8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°371
N° RG 19/04751 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-P6AP
Association PRO BTP
C/
M. [F] [C]
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 08 Avril 2022
devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame Natacha BONNEAU, Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTE :
L’Association PRO BTP prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Sébastien CAP substituant à l’audience Me Gaëlle DECOUSU, Avocats plaidants du Barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [F] [C]
né le 23 Décembre 1973 à [Localité 2] (29)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]
Comparant à l’audience et représenté par Me Melaine RANGHEARD de la SELARL JUSTICIAVOCAT, Avocat au Barreau de BREST
…/…
INTERVENANT VOLONTAIRE :
L’Institut Public POLE EMPLOI BRETAGNE pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Marion LE GRAND substituant à l’audience Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocats au Barreau de RENNES
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M. [F] [C] a été embauché par l’Association PRO BTP le 21 juin 2012 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller artisans, statut employé, à effet au 25 juin 2012, les relations contractuelles étant régies par la Convention collective nationale de travail du personnel des institutions de retraite complémentaire et le protocole de raccordement PRO BTP du 18 avril 2008.
Par avenant du même jour, M. [C] a été mis à la disposition de PRO BTP FINANCE à concurrence de 10% de son temps de travail à compter du 25 juin 2012 aux fins de distribution de l’Epargne salariale. A la suite d’une réorganisation interne, il a été mis fin à cette délégation le 24 août 2012.
Le 30 juin 2014, M. [C] s’est vu notifier un avertissement pour avoir antidaté un document contractuel concernant un artisan prédécédé.
Le 29 janvier 2016, M. [C] a fait l’objet d’une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 12 février 2016, avant d’être licencié pour insuffisance professionnelle et de résultats par courrier recommandé du 18 février 2016 et dispensé de préavis.
Le 11 juillet 2017, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest aux fins de:
‘ Débouter l’association PRO BTP de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
‘ Requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
‘ Dire que le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires et lui a causé un préjudice moral,
‘ Condamner l’association PRO BTP au paiement des sommes suivantes :
– 20.748 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et éventuels honoraires et frais d’exécution forcée,
‘ Condamner l’association PRO BTP à remettre à M. [C] les documents sociaux de fin de contrat rectifiés et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la notification par le conseil de prud’hommes du jugement à intervenir,
‘ Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
La cour est saisie de l’appel formé le 12 juillet 2019 par l’association PRO BTP contre le jugement en date du 17 mai 2019 notifié le 13 juin 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Brest a :
‘ En la forme, reçu M. [C] en sa requête,
‘ Dit le licenciement de M. [C] sans cause réelle et sérieuse,
‘ Condamné l’association PRO BTP à payer à M. [C] les sommes suivantes :
– 20.748 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Disposé que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la notification de la décision pour les dommages-intérêts, en vertu des dispositions de l’article 1231-7 du code civil,
‘ Ordonné l’exécution provisoire de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile,
‘ Ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de 6 mois d’indemnités,
‘ Condamné l’association PRO BTP à remettre à M. [C] les documents sociaux de fin de contrat rectifiés pour tenir compte de la présente décision, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte,
‘ Condamné l’association PRO BTP aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du code de procédure civile).
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 11 mars 2022, suivant lesquelles l’association PRO BTP demande à la cour de :
‘ Recevoir l’appel, le dire bien fondé et y faire droit,
‘ Réformer le jugement en ce qu’il a :
– Dit le licenciement de M. [C] sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné l’association PRO BTP à payer à M. [C] plusieurs sommes, outre les entiers dépens,
– Ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de 6 mois d’indemnités,
– Condamné l’association PRO BTP à remettre à M. [C] les documents sociaux de fin de contrat rectifiés pour tenir compte du jugement,
– Débouté l’association PRO BTP de ses demandes tendant à condamner M. [C] à verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Statuant à nouveau,
‘ Débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes,
‘ Débouter Pôle Emploi de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour confirmerait l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :
‘ Réduire le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions, en raison de la perte de revenus limitée à
2.995 €,
‘ Infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement,
‘ Débouter M. [C] de sa demande à ce titre,
‘ Réduire le montant du remboursement des allocations à Pôle Emploi à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
‘ Condamner M. [C] à payer à l’association PRO BTP la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Débouter M. [C] et Pôle Emploi de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner M. [C] aux entiers dépens d’instance et d’appel,
‘ Rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 janvier 2020, suivant lesquelles M. [C] demande à la cour de :
‘ Débouter l’association PRO BTP de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
‘ Confirmer le jugement entrepris,
‘ Condamner l’association PRO BTP à verser à M. [C] une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner l’association PRO BTP aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais et honoraires de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 liés à l’exécution forcée, ceci en application de l’article 696 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance 17 mars 2022 et reportée au 22 mars 2022
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien-fondé du licenciement :
Pour infirmation et débouté du salarié, l’association PRO BTP fait essentiellement valoir que le licenciement de M. [C] pour insuffisance de résultat et insuffisance professionnelle repose incontestablement sur une cause réelle et sérieuse compte tenu :
– du caractère réaliste et réalisable des objectifs du salarié, que ce dernier n’a d’ailleurs jamais contesté avant la procédure prud’homale ;
– de ses résultats très insuffisants au regard de ses objectifs et des résultats de ses collègues;
– de l’imputabilité de cette insuffisance professionnelle malgré des formations, accompagnements et moyens dont il a bénéficié, outre des mises en garde régulières.
L’employeur ajoute que les objectifs qui lui étaient fixés étaient identiques à ceux de ses collègues, que ses résultats étaient très inférieurs à ceux des conseillers artisans de la même délégation à objectifs identiques, que son portefeuille était équivalent à ceux des autres conseillers artisans et qu’il a bénéficié des moyens lui permettant d’exécuter ses missions.
L’employeur estime par ailleurs qu’au regard de son expérience professionnelle, des formations et de l’accompagnement dont il a bénéficié ainsi que des plaintes régulières de clients que l’insuffisance de résultats provient d’une insuffisance professionnelle.
M. [C] entend contester l’insuffisance professionnelle et l’insuffisance de résultats qui lui est reprochée eu égard à ses missions et à ses résultats sur un secteur non seulement difficile mais également prospecté par d’autres intervenants.
M. [F] [C] estime qu’en réalité la décision de le licencier est dictée par des impératifs de réorganisation de l’activité de la société sur son secteur géographique et par conséquent fondé sur un motif économique.
L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié’; le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
L’insuffisance de résultats ne peut constituer, en soi, une cause de licenciement. Il appartient au juge de rechercher si les mauvais résultats allégués procèdent d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute imputable au salarié ou de son incapacité à atteindre les objectifs fixés et de vérifier si les objectifs fixés au salarié lors de l’accomplissement de sa prestation de travail, qui peuvent être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, étaient ni excessifs, ni irréalisables, mais au contraire réalistes.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et qui lie le juge est ainsi motivée :
vous avez été embauché en contrat à durée indéterminée le 25 juin 2012 pour exercer des fonctions de Conseiller Artisans au sein de la Direction Régionale Ile de France – Centre.
Vos missions en qualité de ‘Conseiller Artisans’ sont de :
– Informer, conseiller et commercialiser des services et produits destinés aux artisans et aux petites entreprises du secteur ;
– Assurer le contact avec les prescripteurs locaux de ces entreprises ;
– Assurer la promotion et la vente des produits distribués par PRO BTP, dans le respect des objectifs fixés ;
– Veiller au respect des obligations réglementaires des employeurs envers les institutions ;
– Développer et entretenir le tissu relationnel et politique du secteur (CAPEB et Chambre des métiers) ;
– Rendre compte de son activité auprès du Responsable de Développement.
Malgré votre expérience antérieure des fonctions commerciales, au cours de vos premiers mois d’intégration vous avez suivi d’importantes formations pour vous familiariser :
– avec les outils de PRO BTP liés notamment au poste de travail et à la gestion commerciale ;
– avec le monde de la protection sociale, l’entreprise et ses produits.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, compte tenu de vos acquis commerciaux, l’année 2013 aurait dû vous permettre de développer le portefeuille de PRO BTP sur votre secteur en droite ligne avec les objectifs fixés.
Or, c’est le constat inverse qui a été réalisé. Ainsi, sur une centaine de conseillers artisans, vous vous classiez au niveau national à la 92ème place.
A l’aide des accompagnements prodigués, vos résultats se sont révélés en amélioration au cours de l’année 2014.
Même si nous étions loin de nos attentes, vous étiez classé en 80ème position au niveau national.
Toutefois, au titre du 1er semestre 2015 , nous avons fait le constat d’importantes insuffisances sur de nombreux items essentiels comme nous l’avons évoqué lors de notre entretien du 1er septembre 2015.
Pourtant, cette année était extrêmement importante pour PRO BTP notamment pour développer sa part de marché en Frais Médicaux collectifs en droite ligne avec les nouvelles obligations réglementaires imposées aux entreprises.
[V] de cette situation, d’importants moyens (humains et outils) ont été déployés pour permettre à tous de réaliser l’objectif fixé par la Direction Générale.
Devant le constat de votre insuffisance professionnelle et de résultats sur le 1er semestre 2015, nous avons établi un plan de 2 mois (qui s’est poursuivi sur 3 mois) au cours duquel nous avons recentré vos objectifs sur certains items en vous accompagnant comme cela avait été réalisé en 2014.
Nous avons tenté de vous aider à rebâtir votre argumentaire et votre approche de l’adhérent pour vous permettre de réussir dans votre mission.
Il a en effet été constaté que, si vous aviez globalement un relationnel client et une connaissance des produits corrects, vous ne parveniez pas à conclure la vente.
Ainsi, malgré votre ancienneté dans le poste, vous avez été encouragé à préparer vos rendez-vous pour éviter de découvrir le client et ses besoins. Cette approche devait également vous permettre de procéder à des ventes couplées et à générer un rebond commercial, notamment sur l’épargne salariale.
De même, vous avez été encouragé à avoir un suivi plus réactif de vos prospects.
Force a été de constater comme je vous l’ai dit lors de notre entretien du 18 décembre 2015, que ce plan a été un échec.
Globalement, vos insuffisances restent présentes. Vous ne parvenez pas à concrétiser. En outre, sur les items prioritaires identifiés, vos résultats ont même décliné.
Malgré cette situation, compte tenu de la politique des Ressources Humaines de PRO BTP, nous n’avons pas immédiatement tiré les conséquences des insuffisances professionnelles et de résultats constatées.
Nous avons attiré votre attention sur la nécessité de vous réinvestir dans l’atteinte de vos objectifs sur les semaines suivantes.
Or, près de 2 mois après cet entretien, il n’existe aucune évolution positive.
Les résultats définitifs de l’année 2015 permettent de caractériser une réelle insuffisance professionnelle et de résultat.
Sur les objectifs de production des produits prioritaires que nous avions identifiés en septembre 2015, vos résultats sont très mauvais.
Sur les contrats Frais médicaux collectifs (ANI), vous étiez en septembre 2015 à 46 % et à mi-décembre 2015 à 44,8 %. Vous finissez finalement l’année 2015 à 44% de votre objectif.
Sur votre délégation, le taux réalisé par les conseillers artisans est sans commune mesure avec le vôtre. Il est de 80,3%. Pour la Direction régionale Ile de France – Centre, il est même de 92%.
Sur l’épargne salariale, votre souscription de nouveaux contrats a stagné à 12,5 % ce qui s’avère très insuffisant.
Sur votre délégation, le taux réalisé par les conseillers artisans est de 44% et pour la Direction régionale Ile de France – Centre de 67,9 %.
Enfin, sur les Frais médicaux Artisans – FAR, vous étiez en septembre à 72,7 %, en décembre à 61 % et finissez l’année 2015 à 64% de votre objectif.
Sur votre délégation, le taux réalisé par les conseillers artisans est de 103,2% et pour la Direction régionale Ile de France – Centre de 90,4 %.
Sur cet item également, vous ne vous êtes pas impliqué les résultats se dégradant depuis le mois de septembre 2015.
Globalement, sur l’ensemble des items, vos résultats n’ont pas progressé et restent très insuffisant.
Ainsi, à l’issue du 1er semestre 2015, sur la centaine de conseillers artisans de PRO BTP, vous étiez classé 97ème avec un taux de réalisation de 50,1 % de l’objectif saisonnalisé.
