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10 janvier 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
23/00210
Minute n°
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
ORDONNANCE DE REFERE
DU 10 JANVIER 2024
REFERE N° RG 23/00210 – N° Portalis DBVK-V-B7H-QBKG
Enrôlement du 05 Décembre 2023
assignation du 01 Décembre 2023
Recours sur décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER du 09 Novembre 2023
DEMANDERESSE AU REFERE
S.A.S EUROGROUP
société immatriculée au RCS de Chambéry sous le numéro 383 109 873 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siége social sis
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, et par Maître Philippe-Francis BERNARD, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE AU REFERE
Madame [U] [X]
née le 07 Mai 1957 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Karine BEAUSSIER ROCHEBLAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER
L’affaire a été débattue à l’audience publique des référés, tenue le 13 décembre 2023 devant Mme Michelle TORRECILLAS, présidente de chambre, désignée par ordonnance de M. le premier président et mise en délibéré au 10 janvier 2024.
Greffier lors des débats : M. Jérôme ALLEGRE.
ORDONNANCE :
– contradictoire.
– prononcée publiquement par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signée par Mme Michelle TORRECILLAS, présidente de chambre, désignée par ordonnance de M. le premier président et par M. Jérôme ALLEGRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 22 octobre 2002, Madame [U] [X] a consenti à la société EUROGROUP un bail à usage commercial portant sur les lots n°111 à l16 d’une résidence de tourisme située [Adresse 6].
Le contrat prévoyait un loyer annuel HT de 22.620 euros, payable en quatre termes égaux, par trimestre échu et révisable chaque année en fonction des variations de l’indice INSEE.
Par exploit de commissaire de justice en date du 16 juin 2023, Madame [U] [X] a fait assigner la SAS EUROGROUP devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir condamner la société locataire au paiement de la somme provisionnelle de 106.365,05 euros au titre de sa dette locative.
Par ordonnance du 9 novembre 2023, le juge des référés a :
– rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir à 1’encontre de la SAS EUROGROUP ;
– condamné la SAS EUROGROUP à payer à Madame [U] [X] une provision de 74.008,68 euros en deniers et quittances à valoir sur les loyers et charges dus au 21 avril 2022, date de libération des lieux ;
– rejeté le surplus des demandes ;
– condamné la SAS EUROGROUP à payer à Madame [U] [X] une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de 1’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS EUROGROUP aux entiers dépens, en ce compris les frais d’assignation et de signification de l’ordonnance.
La Société EUROGROUP a interjeté appel de cette ordonnance le 15 novembre 2023.
Par acte d’huissier délivré le 1er décembre 2023, la partie appelante a fait assigner Madame [X] au visa de l’article 514-3 et suivants du code de procédure civile aux fins d’ordonner l’arrêt de l’exécution du jugement déféré.
Elle sollicite :
– à titre principal, arrêter l’exécution provisoire qui s’attache à l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Montpellier le 9 novembre 2023,
– à titre subsidiaire, autoriser la société EUROGROUP à consigner une somme de 77.000 euros en garantie des condamnations prononcées, et ce entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des avocats au Barreau de Paris, désigné séquestre, ou de tout autre séquestre qu’il plaira au premier président de nommer,
– condamner Madame [U] [X] à payer à la société EUROGROUP une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Madame [U] [X] aux entiers dépens du référé.
La société EUROGROUP expose que le bail qu’elle a signé avec Madame [X] le 22 octobre 2002 comportait une clause selon laquelle elle pouvait se substituer une autre société au bénéfice du bail, la bailleresse acceptant par avance cette substitution. La société appelante expose qu’elle s’est substituée une de ses filiales, la société LES CONSULS DE LA MER, laquelle a exécuté le contrat en payant les loyers.
Madame [X] a fait délivrer en 2015 et 2016 des commandements de payer à la société substituée, la reconnaissant ainsi comme sa locataire.
La société LES CONSULS DE LA MER, qui connaissait des difficultés financières en raison de la crise sanitaire, a été assignée en constatation de la résiliation du bail le 25 mai 2021 par Madame [X], et le 8 mars 2022, elle a été placée en liquidation judiciaire. Les clés des appartements ont été remises par le liquidateur à la bailleresse.
Madame [X] a alors décidé de se retourner contre la société EUROGROUP.
La société EUROGROUP soutient qu’il existe des moyens sérieux de réformation:
– la preuve de ce que la société EUROGROUP était locataire de Madame [X] n’a pas été rapportée par cette dernière,
– le bail qu’elle produit n’est pas signé par la société EUROGROUP,
– la bailleresse a consenti à la substitution dès la signature du bail,
– Madame [X] était parfaitement informée de la substitution car elle a considéré la société LES CONSULS DE LA MER comme sa locataire, encaissant les loyers payés par elle et lui faisant délivrer des commandements de payer,
– il existait à tout le moins une difficulté sérieuse faisant obstacle à la demande de provision.
La société EUROGROUP fait valoir un risque de conséquences manifestement excessives en cas d’exécution de la décision. Elle soutient que Madame [X] est une artiste qui n’a pas de revenus stables et ne communique aucun élément sur son patrimoine et ses capacités de remboursement en cas d’infirmation. Elle a de plus constitué une société éponyme qui fait écran à toute voie d’exécution pour ses dettes personnelles. Elle est radiée du RCS en sa qualité de loueuse de meublés, et on ne sait pas si elle est encore propriétaire des appartements.
Par conclusions notifiées le 8 décembre 2023 et reprises à l’audience, Madame [U] [X] conclut au débouté des demandes et sollicite la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que les moyens avancés par le défendeur ont été régulièrement rejetés tant par les juridictions de première instance que par la cour d’appel de Montpellier.
Elle soutient que la clause de substitution ne pouvait pas jouer, celle ci devant intervenir avant la prise d’effet du bail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Elle conteste les risques de conséquences manifestement excessives, compte tenu des moyens financiers de la société EUROGROUP et de sa volonté, en cas d’infirmation, de se soumettre à la décision de justice.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de droit de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
C’est à la société EUROGROUP que revient la charge de la preuve de ce que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire. Il est indifférent que la créance soit irrécouvrable en cas de confirmation de la décision dont appel.
Selon la “fiche synthétique” produite par la société EUROGROUP, le résultat net de la société a toujours été amplement positif entre 2019 et 2022 et se monte à cette dernière date à la somme de 699.000 € pour un chiffre d’affaire de 5,58 millions d’euros. Il ne résulte pas de cette pièce des difficultés de trésorerie qui mettraient la société en péril en cas d’exécution de l’ordonnance la condamnant à payer une provision de 74.008,68 euros en deniers et quittances.
Les procédures d’exécution forcée entreprises par d’autres parties dans le cadre d’instances distinctes ne sauraient davantage établir une difficulté d’ordre financier pour la requérante.
La société EUROGROUP ne démontre pas que Madame [X] soit dans une situation financière qui ne lui permette pas de rembourser les sommes objet de la condamnation en cas d’infirmation, d’éventuelles difficultés de trésorerie ne pouvant se déduire de sa qualité d’artiste.
Ainsi, la preuve de risques de conséquences manifestement excessives à l’exécution provisoire n’est pas rapportée.
Sans qu’il soit utile d’examiner le caractère sérieux des moyens d’annulation et de réformation évoqués, le texte susvisé énonçant deux conditions cumulatives, il convient de rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
L’article 521 du code de procédure civile dispose que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. La décision d’ordonner ou non la consignation des condamnations relève du pouvoir discrétionnaire du premier président.
En l’espèce, pour les motifs précédemment évoqués tenant à la situation financière des parties, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de consignation.
La société EUROGROUP qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer à Madame [U] [X] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de l’équité.
PAR CES MOTIFS
Statuant en référé, après débats en audience publique, par décision contradictoire,
Rejetons l’ensemble des demandes de la société EUROGROUP,
Condamnons la société EUROGROUP aux dépens et à payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente de chambre