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13/01/2023
ARRÊT N°2023/25
N° RG 21/02072 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OETO
FCC/AR
Décision déférée du 30 Mars 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 18/00849)
LOBRY S.
S.A.S. ATELIER PREP’ART
C/
[T] [X]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 13 01 23
à Me Nicolas MATHE
Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE,
CCC POLE EMPLOI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
SAS ATELIER PREP’ART
venant aux droits de SARL ATELIER PREP’ART SUD sis [Adresse 1]
Représentée par Me Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Madame [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A.Pierre-Blanchard et F. Croisille-Cabrol,conseillères chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. Brisset, présidente
A. Pierre-Blanchard, conseillère
F. Croisille-Cabrol, conseillère
Greffier, lors des débats : A. Ravéane
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Atelier Prep’Art Sud sise à [Localité 7] est un établissement privé d’enseignement artistique.
Mme [T] [X] a été embauchée par la SARL Atelier Prep’art Sud en qualité d’intervenante en croquis et dessins d’observation, avec le statut de formatrice occasionnelle, suivant contrat de travail d’usage à durée déterminée à temps partiel (4 heures par semaine dans le cadre du calendrier scolaire 2016-2017, en tenant compte des périodes de vacances de l’académie), en date du 14 novembre 2016, pour la période du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017.
Le 7 juin 2017, la SARL Atelier Prep’art Sud a établi des documents de fin de contrat pour un contrat du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017, dont un solde de tout compte que Mme [X] a signé.
Les parties ont ensuite conclu un nouveau contrat à durée déterminée, pour les mêmes fonctions, à temps partiel (10 heures par semaine dans le cadre du calendrier scolaire 2017-2018, en tenant compte des périodes de vacances de l’académie), en date du 19 septembre 2017, pour la période du 19 septembre 2017 au 31 mai 2018.
Mme [X] a été placée en arrêt maladie pour la journée du 7 décembre 2017.
Par LRAR du 11 décembre 2017, la SARL Atelier Prep’art Sud a notifié à Mme [X] un avertissement pour avoir provoqué un incident le 23 novembre 2017, avoir modifié ses jours et heures de cours et être partie après ses cours en laissant la lumière allumée et la porte ouverte le 28 novembre 2017, avertissement que Mme [X] a ensuite contesté par LRAR du 18 décembre 2017.
A compter du 13 décembre 2017, Mme [X] a été placée en arrêt de travail pour un accident du travail survenu selon elle le 12 décembre 2017. Le 26 décembre 2017, Mme [X] a effectué une déclaration pour cet accident du travail. Après enquête, par décision du 15 mars 2018, la CPAM a estimé que la matérialité d’un accident du travail n’était pas établie.
Par LRAR du 22 décembre 2017, la SARL Atelier Prep’art Sud a convoqué Mme [X] à un entretien préalable fixé le 8 janvier 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.
Par LRAR du 30 janvier 2018, elle lui a notifié la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave.
Le 5 juin 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement :
– au titre du premier contrat à durée déterminée, de l’indemnité de requalification, de rappels de salaires, de l’indemnité pour travail dissimulé, de l’indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, ainsi que la remise sous astreinte des documents de fin de contrat modifiés ;
– au titre du second contrat à durée déterminée, de rappels de salaires, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour avertissement nul, de dommages et intérêts égaux aux salaires restant dus, de l’indemnité de fin de contrat et de l’indemnité pour travail dissimulé, ainsi que la remise sous astreinte de l’attestation Pôle Emploi modifiée.
Par jugement de départition du 30 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– requalifié le contrat à durée déterminée du 14 novembre 2016 en contrat à durée indéterminée à compter du 8 novembre 2016,
– dit que la rupture du dit contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– annulé l’avertissement du 11 décembre 2017,
– dit que la rupture anticipée du contrat du 19 septembre 2017 était abusive,
– condamné la SARL Atelier Prep’Art Sud à payer à Mme [X] les sommes suivantes :
Au titre du premier contrat initialement conclu pour la période du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017 :
* 23.013,20 € à titre de rappel de salaires, outre 2.301,32 € de congés payés afférents,
* 3.640 € à titre d’indemnité de requalification,
* 3.640 € à titre d’indemnité de préavis, outre 364 € de congés payés afférents,
* 3.640 € à titre d’indemnité pour licenciement abusif,
Au titre du second contrat initialement conclu pour la période du 19 septembre 2017 au 31 mai 2018 :
* 7.104 € à titre de rappel de salaires, outre 710,40 € de congés payés afférents,
* 500 € nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la notification de l’avertissement injustifié du 11 décembre 2017,
* 15.392 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 2.693,60 € à titre d’indemnité de fin de contrat,
* 3.000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– ordonné à la SARL Atelier Prep’Art Sud de remettre à Mme [X], pour chacun des contrats, les documents de fin de contrat rectifiés en tenant compte des dispositions du présent jugement dans un délai de 15 jours à compter de sa signification, sous astreinte de 100 € par jour de retard,
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l’article R 1454-28 du code du travail s’élevait à 3.640 € au titre du premier contrat initialement conclu pour la période du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017, et à 3.848 € au titre du second contrat initialement conclu pour la période du 19 septembre 2017 au 31 mai 2018,
– rappelé que la présente décision était de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu’elle ordonnait le paiement de sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R 1454-14 du code du travail,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire pour le surplus,
– condamné la SARL Atelier Prep’Art Sud aux entiers dépens,
