N° 510/add
GR
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Copies authentiques
délivrées à :
– Me Lollichon-Barle,
– Me Quinquis,
– Me Antz,
le 15.12.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 8 décembre 2022
RG 21/00232 ;
Décision déférée à la Cour : arrêt n° 124, rg n° 17/00066 de la Cour d’Appel de Papeete du 19 mars 2020 ;
Sur requête en tierce opposition déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 30 juin 2021 ;
Demandeur :
M. [G] [W], né le 5 août 1960 à [Localité 1], de nationalité française, artisan, demeurant à [Adresse 3] ;
Représenté par Me Jean-Claude LOLLICHON, avocat au barreau de Papeete ;
Défendeurs :
Mme [V] [H] [Y], veuve [T], née le 18 janvier 1939 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représenté par Me Robin QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
M. [Z] [N], né le 16 décembre 1954 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Représenté par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 28 octobre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2022, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 83/OD/PP .CA/21 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
[V] [Y] veuve [T] a assigné [Z] [N] en 2015 aux fins de voir ordonner la démolition et l’expulsion d’ouvrages empiétant sur son terrain.
Par jugement rendu le 30 novembre 2016, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Constaté l’empiétement par M. [N] sur le lot A du lot H de la terre [Localité 7], sise à [Localité 2] appartenant à Mme [Y], cadastrée [Cadastre 8] ;
Ordonné la démolition de tous les ouvrages et immeubles réalisés par M. [N] sur le lot A du lot H de la terre [Localité 7], dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 100 000 Fr. CFP par jour de retard ;
Ordonné l’expulsion de Monsieur [N] ainsi que de tous occupants de son chef du lot A du lot H de la terre [Localité 7], dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 100 000 Fr. CFP par jour de retard, avec si besoin le concours de la force publique ;
Condamné M. [N] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1 million de francs CFP à titre de dommages et intérêts ;
Condamné M. [N] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 200.000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Débouté pour le surplus ;
Condamné M. [Z] [N] aux dépens.
Sur un appel formé par [Z] [N], la cour a, par arrêt rendu le 19 mars 2020 :
rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d’intérêt à agir de Mme [V] [Y] et de la prescription de son action ;
confirmé le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 30 novembre 2016 en toutes ses dispositions ;
débouté [Z] [N] de sa demande reconventionnelle d’indemnité d’accession ;
condamné [Z] [N] à payer à [V] [Y] la somme de 350.000 FCP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
condamné [Z] [N] aux entiers dépens.
[V] [Y] veuve [T] a fait signifier l’arrêt à [Z] [N] le 1er février 2021.
[G] [W] a formé tierce opposition par requête enregistrée au greffe le 30 juin 2021.
[Z] [N] et [G] [W] ont présenté une demande de sursis à statuer par conclusions visées le 21 juin 2022.
Il est demandé en cet état :
1° par [G] [W], requérant en tierce opposition, et [Z] [N], intimé, de :
Ordonner qu’il soit sursis à statuer sur la requête en tierce opposition jusqu’à l’intervention d’un jugement définitif ou d’une décision définitive sur la requête déposée le 2 juin 2020 au tribunal foncier par les consorts [N] ;
Réserver les dépens ;
2° par [V] [Y] veuve [T], intimée, dans ses conclusions visées le 26 octobre 2022, de :
Déclarer la demande de sursis à statuer irrecevable ;
À défaut, en débouter les demandeurs ;
Les condamner à payer la somme de 150 000 F CFP au titre de l’incident de procédure en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2022 sur la demande de sursis à statuer.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’arrêt confirmatif du 19 mars 2020 rendu entre [Z] [N] et [V] [Y] Veuve [T] a retenu que cette dernière prouvait son droit de propriété sur la parcelle empiétée par les documents versés aux débats, en particulier le plan de partage des lots, les extraits du cadastre, le constat d’huissier du 3 octobre 2014.
Au soutien de sa tierce opposition, [G] [W] a fait valoir qu’il revendique la propriété de cette parcelle en qualité de coïndivisaire ayant droit du propriétaire recensé en 1888 (tomite), et qu’il conteste le droit de propriété d'[V] [Y].
Celle-ci a conclu qu’elle est propriétaire par titre constitué par un jugement de partage du 4 août 2004 qui est opposable aux tiers par l’effet de sa transcription faite le 16 juillet 2008.
[G] [W] et [Z] [N] ont motivé leur demande de sursis à statuer par leur saisine, avec d’autres, du tribunal foncier par requête du 2 juin 2020 aux fins, en général, de voir ordonner à la POLYNÉSIE FRANÇAISE de remettre en état les originaux des titres de revendication du district de [Localité 2] établis en application de la loi tahitienne du 24 mars 1852, et, en particulier, de dire que le cadastre de la terre dite [Localité 7] ou [Localité 7] n’est pas conforme au titre, et de désigner un géomètre expert pour délimiter les terres [Localité 6], [Localité 10] (372) et [Localité 11] (373), instance qui concerne selon eux le terrain objet du présent litige et toujours en cours.
[V] [Y] a conclu que la demande de sursis à statuer est irrecevable pour n’avoir pas été présentée avant des conclusions au fond ; qu’elle n’est pas fondée, car étant de nature à perpétuer le trouble porté à son droit de propriété alors qu’âgée de 83 ans, elle n’a même pas été assignée par les requérants devant le tribunal foncier ; et qu’elle a justifié de la délimitation de la terre [Localité 7] dont faisait partie la parcelle en cause.
Sur quoi :
Le sursis à statuer est une mesure prononcée par le juge qui provoque une suspension de l’instance jusqu’à la survenance d’une date fixée ou d’un événement déterminé (C.P.C.P.F., art. 211). La demande de sursis à statuer est une exception de procédure (C.P.C.P.F., art. 36 ; Cass., avis, 29 sept. 2008, n° 08-00.007). Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (art. 37).
La tierce opposition est formée par une requête qui vaut conclusions (C.P.C.P.F., art. 18 dernier alinéa, 21 & 363). La demande de sursis à statuer formée par [G] [W] sur le fondement d’une instance introduite le 2 juin 2020 devant le tribunal foncier est par conséquent irrecevable pour n’avoir pas été formulée dans sa requête en tierce opposition du 30 juin 2021.
La demande de sursis à statuer faite par [Z] [N] est en revanche recevable puisqu’elle a été formée avant toutes conclusions au fond de celui-ci.
Mais elle n’est pas bien fondée, et il n’y a pas matière à surseoir à statuer d’office. En effet, il n’est pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de subordonner la solution d’un litige foncier particulier à la solution d’une instance ayant un objet général de révision cadastrale sur l’ensemble d’une commune. Il n’est pas présenté d’exception d’incompétence, de litispendance ou de connexité. Le juge tranche le litige dont il est saisi conformément aux règles de droit qui lui sont applicables (C.P.C.P.F., art. 5). La propriété se prouve par tous moyens. La charge de la preuve repose sur le demandeur à l’action en cessation d’empiétement. L’existence d’un titre peut être renversée par la preuve contraire. La propriété peut être prouvée par des indices tels que le cadastre, le paiement des impôts fonciers, ou l’existence d’une borne. Et l’exécution d’une décision qui ordonne une démolition d’ouvrage est faite aux risques de la partie poursuivante.
Il échet de fixer un échéancier de poursuite de mise en état de l’affaire sur le fond. Les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront ceux de l’arrêt au fond.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et avant dire droit au fond ;
Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer faite par [G] [W] ;
Déclare recevable, mais mal fondée, la demande de sursis à statuer faite par [Z] [N], et l’en déboute ;
Renvoie l’affaire devant le conseiller de la mise en état et enjoint aux parties de conclure au fond selon l’échéancier suivant :
[G] [W] et [Z] [N] : avant le 24 mars 2023,
[V] [Y] : avant le 16 juin 2023,
en vue d’une clôture à l’audience des mises en état le 23 juin 2023 ;
Rappelle aux parties que les pièces produites sous forme de copies en tout ou partie illisibles, que ce soit par l’effet d’une mauvaise reprographie, d’une calligraphie défaillante ou d’une non-traduction en langue française, pourront être jugées non probantes ;
Dit que les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront ceux du fond.
Prononcé à Papeete, le 8 décembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL