Droits des artistes : 1 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04683

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Droits des artistes : 1 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04683
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C8

N° RG 21/04683

N° Portalis DBVM-V-B7F-LDLA

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Dimitri PINCENT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 01 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00389)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne

en date du 19 octobre 2021

suivant déclaration d’appel du 03 novembre 2021

APPELANTE :

La caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse – CIPAV – prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Mme [I] [U] épouse [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Yamina M’BAREK de la SCP CONSOM’ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, et en présence de Mme Elora DOUHERET, greffier stagiaire

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 mars 2023,

Mme Isabelle DEFARGE, conseillère chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, président, et M. Pascal VERGUCHT, conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs observations et dépôts de conclusions,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

Le 28 novembre 2019 Mme [I] [U] épouse [O], affiliée à la CIPAV sous le statut d’auto-entrepreneur du fait de son activité libérale d’animatrice artistique depuis 2010 a demandé au tribunal judiciaire de Valence, après avoir saisi le 07 février 2019 à cette fin la commission de recours amiable de la caisse, la rectification de ses points de retraite complémentaire sur la période 2010-2018 sur le relevé de situation individuelle du 1er février 2019 retenant 57 points à ce titre alors qu’elle prétendait en avoir acquis 336.

Par jugement du 19 octobre 2021 le pôle social de ce tribunal a :

– ordonné la rectification des points de retraite complémentaire acquis par Mme [U] épouse [O] sur la période 2010-2018 et dit qu’il y a lieu de les porter à 336 points à créditer selon le détail suivant :

40 points en 2010, 2011 et 2012, 36 points chaque année de 2013 à 2018,

– condamné la CIPAV à lui rendre accessible un relevé de situation individuelle conforme,

– dit n’y avoir lieu à astreinte,

– rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [U] épouse [O],

– condamné la CIPAVà lui verser la somme de 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge de la CIPAV,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La CIPAV a interjeté appel de ce jugement le 03 novembre 2021 et au terme de ses conclusions du 22 février 2023 soutenues oralement à l’audience elle demande à la cour

– d’infirmer le jugement,

Statuant à nouveau

– de déclarer le recours irrecevable,

A titre subsidiaire

– de juger du bon calcul des points de retraite de Mme [U] épouse [O] et de lui attribuer les points de retraite complémentaire suivants :

– 10 pour 2010, 2011 et 2012

– 9 pour 2013, 2014, 2015 et 2016, 2017

– 6 pour 2018,

– de débouter Mme [U] épouse [O] de toutes ses demandes,

– de la condamner à lui verser 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle oppose d’abord une fin de non-recevoir au recours de l’affiliée, en excipant des dispositions de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale et de l’absence de recours préalable de celle-ci avant saisine de la commission de recours amiable.

Elle soutient à cet égard que le relevé de situation individuelle délivré par le GIP INFO RETRAITE ne constitue ni une décision ni un document émanant de ses services

Sur le calcul du nombre de points de retraite elle soutient que l’assiette des cotisations ouvrant droit à ces points n’est pas le chiffre d’affaires de l’entreprise mais le BNC déclaré.

Au terme de ses conclusions déposées le 20 février 2023 soutenues oralement à l’audience Mme [U] épouse [O] demande à la cour :

– de confirmer le jugement,

Y ajoutant

– de condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 € de dommages et intérêts,

– et 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le revenu de référence elle soutient que pour les auto-entrepreneurs contrairement aux professions libérales il s’agit non pas du bénéfice mais bien du chiffre d’affaires, assiette de leurs cotisations et contributions aux termes de l’article L 131-6 du code de la sécurité sociale et sollicite la rectification du relevé de situation individuelle en conséquence.

Pour justifier sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral elle soutient souffrir d’une légitime exaspération au constat de l’obstruction par la CIPAV à l’exécution ‘d’une décision de justice rendue au plus haut niveau par la Cour de cassation dans son arrêt Tate’.

Elle expose souffrir d’un stress lié à un sentiment d’impossibilité d’obtenir la rectification de ses droits dès lors que la CIPAV, condamnée sur une période circonscrite, ne régularise pas les années ultérieures.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE :

Selon les dispositions combinées de l’article L. 161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du code de la sécurité sociale, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension.

Il en résulte que l’assuré est recevable, s’il les estime erronés, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale le report des durées d’affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.

Dès lors qu’en l’espèce Mme [U] a saisi le 7 février 2019 la commission de recours amiable de la caisse (qui a accusé réception de la demande le 8 février 2019), en contestant le nombre de points de retraite complémentaire sur la période 2010-2018 figurant sur son relevé de situation individuelle édité le 1er février 2019, elle était recevable à contester devant le pôle social du tribunal judiciaire de Valence la décision implicite de rejet de ce recours par cette commission.

. Le relevé contesté du 1er février 2019 attribue à Mme [U] au titre de son activité indépendante d’animatrice artistique exercée du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015 343,2 points au titre du régime de base et 57 points au titre du régime complémentaire.

Celle-ci soutient qu’elle devait se voir attribuer 336 points au titre du régime complémentaire.

La CIPAV expose que pour la période antérieure à 2016 l’assiette du calcul des points est le bénéfice non commercial (BNC), catégorie de revenu soumis à l’impôt sur le revenu, applicable aux personnes qui exercent une activité professionnelle non commerciale, à titre individuel ou comme associés ; que, pour déterminer l’assiette des cotisations des auto-entrepreneurs, qui ne déclarent au titre de leurs revenus qu’un chiffre d’affaires brut, il est donc appliqué un abattement forfaitaire de 34 % en application des dispositions des articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts.

L’article 102 ter du code général des impôts invoqué dispose dans sa version en vigueur du 12 juin 2011 au 30 mai 2014 tel que modifié par l’article 1 du décret n°2011-645 du 9 juin 2011 :

‘1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d’un montant annuel, ajusté s’il y a lieu au prorata du temps d’activité au cours de l’année civile, n’excédant pas 32 600 € hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d’une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 €.(…)

2. Les contribuables visés au 1 portent directement sur la déclaration prévue à l’article 170 le montant des recettes annuelles et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de cette même année.

3. et 4.(Pour mémoire)’

Pour les cotisations dues au titre de l’année 2011 s’appliquaient les dispositions de l’article L.131-6-2 en vigueur du 23 décembre 2011 au 1er janvier 2015 modifié par les lois n°2011-1906 du 21 décembre 2011 – art. 37 et n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 – art. 26 (V) selon lesquelles

‘Les cotisations sont dues annuellement.

Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d’activité de l’avant-dernière année.Pour les deux premières années d’activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale concernés. (À compter du 25 décembre 2013 Lorsque le revenu d’activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l’exception de celles dues au titre de la première année d’activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.)

Lorsque le revenu d’activité est définitivement connu, les cotisations font l’objet d’une régularisation.

Par dérogation au deuxième alinéa, sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées (jusqu’au 24 décembre 2013 sur la base du dernier revenu d’activité connu ou) sur la base du revenu estimé de l’année en cours.(…).’

L’article L.131-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit :

‘Par dérogation à l’article L. 131-6-2, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants. (…)’

Il résulte de la combinaison de ces textes que si, pour l’imposition fiscale il est appliqué aux revenus non commerciaux (aussi appelés recettes) un abattement de 34 % pour définir le bénéficie imposable, l’assiette des cotisations de sécurité sociale parmi lesquelles les cotisations aux régimes de retraite de base et complémentaire est en principe le revenu d’activité, sauf option pour l’application à ce revenu (revenus non commerciaux ou chiffre d’affaires) d’un taux de réfaction variable.

La CIPAV, qui ne conteste pas que la cotisante se soit acquittée au titre des années considérées du forfait social, par application d’un taux unique de cotisations au chiffre d’affaires déclaré devait donc lui attribuer au titre de ces années cotisées les points de retraite de base et complémentaire correspondant non pas à son BNC calculé par application de l’abattement forfaitaire de 34 % dont elle ne démontre pas qu’il a été sollicité, mais bien à l’intégralité de son chiffre d’affaires.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Les préjudices moraux allégués ne sont pas démontrés dans leur matérialité, et le principe de réparation intégrale exclut l’indemnisation des préjudices futurs éventuels, et le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de ses demandes à ce titre.

La CIPAV devra supporter les dépens de la présente instance et verser à Mme [U] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement.

Y ajoutant,

Condamne la CIPAV aux dépens.

Condamne la CIPAV à payer à Mme [I] [U] épouse [O] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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