– condamné la SARL Atelier Prep’Art Sud à payer à Mme [X] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La SAS Atelier Prep’Art venant aux droits de la SARL Atelier Prep’art Sud a relevé appel de ce jugement le 5 avril 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Atelier Prep’Art demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le contrat à durée déterminée du 14 novembre 2016 en contrat à durée indéterminée à compter du 8 novembre 2016, dit que la rupture dudit contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, annulé l’avertissement du 11 décembre 2017, dit que la rupture anticipée du contrat du 19 septembre 2017 était abusive, condamné la société au paiement de sommes et ordonné la remise de documents sociaux sous astreinte,
En conséquence statuant à nouveau :
– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
– ramener le montant des éventuelles condamnations à de plus justes proportions,
En tout état de cause :
– condamner Mme [X] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Par conclusions n° II notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [X] demande à la cour de :
* concernant le premier contrat signé le 14 novembre 2016 :
A titre principal :
confirmant le jugement,
– constater que le contrat à durée déterminée conclu pour la période du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017 a débuté avant le 14 novembre 2016 et s’est poursuivi après l’échéance du terme,
– requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017 en contrat à durée indéterminée,
– constater que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Atelier Prep’Art à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
* 3.640 € d’indemnité de requalification,
* 3.640 € de dommages et intérêts nets pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 3.640 € bruts correspondant au préavis, outre 364 € bruts de congés payés afférents,
infirmant le jugement,
– constater que la durée du travail était de 24 heures hebdomadaires, et donc de 104 heures mensuelles,
– constater que Mme [X] a fait l’objet de travail dissimulé,
– condamner la société Atelier Prep’Art à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
* 11.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois de salaire),
* 23.013,20 € bruts de rappels de salaires, outre 2.301,32 € bruts de congés payés afférents,
* 21.840 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
A titre subsidiaire :
– constater que la durée du travail était de 4 heures hebdomadaires, et donc de 17,33 heures mensuelles,
– condamner la société Atelier Prep’Art à verser à Mme [X] la somme de 1.513,30 € bruts de rappels de salaires, outre 153,33 € bruts de congés payés afférents,
A titre infiniment subsidiaire :
– constater que Mme [X] n’a pas été rémunérée intégralement des heures effectuées,
– condamner la société Atelier Prep’Art à verser à Mme [X] la somme de 501,69 € bruts de rappels de salaires, outre 50,17 € bruts de congés payés afférents,
En toute hypothèse :
confirmant le jugement,
– ordonner la remise par la société Atelier Prep’Art des bulletins de salaires modifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,
– ordonner la remise par la société Atelier Prep’Art du solde de tout compte modifié, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,
– ordonner la remise par la société Atelier Prep’Art de l’attestation pôle emploi modifiée, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir.
* concernant le second contrat signé le 19 septembre 2017 :
à titre principal :
confirmant le jugement,
– constater que la durée du travail était de 24 heures hebdomadaires, et donc de 104 heures mensuelles,
– constater que Mme [X] a fait l’objet de harcèlement moral de la part de la société Atelier Prep’Art,
– juger que l’avertissement du 11 décembre 2017 est nul,
– constater que la rupture le 31 janvier 2018 du contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 19 septembre 2017 au 31 mai 2018 est illégitime,
– condamner la société Atelier Prep’Art à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
* 7.104 € bruts de rappels de salaires, outre 710,40 € bruts de congés payés afférents,
* 15.392 € de dommages et intérêts correspondant aux salaires qu’elle aurait dû percevoir si son contrat était arrivé à échéance, sur la base d’une durée hebdomadaire de travail de 24 heures,
* 2.693,60 € bruts au titre de l’indemnité de fin de contrat,
infirmant le jugement,
– constater que la société Atelier Prep’Art a purgé son droit à sanction disciplinaire par l’avertissement du 11 décembre 2017 prononcé à l’encontre de Mme [X],
– constater que Mme [X] n’a commis aucune faute dans l’exercice de ses fonctions au sein de la société Atelier Prep’Art,
– constater que Mme [X] a fait l’objet de travail dissimulé,
– condamner la société Atelier Prep’art à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
* 5.000 € de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi,
* 4.000 € nets de dommages et intérêts pour avertissement nul,
* 23.088 € nets au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
A titre subsidiaire :
– constater que la durée du travail était de 10 heures hebdomadaires, et donc de 43,33 heures mensuelles,
– condamner la société Atelier Prep’Art à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
* 5.253,63 € bruts de rappels de salaires, outre 525,36 € bruts de congés payés afférents,
* 6.412,84 € nets de dommages et intérêts pour licenciement illégitime, correspondant aux salaires qu’elle aurait dû percevoir si son contrat était arrivé à échéance, sur la base d’une durée hebdomadaire de travail de 10 heures,
* 1.795,68 € bruts au titre de l’indemnité de fin de contrat,
En toute hypothèse :
confirmant le jugement,
– ordonner la remise par la société Atelier Prep’Art des bulletins de salaires modifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,
– ordonner la remise par la société Atelier Prep’Art du solde de tout compte modifié, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,
– ordonner la remise par la société Atelier Prep’Art de l’attestation pôle emploi modifiée, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,
* concernant les demandes communes aux deux contrats :
confirmant le jugement,
– condamner la société Atelier Prep’Art à payer à Mme [X] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
y ajoutant,
– condamner la société Atelier Prep’Art à payer à Mme [X] une somme supplémentaire de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Atelier Prep’Art aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir,
– dire que la cour se réserve la possibilité de liquider les astreintes ordonnées.
MOTIFS
1 – Sur le contrat à durée déterminée conclu le 14 novembre 2016 :
a – Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
L’article L 1242-12 du code du travail dispose que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif ; qu’à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Aux termes des articles L 1245-1 et L 1245-2, en cas de méconnaissance de ce texte, le contrat est réputé à durée indéterminée et le juge accorde au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Mme [X] demande la requalification du contrat à durée déterminée prévu du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017 en un contrat à durée indéterminée en soutenant qu’en réalité, elle a commencé à travailler dès le 8 novembre 2016, sans contrat de travail écrit, et jusqu’au 13 juin 2017, soit après le terme du contrat de travail.
Elle verse aux débats :
– la DPAE établie le 8 novembre 2016 à 15h32 mentionnant une date d’embauche au 8 novembre 2016 à 17h ;
– une feuille de présence d’élèves pour deux cours du 8 novembre 2016 de 17h à 19h puis de 19h à 21h ;
– des attestations de 5 élèves affirmant avoir suivi les cours de Mme [X] le 8 novembre 2016, l’un d’eux ajoutant avoir aussi suivi un cours le 13 juin 2017.
La SAS Atelier Prep’Art réplique que :
– le contrat à durée déterminée était un contrat d’usage au sens de l’article L 1242-2 3°, dans le cadre de l’année scolaire 2016-2017, devant se terminer à l’issue de celle-ci, Mme [X] ne démontrant pas que les prétendues heures de cours des 8 novembre 2016 et 13 juin 2017 ne s’inscrivaient pas dans le cadre de la période scolaire ;
– Mme [X] a signé le solde de tout compte du 7 juin 2017 sans réserve.
Néanmoins, la cour relève que :
– même si le contrat à durée déterminée mentionnait qu’il s’agissait d’un contrat d’usage, il indiquait bien comme dates de début et de fin 14 novembre 2016 – 6 juin 2017, et non les dates correspondant à l’année scolaire 2016-2017 ;
– si l’existence d’un usage constitue un cas de conclusion d’un contrat à durée déterminée, il demeure que le contrat à durée déterminée doit être établi par écrit dès le début de l’exécution de la prestation de travail ;
– la réalité des cours des 8 novembre 2016 et 13 juin 2017 est clairement établie par les pièces ci-dessus ;
– ainsi, les 8 novembre 2016 et 13 juin 2017, Mme [X] a travaillé sans contrat de travail écrit ;
– le fait que Mme [X] ait signé le solde de tout compte du 7 juin 2017 relatif à un rappel de salaire de 210 € ne l’empêche pas de demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec les conséquences de droit (indemnité de requalification, indemnités de rupture d’un contrat à durée indéterminée).
La cour ordonnera donc la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ce quoi ouvre droit à une indemnité de requalification égale à un mois de salaire, dont le montant sera examiné infra.
b – Sur les rappels de salaires liés à la durée de travail :
Mme [X] demande :
– à titre principal, des rappels de salaires de 23.013,20 € sur la base des 24 heures hebdomadaires minimales prévues par l’article L 3123-27 du code du travail pour le contrat de travail à temps partiel, demande à laquelle le conseil de prud’hommes a fait droit ;
– à titre subsidiaire, des rappels de salaires de 1.513,30 € sur la base de 4 heures par semaine ;
– à titre infiniment subsidiaire, des rappels de salaire de 501,69 € sur la base des heures réellement effectuées.
* Sur la demande principale :
L’article L 3123-27 du code du travail, issu de la loi du 8 août 2016, dispose qu’à défaut d’accord prévu à l’article L 3123-19 (convention ou accord de branche fixant la durée minimale de travail), la durée minimale de travail est de 24 heures par semaine.
La SAS Atelier Prep’Art soutient que la relation de travail était soumise à la convention collective nationale de l’enseignement privé indépendant, prévoyant une durée minimale de 60 heures par an pour les enseignants dont les cours sont planifiés sur une période supérieure au semestre, aux motifs que son activité entre dans le champ d’application de la convention collective défini par l’article 1.1.
Mme [X] conteste que cette convention collective nationale soit applicable.
Il convient de noter que la SAS Atelier Prep’Art ne conclut pas à une application volontaire de la convention collective nationale. Ainsi, il importe peu, contrairement à ce que soutient Mme [X], que la SAS Atelier Prep’Art ne se soit pas prévalue de cette convention collective nationale, ni dans lors de la signature des deux contrats de travail, ni lors de l’établissement des bulletins de paie, ni lors de ses échanges avec la salariée, ni dans ses premières conclusions devant le conseil de prud’hommes, et qu’elle ne l’ait fait que lors de ses conclusions du 14 novembre 2019. Il importe seulement de savoir si l’établissement d’enseignement exploité par la SAS Atelier Prep’Art entre dans le champ d’application défini par l’article 1.1.
Il ressort des pièces et des débats que la SAS Atelier Prep’Art dispense des cours en vue de préparer les élèves aux concours d’entrée dans les écoles supérieures d’art, et qu’il s’agit d’un établissement privé hors contrat avec l’Etat. Son code NAF est 8559B.
