Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 08 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/05935 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZXE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 10 novembre 2020
Tribunal Judiciaire de Montpellier – N° RG 18/05451
APPELANTS :
Monsieur [C] [O]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représenté par Me Sophie RIVENQ GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Madame [I] [O] épouse [S]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Sophie RIVENQ GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Monsieur [N] [O]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Sophie RIVENQ GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMEES :
Madame [D] [H] épouse [B] [K]
née le 25 Février 1949 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Yvan MONELLI substituant Me Denis RIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, ayant plaidé pour Me Jean DE ROUX, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. Focus Expertises représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, ayant plaidé pour Me Manuel FURET de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Le 03 mars 2016, Mme [D] [H] épouse [B] [K] (acquéreur) a acquis auprès de M. [C] [O] et Mme [F] [G] (vendeurs, consorts [O]) une maison à usage d’habitation pour un prix de 425.000 euros.
L’acte de vente contient une clause d’exclusion de garantie des vices cachés.
Préalablement à cette vente, un dossier de diagnostic technique du 21 juillet 2015 et un rapport de l’état relatif à la présence de termite dans le bâtiment du 21 janvier 2016 avaient été établis par la SARL Focus Expertises (le prestataire).
Le 17 août 2016, l’acquéreur a constaté des infiltrations d’eau en toiture et a fait appel, le lendemain, à la société LCZ (couvreur), qui lui a révélé la présence d’agents de dégradation biologique.
Le 21 septembre 2016, l’acquéreur a fait intervenir la société Diagamter qui a constaté la présence de ces agents de dégradation biologique et révélé l’existence de traces de traitement antérieur.
Par courriel du 16 novembre 2016, le notaire des consorts [O] a communiqué à l’acquéreur la facture d’une société qui avait réalisé en octobre 2000, un traitement contre ce type de parasite.
A la demande de l’acquéreur, un procès-verbal de constat a été dressé par un huissier de justice le 30 mars 2017 ainsi qu’un rapport d’état parasitaire le 10 avril 2017, qui ont tout deux conclu à la présence d’insectes à larves xylophages et de champignons lignivores et que des injecteurs destinés à traiter les insectes étaient installés.
Par ailleurs, l’acquéreur a également constaté lors de l’été 2016 d’importantes pertes d’eau dans la piscine, résultant de la non-conformité des buses de refoulement.
Suite aux assignations délivrées par l’acquéreur le 15 juin 2017, une expertise judiciaire confiée à M. [P] a été ordonnée par ordonnance de référé du 27 juillet 2017.
Par ordonnance de référé du 30 novembre 2017, les opérations d’expertises ont été déclarées communes et opposables à la SARL Focus Expertises et à la société Allianz Iard.
Le rapport d’expertise, déposé le 30 juin 2018, concluait notamment que :
– Les consorts [O] avaient nécessairement eu connaissance de l’ensemble des travaux de traitement contre les agents biologiques des bois d’oeuvres effectués sur la maison ;
– Le diagnostiqueur a commis une faute dans la mesure où les informations attendues de l’état des termites peuvent être considérées comme incomplètes s’agissant de la présence d’agents biologiques autres que les termites ;
– L’existence de traces de traitement, préventifs ou curatifs, sur des poutres de la maison aurait dû être signalées ;
– La toiture et la piscine n’ont pas été réalisées conformément aux règles de l’art.
C’est dans ce contexte que par acte d’huissier de justice en date du 06 novembre 2018, l’acquéreur a fait assigner les consorts [O] en condamnation au paiement de diverses sommes.
Par actes d’huissier de justice délivrés les 13 et 14 juin 2019, l’acquéreur a fait assigner en intervention forcée M. [N] [O] et Mme [I] [O] (les consorts [O]), venant aux droits de leur mère Mme [G], décédée en 2018.
Par acte délivré le 17 mai 2019, le vendeur a fait assigner en garantie la SARL Focus Expertise.
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier en date du 10 novembre 2020, qui a :
– Condamné solidairement les consorts [O] à payer à Mme [B] [K] la somme de 16.684,16 euros ;
– Dit que la SARL Focus Expertises garantira cette condamnation à hauteur de 1.109,60 euros;
– Condamné solidairement les consorts [O] à payer à Mme [B] [K] la somme de 3.000 euros et à la SARL Focus Expertise la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant la consignation au titre de l’expertise judiciaire.
– Ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Vu la déclaration d’appel des consorts [O] en date du 22 décembre 2020 et l’appel incident de Mme [B] [K].
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2021 aux termes desquelles les consorts [O] demandent de réformer le jugement en ce qu’il les a condamnés à payer la somme de 16.684,86 euros, d’écarter l’appel incident comme injuste et mal fondé, de condamner Mme [B] [K] à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les parties succombantes aux entiers dépens, et de :
A titre subsidiaire, réformer le jugement en ce qu’il a limité la responsabilité de l’entreprise Focus Expertise et la condamner à relever et garantir l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 décembre 2021, aux termes desquelles Mme [B] [K] demande d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité la condamnation solidaire des consorts [O] et statuant à nouveau de débouter les consorts [O] de toutes leurs demandes et de les condamner solidairement ou à défaut in solidum à lui payer les sommes de :
– 40.891,26 euros au titre de la réparation des vices cachés;
– 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
– 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 04 juin 2021, aux termes desquelles la SARL Focus Expertises demande de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner les consorts [O] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 mars 2023.
MOTIFS
Sur l’existence de vices cachés
Selon l’article 1641 du code civil,
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Selon l’article 1643 du même code,
Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Il est acquis aux débats, éléments constants, que :
– l’acte authentique de vente, conclu par des vendeurs non professionnels, inclut une clause exonératoire de la garantie des vices cachés ; qu’un état ‘termites’ a été annexé, réalisé par le diagnostiqueur Focus expertises, exempt de toute observation complémentaire sur la présence d’agent de dégradation biologique ;
– un violent orage de grêle survenu le 17 août 2016 provoquant d’importantes infiltrations en toiture a conduit Mme [B] [K] a faire intervenir une société Diagmanter qui a diagnostiqué la présence d’insectes xylophages et à relever la présence de ‘clous’, révélatrice d’un traitement antérieur ;
– les consorts [O] ont produit une facture de la société groupe FPH du 25 octobre 2000 portant sur le traitement des bois de charpente, comportant deux chapitres : l’un dénommé ‘Traitement Préventif Type Fermettes 85m² 2 pans-Sur solivage’, effectué par pulvérisation ; l’autre dénommé ‘Traitement des Poutres Dépendantes 48 ml-Poutres apparentes 24 ml’, détaillant les opérations intéressant chaque chapitre. Le second mentionne notamment ‘buchage et décapage selon nécessité, renforcement des pièces de bois le nécessitant, perçage de pièces de bois diamètre 9,5mm, mise en place d’injecteurs polyuréthanne, injection des pièces de bois jusqu’à suintement apparent, mise en place de bouchons sur les injecteurs’.
– l’expert judiciaire désigné en référé a analysé cette facture pour en conclure in fine que M. [O] avait nécessairement eu connaissance de l’ensemble des travaux de traitement contre les agents biologiques des bois d’oeuvre, en particulier du traitement curatif contre les capricornes effectué en 2000, s’étonnant qu’il n’ait pas communiqué ces informations au diagnostiqueur tout comme le fait que celui-ci n’ait pas demandé ces éléments au vu des traces de traitement in situ.
Les premiers juges ont retenu que si le traitement curatif ne portait que sur une partie de l’habitation, la connaissance par le vendeur et le fait constant qu’il n’avait pas signalé cette problématique ni à l’acquéreur ni au diagnostiqueur caractérisaient sa mauvaise foi quant à la présence d’agents biologiques dans l’habitation.
La cour est d’avis divergent sur cette appréciation en soulignant que la vente intervient 16 ans après l’intervention de la société FPH dont la facture ne comprend pas le mot curatif pour définir le deuxième chapitre des travaux et dont les termes ne le révèlent que si l’on y prête une attention particulière dans le cadre d’une instance judiciaire avec l’éclairage technique fourni in fine par l’expert. A la facture, est joint un certificat de garantie de la société FPH certifiant que les travaux de traitement des bois de type (double case curatif/préventif, seule cette dernière étant cochée) ont été réalisés en la propriété de M. [C] [O].
Alors que dans son compte rendu d’expertise n°1, l’expert judiciaire a indiqué que la facture de la société Groupe FPH d’octobre 2000 permet de confirmer la nature préventive du traitement, le produit injecté étant efficace aussi bien contre les termites que contre les autres agents biologiques, ce n’est que dans son rapport définitif qu’il adoptera un raisonnement inverse en retenant que l’entreprise avait procédé au buchage d’une arrête de la panne intérieure’, terme technique ne portant pas en soi la révélation d’un traitement curatif.
L’expert a donc dû analyser plus avant la facture pour conclure qu’elle portait mention d’un traitement curatif, démonstration que M. [O] n’en avait pas connaissance, ce d’autant plus que le certificat de garantie mentionne en tout état de cause que les travaux de traitement sont garantis 10 ans et qu’il pouvait légitimement s’affranchir d’informer Mme [B] [K] de l’existence de travaux préventifs devenus inefficaces depuis six ans.
Quant à la présence de ‘clous’ dans certaines poutres, révélateurs des injections réalisées pour un professionnel, l’expert en dédouane tout profane, qu’il soit vendeur ou acquéreur, seul le diagnostiqueur étant à même d’en apprécier la portée.
Il n’est donc pas établi que M. [O] avait connaissance du vice et le jugement sera réformé puisque la clause exonératoire doit alors jouer.
L’infirmation de ce chef emporte infirmation du chef de dispositif qui condamne le diagnostiqueur à garantir les consorts [O].
S’agissant de la toiture, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.
S’agissant de la piscine pour laquelle la mauvaise foi de M.[O] a été retenue en ce qu’il avait connaissance d’un dysfonctionnement l’affectant sur la base d’une attestation d’un artisan [A] [U] indiquant avoir travaillé chez M. [O] pour sa maison de [Localité 8] et lui avoir fourni un produit colmateur des fuites et fissures. Les consorts [O] restent particulièrement mutiques sur la teneur et la portée de cette attestation en cause d’appel, de telle sorte que la clause exonératoire ne peut avoir d’effet et que la somme de 1382,23€ mise à la charge de M. [O] sera confirmée.
S’agissant du préjudice moral subi par Mme [B] [K], le principe en reste acquis au regard de la connaissance démontrée des désordres ayant affecté la piscine, la cour procédant à une appréciation plus raisonnable du préjudice subi à hauteur de 500€.
Vendeurs et acquéreuse succombant pour partie dans leurs prétentions, il sera fait masse des dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise et d’appel qui seront supportés par moitié entre elles.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné solidairement M.[C] [O], Mme [I] [O] épouse [S] et M.[N] [O] à payer à Mme [D] [B] [K] la somme de 16 684,86€, a jugé que la société Focus expertises garantira cette condamnation à hauteur de 1 109,60€, a alloué des indemnités en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné les consorts [O] aux dépens,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne solidairement M. [C] [O], Mme [I] [O] épouse [S] et M. [N] [O] à payer à Mme [D] [B] [K] la somme de 1382, 23 € (piscine) et de 500€ (préjudice moral),
Fait masse des dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise, et les partage par moitié entre les consorts [O] et Mme [B] [K].
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
Le Greffier Le Président