ARRÊT N°
N° RG 20/02714 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H2TO
CS
TRIBUNAL DE COMMERCE D’AUBENAS
01 septembre 2020
RG:2019 1095
S.A.S. DAUPHINE DALLAGE
C/
[W]
Grosse délivrée le 07 septembre 2022 à :
– Me VAJOU
– Me COQUELLE
COUR D’APPEL DE NÎMES
4ème CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.S. DAUPHINE DALLAGE, SAS au capital social de 300.000 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le numéro 789 683 992, représentée par son gérant en exercice domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me LAPLACE-TREYTURE Lina, substituant Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Thomas-denis BONZY de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉ :
Monsieur [R] [W], Exploitant sous l’enseigne AC DALLAGE, de nationalité portugaise, Artisan, inscrit au RM sous le n° 753 454 156, radié,
né le 30 Novembre 1966 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Priscilla COQUELLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Christine CODOL, Présidente,
Madame Corinne STRUNK, Conseillère,
Madame Claire OUGIER, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
À l’audience publique du 23 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Septembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Christine CODOL, Présidente, le 07 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ
Vu l’appel interjeté le 27 octobre 2020 par la société Dauphine Dallage à l’encontre du jugement prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal de commerce d’Aubenas dans l’instance n° 2019 1095 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 janvier 2022 par la l’appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 octobre 2021 par [W] [R], intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance du 10 décembre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 9 juin 2022 pour une fixation à l’audience de plaidoiries du 23 juin 2022.
* * *
La société Dauphine Dallage (ci-après la société de carrelage) a confié à Monsieur [W] (ci-après le sous-traitant) la réalisation du lot « gros ‘uvre », consistant en la réalisation d’une dalle béton, sur un chantier de carrelage et ce dans le cadre d’une relation de sous-traitance qui n’a pas été formalisée par un écrit.
Cette prestation a été réalisée les 28 et 29 août 2018.
Par lettre recommandée adressée le 10 septembre 2018 avec accusé de réception au sous-traitant, la société de carrelage se plaignait de nombreuses malfaçons.
Par mail du 21 septembre 2018, cette société lui adressait un devis n°18.09.01 daté du 19 septembre 2018 portant sur des travaux de reprise des malfaçons émanant d’une société tierce pour un montant total de 34.950 euros.
Par mail du 5 novembre 2018, le sous-traitant adressait sa facture d’un montant de 15.800 euros au titre des prestations réalisées en août 2018.
La société de carrelage lui adressait par la suite une facture n°18-11-0001 d’un montant de 15.881,12 euros ttc, après déduction de la facture n°7 du 31 août 2018 du sous-traitant d’une somme de 15.800 euros et le mettait en demeure de régler cette facture.
Actant du refus de paiement de la facture litigieuse, la société de carrelage déposait une requête en injonction de payer auprès du tribunal de commerce d’Aubenas qui condamnait le sous-traitant au paiement de la somme de 15.881,12 euros ttc au terme d’une ordonnance rendue le 26 avril 2019.
Le sous-traitant a fait opposition à injonction de payer.
Au cours de la procédure, l’entreprise du sous-traitant a fait l’objet d’une radiation du répertoire des métiers le 23 janvier 2020.
Par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal a :
– Reçu en la forme l’opposition formée par le sous-traitant à l’encontre de l’ordonnance portant injonction de payer du 26 avril 2019 ;
– Dit qu’en application de l’article 1420 du code de procédure civile, le jugement se substitue à cette ordonnance ;
– Débouté la société de carrelage de l’ensemble de ses demandes
– Condamné celle-ci à régler au sous-traitant la somme de 15.800 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
– Condamné cette société aux dépens de l’instance dont ceux du greffe liquidés en ce qui concerne le coût du présent jugement à la somme de 80,25 euros ttc.
La société de carrelage a interjeté appel de ce jugement.
* * *
Dans ses dernières conclusions, la société de carrelage demande à la cour en application des articles 1231-1 et 1342-2 du code civil, et L 441-6 et D441-5 du code de commerce, de :
-Déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté ;
Y faire droit,
-Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
« Reçu en la forme l’opposition formée par le sous-traitant à l’encontre de l’ordonnance portant injonction de payer du 26 avril 2019 rendue par le président de ce tribunal, enrôlée sous le n°2019IP89,
Dit qu’en application de l’article 1420 du code de procédure civile, le présent jugement se substitue à l’ordonnance portant Injonction de payer,
Débouté la société de carrelage de l’ensemble de ses demandes,
Condamné la société de carrelage à payer au sous-traitant la somme de 15.800,00 €, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, Condamné la société de carrelage au entiers dépens de l’instance, dont ceux de greffe liquidés en ce qui concerne le coût du présent jugement à la somme de 80,25 euros TTC ».