L’article 1.1, en sa version applicable de 2009 à 2019, dispose :
‘Entrent dans le champ d’application de la présente convention collective tous les établissements d’enseignement privé hors contrat situés sur le territoire national et dans les départements d’outre-mer, à savoir :
– les établissements d’enseignement privé du premier et du second degré relevant de la loi du 30 octobre 1886 et du 15 mars 1850 (dite loi Falloux) qui ne sont pas liés à l’Etat par contrat conclu dans le cadre de la loi du 31 décembre 1959 modifiée, ainsi que leurs départements de formation professionnelle dans la mesure où cette dernière activité est minoritaire ;
– les établissements d’enseignement privé qui relèvent de la loi du 25 juillet 1919 (dite loi Astier), reprise au titre IV du code de l’enseignement technique, et qui ne sont pas liés à l’Etat par contrat conclu dans le cadre de la loi du 31 décembre 1959 modifiée, y compris leurs départements de formation professionnelle dans la mesure où cette dernière activité est minoritaire ;
– les établissements d’enseignement privé supérieur général, professionnel ou scientifique relevant notamment de la loi du 12 juillet 1875 ou de la loi du 25 juillet 1919, y compris leurs départements de formation professionnelle dans la mesure où cette dernière activité est minoritaire ;
– les établissements d’enseignement relevant du droit privé et créés à l’initiative des chambres de commerce et d’industrie, des chambres d’agriculture et des chambres des métiers et mettant en oeuvre des enseignements relevant des lois ci-dessus.
Les établissements d’enseignement privé visés par la présente convention relèvent notamment des codes NAF suivants : 85.10Z et 85.20Z (ex-80.1Z), 85.31Z (ex-80.2A), 85.32Z (ex-80.2C), 85.41Z et 85.42Z (ex-80.3Z), 85.52Z et 85.59B (ex-80.4D).
Sont exclus de la présente convention :
– les organismes de formation relevant de la loi du 16 juillet 1971 ;
– les établissements d’enseignement privé à distance relevant de la loi du 12 juillet 1971 ;
– les établissements d’enseignement technique relevant d’une convention collective nationale de branche comportant des dispositions spécifiques au personnel d’enseignement à la date d’extension de la présente convention ;
– les centres de formation d’apprentis ;
– les établissements d’enseignement général relevant d’une convention collective nationale de branche à la date d’extension de la présente convention ;
– les instituts catholiques de [Localité 4], de [Localité 5], de [Localité 6] et de [Localité 7] ainsi que l’université catholique de [3] ;
– les écoles ou instituts d’enseignement supérieur et de recherche privés relevant d’une convention collective nationale à la date d’extension de la présente convention ainsi que les établissements annexes d’enseignement supérieur qui leur sont rattachés.’
La SAS Atelier Prep’Art affirme que tous les établissements d’enseignement privé hors contrat entrent par principe dans le champ d’application de la convention collective, sauf s’ils en sont expressément exclus par la seconde liste, et que la première liste visant des établissements n’est qu’indicative ; elle ajoute que son enseignement qui est technique entre dans le cadre de la loi Astier du 25 juillet 1919 et que son code APE est visé par le texte.
De son côté, Mme [X] soutient que seuls les établissements expressément visés par la première liste entrent dans le champ d’application de la convention collective nationale, cette liste étant limitative, et que seuls les établissements du premier ou du second degré en relèvent.
Or, que la première liste soit limitative ou non dans son énumération, il demeure qu’elle ne vise pas uniquement les établissements d’enseignement du premier ou du second degré, mais aussi les établissements d’enseignement supérieur général, professionnel ou scientifique, et les établissements d’enseignement visés par la loi Astier du 25 juillet 1919 (relative à l’enseignement technique, industriel et commercial). Il n’est pas exigé que l’établissement délivre un ‘enseignement industriel ou commercial’ contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, l’enseignement technique étant visé. De plus, il n’est pas nécessaire que l’établissement délivre une formation diplômante. L’enseignement artistique relève de l’enseignement technique. De plus, le code APE de la SAS Atelier Prep’Art fait bien partie de ceux que vise le texte (‘notamment des codes NAF suivants…85.59B’). Enfin, il n’est pas soutenu par Mme [X] que l’activité exercée par la SAS Atelier Prep’Art ferait partie des activités exclues par la seconde liste.
Infirmant le jugement, la cour estime que la convention collective de l’enseignement privé indépendant est applicable, et que Mme [X] devait simplement effectuer plus de 60 heures de travail pendant son contrat de travail, conformément à la convention collective, et non pas un minimum de 24 heures de travail par semaine. Dans la mesure où elle a bien effectué ces 60 heures, elle sera donc déboutée de sa demande de rappel de salaires sur une base de 24 heures hebdomadaires, par infirmation du jugement.
* Sur la demande subsidiaire :
Il résulte des bulletins de paie et de l’attestation Pôle Emploi que Mme [X] a été rémunérée sur une base de :
– en novembre 2016, 16 heures ;
– en décembre 2016, 8 heures ;
– en janvier 2017, 0 heure (le bulletin de paie de janvier n’étant pas produit mais l’absence d’heures figurant sur l’attestation Pôle Emploi) ; les parties ne précisent pas la cause de l’absence d’heures (maladie ou autre motif) ;
– en février 2017, 14 heures ;
– en mars 2017, 14 heures ;
– en avril 2017, 12 heures ;
– en mai 2017, 14 heures ;
– en juin 2017, 6 heures.