Finalement, malgré notre alerte, vos résultats de l’année 2015 se sont détériorés.
Vous êtes à la 103ème avec un taux de réalisation de 42,4 %.
Sur le mois de janvier 2016 qui s’avérait pourtant capital comme nous vous l’avions annoncé le 18 décembre 2015, les mêmes insuffisances sont identifiables.
Il n’existe toujours pas de réel investissement en vue d’atteindre vos objectifs.
Sur les contrats Frais médicaux collectifs (ANI), votre production du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2016 est de 46,6% quand votre délégation est à 89,3% et la Direction régionale à 102,8%.
Ces résultats permettent de constater que les éventuelles souscriptions que vous évoquiez en attente et que vous n’auriez pas intégrées dans nos outils (malgré vos obligations), ne se réalisent pas à la mesure de ce que vous annonciez.
Sur l’épargne salariale, vous n’avez souscrit aucun nouveau contrat à fin janvier 2016. Pourtant, au titre de cette année, l’épargne salariale est une priorité.
Enfin, sur les Frais médicaux Artisans – FAR, vous êtes toujours à 60% de l’objectif saisonnalisé.
Ainsi, malgré votre ancienneté, vous participez très peu au développement commercial de PRO BTP et à la vente de nos produits et de nos services.
En outre, je constate que, malgré notre soutien, vous ne parvenez pas à vous réinvestir pour améliorer la situation.
En conséquence, je suis contrainte de vous indiquer qu’étant donné, d’une part, le constat de votre insuffisance professionnelle et, d’autre part, de votre insuffisance de résultat, je suis dans l’obligation de procéder à votre licenciement pour l’ensemble de ces motifs dont la présente constitue la notification.
En l’espèce, il est établi que M. [F] [C] a été engagé le 25 juin 2012 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller artisans, statut employé en référence à son expérience commerciale antérieure. La mise à disposition de M. [C] à PRO BTP FINANCE à concurrence de 10% de son temps de travail à compter du 25 juin 2012 par avenant du 21 juin 2012 a interrompue le 24 août 2012.
Il est également établi qu’au cours de l’année 2012, M. [F] [C] a bénéficié d’une formation initiale, comprenant notamment une formation en alternance au terme de laquelle il a obtenu les diplômes d’habilitation AMF lui permettant d’exercer ses activités de conseiller artisan, de sorte qu’en dépit des critiques de M. [F] [C] concernant la qualité des formations reçues, il ne pouvait ignorer qu’il avait pour mission principale de placer des produits d’assurances et de couverture santé auprès des artisans.
Pour autant, M. [F] [C] n’est pas sérieusement contredit quand il soutient que les formations reçues correspondaient essentiellement à la nécessité d’acquérir la capacité juridique d’exercer son activité et qu’il n’a jamais bénéficié de formation personnalisée lui permettant d’appréhender des produits qu’il ne connaissait pas et il est établi qu’en dehors des entretiens d’évaluation, l’aide dont il aurait bénéficié de la part de M. [U] a essentiellement concerné les deux plans d’accompagnement en 2014 et en 2015 auxquels l’employeur se réfère.
A cet égard, si les comptes rendus des 10 septembre, 2 et 13 octobre 2015 relatifs au dernier accompagnement mettent effectivement en évidence avec précision les carences dans la mise en oeuvre de la stratégie de présentation des produits, des devis et de la finalisation de l’opération commerciale, les échanges de courriels antérieurs des 16 au 22 juin 2015 présentant cet accompagnement, mettent essentiellement l’accent sur la non atteinte des objectifs malgré l’aide et le soutien apportés et une comparaison avec la performance d’une assistante commerciale, lui reprochant un comportement attentiste avec une tendance à reporter la responsabilité de ses mauvais résultats sur les autres.
Cependant, il ressort des pièces produites au débat par M. [F] [C] qu’en 2013 mais également en 2015, la directrice régionale et le responsable développement entreprises ont attiré avec insistance l’attention des conseillers artisans placés sous leur responsabilité sur le mauvais classement et les mauvais résultats de la région dans le palmarès national de PRO BTP et par conséquent pas seulement celle de M. [F] [C], étant relevé qu’en juillet 2014 le même responsable développement entreprises mais en sa qualité de délégué CGT soulignait que le secteur attribué à M. [F] [C] était « mou », en voie de paupérisation et donc peu porteur du fait de son caractère essentiellement rural et conduisait M. [F] [C] à effectuer 2.000 kilomètres par semaine et à réaliser jusqu’à 65 heures de travail.
Si le responsable développement entreprises a effectivement modifié le secteur de M. [F] [C] pour tenter de limiter les défauts du secteur antérieur, il apparaît néanmoins que M. [F] [C] était confronté à des difficultés tenant notamment à la prise de rendez vous par les assistants commerciaux dans des agences ([Localité 7] notamment) le jour de leur fermeture ou sans tenir compte de la distance entre deux lieux de rendez-vous lors de leur fixation mais également confronté à l’intervention de M. [I] délégué départemental auprès de clients de son secteur au profit d’un autre salarié, à des problèmes logistiques liées à l’utilisation d’une carte 3 G dans des secteurs non couverts ne permettant pas un accès à des documents nécessaires, à une modification de la stratégie de la délégation par la mise en oeuvre concomitante par M. [H] Responsable de marché d’un dispositif de vente à distance par les assistants commerciaux sur les mêmes secteurs et sans pouvoir lui-même bénéficier du logiciel APSO permettant de signer des contrats à distance.
Il apparaît également qu’à la suite d’une réunion du 1er septembre 2015 à laquelle participaient M. [F] [H] Responsable de marché, M. [U] Responsable de vente et M. [C] et Mme [J] Directrice régionale IDF Centre, cette dernière a adressé au salarié un compte rendu de cette réunion le 15 septembre 2015, au terme duquel il lui était rappelé les axes de sa mission, ses objectifs d’activité en termes de nombre de visites et de reprises de rendez-vous, le suivi du plan de progrès, un reporting hebdomadaire ainsi que ses objectifs de production en termes d’accroissement du nombre de contrats en gamme collective ANI sur trois mois, d’objectifs en épargne collective et en gamme familiale artisans FAR jusqu’au 31 octobre 2015 mais également en relation adhérent en terme de détection et de promotion des services.
Il ressort du courrier du 18 décembre 2015 adressé à M. [F] [C] par Mme [J] au terme de trois mois du plan de progrès auquel il avait été soumis, que l’employeur estimait que les résultats de M. [F] [C] en deçà de ses attentes, ne s’étaient pas améliorés, lui reprochait un manque de sérieux et d’investissement et lui annonçait un bilan lors de son entretien annuel de progrès 2015.
Il ressort des pièces produites au débat qu’au cours de l’entretien annuel de progrès 2015 qui s’est tenu le 20 janvier 2016, il a été rappelé à M. [F] [C] la mission de l’équipe, sa contribution à la mission de l’équipe, l’évolution de la mission ainsi que les résultats obtenus au regard des objectifs fixés, les points forts et les potentialités à développer outre les objectifs de l’année à venir qualifiés par le salarié d’ambitieux « compte tenu d’un secteur inconnu » pour retenir in fine qu’en 2015 le salarié avait pris 170 rendez vous correspondant à 87% de son objectif, réalisé 13% de son objectif Epargne salariale et 64% de la FAR et lui indiquer qu’en 2016, il faudrait gérer au mieux son portefeuille, établir une relation dans la durée avec vos clients, prévenir et défendre les résiliations mais aussi d’impressionner ses clients par sa rigueur et son professionnalisme.
Le 20 janvier 2016, jour de l’entretien annuel de progrès, l’employeur a convoqué M. [F] [C] à un entretien préalable avant de lui notifier son licenciement pour insuffisance de résultat et insuffisance professionnelle par courrier du 18 février 2016 dans les termes ci-dessus retranscrits, soulignant que deux mois après l’entretien du 18 décembre 2015 les résultats ne s’étaient pas améliorés.
Or, au regard des termes du compte rendu de l’entretien de progrès 2015 établi par M. [U], tranchant avec la nature des propos tenus lors des échanges de courriels de juin 2015 précités, le constat des mauvais résultats obtenus sur les mois de décembre et janvier 2016 alors que le salarié venait de se voir attribuer un nouveau secteur qu’il ne connaissait pas, ne permet pas en soi de caractériser l’insuffisance professionnelle alléguée.
De la même manière, les développements de l’employeur concernant le classement de M. [F] [C] dans le palmarès des conseillers artisans ou le taux d’atteinte des objectifs de vente de produits même comparés à ceux d’autres salariés ne permet pas dans le contexte décrit, de considérer que les objectifs fixés au regard de la nature du secteur qui était confié à M. [F] [C] et des outils dont il disposait étaient atteignables dans les conditions précédemment décrites marqué par les interventions de tiers dans son secteur et que leur non-atteinte résultait d’une insuffisance de M. [F] [C] et ce, nonobstant les remarques de M. [U] sur ses difficultés de l’intéressé à conclure la vente de produits et le rappel par l’employeur du caractère déterminant des résultats de M. [F] [C] en fin d’année 2015 et tout début d’année 2016 à l’issue de la réunion du 18 décembre 2015.
Il doit à cet égard être relevé que les objectifs de production de produits invoqués par l’employeur auquel ce dernier se réfère pour y comparer les résultats de M. [F] [C] ne sont atteints et dépassés qu’en ce qui concerne les frais médicaux artisans sur la délégation, ce qui tend à démontrer qu’ils étaient en majorité sur-évalués et par conséquent pour certains inatteignables.
Il résulte des développements qui précèdent que c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le licenciement de M. [F] [C] pour insuffisance de résultats et insuffisance professionnelle était dépourvu de cause réelle et sérieuse, étant par ailleurs précisé que les réponses d’insatisfaction de clients que l’employeur a suscitées et qui portent essentiellement sur les années 2013 et 2014, ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement dont les termes lient le juge.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
Sur les conséquences indemnitaires du licenciement :
En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 3 ans et 8 mois pour un salarié âgé de 43 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l’égard de l’intéressé qui avait perçu une rémunération brute de15.105,24€ au cours des six derniers mois travaillés et qui ne justifie la majoration de deux mois du quantum d’indemnisation réclamé qu’en raison du caractère fallacieux du motif du licenciement, il lui sera alloué en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 16.000 € net à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant réformé dans cette limite ;
Sur les circonstances vexatoires du licenciement :
Pour infirmation et débouté du salarié, l’employeur conteste le caractère vexatoire du licenciement invoqué par M. [F] [C].
Au contraire, à l’appui de sa demande de confirmation, le salarié entend faire état des circonstances humiliantes et vexatoires de son licenciement.
Pour prétendre à une indemnisation au titre de circonstances particulières du licenciement, le salarié doit non seulement démontrer non seulement le caractère vexatoire et humiliant des circonstances entourant le licenciement mais également la réalité d’un préjudice distinct de celui spécifique indemnisé au titre de la rupture.
En l’occurrence, M. [F] [C] invoque le fait que son employeur lui a imposé des objectifs inatteignables, lui a refusé l’accès à des formations accordées à ses collègues, qu’il a subi un stress sur plusieurs mois, a accepté de déménager au début de l’année 2013, qu’il est demeuré sans emploi durant une longue période.
Cependant, non seulement M. [F] [C] fait état de circonstances très antérieures ou postérieures à la rupture et sans pour autant préciser le fondement juridique de sa demande, n’explicite pas en quoi le préjudice moral dont il demande réparation se distingue de celui réparé au titre du licenciement.
Il y a lieu par conséquent d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter M. [F] [C] de la demande formulée à ce titre.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ;
Sur le remboursement ASSEDIC
En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées
Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; il y a lieu de faire droit à la demande de remboursement de Pôle emploi à hauteur de 12.107,28 € correspondant à six mois d’indemnisation, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; l’association PRO BTP qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé et Pôle emploi des frais irrépétibles qu’ils ont pu exposer pour assurer leur défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
CONDAMNE l’association PRO BTP à payer à M. [F] [C] 16.000 € net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
DEBOUTE M. [F] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoires,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE l’association PRO BTP à payer à M. [F] [C] 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’association PRO BTP à payer à Pôle Emploi la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE l’association PRO BTP de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE l’association PRO BTP aux entiers dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.