Statuant à nouveau,
-Juger que les travaux réalisés par le sous-traitant étaient affectés de malfaçons ;
-Juger que le sous-traitant n’a jamais contesté la réalité et la matérialité des malfaçons ;
-Juger qu’il ne justifie pas plus de l’absence de matérialité des désordres en cause d’appel ;
-Constater que le sous-traitant était en arrêt de travail à compter du 26 septembre 2018 ;
-Juger qu’il n’était pas en mesure de reprendre les ouvrages ;
-Juger que l’impossibilité de reprendre les ouvrages relève des propos du sous-traitant, qu’il ne conteste pas en cause d’appel ;
-Condamner le sous-traitant au paiement de la somme principale de 15.881,12 € TTC outre les intérêts au taux contractuel (taux de la BCE majoré de 10 points) à compter de la première mise en demeure en date du 12 décembre 2018 ;
-Juger que le sous-traitant avait connaissance des conditions générales de la société de carrelage, compte-tenu du fait qu’ils travaillaient ensemble très régulièrement ;
– Le condamner au paiement de la somme de 2.382,16€ au titre de la clause pénale insérée dans ses conditions générales ;
-Ordonner la capitalisation des intérêts ;
-Le débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident ;
-Rejeter la demande du sous-traitant au titre d’une procédure abusive ;
-Le condamner à verser à la société de carrelage la somme forfaitaire de 40€ au titre des frais de recouvrement ;
-Le condamner à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’appelante rappelle l’obligation de résultat à laquelle est tenue le sous-traitant qui est doit livrer un ouvrage exempt de tout vice.
Sur ce, elle affirme que la dalle réalisée par le sous-traitant comportait de nombreuses malfaçons qui lui ont été signalées par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 10 septembre 2018 sans que celui-ci ne les conteste tout en faisant état de l’impossibilité de procéder aux travaux de reprise.
En réponse au jugement déféré, elle soutient que tous les sinistres ne donnent pas lieu à une prise en charge de la part de l’assureur du locateur d’ouvrage soulignant que rien ne démontre que les désordres allégués répondaient aux prescriptions de l’article 1792 du code civil. En outre, rien n’empêchait l’intimé de procéder lui-même à la déclaration de sinistre à son assurance de sorte qu’il n’a été nullement empêcher d’y procéder contrairement à qu’ont retenu les premiers juges. L’appelante fait aussi valoir que l’intimé pouvait solliciter lui-même une expertise.
S’agissant de la clause pénale, l’appelante critique le jugement ce qu’il a retenu d’autorité la non-opposabilité des conditions générales alors que cet argument n’a pas été soulevé par l’intimé. En outre, le sous-traitant ne pouvait ignorer les conditions générales rappelées notamment dans la facture du 31 août 2018 eu égard à l’ancienneté des relations contractuelles.
Enfin, en dépit la radiation de l’entreprise, elle soutient que l’intimé reste tenu personnellement des sommes réclamées soulignant que les difficultés rencontrées par celui-ci ne sauraient justifier la piètre qualité de sa prestation.
* * *
Dans ses dernières conclusions, le sous-traitant demande à la cour, au visa des articles 1710 et 1353 du code civil, de :
– Débouter la société de carrelage de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
– Condamner la société de carrelage à lui payer la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
– La condamner à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel comprenant les frais engagés dans le cadre de l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.
Le sous-traitant souligne que l’appelante ne conteste pas lui devoir la facture d’un montant de 15800 euros et soutient qu’elle ne peut se prévaloir de la mauvaise exécution des travaux pour échapper à son obligation de paiement et revendiquer le règlement des travaux de reprise.
Il fait valoir que la preuve d’une mauvaise exécution de sa prestation n’est nullement rapportée faute de pièces contradictoires et de mise en demeure d’avoir à reprendre les travaux prétendument mal exécutés. Il déclare ignorer tout des désordres allégués (nature, ampleur’) rappelant qu’il n’a jamais reconnu sa responsabilité dans le présent litige.
Par ailleurs, il critique le fait que la société de carrelage a engagé des travaux de reprise sans attendre son accord ni sa position sur leur réalisation ce qui l’a privé également de la possibilité de constater la réalité des malfaçons alléguées, effectuer des travaux de reprise et de mobiliser son assurance.
Compte tenu d’une réception avec levée de réserves, il soutient que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée et que dans l’hypothèse d’un désordre décennal, il lui appartenait de déclarer le sinistre à son assurance ce qu’il n’a pas fait en l’absence de demande en ce sens adressée par la société de carrelage.
Pour finir, il conteste l’opposabilité de la clause pénale alléguée par l’appelante faute de preuve de l’acceptation tant des conditions générales opposées que de la facture litigieuse.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la demande principale en paiement:
Le tribunal de commerce a rejeté la demande présentée par la société de carrelage au motif pris qu’elle a entrepris de faire réaliser sous sa propre autorité les travaux jugés nécessaires sans possibilité pour le sous-traitant de vérifier leur nature et procéder aux déclarations de sinistre auprès de son assureur le privant ainsi de tout moyen de recours.
En l’espèce, les parties ne contestent pas que l’intimé s’est vue confier la réalisation du lot « gros ‘uvre » sur un chantier de carrelage dans le cadre d’une relation de sous-traitance qui n’a pas été formalisée par un écrit, ni que cette prestation a été réalisée les 28 et 29 août 2018.
Par ailleurs, il n’est pas contesté que l’action engagée à l’encontre de l’intimé est recevable, la radiation de son entreprise n’étant pas en effet un obstacle à la mise en ‘uvre de sa responsabilité, celui-ci étant responsable de ses dettes professionnelles sur son patrimoine personnel.
Ceci étant, par courrier adressé le 10 septembre 2018 avec accusé réception signé le 11 septembre 2018, la société de carrelage signalait au sous-traitant des désordres affectant la réalisation de travaux de dallage consistant en un non-respect du plan de repérage altimétrique et indiquait :
« notre client nous demande de remédier aux malfaçons apparentes ayant été signalées, que vous avez pu constater par vous-même lors de votre visite le vendredi 9 septembre. Pour donner suite à votre visite, vous avez signalé à Monsieur P. qu’il vous est impossible d’intervenir, afin de remédier aux malfaçons. Nous avons immédiatement réagi et fait appel à plusieurs entreprises afin d’effectuer les réparations et finitions qui s’imposent dans les plus brefs délais. L’entreprise que nous avons retenue nous propose les travaux’ suivants :
– Découpage du dallage sur une profondeur de 1cm à 3,5 com en fonction des zones ;
– Piquage afin de casser les zones découpées ;
– Mise à disposition d’une benne et évacuation des gravats et traitement DIB ;
– Finitions par ponçage sur 5mm de profondeur, nettoyage de la dalle afin de laisser un support pour la réception de carrelage et résine ;
Ces travaux ont un coût non négligeable afin de réparer rapidement, de pouvoir satisfaire notre client et conserver une bonne relation avec nos deux sociétés, nous vous proposons de prendre les travaux à notre charge et de faire une compensation sur votre facture du mois d’août ».
Par mail du 17 septembre 2018, le sous-traitant réclame le devis des travaux à effectuer pour une éventuelle acceptation de sa part.
Le devis lui est transmis le 21 septembre 2018 pour un coût total de 34.950 euros et est refusé par le sous-traitant aux termes d’un mail transmis le même jour qui transmet le 5 novembre 2018 la facture émise pour les travaux réalisés soit la somme de 15.800 euros.
Par courrier du 12 novembre 2018 adressé avec accusé de réception signé le 13 novembre 2018, la société de carrelage sollicitait de son sous-traitant le règlement d’une facture de 15.881,12 euros ttc dont elle déduit la facture adressée par l’intimé.
Cette facture reprend les prestations suivantes :
– Entreprise B. du 10 septembre au 28 septembre 2018 : 13.500 euros;
– Entreprise K. du 10 septembre au 6 novembre 2.18 : 3.634,27 euros ;
– Entreprise A. du 24 septembre au 26 septembre 2018 : 1.500 euros ;
– Entreprise G. du 10 septembre au 28 septembre 2018 et 16 octobre au 18 octobre 2018 : 7.350 euros ;
– Entreprise D. les 2,3,5 et 6 novembre 2018 : 6.000 euros.
Le détail de cette facture démontre que les travaux de réfection ont été engagés dès le 10 septembre 2018 avant même que l’accord du sous-traitant ait été sollicité pour l’intervention d’une société tierce en vue de réparer les désordres puisqu’il en a accusé réception le 11 septembre 2018.
De même, s’il ait fait état d’une réunion de chantier réalisée le 9 septembre 2018, aucun document s’y rapportant n’est produit. Aucune réception des travaux n’a été effectuée de sorte qu’aucune réserve n’a pu être émise.
En outre, aucun document établi de manière contradictoire ne relève un accord des parties sur l’existence des malfaçons, leur étendue et les travaux nécessaires à leur réfection de sorte que la société de carrelage ne justifie pas de l’accord du sous-traitant quant à la nature et l’ampleur des désordres, qui a par ailleurs a été privé, du fait de l’empressement de l’appelant, de la possibilité de procéder aux déclarations de sinistre auprès de son assureur puisque les travaux de réfection étaient en cours de réalisation.
C’est donc à bon droit que le tribunal de commerce a jugé que la société de carrelage ne justifiait pas du bien-fondé de sa créance, celle-ci n’étant pas certaine et a fait droit à la demande de paiement de la facture émise par le sous-traitant.
Le rejet de la demande en paiement emporte celui de la demande en lien avec l’indemnité sollicitée au titre de la clause pénale alors qu’il n’est pas démontré l’acceptation par le sous-traitant des conditions générales de vente.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Sur la procédure abusive :
La société intimée réclame une somme de 1.000 euros pour procédure abusive.
Etant rappelé qu’une appréciation inexacte de ses droits n’est pas constitutive d’un abus, il n’est pas justifié du caractère abusif de cette procédure, la société de carrelage ayant fait usage d’une voie de recours qu’il lui était ouverte.
Le sous-traitant sera donc débouté de sa demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société appelante , qui succombe, devra supporter les dépens d’appel et payer à l’intimé une somme équitablement arbitrée à 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [W] [R] de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Dauphine Dallage à payer à Monsieur [W] [R] une somme de 1500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Dauphine Dallage aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,