Or, le contrat de travail prévoyait un atelier hebdomadaire de 4 heures dans le cadre du calendrier scolaire 2016-2017, en tenant compte des périodes de vacances de l’académie, avec un maximum de 30 interventions. Mme [X] ne peut donc pas prétendre à un rappel de salaire calculé sur 4 heures par semaine soit 17,33 heures par mois, pendant 7,3 mois, et c’est à juste titre que la SAS Atelier Prep’Art a tenu compte des vacances scolaires.
Mme [X] sera donc déboutée de sa demande formée à titre subsidiaire.
* Sur la demande infiniment subsidiaire :
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Si Mme [X] affirme qu’elle a effectué 14 heures de travail qui ne lui ont pas été rémunérées, elle ne donne aucun détail quant à ces heures (dates…) et ne fournit pas de relevés de ses heures.
Elle sera donc déboutée de sa demande de rappel de salaire formée à titre infiniment subsidiaire.
Pour le calcul du salaire mensuel, il sera tenu compte de la moyenne des salaires versés pendant les mois complets travaillés, hors janvier 2017, soit 455 € par mois.
Infirmant le jugement, la cour allouera à Mme [X] une indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée de 455 €.
c – Sur la rupture du contrat de travail :
La rupture de la relation de travail requalifiée en contrat à durée indéterminée, sans courrier en précisant le motif, constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [X] peut donc prétendre aux sommes suivantes :
* au titre de l’indemnité compensatrice de préavis :
un mois de salaire soit 455 € bruts, outre congés payés de 45,50 € bruts, le jugement étant infirmé sur le quantum ;
* au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au moment de la rupture du contrat, Mme [X] avait moins de 2 ans d’ancienneté, de sorte que le minimum de dommages et intérêts égal aux 6 derniers mois de salaires n’était pas applicable, en application de l’article L 1235-5 du code du travail en sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017.
Elle ne justifie pas de sa situation entre le mois de juin 2017 et le mois de septembre 2017, mois où elle a signé avec la SAS Atelier Prep’Art un nouveau contrat à durée déterminée.
Il lui sera alloué des dommages et intérêts de 1.000 €, le jugement étant infirmé sur le quantum.
* au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement :
L’absence de toute procédure de licenciement a causé un préjudice à Mme [X] qui sera réparé par des dommages et intérêts de 455 € – dommages et intérêts cumulables avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’agissant d’une rupture antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017 et d’une salariée ayant moins de 2 ans d’ancienneté ; le jugement ayant débouté Mme [X] de sa demande de ce chef sera infirmé.
d – Sur le travail dissimulé :
En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.
En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
Mme [X] évoque les éléments suivants :
– un début de travail le 8 novembre 2016 soit avant la date du 14 novembre 2016 mentionnée sur le contrat de travail et les documents de fin de contrat ;
– une fin de travail le 13 juin 2017 soit après la date du 6 juin 2017 mentionnée sur les mêmes pièces ;
– une absence de déclaration du travail des modèles vivants ;
– une déclaration de salaires sous-évaluée auprès de la CARSAT.
Or :
– la DPAE a été établie le 8 novembre 2016 en mentionnant une date d’embauche au même jour ;
– Mme [X] ne peut pas invoquer un prétendu travail dissimulé concernant d’autres personnes ;
– la cour n’a pas condamné l’employeur à des rappels de salaires ;
– les bulletins de paie mentionnaient bien les salaires payés ;
– le relevé de la CARSAT n’a qu’une valeur informative et il n’établit pas une sous-évaluation de la part de la SAS Atelier Prep’Art.
La cour estime donc, comme le conseil de prud’hommes, que l’intention de dissimulation n’est pas établie, la salariée étant déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
2 – Sur le contrat à durée déterminée conclu le 19 septembre 2017 :
a – Sur les rappels de salaires liés à la durée de travail :
Mme [X] demande :
– à titre principal, des rappels de salaires de 7.104 € sur la base des 24 heures hebdomadaires minimales prévues par l’article L 3123-27 du code du travail pour le contrat de travail à temps partiel, demande à laquelle le conseil de prud’hommes a fait droit ;
– à titre subsidiaire, des rappels de salaires de 5.253,63 € sur la base de 10 heures par semaine.
* Sur la demande principale :
Le débat entre les parties est le même que pour le contrat du 14 novembre 2017 : l’application de l’article L 3123-27 du code du travail ou de la convention collective nationale de l’enseignement privé indépendant.
La même solution sera retenue, de sorte que Mme [X] sera déboutée de sa demande de rappel de salaires sur une base de 24 heures hebdomadaires, par infirmation du jugement.
* Sur la demande subsidiaire :
Il résulte des bulletins de paie et de l’attestation Pôle Emploi que Mme [X] a été rémunérée sur une base de :
– en septembre 2017, 30 heures ;
– en octobre 2017, 40 heures ;
– en novembre 2017, 40 heures ;
– en décembre 2017, 10 heures.
Or, le contrat de travail prévoyait un atelier hebdomadaire de 10 heures dans le cadre du calendrier scolaire 2017-2018, en tenant compte des périodes de vacances de l’académie, avec un maximum de 30 interventions. Mme [X] ne peut donc pas prétendre à un rappel de salaire calculé sur 10 heures par semaine soit 43,33 heures par mois, pendant 3 mois, et c’est à juste titre que la SAS Atelier Prep’Art a tenu compte des vacances scolaires.
Mme [X] sera donc déboutée de sa demande formée à titre subsidiaire.
b – Sur l’avertissement :
La SAS Atelier Prep’Art a, le 11 décembre 2017, notifié un avertissement à Mme [X] pour :
– avoir provoqué un incident le 23 novembre 2017, au début du cours de 17h, avec la responsable administrative de l’académie, Mme [M], et levé le ton devant les élèves, de sorte que M. [E], le gérant, sur demande de Mme [M], s’est déplacé pour mettre fin aux hurlements de Mme [X] ;
– avoir modifié son horaire de cours, de sorte qu’une élève (Mme [V]) pensant avoir cours est venue en vain le 27 novembre 2017 ;
– être partie après ses cours en laissant la lumière allumée et la porte ouverte le 28 novembre 2017.
Or, Mme [M] atteste simplement d’un comportement de Mme [X] ‘étrange et agressif’, sans évoquer un incident du 23 novembre 2017. Mme [V], élève du cours de 17h-19h, atteste de l’absence d’incident ce jour-là, et de l’absence de venue de M. [E] à ce cours.
Par ailleurs, la SAS Atelier Prep’Art ne produit aucune pièce justifiant de ce que Mme [X] aurait informé ses élèves avoir déplacé un cours au 27 novembre 2017. Mme [V] atteste que sa venue du 27 novembre 2017 relève de sa seule faute, et non de celle de Mme [X].
Enfin, la SAS Atelier Prep’Art ne produit aucune pièce relative aux faits du 28 novembre 2017.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a annulé l’avertissement et alloué à Mme [X] des dommages et intérêts de 500 €, Mme [X] ne justifiant pas d’un préjudice justifiant de majorer ces dommages et intérêts.
c – Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aux termes de l’article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.
En application de l’article L 1154-1, il appartient au salarié qui se prétend victime d’agissements répétés de harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au soutien du harcèlement moral, Mme [X] allègue les éléments suivants :
– une obligation faite par l’employeur de travailler 14 heures hebdomadaires alors que le contrat de travail ne stipulait que 10 heures, et le non paiement des heures effectuées :
Mme [X] ne produit aucun élément établissant qu’une obligation de travailler 14 heures par semaine lui aurait été faite ni qu’elle aurait été effective. Les bulletins de paie, mentionnaient des durées de travail de 30 heures mensuelles en septembre 2017, de 40 heures en octobre et novembre 2017, et de 10 heures en décembre 2017, se rapportant ainsi à des durées hebdomadaires de 10 heures. En outre, la cour vient de rejeter la demande de Mme [X] au titre des rappels de salaires.
Ces éléments ne sont donc pas établis.
– des modifications de plannings par l’employeur :
Mme [X] verse aux débats des plannings des mois de septembre et octobre 2017 où des modifications ont été effectuées. Néanmoins, ces plannings ne permettent pas à la cour de savoir qui est l’auteur de ces modifications, alors que la SAS Atelier Prep’Art soutient que c’était Mme [X] elle-même qui faisait les modifications, que, par LRAR du 24 novembre 2017, la SAS Atelier Prep’Art a reproché à Mme [X] d’avoir modifié des horaires de cours et de créer des cours de sa propre initiative et sans l’autorisation de la société, et que, par mail du 24 novembre 2017, Mme [X] a informé la SAS Atelier Prep’Art de son souhait ou du souhait de certains élèves de modifier des horaires de cours.
Les modifications de plannings imposées par l’employeur ne sont donc pas établies.
– l’avertissement infondé du 11 décembre 2017 :
Il est exact que cet avertissement était infondé.
– des propos menaçants et injurieux tenus par M. [E] le 30 novembre 2017 :
Deux élèves attestent d’un incident lors d’un cours du 30 novembre 2017 : Mmes [V] et [W] relatent que M. [E] a interrompu le cours de Mme [X] en voulant lui remettre un trousseau de clefs et lui a crié ‘si tu ne reprends pas les clefs je te vire.ferme ta bouche’, et ce devant les élèves, Mme [X] étant choquée et au bord des larmes.
Par courrier du même jour, Mme [W] a écrit à la SAS Atelier Prep’Art pour faire part de son indignation en raison de la grossièreté et de l’irrespect de M. [E] envers Mme [X].
Dans ses conclusions, la SAS Atelier Prep’Art est muette sur ces faits.
Dans son attestation, Mme [M] qui accompagnait M. [E] indique simplement que Mme [X] ‘a refusé de fermer l’académie en nous restituant les clefs devant les élèves’, mais sans soutenir que M. [E] n’aurait jamais tenu les propos indiqués.
Ce fait est donc établi.
– un comportement agressif de M. [E] du 6 décembre 2017 :
Par LRAR du 13 décembre 2017, Mme [J] [A], élève, a fait part à M. [E] de sa désapprobation suite à un incident du 6 décembre 2017 ; elle relate qu’elle s’est présentée au cours de Mme [X] prévu le 6 décembre, que M. [E] est venu lui annoncer ainsi qu’à Mme [X] que le cours était annulé faute de minimum de 5 élèves, et qu’il les a alors mises à la porte en disant ‘c’est mon école, je fais ce que je veux’, et en disant à Mme [X] ‘arrêtez-vous, je ne vous fais plus confiance pour vous laisser une seule élève parce que vous n’éteignez pas les lumières…je ne vous parle plus, si vous avez quelque chose à me dire envoyez-le moi par mail’. Mme [J] [A] a également rédigé une attestation reprenant ces faits.
Par courrier collectif du 12 décembre 2017, plusieurs élèves se sont plaints après de M. [E] de cette règle de 5 élèves et de son comportement envers Mme [X], victime de propos violents et de menaces ; ils ont dit apporter leur soutien à Mme [X].
Dans ses conclusions, la SAS Atelier Prep’Art est muette sur cet incident.
Ce fait est donc établi.
– un nouvel incident du 12 décembre 2017 :
Mme [U] et MM. [L] et [Y], élèves, attestent que, le 12 décembre 2017, lors du cours prévu à 19h, l’employé chargé du ménage demandé aux 3 élèves présents et à Mme [X], sur ordre de la direction, de quitter l’école faute du minimum de 5 élèves.
Dans ses conclusions, la SAS Atelier Prep’Art affirme que l’annulation de cours était due à l’insuffisance du nombre d’élèves et au refus du modèle vivant de poser dans ces conditions. Néanmoins, ni Mme [U] et MM. [L] et [Y], ni même Mme [M], n’évoquent un refus du modèle de poser.
Le fait que le cours de Mme [X] ait été annulé par la SAS Atelier Prep’Art est établi, même si la CPAM a estimé que l’incident ne constituait pas un accident du travail.
– les arrêts de travail pour la journée du 7 décembre 2017 et à compter du 13 décembre 2017, pour syndrome anxio dépressif réactionnel :
Ces arrêts de travail sont produits.
Ainsi, les éléments qui sont établis (l’avertissement du 11 décembre 2017 et les faits des 30 novembre, 6 et 12 décembre 2017) laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Or, la SAS Atelier Prep’Art se borne à indiquer que l’ambiance de travail était bonne et que d’ailleurs Mme [X] qui avait déjà travaillé en 2016-2017 avait signé un nouveau contrat pour 2017-2018 ce qui montre qu’elle était satisfaite de ses conditions de travail. Néanmoins, Mme [X] ne se plaint pas de ses conditions de travail pendant le premier contrat de travail mais seulement pendant le second. Quant à Mme [S] et [H] et à M. [R], enseignants, ils attestent de leurs bonnes conditions de travail, mais n’évoquent pas le cas de Mme [X].
Ainsi, l’employeur ne justifie pas d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a alloué à Mme [X] des dommages et intérêts de 3.000 €, Mme [X] ne justifiant pas d’un préjudice justifiant de majorer ces dommages et intérêts.
d – Sur la rupture du contrat à durée déterminée pour faute grave :
Aux termes de l’article L 1243-1 alinéa 1er du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
L’article L 1243-4 dispose que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas visés, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L 1243-8.
L’article L 1243-8 prévoit une indemnité de fin de contrat égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié lorsque, à l’issue du contrat à durée déterminée, les relations ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
La lettre du 30 janvier 2018 de rupture du contrat à durée déterminée pour faute grave était ainsi motivée :
‘- insubordination et non-respect de notre règlement intérieur, que vous connaissiez bien puisque vous avez déjà passé une année avec vous,
– perturbation grave et inappropriée du fonctionnement de l’Académie de Dessin,
– attitude agressive envers notre responsable administrative, Mme [O] [M], (qui a failli tomber malade à cause de vous),
– envois par vos soins de 12 mails et lettres recommandées avec accusé de réception pour des motifs divers : rappels d’heures complémentaires (y compris au titre de votre précédent CDD pour l’année scolaire 2016-2017), et modifications de vos fonctions ou de votre planning, En l’espace de 3,5 mois (étant rappelé que vous êtes absente depuis le 13 décembre 2017),
– contestation systématique du nombre d’heures, et ce y compris au titre de votre précédent CDD. alors que vous avez reçu votre solde tout compte et votre certificat de travail en temps et en heure,
– déplacements de cours intempestifs sans respecter les horaires de l’Académie de Dessin, et en mettant la Direction devant le fait accompli, comme si vous étiez chez vous et seule au sein de l’Académie,
– prise de contact directe et interventions auprès des élèves de l’Académie sans en informer au préalable l’administration de l’école, alors que le planning de l’Académie tout comme l’attribution de salles de cours relève des seules fonctions de Mme [O] [M], tout comme l’ouverture et la fermeture de l’Académie,
– transfert d’élèves d’un cours à l’autre, sans en informer l’administration de l’Académie, ce qui n’a pas cessé de nous étonner, et vous trouver bien à votre aise au sein de notre Académie de Dessin,
– impossibilité d’entamer une conversation ou négociation amiable sur l’organisation des cours, leur paiement par les élèves ou la présence de modèles avec vous (vous hurliez devant les élèves dès qu’un membre de l’administration s’approchait de vous, ce qui n’a pas été sans conséquence, tant auprès du personnel de l’Académie de Dessin que des élèves, notre clientèle,
– réception de trois courriers RAR de vos élèves avec lesquels vous entreteniez des relations ‘privilégiées’,
– déclaration d’un accident de travail auprès de la CPAM, avec entretien de témoignages sans nous en informer et nous circonscrire l’éventuel incident que vous auriez rencontré avec l’homme de ménage, ce que nous avons d’emblée contesté auprès de la CPAM,
– et enfin, vous avez quitté plusieurs fois l’académie en laissant les locaux ouverts et la lumière allumée.
Votre réponse laconique à l’énoncé de ces faits par courrier RAR du 18 janvier 2018, et qui consiste à dire que vous réfutez tout alors que nous avons des témoins, et plus de 12 courriers de votre part.’
Mme [X] estime que la SAS Atelier Prep’Art a purgé son pouvoir disciplinaire lors de la notification de l’avertissement du 11 décembre 2017, de sorte qu’en application de la règle non bis in idem, celle-ci ne pouvait prononcer la rupture du contrat de travail que pour des faits postérieurs.
La SAS Atelier Prep’Art réplique qu’elle a eu connaissance de faits nouveaux, de sorte que la règle non bis in idem ne s’applique pas. Elle soutient que Mme [X] aurait fait preuve de déloyauté lors de sa déclaration d’accident du travail en présentant les faits du 12 décembre 2017 de façon à nuire à l’employeur et en l’accusant de harcèlement moral et de travail dissimulé, et que la CPAM n’a pas reconnu un accident du travail.
Néanmoins, la cour juge que le fait de déclarer un accident du travail à la CPAM, même s’il n’a pas été reconnu par la caisse, ne saurait être constitutif d’une faute grave. De plus, le harcèlement moral a bien été reconnu par la cour. Enfin, la lettre de rupture, qui ne date aucun grief, n’évoque aucun fait autre que la déclaration d’accident du travail, dont l’employeur aurait eu connaissance auprès la notification de l’avertissement du 11 décembre 2017.
En l’absence de faute grave, la rupture anticipée du contrat à durée déterminée par la SAS Atelier Prep’Art était donc abusive, le jugement étant confirmé de ce chef.
Pour le calcul du salaire mensuel, il sera tenu compte des salaires versés pendant les mois complets travaillés, d’octobre et novembre 2017, soit 1.480 € par mois.
Mme [X] peut donc prétendre :
– à des dommages et intérêts d’un montant égal aux rémunérations qu’elle aurait perçues jusqu’au terme du contrat, du 30 janvier au 31 mai 2018, soit 5.920 €,
– à une indemnité de fin de contrat de 10 % calculée, conformément à l’article D 1243-1 du code du travail, sur les salaires déjà versés de septembre 2017 à janvier 2018 (4.440 €) et de ceux qu’elle aurait dû percevoir ensuite (5.920 €), soit 1.036 €,
le jugement étant infirmé sur les quanta.
e – Sur le travail dissimulé :
Mme [X] évoque les éléments suivants :
– un début de travail avant la date du 19 septembre 2017 mentionnée sur le contrat de travail et les documents de fin de contrat : réunion du 7 septembre 2017, journée portes ouvertes du 9 septembre 2017 ;
– des heures de travail non rémunérées ;
– une absence de déclaration du travail des modèles vivants ;
– une déclaration de salaires sous-évaluée auprès de la CARSAT.
Or :
– la cour ignore qui est l’auteur des ajouts sur la pièce n° 17 de la salariée, mentionnant la réunion et la journée portes ouvertes ;
– Mme [X] ne peut pas invoquer un prétendu travail dissimulé concernant d’autres personnes ;
– la cour n’a pas condamné l’employeur à des rappels de salaires ;
– les bulletins de paie mentionnaient bien les salaires payés ;
– le relevé de la CARSAT n’a qu’une valeur informative et il n’établit pas une sous-évaluation de la part de la SAS Atelier Prep’Art.
La cour estime donc, comme le conseil de prud’hommes, que l’intention de dissimulation n’est pas établie, la salariée étant déboutée de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
3 – Sur le surplus des demandes :
La cour n’a pas le pouvoir de déroger aux dispositions du code de la sécurité sociale relatives au paiement de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale et de dire que les indemnités allouées sont nettes comme l’a fait le conseil de prud’hommes.
Il y a lieu d’ordonner, pour les deux contrats de travail, la remise des documents sociaux rectifiés (bulletins de paie, soldes de tout compte, attestations Pôle Emploi), mais sans astreinte, le jugement étant infirmé sur ce point.
L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ses frais irrépétibles et ceux exposés par la salariée en première instance soit 2.500 €. L’appel étant en partie fondé, la salariée conservera à sa charge ses frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– requalifié le contrat à durée déterminée du 14 novembre 2016 en contrat à durée indéterminée à compter du 8 novembre 2016,
– dit que la rupture du dit contrat s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– annulé l’avertissement du 11 décembre 2017,
– dit que la rupture anticipée du contrat du 19 septembre 2017 était abusive,
– condamné la SARL Atelier Prep’Art Sud à payer à Mme [X] les sommes de 500 € de dommages et intérêts au titre de l’avertissement nul, 3.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [T] [X] de ses demandes d’indemnités pour travail dissimulé,
– condamné la SARL Atelier Prep’Art Sud aux entiers dépens,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Condamne la SAS Atelier Prep’Art à payer à Mme [T] [X] les sommes suivantes :
Au titre du premier contrat initialement conclu pour la période du 14 novembre 2016 au 6 juin 2017 :
* 455 € à titre d’indemnité de requalification,
* 455 € bruts à titre d’indemnité de préavis, outre 45,50 € bruts de congés payés afférents,
* 1.000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* 455 € de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
Au titre du second contrat initialement conclu pour la période du 19 septembre 2017 au 31 mai 2018 :
* 5.920 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 1.036 € à titre d’indemnité de fin de contrat,
Déboute Mme [T] [X] de ses demandes de rappels de salaires,
Ordonne à la SARL Atelier Prep’Art Sud de remettre à Mme [X], pour chacun des contrats, les documents de fin de contrat rectifiés (bulletins de paie, soldes de tout compte, attestations Pôle Emploi) en tenant compte des dispositions du présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu à astreinte,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par les parties en appel,
Condamne la SAS Atelier Prep’Art aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset