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1 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/02578
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 1er FEVRIER 2024
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02578 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLG4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/01950
APPELANTE
SAS AKOUSTIC ARTS, société placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris le 02 février 2023
INTIMÉ
Monsieur [J] [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Carole MAUCCI, avocat au barreau de PARIS
PARTIES INTERVENANTES
SCP BTSG prise en la personne de Me [S] [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.S. AKOUSTIC ARTS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Noémie BIRNBAUM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1945
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 5]
N’ayant pas constitué avocat, assignation à personne morale le 17 février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, présidente
Madame Nathalie FRENOY, présidente
Madame Sandrine MOISAN, conseillère, rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
En juillet 2014, la société Linkcom gérée par M. [J] [U] est devenue actionnaire à hauteur de 30% de la société par actions simplifiée Akoustic Arts, ayant pour activité principale la recherche et la création d’enceintes directionnelles, et pour président, M. [B] [P].
En juillet 2018, la société Akoustic Arts a obtenu une levée de fonds auprès de nouveaux investisseurs, et le 26 juillet 2018, un pacte d’associés a été conclu notamment entre M. [B] [P], M. [C] [P], M. [Z] [Y], et M. [U] prévoyant, d’une part, une embauche de ce dernier en qualité de salarié, d’autre part, une clause dite de ‘bad leaver’ permettant notamment aux investisseurs de racheter à une valeur inférieure à la valeur réelle les parts d’un ‘Associé Entrepreneur’ licencié pour faute grave, ainsi que la mise en place d’un ‘Comité Stratégique’ ayant pour membres M. [B] [P], M. [J] [U], M. [R] [H], ‘représentant RVC’, et M. [Z] [Y], ‘représentant Newfund’.
Au mois de septembre 2018, la société Akoustic Arts et M. [U] se sont accordés pour conclure un contrat de travail à durée indéterminée, la convention collective applicable étant celle des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseil (SYNTEC).
Le 28 novembre 2018, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, fixé au 6 décembre 2018, puis a été licencié pour faute grave le 11 décembre 2018.
Sollicitant la requalification de sa relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de juillet 2014 et contestant son licenciement, outre des demandes de rappels de salaire et liées à la rupture de son contrat de travail, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 7 mars 2019, qui, par jugement du 9 décembre 2020, a :
– dit que M. [U] est salarié de la société Akoustic Arts à partir du 3 septembre 2018, en qualité de Directeur Opérations Amérique du Nord ;
– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Akoustic Arts à verser à M. [U] les sommes suivantes :
– 2 347,09 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
– 234,70 euros au titre des congés payés afférents ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 625 euros au titre des congés payés afférents ;
– 52 000,08 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau d’orientation et de conciliation ;
– rappelé qu’en vertu de l’article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, et fixé cette moyenne à la somme de 5 416,67 euros ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 10 833,34 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformes au jugement ;
– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile, avec consignation de 50 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations ;
– débouté M. [U] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Akoustic Arts de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 9 mars 2021, la société Akoustic Arts a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par jugements des 2 novembre 2022 et 2 février 2023, la société Akoustic Arts a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 23 mars 2023, la société Akoustic Arts, et la société civile professionnelle (SCP) Btsg en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière prise en la personne de Me [S] [W], appelantes, demandent à la cour :
A titre liminaire, et en tout état de cause, de confirmer la décision rendue le 9 décembre 2020 par
le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’elle a :
– dit et jugé que le contrat de travail de M. [U] a commencé à courir à compter du 3 septembre 2018 ;
– débouté M. [U] de ses demandes de rappels de salaires, congés payés afférents, indemnité pour travail dissimulé et rappel de frais professionnels à ce titre ;
A titre principal,
– infirmer la décision en ce qu’elle a :
– prononcé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Akoustic Arts à verser à M. [U] :
– 2 347,09 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
– 234,70 euros au titre des congés payés afférents ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 625 euros au titre des congés payés afférents ;
– 52 000,08 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 10 833,34 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale ;
-1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– obligé la société Akoustic Arts à remettre des documents de fin de contrat rectifiés conformes au jugement ;
– déclaré l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile avec la consignation de 50 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations ;
– débouté la société Akoustic Arts de ses demandes reconventionnelles et l’a condamnée aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau :
– constater que M. [U] n’a pas fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire ;
– constater la faute grave de M. [U] ;
– dire et juger que le licenciement de M. [U] repose sur une faute grave ;
– débouter M. [U] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– constater que la société Akoustic Arts n’a pas manqué à son devoir de loyauté vis-à-vis de M. [U] ;
– débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de loyauté ;
– se déclarer incompétent pour statuer sur la clause de non-concurrence contenue dans le pacte d’associés ;
A titre subsidiaire, et dans le cas où la cour d’appel se déclarerait compétente pour statuer sur la clause de non-concurrence contenue dans le pacte d’associés :
– constater que M. [U] n’a pas fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire;
– constater la faute grave de M. [U] ;
– dire et juger que le licenciement de M. [U] repose sur une faute grave ;
– débouter M. [U] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– constater que la société Akoustic Arts n’a pas manqué à son devoir de loyauté vis-à-vis de M. [U] ;
– débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de loyauté ;
– constater les manquements de M. [U] à son obligation de non-concurrence ;
– débouter M. [U] de sa demande d’indemnité de non-concurrence ;
A titre infiniment subsidiaire, et dans le cas où la cour d’appel ne reconnaîtrait pas la violation par M. [U] de son obligation de non-concurrence :
– constater que M. [U] n’a pas fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire;
– constater la faute grave de M. [U] ;
– dire et juger que le licenciement de M. [U] repose sur une faute grave ;
– débouter M. [U] de ses demandes de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– constater qu’elle n’a pas manqué à son devoir de loyauté vis-à-vis de M. [U] ;
– débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de loyauté.
Dans ses dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 22 juin 2023, M. [U], intimé, demande à la cour :
– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 9 décembre 2020 en ce qu’il a :
– s’agissant du licenciement notifié le 11 décembre 2018,
à titre principal, dit et jugé que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– en conséquence, compte tenu de la procédure collective en cours, de ‘fixer’ ses créances au passif de la liquidation de la société Akoustic Arts comme suit :
– 2 347,09 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
– 234,70 euros au titre des congés payés afférents ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 625 euros au titre des congés payés afférents ;
– 8 478 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 27 081,85 euros et subsidiairement 16 250,01 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
à titre subsidiaire de :
– dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,
– en conséquence, compte tenu de la procédure collective en cours, de fixer ses créances au passif de la liquidation de la société Akoustic Arts comme suit :
– 2 347,09 euros de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire ;
– 234,70 euros au titre des congés payés afférents ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 625 euros au titre des congés payés afférents ;
– 8 478 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– dit et jugé que la société Akoustic Arts a exécuté le contrat de travail de manière déloyale et en conséquence, compte tenu de la procédure collective en cours, de fixer sa créance au passif de la liquidation de la société Akoustic Art à la somme de 10 833,34 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale ;
– dit et jugé que ses demandes relatives à la clause de non-concurrence sont bien fondées et, compte tenu de la procédure collective en cours, de fixer sa créance au passif de la liquidation de la société Akoustic Arts à la somme de 52 000,08 euros, en contrepartie financière à la clause de non-concurrence ;
– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :
– dit et jugé que son contrat de travail au sein de la société Akoustic Arts a commencé à courir à compter du 3 septembre 2018 ;
– l’a débouté de ses demandes de rappels de salaires, congés payés afférents, indemnité pour travail dissimulé et rappels de frais professionnels ;
Statuant à nouveau sur ces points :
– de dire et juger qu’il est lié à la société Akoustic Arts par un contrat de travail depuis le 1er juillet 2014 et reprendre son ancienneté à compter de cette date ;
-compte tenu de la procédure collective en cours, de fixer ses créances au passif de la liquidation de la société Akoustic Arts comme suit :
– 195 000 euros à titre de rappels de salaire ;
– 19 500 euros de congés payés afférents ;
– 32 500 euros d’indemnité pour travail dissimulé ;
– 20 000 euros de rappels de frais professionnels justifiés ;
– en tout état de cause :
– d’appeler dans la cause le CGEA IDF Ouest afin que le régime de garantie des salaires intervienne à l’instance aux fins de garantie de ses créances ;
– dire que l’arrêt sera opposable au CGEA IDF Ouest et que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire seront ainsi garanties par ce dernier toutes créances confondues ;
-compte tenu de la procédure collective en cours, de fixer au passif de la liquidation de la société Akoustic Arts la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
– dire que les condamnations produiront des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts ;
– ordonner, en outre la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de la décision, la cour se réservant le droit de liquider l’astreinte.
L’Unedic, délégation Cgea Ags d’Ile de France Ouest a été mise dans la cause, mais n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2023 et l’audience de plaidoirie a été fixée au 1er décembre 2023, l’arrêt devant être prononcé le 1er février 2024 par mise à disposition au greffe.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur les demandes de reconnaissance d’un contrat de travail à compter du 1er juillet 2014 et au titre du travail dissimulé
M. [U], appelant incident de ce chef, prétend qu’il existait un contrat de travail entre lui et la société Akoustic Arts dès le 1er juillet 2014, malgré l’absence d’un contrat écrit, puisqu’il réalisait des missions effectives pour la société sur les plans technique, commercial et général, qu’il faisait partie d’une structure organisée, et qu’il recevait des directives de M. [P], le président de la société Akoustic Arts.
Il demande en conséquence, la prise en compte de son ancienneté au 1er juillet 2014 et des rappels de salaires pour la période du 1er juillet 2014 au 3 septembre 2018, ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé, et le remboursement de ses frais professionnels.
La société Btsg et la société Akoustic Arts soutiennent qu’il n’existait aucun contrat de travail entre cette dernière et M. [U] entre le 1er juillet 2014 et le mois de septembre 2018, contestant l’existence d’un lien de subordination et affirmant que M. [U] ne recevait ni ordres, ni directives, qu’il était libre, prenait des initiatives, déterminait seul l’aide qu’il apportait à la société, intervenant en qualité de gérant d’une société tierce.
Elles soutiennent qu’à compter du mois de juillet 2018, les parties étaient d’accord pour conclure un contrat de travail à compter de septembre 2018, et que ce n’est qu’à compter de cette date que M. [U] a été salarié de la société Akoustic Arts.
Il convient de rappeler qu’en l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé, d’une part, par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, d’autre part, par les conditions matérielles d’exercice de l’activité, étant précisé que si le lieu de travail est devenu secondaire en raison notamment du développement du télétravail, en revanche la fixation des horaires de travail, la manifestation du pouvoir de direction de l’employeur, et la fourniture par l’entreprise du matériel et des outils nécessaires à l’accomplissement du travail sont des caractéristiques de l’emploi salarié.
L’article L. 8221-5 du code du travail dispose que :
‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures» de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre I de la troisième partie;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’.
En vertu de l’article L. 8223-1 du même code, ‘en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.’
M. [U] communique aux débats un tableau et plusieurs courriels échangés avec M. [P] entre le 8 avril 2015 et le 6 mars 2018 relatifs notamment à des discussions sur le coût des rémunérations des salariés de la société Akoustic Arts, le futur organigramme de cette dernière, les plaçant tous deux à la tête de la société, une relecture de contrat, un projet de développement aux Etats-Unis, l’organisation de réunions en lien et de salons internationaux.
Il verse également aux débats des justificatifs d’envoi de plus de 6900 mails dont le contenu n’est pas révélé, ainsi que des courriels portant sur la préparation de cartes de visites.
S’agissant de la finalité et du contexte de son intervention M. [U] indique, aux termes d’un courriel adressé à M. [P] le 19 juillet 2018, qu’il a travaillé bénévolement pendant quatre ans et ‘investi plus de 20 K € du compte Linkcom pour Akoustic Arts ayant pour objectif principal la levée de fonds pour assurer le succès de AA’, ce qu’il confirme dans un mail du 11 septembre 2018 destiné au Comité stratégique de la société Akoustic Arts, expliquant vouloir faire part ‘des derniers échanges avec [B] concernant (…) le contrat de travail par lequel’ il serait lié à la société, et rappelle qu’il est intervenu bénévolement pour cette dernière ces quatre dernières années ‘et avec le peu de temps consacré à AA, aidé au développement, conseillé sur le plan technique, marketing, commercial et juridique [B]. (…)’.
De même, alors que M. [U] écrit dans un courriel du 9 octobre 2018 adressé à M. [P] avoir rejoint la société Akoustic Arts dès le 3 septembre 2018, il lui demande, dans un mail du 15 octobre 2018, s’il est d’accord pour en revenir au système d’avant la levée de fonds dans lequel il intervenait lorsque son aide et ses conseils étaient sollicités sans être rémunérés, ajoutant que cela fonctionnait plutôt bien.
Ainsi, il ressort des échanges entre les parties que ce n’est qu’en septembre 2018 qu’elles se sont accordées pour conclure un contrat de travail, qui a été formalisé, mais n’a cessé d’être discuté M. [U] demandant le 7 septembre 2018 la communication de son ‘contrat de travail du 1er septembre’ à modifier au regard de leurs discussions, sollicitant le 9 octobre 2018 une réunion du comité pour revoir son contrat de travail, et plus particulièrement l’article 3 ‘Attribution et Responsabilités’ et l’article 6 ‘Lieu de travail’, M. [P] indiquant quant à lui dans un mail en réponse du 16 octobre 2018 : ‘tu trouveras en pièce jointe ma nouvelle proposition de contrat de travail’.
M. [Z] [Y], investisseur, témoigne d’ailleurs des discussions et tensions relatives à la signature de ce contrat de travail, puisqu’il indique dans une attestation du 27 janvier 2020 que dès juillet 2018 M. [U] lui a indiqué qu”il n’était pas à l’aise avec la signature d’un contrat de travail qui spécificierait l’existence d’un lien de subordination hiérarchique entre lui et M. [P]’, et que ‘ce point de difficulté a été réitéré à plusieurs reprises durant les semaines qui ont suivi pour atteindre un point culminant lors d’une réunion du comité stratégique qui s’est tenue le 26 octobre 2018.’
Les termes de cette attestation sont corroborés par un courriel du 12 octobre 2018 adressé à M. [P] dans lequel M. [U] écrit qu’il a fait ‘un point téléphonique avec [Z]’, qu’il lui a précisé ne pas souhaiter être ‘dans un rôle superviseur/supervisé, mais dans un échange constructif qui additionne les compétences respectives dans le seul but de faire réussir’ leur projet.
Si ces documents établissent que de novembre 2014 à août 2018 M. [U] a aidé, donné des conseils à la société Akoustic Arts, et mené des actions auprès d’investisseurs en vue d’obtenir à son profit une levée de fonds et de favoriser son développement, il n’en ressort ni que la société Akoustic Arts, en la personne de son président, avait un pouvoir de direction et de sanction sur lui, ni qu’il était rémunéré, ni qu’il était intégré à un service organisé au sein de la société Akoustic Arts, aucun élément ne révélant qu’il bénéficiait d’une infrastructure matérielle et devait se soumettre à un minimum de contraintes en termes notamment de détermination des horaires et de directives de travail.
Dans ces conditions, M. [U] n’établit pas qu’il était lié à la société Akoustic Arts dans le cadre d’un contrat de travail entre le 1er juillet 2014 et le 3 septembre 2018, et par voie de conséquence, l’existence d’une dissimulation d’emploi salarié.
Il s’ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande visant à dire que son contrat de travail au sein de la société Akoustic Arts a commencé à courir à compter du 1er juillet 2014, et de ses demandes en lien de reprise d’ancienneté à compter du 1er juillet 2014, de rappels de salaire, de congés payés, de frais professionnels et d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur le moyen tiré de l’existence d’une mise à pied disciplinaire à compter du 9 octobre 2018
M. [U] prétend que son licenciement serait irrégulier, estimant que le courrier qui le notifie reprend des griefs déjà sanctionnés par une mise à pied disciplinaire notifiée oralement le 9 octobre 2018.
La société Akoustic Arts et la société Btsg contestent toute mise à pied disciplinaire, expliquant que dans une telle hypothèse, le salarié n’aurait pas été rémunéré, comme il l’a été.
La mise à pied est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail. Sa durée doit être fixée et connue du salarié au moment où elle lui est notifiée.
La mise à pied, dès lors qu’elle constitue la sanction définitive d’un agissement fautif, fait cesser pendant sa durée l’obligation de payer le salaire et corrélativement l’obligation de fournir le travail.
La mise à pied disciplinaire est soumise aux dispositions de l’article L. 1332-1 du code du travail, selon lesquelles ‘aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui’.
L’article L.1332-2 du même code précise quant à lui que ‘lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.’
Le seul courriel du 9 octobre 2018 aux termes duquel M. [U] indique à M. [P] que, suite à l’appel téléphonique de ce dernier du même jour en réponse à sa demande de réunion du comité, il prend acte de sa demande de cesser immédiatement son activité chez Akoustic Arts, ne suffit à établir ni l’existence d’une mise à pied disciplinaire à cette date, ni d’une suspension du contrat de travail, dès lors qu’aucun courrier dans ce sens n’a été notifié par l’employeur, que le salarié a continué à percevoir son salaire, a continué à faire des propositions aux investisseurs notamment sur le développement du ‘business US’ par courriel et lors de la réunion du comité stratégique du 26 octobre 2018, et que la demande faite au salarié de ne pas se présenter à une réunion et à un rendez-vous relève du pouvoir de direction de l’employeur.
En outre, les parties ont continué à échanger à propos du contrat de travail, et notamment des clauses intitulées ‘Attributions et Responsabilités’ et ‘Lieu de Travail’, ainsi que sur leurs divergences, M. [U] expliquant dans un courriel du 24 octobre 2018 avoir accepté de faire partie de l’équipe Akoustic Arts comme salarié pour valoriser l’investissement financier et humain réalisé depuis juillet 2014 pour développer le ‘marché US’, piloter sa filiale et s’installer aux Etats-Unis, afin de développer ce marché stratégique et exposant sa ‘vision’ à ce sujet, en termes de prospection et de développement des ventes.
Ainsi, l’existence d’une mise à pied disciplinaire à l’encontre de M. [U] ou d’une suspension de son contrat de travail à compter du 9 octobre 2018 n’est pas établie, le jugement devant être infirmé de ce chef.
En conséquence, le salarié sera débouté de ses demandes de ce chef.
Sur le licenciement
Aux termes de la lettre de licenciement du 11 décembre 2018 rédigée sur trois pages, qui fixe les limites du litiges, il est reproché en substance à M. [U] son refus permanent de travailler sous l’autorité de M. [P], président de la société, son insubordination, le dénigrement de ce dernier auprès de prestataires extérieurs, futurs clients et d’autres salariés de l’entreprise, le présentant comme ‘un artiste sans aucune vision business’, et la remise en cause de ses choix stratégiques en particulier concernant le développement à l’international de la société.
Il est ainsi indiqué : ‘En effet, pour des raisons personnelles, vous souhaitiez que le produit soit exporté rapidement vers les Etats-Unis car vous envisagiez de vous y installer avec votre famille. Ainsi que je vous l’ai expliqué , et bien que vos besoins personnels soient entendus, le développement à l’international d’Akoustic Arts à ce stade était beaucoup trop prématuré compte tenu des retards de développement du produit. En ce sens il n’était pas judicieux pour des questions de trésorerie de forcer cette exportation dans le seul but de vous permettre d’accomplir votre projet personnel. Ce point vous a également été réitéré par les investisseurs (Newfund, Renault) de la société afin de vous faire comprendre qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une volonté bloquante de ma part mais bien d’une problématique financière exclusivement. Votre refus de comprendre cette situation pourtant simple a été incomprise de tous.
Tant les prestataires extérieurs que certains salariés ont ressenti le climat délétère que vous souhaitiez insuffler au sein de l’entreprise, tant par les critiques ouvertes que vous formuliez à l’encontre du produit ou à mon encontre, que par de multiples divergences sur la stratégie commerciale que vous formuliez régulièrement.
Cette situation a atteint son point culminant lors d’une réunion le 26 octobre dernier en présence de [R] [H] (Renault RVC) et [Z] [Y] (Newfund), tous deux co-investisseurs au sein de notre structure.
Lors de cette réunion, vous avez ouvertement évoqué votre incompatibilité avec le président spécifiant qu’une des raisons motivant votre souhait d’un départ aux Etats-Unis était le fait de ne pas être obligé de travailler quotidiennement sous mon autorité. A ces propos choquants, Monsieur [Y] a soulevé qu’en fait, vous auriez préféré assumer le poste de président de la société et donc travailler en totale autonomie. Quand Monsieur [Y] et Monsieur [H] vous ont rappelé qu’une décision avait déjà été prise sur le fait de ne pas développer le produits aux Etats-Unis et que vous deviez vous y conformer vous avez en fait annoncé que vous refusiez de travailler sous mon autorité, que cela implique ou non un départ vers les Etats-Unis.(…)’
Il est en outre souligné dans ce courrier que l’obligation de loyauté comprend celle de se conformer aux décisions prises par la hiérarchie, que le dénigrement et le refus d’autorité récurrent sont devenus un point bloquant, développent un climat ostensiblement hostile à l’égard du président en interne, entraînent des dysfonctionnements dans l’entreprise.
L’employeur conclut ainsi : ‘nous considérons dès lors que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.’
Les appelantes soutiennent que le licenciement de M. [U] est fondé sur une faute grave qui est établie en raison du refus du lien de subordination, du dénigrement de l’employeur et du produit auprès des prestataires, des salariés et des futurs clients, de remise en cause des choix stratégiques, et de la dégradation de l’ambiance de l’entreprise.
L’intimé soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les véritables motifs du licenciement dont il a fait l’objet résident dans la clause dite de « bad leaver » prévue au pacte d’associés qui prévoit qu’en cas de licenciement pour faute grave les investisseurs peuvent racheter les parts du licencié à une valeur inférieure à leur valeur réelle, de sorte que ses demandes indemnitaires sont justifiées.
A titre subsidiaire, il prétend que son licenciement repose uniquement sur une cause réelle et sérieuse et formule des demandes en lien.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.
S’agissant des fautes reprochées au salarié, les appelantes communiquent trois attestations, dont celle de M. [Y] précédemment évoquée, ainsi que deux autres établies, l’une, par M.[M] [A], conseil en management commercial et marketing travaillant avec la société Akoustic Arts, l’autre, par M. [K] [V], responsable grands comptes au sein de cette dernière.
M. [Y], investisseur de la société Newfund, explique que lors de la réunion du comité stratégique du 26 octobre 2018, M. [U] a rappelé son souhait de partir en Amérique du Nord, qu’il a fallu lui expliquer que ce n’était pas possible à ce jour compte tenu du retard pris sur la sortie du produit sur le marché local, qu’il serait plus opportun, d’un point de vue commercial, de ne pas se lancer dans des dépenses inutiles, qu’il s’agissait d’une décision stratégique prise par le président, M. [P], et qu’il conviendrait de s’y conformer, peu important le souhait personnel de partir vivre à l’étranger.
M. [Y] indique par ailleurs que M. [U] a évoqué son refus d’être placé sous la hiérarchie du président, sa volonté de pouvoir agir en totale autonomie, que questionné sur un éventuel lien avec son souhait de partir à l’étranger, il a confirmé que le fait de partir aux Etats-Unis lui permettrait de ne pas se conformer aux directives de M. [P] et de ne pas travailler avec lui.
M.[Y] précise que lorsqu’il a expliqué que cette position était problématique car révélatrice d’un refus de travailler avec M. [P], M. [U] a confirmé ce point et ajouté que dans ces conditions, il préférait conserver le mode opératoire précédent selon lequel il intervenait en tant que conseiller libre de manière ponctuelle.
M. [A] explique quant à lui que M. [U] a remis en cause lors du salon ‘Paris Retail Week’ la stratégie commerciale convenue par M. [P], et partagé ses doutes ouvertement avec des prospects du salon quant à la fiabilité du produit, qualifiant le président de la société Akoustic Arts ‘d’artiste spécialisé en musique qui ne comprend pas le business’.
M [V] évoque avoir constaté à plusieurs reprises un non-respect de la ‘politique/stratégie commerciale’ par M. [U], décrit comme très critique à l’égard des travaux effectués par l’équipe, et ‘ne croyant pas au produit’.
M. [U] explique aux termes de ses écritures, qu’un cadre, qui dispose d’une grande liberté d’expression dans ses fonctions peut exprimer des doutes sur la stratégie commerciale.
Cependant, en l’espèce, les critiques se sont transformées en opposition persistante de M.[U] à son employeur, comme en témoignent messieurs [Y], [A] et [V], dont les déclarations sont corroborées par les courriels échangés entre les parties, dont il ressort, en premier lieu, que M. [U] visait un poste de directeur général et à court terme de ‘Chief Executive Officier (CEO) North America’, que la société Akoustic Arts a indiqué ne pouvoir offrir immédiatement.
Ainsi, par courriels des 16 et 23 octobre 2018, M. [P] a expliqué en substance à M. [U] qu’il ne pouvait stipuler aux termes du contrat de travail son déménagement aux Etats-Unis, notamment en raison du retard pris dans la production de l’enceinte ainsi que, par voie de conséquence, dans le développement du marché américain, et ‘qu’il serait risqué de commencer à investir un tel budget dans le développement d’un nouveau marché, les US’, alors que les premiers clients français n’étaient pas encore livrés.
M. [U] a quant à lui persisté à expliquer notamment aux termes des courriels des11 septembre 2018, 12, 18 et 24 octobre 2018, qu’il était important de tout faire pour respecter les objectifs sur 2019, que le marché américain le permettait, qu’une structure locale était indispensable pour développer ce dernier, que telle était sa motivation depuis 2015, ajoutant ‘avant signature du pacte Clovis me disait, une fois signé tu fais ta valise’.
Il ne ressort cependant ni du pacte d’associé, ni d’aucun autre élément de la procédure, que la société Akoustic Arts aurait promis à M. [U] un poste de dirigeant aux Etats-Unis, dès son embauche en qualité de salarié.
M. [U] en sa qualité d’associé et de cadre pouvait légitimement se montrer critique à l’égard de la stratégie commerciale développée par M. [P] notamment à l’international, mais il résulte de ce qui précède que cette critique, qui pouvait se comprendre au regard de son investissement dans le projet amérivain, s’est cependant transformée en opposition et désaccord persistants avec les décisions prises par le président, malgré les arguments objectivement opposés liés aux finances de l’entreprise et au retard de développement du produit, de sorte qu’elle n’a pas été constructive et est ainsi constitutive d’une faute dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.
Cependant, M. [U] faisant le constat des divergences avec M. [P] dans un mail du 9 octobre 2018, lui a finalement proposé, aux termes d’un courriel du 15 octobre suivant ‘de revenir au système d’avant la levée’ dans lequel il intervenait, sans être rémunéré, lorsque son aide et ses conseils étaient sollicités.
De même, dans un courriel du 24 octobre 2018, il formule deux propositions à savoir, ‘modifier les clauses 3 et 6’de son contrat de travail, ou revenir au ‘système d’avant la levée’.
Il en résulte que malgré le désaccord persistant de M. [U] sur la stratégie commerciale à adopter en Amérique du Nord, il avait ouvert la discussion sur une autre solution, qu’en outre les critiques n’ont été émises que dans un cadre restreint, de sorte que son maintien dans l’entreprise n’était pas impossible, la mise à pied à titre conservatoire n’étant, par conséquent, pas justifiée.
Il s’ensuit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais que la faute grave ne sera pas retenue, le jugement déféré devant ainsi être infirmé en ce qu’il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloue une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans ces conditions et au regard de l’ancienneté de M. [U] inférieure à quatre mois, et de la convention collective applicable, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d’indemnité conventionnelle, et alloué à M. [U] les sommes non critiquées dans leur montant de 2347, 09 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, de 234, 70 euros au titre des congés payés afférents, de 16250, 01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et de 1625 euros s’agissant des congés payés afférents.
Le jugement déféré sera cependant infirmé en ce qu’il a condamné la société Akoustic Arts au paiement de ces sommes, dès lors que la société Akoustic Arts fait l’objet d’une procédure collective depuis le 2 novembre 2022, et qu’elle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 2 février 2023.
En conséquence, il convient de fixer au passif de la société Akoustic Arts les créances suivantes :
– 2347, 09 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,
– 234, 70 euros au titre des congés payés afférents,
– 16250, 01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1625 euros s’agissant des congés payés afférents.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur
La société Akoustic Arts et la société Btsg contestent toute déloyauté estimant à l’inverse que M. [U] a été déloyal en refusant l’autorité du président, en dénigrant le produit, en remettant en cause la stratégie de l’entreprise, et en dégradant le climat de l’entreprise.
M. [U] répond que l’employeur s’est comporté de manière déloyale à son égard, en profitant de ses conseils de manière gratuite pendant plusieurs années, de ses fonds, pour finalement l’évincer brutalement.
Il résulte de ce qui précède, d’une part, que M. [U] a fait le choix jusqu’au 3 septembre 2018 de donner aide et conseil à la société Akoustic Arts sans solliciter de rémunération, d’autre part, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et enfin qu’aucun élément de la procédure ne révèle une promesse faite par l’employeur d’octroyer à M. [U] un poste de dirigeant aux Etats-Unis dès son embauche.
Par ailleurs, force est de constater que M. [U] ne démontre, ni n’établit la matérialité d’un préjudice distinct de celui qui est indemnisé par l’octroi de sommes à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et de l’indemnité compensatrice de préavis.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré de ce chef, et de débouter M. [U] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat.
Sur la clause de non-concurrence stipulée au pacte d’associés
Les sociétés Akoustic Arts et Btsg soutiennent, d’une part, que la cour d’appel n’est pas compétente pour statuer sur la clause de non-concurrence car M. [U] ne l’a pas signée en tant que salarié, mais en tant qu’associé minoritaire ou investisseur, d’autre part, qu’il a violé cette clause en continuant à vendre la technologie Akoustic Arts après la rupture de son contrat.
M. [U] répond que la cour d’appel est matériellement compétente, tout comme la juridiction prud’homale, puisqu’il s’agit d’un litige individuel découlant du contrat de travail, que la société Akoustic Arts ne l’a pas libéré de cette clause lors de son licenciement, qu’il a ainsi droit au paiement de la contrepartie financière stipulée, contestant toute violation de sa part de l’obligation de non-concurrence.
La clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions, appréciées à la date de sa conclusion, étant cumulatives.
Il est admis que le juge prud’homal est compétent pour statuer sur une clause de non-concurrence conclue dans un contrat commercial, dès lors qu’il est indivisible avec le contrat de travail.
En cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise.
Le pacte d’associés conclu le 26 juillet 2018 en présence de la société Akoustic Arts et par M. [U] et M. [P], notamment, stipule à l’article 10. 2 un engagement de non-concurrence ainsi rédigé :
« Chaque « associé entrepreneur » s’engage, pendant une durée de vingt-quatre (24) mois suivant la fin de ses fonctions de mandataire social et / ou de salarié de l’une des sociétés du Groupe (en cas de perte de la qualité de mandataire social et / ou de salarié d’une ou plusieurs sociétés du Groupe, à compter de la survenance du dernier en date de ces événements), sur le territoire français ainsi que dans les pays où la Société exercerait directement ou indirectement par l’intermédiaire de l’une de ses filiales une activité, à ne pas :
(i) Exercer, en tant que salarié, dirigeant, consultant, associé, porteur de parts, investisseur ou par tout autre moyen, directement ou indirectement, une Activité Concurrente de celle de la ou des sociétés dans lesquelles il exerçait un mandat social et / ou son contrat de travail ;
(ii) Acquérir ou maintenir, directement ou indirectement, une participation dans le capital d’une société ayant une Activité Concurrente de celle de la ou des sociétés dans lesquelles il exerçait son mandat social et / ou son contrat de travail ;
étant précisé que cette interdiction de concurrence visée aux deux alinéas ci-dessus sera rémunérée mensuellement à hauteur de quarante pour cent (40%) de la moyenne de la rémunération mensuelle brute dont l’Associé Entrepreneur aura bénéficié au cours des deux années ayant précédé la mise en oeuvre de cette interdiction. La Société pourra en tout état de cause se libérer et libérer l’Associé Entrepreneur concerné de toute obligation au titre des engagements précédents en notifiant la mainlevée dans les trente (30) jours suivant la date de cessation des fonctions de salarié ou de mandataire social de l’Associé Entrepreneur concerné (‘) ».
Cette clause vise expressément un engagement de non-concurrence de 24 mois suivant la fin des fonctions de salarié de l”associé entrepreneur’, qualité attribuée à M. [U] aux termes de l’article 8.1.2, de sorte que son contrat de travail est indivisible avec le pacte d’associés.
Il s’ensuit que la cour, à la suite des premiers juges, est compétente pour statuer sur la demande au titre de la clause de non-concurrence, la fin de non-recevoir soulevée par les appelantes devant être rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.
L’employeur ne soutient ni n’établit qu’il aurait renoncé à cette clause, mais s’oppose au paiement de la rémunération qu’elle stipule au motif de son non-respect par le salarié.
Pour ce faire, elle se fonde sur un procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 7 novembre 2019 relatif au contenu des pages du site internet accessible par l’adresse ‘linkcom-int.com’ dont une qui mentionne la société ‘AKOUSTIC ARTS’ précisant qu’elle est ‘une start-up spécialisée dans le son (…) fondée en 2010’, qu”elle développe et commercialise le ‘A’ une enceinte qui projette un faisceau sonore audible seulement par la ou les personne(s) directement présente(s) dans son champ’, et qu’il ‘s’agit d’une technologie de rupture innovante(…)’.
Cette page, si elle fait la publicité de la société Akoustic Arts et de son enceinte, ne révèle nullement sa commercialisation, ou la commercialisation de produits concurrents par la société gérée par M. [U], ni l’exercice d’une activité concurrente.
En outre, aux termes du jugement définitif du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société Akoustic Arts de sa demande dirigée contre la société Linkcom à hauteur de 50000 euros à titre de préjudice financier résultant d’un acte de parasitisme.
Dans ces conditions, M. [U] a droit à la rémunération de la clause de non-concurrence stipulée au pacte d’associés.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont alloué à M. [U] la somme de 52000, 08 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, le jugement étant confirmé de ce chef, mais, compte tenu de la procédure collective dont fait l’objet l’appelante, infirmé en ce qu’il l’a condamnée à payer ce montant. Statuant à nouveau sur ce point, la cour fixe la créance de M. [U] à ce titre au passif de la société Akoustic Arts à la somme de 52000,08 euros.
Sur les intérêts
Compte tenu de la procédure collective dont fait l’objet la société Akoustic Arts depuis le 2 novembre 2022, le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux intérêts.
En effet, les créances de M. [U] étant liées à son licenciement, lequel est antérieur au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société Akoustic Arts, trouvent à s’appliquer à l’espèce les dispositions des articles L. 622-28 et L 641-3 du code de commerce selon lesquelles le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.
En application de ces textes d’ordre public, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts. La demande de capitalisation ne peut dès lors qu’être rejetée.
Sur la remise de documents
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives à la remise des documents de fin de contrat avec cette précision qu’il s’agit de la remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, du fait de la procédure collective dont fait l’objet la société Akoustic Arts et du fait qu’aucun élément laissant craindre une résistance de la part de cette dernière n’est versé aux débats.
Sur la garantie de l’Assurance des créances des salaires (Ags)
Il convient de rappeler que l’obligation du Centre de Gestion et d’études Ags (Cgea), gestionnaire de l’Ags, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à délégation Cgea Ags d’Ile de France Ouest, qui a été appelée dans la cause, de sorte que la demande visant à l’appeler dans la cause est sans objet.
Sur les dépens et frais irrépétibles:
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Compte-tenu de la solution du litige, les dépens seront laissés à la charge de la liquidation judiciaire de la société Akoustic Arts, et il ne sera pas fait droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement en ce qu’il dit que M. [J] [U] a été salarié de la société Akoustic Arts à partir du 3 septembre 2018 et l’a débouté de ses demandes en lien de rappel de salaires, congés payés afférents, indemnité pour travail dissimulé et rappel de frais professionnels, en ce qu’il a débouté M. [J] [U] de sa demande d’indemnité conventionnelle, en ce qu’il lui a alloué à les sommes de 2 347,09 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied , 234,70 euros au titre des congés payés afférents, 16 250,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 1 625 euros au titre des congés payés afférents, 52 000,08 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence et retenu sa compétence de ce chef, et en ce qu’il a ordonné la remise des documents de fin de contrat,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que M. [J] [U] n’a pas fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire,
DIT que le licenciement de M. [J] [U] n’est pas fondé sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [J] [U] de ses demandes principale et subsidiaire à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [J] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat,
FIXE les créances de M. [J] [U] au passif de la procédure collective de la société Akoustic Arts aux sommes suivantes :
– 2 347,09 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
– 234,70 euros au titre des congés payés afférents ;
– 16 250,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 625 euros au titre des congés payés afférents ;
– 52 000,08 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,
RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure collective de la société Akoustic Arts a opéré arrêt des intérêts légaux,
REJETTE la demande de capitalisation des intérêts,
DIT que les documents de fin de contrat, à savoir une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectificatif devront être conformes au présent arrêt,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’Unedic, délégation Cgea Ags d’Ile de France Ouest qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail,
LAISSE les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société Akoustic Arts,
DÉBOUTE les parties des autres demandes comprenant celles formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE