Droits des Artisans : 9 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/04803

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Droits des Artisans : 9 février 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 20/04803

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 09/02/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04803 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TJUO

Jugement (N° 20/00518)

rendu le 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe

APPELANT

Monsieur [F] [X]

né le 10 août 1991 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Jean-Benoit Moreau, avocat au barreau d’Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [S] [H]

née le 13 novembre 1949 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 10 octobre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Boupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 février 2023 après prorogation du délibéré en date du 12 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 septembre 2022

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [S] [H] est propriétaire d’une maison à usage d’habitation située [Adresse 2] à [Localité 3].

A partir du mois de février 2016, elle a eu recours aux services de M. [F] [X], artisan à l’enseigne « Lort’ Elec » afin de procéder à un diagnostic du système électrique de son habitation puis a confié plusieurs chantiers à M. [X] suivant devis distincts.

A la suite de ces interventions, Mme [H] s’est plainte de désordres affectant l’installation électrique.

L’assureur de Mme [H] a mandaté la cabinet d’expertise ARECAS qui a déposé le 5 juillet 2019 un rapport concernant ces désordres, M. [X] n’ayant pas participé aux opérations d’expertise.

Saisi par Mme [H] de demandes de résolution des contrats et d’indemnisation de ses préjudices, le tribunal judiciaire d’Avesnes-sur-Helpe, par un jugement du 20 octobre 2020, a notamment :

– prononcé la résolution du contrat de prestation ayant lié les parties,

– dit et jugé que M. [X] serait tenu de restituer à Mme [H] la somme de 2 288,80 euros, avec intérêts judiciaires à compter de la signification de l’assignation,

– condamné M. [X] au paiement des sommes de :

-5 024,31 euros en réparation du préjudice matériel subséquent,

– 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

– 500 euros en réparation du préjudice moral subi,

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration du 26 novembre 2020, M. [X] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions notifiées le 24 février 2021, demande à la cour de l’infirmer et, statuant à nouveau, de :

– débouter Mme [S] [H] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, pour le cas où la cour prononcerait la résolution du contrat de prestations ayant lié les parties,

– dire et juger qu’il sera tenu de restituer à Mme [S] [H] la somme de 2 288,80 euros correspondant aux travaux exécutés chez elle,

– l’autoriser à s’acquitter des sommes éventuellement mises à sa charge par versements mensuels équivalents durant 24 mois,

– débouter Mme [H] du surplus de ses demandes,

– la condamner aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir qu’il n’a pas été convoqué aux opérations d’expertise diligentées par le cabinet mandaté par l’assureur de Mme [H] et qu’en l’absence de preuve d’une faute qui lui soit imputable, sa responsabilité ne peut être engagée. Il précise qu’il n’est pas responsable de la vétusté de l’installation électrique de Mme [H] et que les désordres dont elle se plaint et qui sont relevés par l’expert ne correspondent pas aux travaux qu’il a effectués, son intervention ayant été limitée à la résolution de désordres et de pannes, à l’exception du remplacement du ballon d’eau chaude.

Il soutient, à titre subsidiaire si la cour retenait une faute à son encontre, qu’il ne peut être tenu au paiement de la somme de 5024,31 euros à titre de réparation d’un préjudice matériel subséquent dès lors qu’aucun chiffrage n’est produit aux débats, de sorte qu’il est impossible de savoir si les réparations chiffrées résultent de son intervention. Il fait valoir que Mme [H] ne produit aucun élément au soutien de ses demandes en réparation de préjudice moral et de jouissance.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 26 mai 2021, Mme [H] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter M. [X] de ses demandes, fins et conclusions d’appel,

– le condamner aux entiers frais et dépens de l’instance et au paiement d’une indemnité de 3 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le fondement des articles 1224 et suivants du code civil, elle fait valoir que la résolution du contrat et la restitution des sommes doivent être confirmées dès lors que le rapport d’expertise identifie la gravité des désordres affectant les travaux de rénovation effectués par M. [X], en ce qu’ils ne respectent pas les normes de sécurité et les règles de l’art et mettent gravement en danger la sécurité des personnes et des biens. Elle soutient que son préjudice économique subséquent est justifié par le rapport d’expertise et le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice et que la réparation à entreprendre s’inscrit nécessairement dans les standards de sécurité électrique actuels impliquant que l’installation soit réparée, en ce compris la part d’existant qui serait indivisible des travaux effectués par M. [X], que son préjudice de jouissance résulte de la situation d’insécurité qu’elle a dû endurer, précisant qu’elle percevait des ‘décharges’ électriques en touchant ses appareils électroménagers et que son préjudice moral est caractérisé par les tracas occasionnés par l’échec de ses démarches aux fins de résolution amiable du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice et, selon l’article 1227 du même code, elle peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

L’article 1229 du code civil dispose que la résolution met fin au contrat ; qu’elle prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice ; que lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre ; que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; que dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation ; que les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Enfin, l’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il est constant que, si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties.

Sur la demande de résolution des contrats

En l’espèce, suivant quatorze factures éditées par M. [X] du 23 février 2016 au 31 janvier 2018 et acquittées par Mme [H], pour un montant total de 2 288,80 euros, M. [X] a réalisé au domicile de cette dernière un ensemble de travaux d’électricité portant sur le tableau électrique général (tableau des fusibles), la ventilation mécanique (VMC) et le remplacement du chauffe-eau outre sept interventions libellées ‘diagnostique électrique suite à une anomalie constatée par le/la client(e)’, ‘main d »uvre niveau 1-pour 1 heure’ ou ‘remise aux normes de sécurité’, lesquelles, considérant le montant facturé (entre 45 et 60 euros) doivent être qualifiées d’interventions ponctuelles.

Mme [H] reproche à M. [X] un défaut de qualité de ses prestations tel qu’elles contreviennent aux normes réglementaires et aux règles de l’art et mettent en jeu sa sécurité et en conséquence justifient une résolution des contrats. Elle se fonde sur un rapport d’expert mandaté par sa compagnie d’assurance et un procès-verbal de constat d’huissier pour démontrer la gravité de ces désordres.

Il n’est pas démontré que M. [X] ait été régulièrement convoqué aux opérations d’expertise, de sorte que la caractérisation des désordres dénoncés par cette dernière ne peut résulter du seul rapport d’expertise du cabinet ARECAS du 5 juillet 2019.

Cependant, certains désordres sont corroborés par le procès-verbal de constat dressé le 6 juin 2019 par Me [I], huissier de justice à [Localité 7], au titre desquels :

– des désordres affectant l’installation du tableau électrique (tableau des fusibles) situé à l’entrée de la cave: dispositif anarchique, câbles non reliés à la terre,

-le défaut de fixation des bouches de la VMC,

-des désordres affectant l’installation de la boîte de dérivation située à la cave (absence de gaine de protection des câbles, différence de diamètre entre les câbles de coupure générale et le câble de distribution principal, câbles raccordés par des dominos).

Par ailleurs, par courrier adressé à l’appelant le 26 octobre 2018, Mme [H] a dénoncé des ‘décharges électriques’ au contact de ses appareils électroménagers sur la vraisemblance desquelles M. [X] ne formule pas de doutes.

M. [X] ne conteste pas les désordres relevés par l’expert et par l’huissier de justice mais soutient qu’hormis l’installation du ballon d’eau chaude, ses interventions étaient limitées à la mise en sécurité de certains éléments et à la réparation de pannes sur une installation vétuste, ce qui revient à admettre que ses interventions n’ont pas produit le résultat convenu.

Il ressort donc du rapport d’expertise, du procès-verbal de constat et des échanges entre les parties que les travaux effectués, quand bien même ils seraient circonscrits à ce que M. [X] soutient, présentaient de graves défauts justifiant la résolution de l’ensemble des contrats dès lors qu’en l’absence de précision des factures et les désordres démontrés concernant le tableau général affectant l’ensemble des travaux entrepris, les défauts couvrent l’intégralité des prestations.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat de prestation ayant lié les parties et dit et jugé que M. [X] serait tenu de restituer à Mme [H] la somme de 2 288,80 euros, avec intérêts judiciaires à compter de la signification de l’assignation.

Sur les demandes de dommages et intérêts de Mme [H]

L’article 1222 du code civil dispose qu’après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction.

En l’espèce, Mme [H] ne produit pas de devis du montant de 5 024,31 euros qu’elle réclame au titre du coût de reprise des malfaçons imputables à M. [X].

En revanche, un devis du 20 juin 2019 de l’entreprise SD-électricité-services est annexé au rapport d’expertise, proposant des réparations pour un montant total de 1 170,07 euros TTC.

Si les prestations ‘remplacement des différentes boîtes de raccordements avec les jonctions de raccordement’, ‘suppression des câbles ne servant plus, déconnections’ et ‘déplacement forfaitaire zone 1″ répondent aux désordres relevés et imputables à M. [X], il n’est pas démontré que la ‘mise en sécurité de l’éclairage extérieur reste dans les combles (mise en place d’une boîte de raccordement avec borne)’ estimée à 279,30 euros hors taxe, soit 307,23 euros TTC (279,30 + 279,30×10 %) se rapporte à une prestation qu’il ait effectuée, l’expertise ne couvrant pas ces postes et aucune facture ne portant mention d’une intervention sur l’éclairage extérieur ou sur le réseau électrique dans les combles.

Le préjudice financier de Mme [H] étant démontré à hauteur de 862,84 euros (1 170,07 -307,23) et la faute de M. [X] ayant généré ce préjudice, il lui en doit l’indemnisation pour ce montant.

Par ailleurs, Mme [H] ayant subi pendant plusieurs mois un dysfonctionnement grave de l’installation électrique dans son habitation générant une indisponibilité partielle de ses appareils électroménagers à usage quotidien et un danger pour la sécurité des personnes et des biens, ne trouvant de solution qu’après de vaines démarches amiables, son préjudice de jouissance et son préjudice moral sont caractérisés et leur indemnisation a été justement estimée par le tribunal de première instance.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce qu’il a condamné M. [X] à payer à Mme [H] la somme de 5 024,31 euros en réparation du préjudice matériel subséquent, la cour fixant le montant dû en réparation de ce préjudice à la somme de 862,84 euros, et confirmé en ce qu’il a condamné M. [X] à payer à Mme [H] les sommes de 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi et 500 euros en réparation du préjudice moral subi.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil donne la faculté au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier sans pouvoir excéder deux ans. 

En l’espèce, le débiteur, M. [X] démontre une situation financière laissant apparaîtra un faible écart entre les ressources et les charges. Cependant, la situation économique de la créancière, Mme [H], dont la modestie est établie par les propos des parties relatifs à son incapacité à financer une rénovation globale de l’installation électrique de son habitation, le montant des sommes finalement dues et la durée de la procédure lui ayant accordé un délai de fait, justifient qu’il ne soit pas fait droit à sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, et les contestations de M. [X] étant rejetées, sauf en ce que le montant de la réparation du préjudice matériel de Mme [H] retenu en première instance était injustifié, il y a lieu de confirmer les chefs du jugement entrepris relatifs aux dépens et frais irrépétibles et de laisser à la charge de chaque partie les dépens et frais irrépétibles qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné M. [X] à payer à Mme [H] la somme de 5 024,31 euros en réparation du préjudice matériel subséquent,

statuant à nouveau sur ce point,

condamne M. [X] à payer à Mme [H] la somme de 862,84 euros en réparation de son préjudice financier subséquent,

y ajoutant,

déboute M. [X] de sa demande de délais de paiement,

dit que chacune des parties conservera la charge des dépens et frais irrépétibles qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure d’appel.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet

 


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