R] et de soeur [F]-[D] indiquant à M. [H] que son collègue, M. [W], a saisi le conseil de prud’hommes par une requête dont il ressort qu’il conteste la position exprimée par M. [H] dans un courriel du 19 octobre 2018 se terminant comme suit : ‘Et ce statut (suppléant ou non titulaire) ne t’offre pas de priorité quant au choix des organistes lors de mes absences.’ . Cette lettre fait observer à M. [H] qu’il doit veiller à ne pas exposer la responsabilité de la communauté, seule habilitée à définir le contenu de la fonction de M. [W], et qu’il doit soumettre à l’autorisation préalable du service de gestion du personnel tout projet de correspondance susceptible d’être adressé à M. [W] concernant ses prestations à l’orgue, ajoutant que selon son contrat, M. [W] est suppléant chargé de le remplacer et que si M. [W] est disponible, il est prioritaire pour remplacer M. [H] et que dans le cas inverse, ce dernier peut choisir un autre remplaçant sous réserve de l’accord de la responsable. La lettre lui demande de respecter cette instruction sous peine d’une éventuelle sanction en cas de manquement ;

* la réponse du 16 avril 2019 de M. [H] dans laquelle il indique ne pas être responsable de cette saisine, nie avoir exposé la responsabilité de la communauté, disant n’avoir fait que mentionner les dispositions de la convention collective et expliquer à M. [W] qu’il n’était pas titulaire et conteste qu’en sa qualité de suppléant, M. [W] soit prioritaire pour le remplacer en se fondant sur les dispositions de cette même convention, ajoutant que les soeurs se sont régulièrement plaintes auprès de lui de l’attitude et du jeu musical de M. [W] même s’il ne peut prouver de faits contre lui ;

* la lettre du 6 mai 2019 signée par Mme [R] précisant à M. [H] que la communauté n’envisage pas la désignation d’un organiste titulaire adjoint, lui rappelant les termes du courrier du 25 mars 2019 concernant son remplacement et d’éventuelles sanctions en cas de manquement à cette instruction et demandant à M. [H] de se dispenser à l’avenir de commenter la convention collective et de s’exprimer au nom de la communauté sur sa satisfaction réelle ou supposée quant aux services de l’organiste.

Ces éléments justifient que M. [H] a reçu de la direction de la communauté deux lettres en mars et mai 2019 concernant ses relations avec M. [W], la première comportant des observations assorties d’une instruction prévoyant une sanction possible en cas de non-respect de celle-ci et la seconde réitérant cette instruction ainsi que la possibilité d’une sanction et lui reprochant son attitude.

– une lettre recommandée du 5 juillet 2019 de la communauté informant M. [H] de l’octroi d’un jour de congé par semaine le lundi et l’intégration à son salaire de 12 répétitions par an payées au cachet ordinaire de 44,73 euros, soit l’absence de répétition supérieure à 1h15 et de répétition après 20 heures et un salaire brut mensuel augmenté à 2 722,90 euros à partir du 1er août 2019.

Cette lettre justifie qu’a alors été imposé à M. [H] de prendre le lundi comme jour de congé hebdomadaire et qu’il a été informé de l’intégration à son salaire de 12 répétitions par an.

– une lettre recommandée du 5 juillet 2019 de Mme [R] indiquant à M. [H] qu’il a dû être remplacé à plusieurs reprises ces derniers mois sans justificatif alors que selon la convention collective, ce type d’absence doit demeurer exceptionnel dans la limite d’un dimanche par mois, qu’en juin, il s’est absenté les 2, 10 et 30 juin 2019 sans fournir de justificatif et qu’à l’avenir ces absences ne pourront plus être acceptées sauf justificatif médical et à la condition de ne pas avoir joué dans une autre église ce type d’offices.

Cette lettre justifie qu’ont été reprochées à M. [H] de nombreuses absences sans justificatif et qu’il lui a été interdit de s’absenter pour jouer dans une autre église.

– une lettre recommandée du 5 septembre 2019 de Mme [R] indiquant à M. [H] qu’un cahier de partitions pour les vêpres a disparu à partir du 7 juillet 2019 et est réapparu lors de son retour de congés le 19 juillet 2019, qu’il lui appartient de s’assurer que l’ensemble des prestations d’organiste puisse être réalisé lorsqu’il s’absente et que ce type d’incident est inacceptable, nuit gravement à la beauté de la liturgie et ne doit pas se reproduire.

Cette lettre justifie d’un reproche fait à M. [H] concernant la disparation d’un cahier de partitions dont Mme [R] suspecte qu’elle est imputable à M. [H].

– une série d’attestations de Mme [Y], M. [E], Mme [L], M. [I], M. [K], M. [Z], M. [G], M. [C] et Mme [M]. Cependant, comme le fait valoir l’employeur, ces attestations louent les qualités d’organiste de M. [H], ce qui est indifférent au litige, et pour l’essentiel décrivent des faits rapportés par ce dernier quant à ses relations professionnelles au sein de la communauté ou sans relater les circonstances permettant de s’assurer que les auteurs des attestations en ont été personnellement témoins. Dès lors ces attestations ne sont pas probantes d’une dégradation des conditions de travail de l’intéressé. La cour relève néanmoins qu’elles justifient d’une dégradation de l’état de santé de M. [H] en 2019 et que M. [G], curé de la paroisse [8] de septembre 2001 à août 2013, indique qu’il a été l’employeur de M. [H] comme organiste vacataire puis titulaire adjoint pendant que celui-ci était également organiste titulaire à la chapelle de la charité et que le recteur de cette chapelle lui avait dit combien il appréciait le travail de M. [H], ce qui est de nature à établir que la communauté connaissait de longue date son engagement professionnel dans la paroisse [8].

– les attestations déjà citées de MM. [O] et [S] qui, comme déjà indiqué, ne justifient pas de la tromperie subie par M. [H] lors du premier avenant, ni de la signature de celui du 6 novembre 2018 sous la contrainte mais révèlent seulement l’expression lors de la réunion de positions contraires par la direction et M. [S] et une réaction vive mais brève de Soeur [F]-[D] face à un propos de ce dernier.

Ces attestations n’établissent donc pas les faits allégués de ce chef par M. [H].

– des échanges de mails entre le conseil de M. [H] et celui de la communauté établissant que l’attestation Pôle emploi établie le 16 janvier 2020 comportait des rémunérations inférieures à celles réellement versées et que l’attestation corrigée n’a été délivrée qu’au début de juin 2020, malgré la réclamation d’une attestation modifiée par le conseil de M. [H] dès début avril 2020.

Le fait invoqué à ce titre par M. [H] est avéré mais ne saurait être pris en compte s’agissant du harcèlement moral allégué dès lors qu’il est postérieur à la rupture du contrat de travail.

Les faits matériellement établis et ci-dessus retenus, à savoir les lettres recommandées adressées à M. [H], pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Il incombe dès lors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour relève que les attestations de Soeur [N] et de Mme [U] sur les qualités humaines et professionnelles de Mme [R] sont générales et ne contredisent pas l’existence d’un harcèlement. Il convient d’examiner les pièces produites par l’intimée se rapportant précisément aux lettres retenues supra.

– sur les lettres de mars et mai 2019 concernant les relations de M. [H] avec M. [W] :

La communauté produit à ce sujet :

* une attestation de M. [W] du 11 août 2020 qui indique que M. [H] rechignait à faire appel à ses services d’organiste pour le remplacer, contrairement aux dispositions du contrat à durée indéterminée signé avec la communauté en 2011 l’obligeant à faire appel à lui en priorité pour le remplacer, la cour soulignant le caractère imprécis de cette attestation qui ne détaille pas les occasions où M. [H] n’aurait pas voulu de lui pour le remplacer, ni le contenu du contrat de travail de M. [W] ;

* l’attestation de M. [V] relatant que compte tenu du comportement déloyal de M. [H], M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris au motif que M. [H] ne respectait pas son contrat de travail en faisant appel à d’autres organistes que lui, que M. [H] a envoyé un courriel à M. [W] selon lequel son statut d’organiste suppléant ne lui donnait aucune priorité et que la position de M. [H] était contraire au droit et au contrat de travail de l’organiste suppléant, cette attestation n’établissant pas que M. [V] a été personnellement témoin des agissements de M. [H] et a eu connaissance du contenu du contrat de travail de M. [W].

La cour observe en outre que la saisine du conseil de prud’hommes par M. [W] et ses motifs ne sont pas justifiés, que la communauté ne produit pas davantage le contrat de travail de ce dernier permettant à la cour de vérifier ses termes et que la convention collective, produite par les parties, prévoit en son article 4 ‘Est dit artiste musicien non titulaire ou suppléant, le musicien appelé occasionnellement à exercer l’un ou l’autre des services définis ci-dessus en remplacement du titulaire, en justifiant des mêmes compétences que celles requises pour le musicien titulaire.’ et en son article 11 relatif aux remplacements : ‘L’artiste musicien titulaire peut se faire remplacer par un autre artiste habilité de la même spécialité, avec l’accord du responsable liturgique. S’il existe un titulaire adjoint, il lui donne la préférence’ (souligné par la cour), étant observé que la communauté admet dans ses lettres que M. [W] n’avait pas la qualité de titulaire adjoint. Enfin il résulte l’article L. 1121-1 du code du travail que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

Au vu de ces éléments, la cour considère que l’employeur ne prouve pas que sa responsabilité a été exposée du fait de M. [H], ni que la position de la communauté sur le remplacement exprimée dans ses lettres était fondée au regard de la convention collective et du contrat de travail de M. [W]. La communauté n’établit pas que dans son courriel destiné à M. [W] et dans sa lettre du 16 avril 2019, M. [H] a fait preuve d’abus, ni de la nécessité de restrictions à sa liberté d’expression. Il en ressort que l’employeur n’établit pas que ses lettres de mars et mai 2019 étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

– sur la lettre du 5 juillet 2019 relative au jour de congé le lundi et aux 12 répétitions par an :

La communauté produit à ce sujet le compte rendu d’un entretien du 4 juillet 2019 avec M. [H] qui indique notamment :

* qu’après vérification de son contrat, M. [H] doit avoir un jour de repos par semaine et que la communauté a choisi le lundi ;

* qu’il est bon d’avoir une répétition par mois et 12 sur l’année, certaines périodes nécessitant plusieurs répétitions alors qu’aucune répétition n’a lieu certains mois, et que chaque répétition sera payée au cachet ordinaire en étant intégrée au salaire mensuel.

La nécessité d’un jour de repos par semaine pour M. [H] n’est pas discutable et ce dernier ne conteste pas non plus la nécessité d’une dérogation au repos dominical mais la communauté n’établit ni par ce document, ni par les autres pièces versées par elle aux débats que sa décision d’imposer le lundi comme jour de repos est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l’intimée ne fournissant aucune explication à ce sujet.

La communauté n’établit pas davantage par ce document et les autres pièces versées aux débats que sa décision de fixer à 12 le nombre de répétitions annuelles et d’intégrer au salaire fixe de M. [H] ces 12 répétitions payées au cachet ordinaire de 44,73 euros était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, étant observé que le dernier avenant conclu par les parties ne prévoyait rien de tel et que la communauté ne s’explique pas non plus sur ce point.

– sur la lettre du 5 juillet 2019 relative aux absences injustifiées de M. [H] et au fait qu’elles ne seraient plus tolérées sauf justificatif médical et à condition de ne pas jouer dans une autre église :

La communauté produit à ce sujet :

* les bulletins de salaire de 2018 et 2019 de M. [H] qui font état de prestations non effectuées en novembre et décembre 2018 ainsi qu’en mars, avril, mai et juin 2019 ;

* le compte rendu de l’entretien du 4 juillet 2019 indiquant que M. [H] ne peut être absent sans justificatif médical ;

* un courriel de M. [H] du 5 juillet 2019 dans lequel il précise à Soeur [N], économe provinciale, que Mme [R] connaît depuis sa prise de fonction le contrat qui le lie à la paroisse [8], M. [H] précisant que le sujet a été évoqué plusieurs fois durant les rencontres avec Soeur [F]-[D] ;

* l’attestation de M. [V] relatant que lors de l’entretien du 6 novembre 2018, M. [H] n’a jamais fait part de son obligation de s’absenter certains dimanches compte tenu de son contrat de travail le liant à cette paroisse, que s’il l’avait clairement exprimé, son contrat aurait été modifié pour en tenir compte et que M. [H] ne donnait aucun motif lors de ses absences, la cour notant que M. [V] ne précise pas les circonstances dans lesquelles il a été personnellement témoin du défaut de raison donnée à ses absences par M. [H] alors que M. [V] ne travaille pas au sein de la communauté, ce qui discrédite son attestation.

Au vu de ces éléments, la cour retient que les absences de M. [H] sont établies mais note le caractère récurrent de ses absences depuis de nombreux mois et qu’il n’est pas produit de réponse de Soeur [N] ou de la communauté au courriel du 5 juillet 2019 de M. [H] alors que s’il avait jusqu’alors dissimulé ses prestations assurées dans une autre paroisse, son interlocutrice n’aurait pas manqué de s’insurger. L’intimée ne prouve donc pas que sa soudaine réaction est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

– sur la lettre du 5 septembre 2019 relative à la disparition d’un cahier de partitions pour les vêpres :

Hormis cette lettre, la communauté ne produit aucun pièce se rapportant à cette disparition en sorte qu’elle ne prouve pas que sa lettre de reproche est justifiée par des éléments objectifs à tout harcèlement.

Il en résulte que la communauté échoue à établir que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que M. [H] a bien été victime d’un tel harcèlement.

Sur la discrimination et l’atteinte à l’égalité de traitement

M. [H] se plaint d’avoir été victime d’une discrimination salariale et d’une violation de l’égalité de traitement en raison de son poste, de son ancienneté et de son sexe. Il relève que lorsqu’il a évoqué ses problèmes de rémunération et le non versement de la prime d’ancienneté, la qualité de son travail a été subitement remise en cause et les reproches se sont multipliés. Il prétend être le seul salarié à avoir subi une baisse de sa rémunération en 2018 et à ne pas bénéficier de la prime d’ancienneté versée en vertu d’un usage ou engagement unilatéral de l’employeur. Il estime que le fait que l’employeur ait justifié l’absence de versement de la prime par un motif fallacieux fondé sur la volonté de ne pas faire de différence avec les autres organistes du diocèse confirme son choix discriminatoire.

La communauté réplique que les contestations de M. [H] quant à sa rémunération ne sont pas fondées, qu’il a perçu davantage de salaires bruts sur la période mensualisée que sur la dernière période avec rémunération au cachet et que la convention collective ne prévoit pas de prime d’ancienneté pour les musiciens du culte.

Aux termes de l’article L. 1132-1 dans sa version en vigueur du 2 mars 2017 au 24 mai 2019, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

L’article L. 1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ainsi, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au cas présent M. [H] se plaint d’avoir subi une discrimination salariale en raison de son poste, de son ancienneté et de son sexe. Le poste et l’ancienneté ne sont pas des motifs discriminatoires prohibés. En revanche tel est le cas du sexe.

A l’appui de son allégation, M. [H] invoque :

– qu’il est le seul salarié de la communauté dont la rémunération a diminué en 2018 et qui ne bénéficie pas de la prime d’ancienneté ;

– que lorsqu’il a demandé des explications sur l’absence de prime d’ancienneté et a constaté cette baisse, la qualité de son travail a été mise en cause et les reproches se sont multipliés ;

– que la communauté a justifié l’absence de versement de la prime à son profit par le motif fallacieux tiré de la volonté de ne pas faire de différence avec les autres organistes du diocèse.

M. [H] justifie par ses bulletins de paie qu’il ne perçevait pas de prime d’ancienneté. Il ressort par ailleurs de ces mêmes documents que sa rémunération a au total très légèrement baissé entre les années 2017 et 2018 (34 321,72 euros en 2017 et 32 544,45 euros en 2018).

M. [H] ne verse pas aux débats d’élément démontrant qu’à la suite de ses plaintes concernant l’absence de prime et la baisse de sa rémunération, la qualité de son travail a été critiquée ou mise en cause. Ce fait n’est pas établi.

En revanche, il résulte des énonciations qui précèdent qu’après ses demandes d’explication concernant l’absence de prime d’ancienneté et ses réclamations relatives à la baisse de sa rémunération, M. [H] a fait l’objet de plusieurs reproches. Ce fait est établi.

M. [H] se prévaut du compte rendu d’entretien du 4 juillet 2019 dans lequel la communauté justifie sa décision de ne pas verser de prime d’ancienneté par son absence de prévision dans la convention collective applicable et la volonté de ne pas opérer de différence avec les autres organistes du diocèse. Il est exact que ce dernier motif n’est pas pertinent au regard de la discrimination qui s’apprécie exclusivement chez l’employeur. Le dernier fait invoqué par M. [H] est aussi établi.

La cour considère que les faits matériellement constitués, soit l’absence de prime d’ancienneté au bénéfice de M. [H], la baisse de sa rémunération entre 2017 et 2018, les reproches adressés à M. [H] après ses demandes d’explication et ses réclamations à ces sujets et l’argument inopérant invoqué par la communauté pour rejeter sa revendication d’une telle prime laissent supposer une discrimination salariale à raison du sexe.

Il incombe dès lors à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Comme le fait valoir la communauté dans ses conclusions, la convention collective des artistes musiciens du culte ne prévoit pas de prime d’ancienneté. Mais cette explication est insuffisante à justifier sa décision par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, étant observé que la communauté ne contredit, ni n’apporte d’élément contredisant l’affirmation selon laquelle la prime est versée aux autres salariés en vertu d’un usage ou d’un engagement unilatéral. S’il est exact que la rémunération de M. [H] de janvier à août 2019 est supérieure à celle de janvier à août 2018 et que le cumul brut de 2019 est supérieur à celui de 2018, ces arguments sont inopérants au regard de la baisse contestée, à savoir celle entre 2017 et 2018 au sujet de laquelle la communauté ne s’explique pas.

Dans ces conditions, la discrimination invoquée est constituée et il n’y a pas lieu d’examiner la violation alléguée au principe d’égalité de traitement dont le principe ‘à travail égal, salaire égal’constitue une déclinaison.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

‘ […] A la suite de notre entretien du 10 octobre 2019, nous vous informons que, malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse, votre comportement étant préjudiciable aux intérêts de la Communauté dont vous êtes salarié.

En effet, en juin 2018, vous avez demandé à évoluer contractuellement d’un régime de rémunération au cachet à une rémunération mensualisée, nous avons accepté votre demande et la signature de l’avenant a eu lieu le 18 septembre 2018.

A partir du 20 septembre 2018, vous avez entendu remettre en cause votre signature, prétendant avoir été floué et vous avez aussitôt pris une attitude agressive rendant la communication paisible impossible.

Nous avons été étonnées de ce revirement car cet avenant avait été signé en connaissance de cause de vos avantages et lu ensemble attentivement avant signature.

Afin de pouvoir trouver un accord sur ce différend nous avons cependant organisé une réunion le 6 novembre 2018.

Cette réunion qui a duré deux heures, a eu lieu en votre présence, vous étiez assisté de deux personnes dont le président du syndicat CFTC des artistes musiciens du culte. Il y avait également présents un de vos amis proche du diocèse, Sr [F]-[D], Mr [V], bénévole au service des relations humaines du diocèse et la responsable de la gestion du personnel de la Maison Mère.

Au terme de cette réunion la Direction a pu démontrer que le contrat de travail était parfaitement en adéquation avec la convention collective des artistes musiciens du culte et le barème du diocèse et que vos réclamations étaient infondées.

En conséquence, totalement informé sur les termes du contrat de travail, vous l’avez signé.

Par la suite, vous avez de nouveau contesté votre contrat qui est conforme à la convention collective des artistes musiciens du culte et au barème du diocèse de [Localité 7].

Une nouvelle fois nous n’avons pas compris cette contestation puisqu’un simple calcul permet d’observer que vous avez perçu davantage de salaires bruts sur la période mensualisée que sur la dernière période avec rémunération au cachet (23.358,23 euros bruts de janvier à août 2019 contre 20.100,51 euros bruts de janvier à août 2018 soit une différence en positif de 3257.72 euros).

Malgré nos explications vous maintenez vos contestations et vous n’hésitez pas à adopter un comportement inacceptable. La situation n’est plus aujourd’hui tenable du fait de votre attitude de remise en cause systématique de nos engagements contractuels ; vous demandez des évolutions contractuelles que vous dénoncez sitôt signées, en nous accusant pour ce faire de manipulations d’une manière totalement infondée.

Vous vous permettez de dénigrer la représentante de la Direction en des termes grossiers (personne profondément perverse », « égo tordu », « in-ajustement devant l’Evangile », « manipulatrice, perverse, inhumaine, ignoble », « manipulations et mensonges, autant variés qu’odieux » « bêtise », « Dame [R] », « pas digne de servir la chapelle » ‘) auprès des Soeurs [X], [N] et [F]-[D], et vous ne cessez de remettre en cause ses compétences et son intégrité.

Les termes que vous employez « perverse, ego tordu, manipulatrice’ » sont de graves injures.

L’ensemble de ces propos particulièrement irrespectueux que vous tenez à l’encontre de la Direction ne sont pas acceptables de la part d’un salarié.

Tenir de tels propos sur une autre salariée de la maison constitue : une intention de nuire, de l’insubordination, une délation sans fondement et une volonté manifeste de dénigrement sans aucun fondement.

De plus, vous n’hésitez pas à contacter les soeurs en laissant de nombreux messages en plein milieu de la nuit. Vous cherchez ainsi à les déstabiliser par des messages incongrus et fortement déplacés.

Enfin, nous venons de découvrir que vous avez accepté de signer votre contrat de travail, puis son avenant, sans jamais nous informer de l’existence d’un autre contrat de travail à temps partiel qui vous lie à la paroisse [8] sur les mêmes plages horaires. Cette omission volontaire constitue un préjudice important pour la Maison Mère [5] qui vous emploie en effet depuis octobre 2006. Le seul contrat avec [8] que vous nous avez transmis étant un contrat à durée déterminée du 1er juillet 2006 au 31 août 2007.

Comment aurions-nous préparé un contrat en septembre 2018 précisant que vous assurez les 3 messes de tous les dimanches si nous avions su que vous deviez tenir l’orgue dans une autre paroisse sur les mêmes plages horaires ‘ Comment peut-on s’absenter sans justificatif pour aller jouer une messe dans une autre église alors que vous avez une obligation contractuelle au même moment avec [5], votre employeur ‘ Vous agissez comme si vous ne faisiez que ce que vous voulez sans avoir de compte à rendre à la Communauté en lui demandant de s’adapter à vos décisions. Ainsi en toute connaissance de cause, vous ne respectez pas les obligations de votre contrat de travail.

Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble de vos agissements ne sont pas compatibles avec vos fonctions et votre attitude d’opposition systématique entraine une véritable déstabilisation de la Communauté au risque de mettre celle-ci en péril en alimentant une animosité qui perdure à l’égard notamment de la Direction ; c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de vous licencier.

Votre préavis débutant à la première présentation de ce courrier est d’une durée de 2 mois et nous vous dispensons de l’effectuer. Il vous sera rémunéré aux échéances habituelles de paye.

A l’issue de votre préavis il vous sera remis votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi. […]’.

M. [H] soutient que son licenciement fait suite à l’intention qu’il a manifestée de saisir l’inspection du travail et le conseil de prud’hommes à défaut d’une tentative de conciliation proposée par lui en juillet 2019. Il conclut que son licenciement est nul, affirmant que la dénonciation des discriminations et du harcèlement subis ainsi que son intention de saisir la justice sont les véritables causes de la rupture.

A titre subsidiaire, il prétend qu’il est sans cause réelle et sérieuse. Il se prévaut de la prescription des faits invoqués, faisant valoir que les courriels adressés aux soeurs ainsi que ses écrits sont antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement, qu’il en est de même de ses absences du mois de juin 2019 et que son activité dans la paroisse [8] était connue de longue date. Il ajoute que ses prétendues absences injustifiées ont déjà fait l’objet d’un rappel à l’ordre et qu’un contrat de travail à temps partiel n’interdit pas au salarié de travailler pour un autre employeur.

La communauté rétorque que le licenciement de M. [H] est justifié au regard :

– de son attitude et de ses propos qui étaient inacceptables : elle fait valoir qu’il a désigné la représentante de la direction en des termes grossiers, injurieux, irrespectueux, ne cessant de mettre en cause ses compétences et son intégrité, et a contacté les soeurs en laissant de nombreux messages en pleine nuit, cherchant à les déstabiliser ;

– du fait qu’il a caché à la communauté qu’il travaillait ailleurs : elle prétend avoir découvert qu’il avait signé son contrat puis son avenant sans l’informer d’un autre contrat de travail à temps partiel qui le liait à la paroisse précitée sur les mêmes plages horaires, ajoutant que le seul contrat avec cette paroisse qui lui avait été transmis était à durée déterminée, du 1er juillet 2006 au 31 août 2007.

Elle conclut au rejet de la demande de nullité du licenciement faute de preuve d’une discrimination ou d’un quelconque harcèlement.

Elle conclut aussi au rejet du moyen tiré de la prescription dès lors que selon elle, le comportement de M. [H] n’aurait jamais cessé et qu’il ne s’agit pas d’un fait isolé.

M. [H] invoque que son licenciement est nul pour les motifs suivants :

– il porte atteinte à la liberté d’ester en justice car il fait suite à l’intention qu’il a manifestée de saisir le conseil de prud’hommes ;

– sa dénonciation de faits de harcèlement moral constitue une des véritables causes de son licenciement ;

– il constitue aussi une mesure de rétorsion à sa dénonciation des discriminations salariales dont il était l’objet.

Le droit d’agir en justice constitue une liberté fondamentale protégée par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable. En droit interne, le droit au juge est un droit constitutionnel garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, peu important par ailleurs que sa demande soit infondée.

Lorsque le licenciement du salarié faisant suite à son action en justice contre son employeur est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il appartient à ce dernier d’établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice. Lorsque le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse, il appartient à ce dernier de prouver l’existence d’un lien de causalité entre l’action en justice qu’il avait engagée et son licenciement.

Il résulte des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.

En application de l’article L. 1132-3 du code du travail, aucune salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné d’agissements discriminatoires ou pour les avoir relatés et, conformément à l’article L. 1235-1 du même code, il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement.

En l’espèce, le 26 juillet 2019, M. [H] a adressé à Soeur [X], supérieure générale de la communauté, et à Soeur [N], économe provinciale, un courriel ainsi rédigé :

‘Je suis depuis plusieurs mois, en grande souffrance, du fait des remises en cause successives et des décisions à mon égard.

Cette situation devient de plus en plus critique et s’apparente aujourd’hui à du harcèlement.

Notre dernier entretien avec vous, Soeur [N], et madame [R] s’est soldé par deux courriers AR, qui m’ont été adressés pendant mes vacances!

Afin de rétablir un rapport normal avec la Communauté dans ce métier que j’aime, je sollicite de vous deux un rendez vous durant la dernière semaine de juillet en présence de mon conseil, avocat spécialiste en Droit du travail :

– le lundi 29, mercredi 31,

– ou jeudi 1er août le soir à partir de 19h00,

– ou du lundi 29 au vendredi 2 le matin avant 8h30.

Dans le cas où vous refuseriez cette rencontre, je n’aurais hélas pas d’autres solutions que de devoir informer l’inspecteur du travail de ma situation, et de saisir le conseil de prud’hommes compétent.’.

Le 27 juillet suivant, Soeur [N] a répondu qu’elles étaient prêtes à rencontrer M. [H] mais n’étaient pas disponibles les semaines suivantes et qu’il fallait en parler avec Soeur [X] et Mme [R], suite à quoi une ou deux dates lui seraient proposées. Il n’est pas établi que la communauté ait après faire part à M. [H] de dates possibles pour le rencontrer avec son avocat. Soeur [N] a retransmis cet échange de mails à la direction le 24 septembre 2019.

Le licenciement de M. [H] prononcé le 15 octobre 2019 fait ainsi suite à l’annonce par ce dernier de l’action en justice qu’il était susceptible d’introduire contre son employeur. Il fait aussi suite à sa dénonciation d’agissements de harcèlement moral.

Il convient donc de rechercher si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est fondée sur les motifs suivants :

– la contestation à tort et à de nombreuses reprises du contrat de travail signé par M. [H] et conforme aux dispositions conventionnelles ;

– la tenue de propos dénigrants et injurieux à l’encontre de la représentante de la direction et l’envoi de nombreux messages déplacés aux soeurs en pleine nuit visant à les déstabiliser ;

– la dissimulation d’un autre contrat de travail à temps partiel le liant à une paroisse sur les mêmes plages horaires et ses absences sans justificatif.

En application de l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Le point de départ du délai de prescription de deux mois est le jour où l’employeur ou le supérieur hiérarchique direct du salarié a eu connaissance du fait fautif. Si la procédure disciplinaire a été engagée dans un délai supérieur à deux mois à compter des faits invoqués comme fautifs, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’a eu une connaissance parfaite de ces faits c’est à dire de leur réalité, de leur ampleur et de leur nature qu’à une date postérieure à l’expiration de ce délai.

Les dispositions précitées ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai.

– sur le premier motif tiré de la contestation à tort et à de nombreuses reprises du contrat de travail signé et conforme aux dispositions conventionnelles :

La cour relève que M. [H] a encore contesté son contrat de travail et les conditions de sa rémunération dans un courriel adressé le 20 septembre 2019 à Soeur [X] de sorte que le comportement reproché au salarié pour ce type de grief s’étant reproduit dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure, le moyen tiré de la prescription doit de ce chef être écarté.

Les pièces versées aux débats témoignent de ce que M. [H] a remis en cause l’avenant signé par lui en septembre 2018 au motif qu’il avait été floué et qu’il a ensuite également remis en cause l’avenant signé en novembre 2018 ainsi que contesté sa rémunération, invoquant notamment que celle-ci avait baissé et qu’il était victime de manipulations. Mais la cour rappelle à nouveau que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Il en résulte que hors propos injurieux, diffamatoires et excessifs qui dans le cas de M. [H] seront examinés ci-après au titre du deuxième grief énoncé dans la lettre de licenciement, celui-ci était en droit de contester son contrat de travail et ses conditions d’emploi même en soutenant qu’il avait été floué, l’abus ne pouvant ressortir du seul fait que la tromperie alléguée n’est pas établie et de ce qu’il a pu apprécier de manière inexacte ses droits. Il résulte en outre des énonciations précédentes qu’une partie des contestations émises par M. [H], notamment celles de février 2019 concernant la baisse d’une partie de sa rémunération et du non paiement d’une indemnité de congés payés, était fondée. Ce grief ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

– sur le deuxième grief tiré de la tenue de propos dénigrants et injurieux à l’encontre de la représentante de la direction et de l’envoi de nombreux messages déplacés aux religieuses en pleine nuit visant à les déstabiliser :

Le courriel adressé le 20 septembre 2019 par M. [H] à Soeur [X] impute à Mme [R] d’avoir commis à son égard des mensonges ‘odieux’, ‘inqualifiable’ et de souffrir d’un complexe d’autorité mal placé, ce message ayant été envoyé à 3h04. Le comportement reproché au salarié pour ce type de grief s’étant reproduit dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure, le moyen tiré de la prescription doit de ce chef être écarté.

Les courriels versés aux débats adressés par M. [H] à Soeur [F]-[D], Soeur [N] et Soeur [X] justifient que M. [H] a, dans des correspondances destinées à ces membres de la communauté, qualifié Mme [R] suivant les termes énoncés dans la lettre de licenciement (en particulier ‘manipulatrice’, ‘perverse’, ‘inhumaine’, ‘ignoble’), en lui reprochant notamment son ‘in-ajustement devant l’Eglise’, son ‘ego tordu’, ‘ses manipulations et mensonges, variés autant qu’odieux’. Les propos imputés à M. [H] dans la lettre de licenciement sont établis, de même que le fait que nombre de ces messages ont été envoyés au milieu de la nuit (vers 1, 2, 3 et 4 heures du matin). Leur caractère dénigrant, irrespectueux et excessif est avéré même si ne l’est pas la volonté de déstabiliser ses interlocutrices, la seule circonstance de leur envoi en pleine nuit n’en justifiant pas.

La cour relève que ces propos tenus dans des courriels que M. [H] a adressés individuellement à trois religieuses membres de la communauté n’ont pas de caractère public et qu’ils ont été envoyés dans un contexte particulier caractérisé par la contestation par M. [H] des avenants à son contrat de travail et de ses conditions de rémunération à laquelle s’est ajouté ensuite celui des agissements de harcèlement moral imputables à Mme [R], étant souligné en outre la grande ancienneté de M. [H]. Au regard de ces circonstances, ces propos et courriels ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

– sur le troisième grief tiré de la dissimulation d’un autre contrat de travail à temps partiel le liant M. [H] à une paroisse sur les mêmes plages horaires et ses absences sans justificatif :

Aucune absence sans justificatif médical de M. [H] n’est avérée après le mois de juin 2019 alors que la communauté en a eu connaissance au fur et à mesure, lui en ayant d’ailleurs fait le reproche de ses absences dans une des lettres du 5 juillet 2019.

En outre l’attestation de M. [G] déjà citée est de nature à établir que la communauté connaissait de longue date l’engagement professionnel de M. [H] dans la paroisse [8] et il n’est pas produit de réponse de Soeur [N] ou de la communauté au courriel du 5 juillet 2019 de M. [H] alors que s’il avait jusqu’alors dissimulé ses prestations assurées dans une autre paroisse, son interlocutrice n’aurait pas manqué de s’insurger. Par ailleurs, la lettre du 5 juillet 2019 relative aux absences injustifiées de M. [H] et au fait qu’elles ne seraient plus tolérées sauf justificatif médical et à condition de ne pas jouer dans une autre église corrobore aussi qu’au moins dès cette date, la communauté savait que M. [H] était lié par un autre contrat de travail avec une paroisse sur les mêmes plages horaires. L’appelant produit de plus une attestation de Soeur [P] [T], membre de la communauté et coordinatrice à la chapelle [6], en date du 11 octobre 2019 qui indique que concernant le contrat liant M. [H] à la paroisse [8] et l’engageant 15 dimanches par an à la messe de 11 heures, elle a demandé à Mme [R] la procédure à suivre pour son salaire, laquelle lui a répondu : ‘je vais décompter 2 cachets par mois’ de sorte qu’elle n’ignorait pas que M. [H] était engagé à [8], étant à nouveau rappelé que le décompte des prestations non assurées apparaît sur les bulletins de salaire jusqu’en juin 2019. Si cette attestation n’est pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, faute notamment d’être accompagnée d’une pièce d’identité et de comporter les mentions exigées par ces dispositions, elle emporte néanmoins la conviction de la cour dans la mesure où l’existence de Soeur [P] est confirmée par d’autres éléments et que son attestation est recoupée par les pièces précitées.

Le dernier grief relatif aux absences sans justificatif et à la dissimulation de l’autre contrat de travail est prescrit, la procédure de licenciement ayant été engagée le 1er octobre 2019. Il résulte en outre de ce qui précède que la dissimulation invoquée n’est pas établie.

Il s’ensuit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et qu’il appartient à l’employeur d’établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’intention manifestée par le salarié d’exercer son droit d’agir en justice et de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral et son licenciement.

Or, cette preuve n’est pas rapportée par la communauté si bien que le licenciement de M. [H] est nul, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur la demande en paiement de la somme de 3 200 euros à titre de salaire mensuel outre les congés payés afférents à compter du 16 octobre 2020 jusqu’à la réintégration effective et sous astreinte

Sauf impossibilité matérielle, la réintégration sollicitée par le salarié doit être ordonnée.

En l’espèce, la communauté n’invoque aucune impossibilité matérielle si bien que la demande de M. [H] visant à sa réintégration doit être accueillie.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Cependant, lorsque la nullité du licenciement résulte d’une atteinte à une liberté fondamentale, aucune déduction de salaire ou de revenus de remplacement ne peut être opérée.

En outre, le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de sa période d’éviction sauf s’il a occupé un autre emploi pendant cette période.

Au cas présent, la nullité du licenciement résulte notamment du fait qu’il est intervenu en raison d’une action en justice susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur et qu’il porte atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. Il n’y a donc pas lieu de procéder à une quelconque déduction. Les déclarations des revenus des années 2020 et 2022 de M. [H] démontrent qu’il a occupé un autre emploi durant ces années. Il n’est pas établi qu’il en a été de même en 2021 et depuis 2023.

M. [H] est en droit d’obtenir la condamnation de la communauté à lui payer une indemnité représentative des salaires dont il a été privé à compter du licenciement jusqu’au jour de sa réintégration effective non sur la base de 3 200 euros par mois, somme non justifiée, mais en fonction des salaires qu’il aurait perçus s’il avait continué à travailler. La cour condamne la communauté à payer à M. [H] à titre d’indemnité réparant son préjudice la somme de 2 904,96 euros brut par mois à compter du 16 janvier 2020 jusqu’au jour de sa réintégration effective, outre celle de 290,49 euros par mois au titre des congés payés afférents sur la même période sauf en 2020 et 2022. Il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ces chefs de demande.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Sur les dommages et intérêts pour discrimination et rupture d’égalité de traitement

La cour ayant retenu l’existence d’une discrimination, M. [H] est fondé à demander la réparation du préjudice subi de ce fait. La communauté est condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts qui suffit à réparer son dommage. Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Le salarié réintégré peut prétendre à des dommages et intérêts s’il justifie d’un préjudice distinct et supplémentaire.

En l’espèce, M. [H] a été victime d’agissements répétés de harcèlement moral qui ont été de nature à affecter son état de santé et dont il a effectivement souffert au vu des pièces aux débats. Il justifie en outre avoir été hospitalisé en décembre 2019 pour une intoxication polymédicamenteuse volontaire dans un contexte éthylique avec intention suicidaire mais cet événement est survenu après la notification de son licenciement, sans preuve qu’il soit lié aux agissements de harcèlement moral qui ont précédé celui-ci, et alors qu’a déjà été réparé par l’allocation au salarié d’une somme égale au montant du salaire dont il a été privé le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement.

La cour condamne la communauté à payer à M. [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral éprouvé par lui du fait du harcèlement moral, le jugement étant infirmé.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La communauté qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à ce titre à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros, le jugement étant infirmé sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu’il a débouté la communauté.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la Communauté [5] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [H] est nul ;

Condamne la Communauté [5] à payer à M. [H] :

– la somme de 2 904,96 euros brut par mois à compter du 16 janvier 2020 jusqu’au jour de sa réintégration effective dans son poste à titre d’indemnité réparant son préjudice résultant de la nullité du licenciement ;

– celle de 290,49 euros par mois au titre des congés payés afférents du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 et à compter du 1er janvier 2023 ;

– la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

– la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant du harcèlement moral ;

– la somme de 3 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Condamne la Communauté [5] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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