COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 07 mars 2023
N° RG 21/00661 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FSBY
-PV- Arrêt n°
[H], [B] [V] divorcée [P] / S.A.S.U. OFFICE DE PROTECTION DE L’HABITAT (OPH)
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 2], décision attaquée en date du 05 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/03964
Arrêt rendu le MARDI SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [H], [B] [V] divorcée [P]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Marion LIBERT de la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
S.A.S.U. OFFICE DE PROTECTION DE L’HABITAT (OPH)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Non repréentée
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 janvier 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX, rapporteur.
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant un bon de commande accepté et signé le 15 septembre 2010, suivi d’un second bon de commande accepté et signé le 15 novembre, Mme [H] [V] a confié à la SAS OFFICE DE PROTECTION DE L’HABITAT (OPH) des travaux de rénovation de la façade avec mise en place d’isolation extérieure de sa maison d’habitation située [Adresse 1] (Puy-de-Dôme) ainsi que des travaux de mise en place d’une bavette en aluminium laqué sous fenêtres moyennant les prix respectifs de 12.329,00 € TTC et de 362,94 € TTC. Ces prix ont été entièrement réglés par le maître de l’ouvrage. Le procès-verbal de réception des travaux concernant la façade a été signé entre les parties contractantes le 19 novembre 2010.
Arguant de la survenance de désordres de décollement du crépi de sa façade, Mme [V] a assigné le 5 novembre 2020 la société OPH devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-20/03964 rendu de manière réputée contradictoire le 5 janvier 2021, a :
– rejeté l’ensemble des demandes formé par Mme [V] ;
– condamné Mme [V] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 22 mars 2021, le conseil de Mme [H] [V] a interjeté appel du jugement susmentionné, l’appel portant sur la totalité de la décision. Cette déclaration d’appel a été signifiée à la société OPH par acte d’huissier de justice du 21 mai 2021, l’acte ayant été remis à la personne du destinataire.
Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 11 juin 2021, Mme [H] [V] a demandé de :
‘ au visa des articles 1231-1, 2254 et 1343-2 du Code civil ;
‘ condamner la société OPH à lui payer la somme de 4.400 € au titre des travaux de reprise des désordres de construction susmentionnés, avec indexation sur l’indice BT-01 du coût de la construction applicable à la date de la décision à intervenir et intérêts de retard au taux légal à compter d’une mise en demeure du 12 mai 2020 ;
‘ condamner la société OPH à lui payer la somme de 1.500 € en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
‘ ordonner la capitalisation des intérêts ;
‘ condamner la société OPH à lui payer une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner la société OPH aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les conclusions d’appelant de Mme [H] [V] ont été signifiées à la société OPH par acte d’huissier de justice du 8 juillet 2021, l’acte ayant été remis à la personne du destinataire.
La SAS OFFICE DE PROTECTION DE L’HABITAT (OPH) n’a pas constitué avocat et n’a donc fait valoir aucun moyen de défense en tant que partie intimée. La présente décision sera en conséquence rendue de manière réputée contradictoire.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par la partie appelante à l’appui de ses prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 17 novembre 2022, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile en conseiller-rapporteur du 12 janvier 2023 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, le conseil de la partie appelante a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 7 mars 2023, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Invoquant les principes de la responsabilité contractuelle de droit commun, qui résultent des dispositions de l’article 1231-1 du Code civil suivant lesquelles « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. », Mme [V] recherche de responsabilité civile de la société OPH quant aux désordres de construction allégués.
Elle se base à ce sujet sur un rapport d’expertise d’assurance de protection juridique du 25 septembre 2019 de la société Sedgwick qui établit notamment que :
– il existe effectivement un problème de décollement du revêtement des finitions d’enduits et de peintures au niveau des soubassements de façade et de l’escalier d’accès extérieur de la maison, la façade ayant été traitée avec un enduit tandis que les sous-faces de dalles et les escaliers ainsi que l’intérieur d’un cagibi extérieur ont été revêtus avec une peinture ;
– ces désordres ne mettent actuellement pas en péril l’ouvrage en ce qui concerne sa conformité à sa destination, étant toutefois observé que ces peintures et enduits témoignent d’une dégradation anormale survenue au bout de neuf ans et que ces défauts entraîneront inéluctablement d’autres dégradations ;
– de plus, cette maison datant des années 1930-1940 a été construite, suivant les techniques de l’époque, sans drainage périphérique et avec des murs composés principalement de blocs en béton de machefer (un matériau d’époque relativement friable, poreux et sensible à l’humidité), présentant dès lors des caractéristiques de remontées d’humidité qui ne doivent pas être bloquées en évaporation par un quelconque revêtement étanche ;
– avec ce type de matériaux de construction, il se produit dès lors un phénomène de condensation entre le mur d’origine et les revêtements de finition (enduits et peintures litigieux) qui bloquent l’évaporation s’ils sont trop étanches ;
– les travaux de purge des anciens revêtements et de remise en peinture peuvent être estimés à la somme totale de 1.780 € TTC.
En l’occurrence, il convient en effet de considérer que la société OPH a engagé sa responsabilité civile contractuelle en posant un revêtement à base de résines et de produits acryliques imperméabilisants ayant eu pour effets de bloquer les évaporations d’eau et d’occasionner des décollements sur un support ancien et sensibles aux infiltrations d’humidité du fait de sa composition, au demeurant construit sans la présence d’un vide sanitaire permettant de contribuer à l’absence de remontées. En sa qualité de professionnel de la construction, la société OPH était en effet soumise à une obligation de résultat en ce qui concerne le choix du matériau adapté au support, même si les désordres constatés ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendent non conforme à sa destination.
De plus, le bon de commande relatif à la réfection de la façade précise que les travaux sont garantis pendant 10 ans à compter du jour d’achèvement des travaux à l’exception des peintures qui sont garanties pendant 2 ans. Ces désordres touchant aux fissurations généralisées de l’enduit et aux décollements de celui-ci s’intègre donc dans cette garantie décennale dans laquelle la société OPH s’est ainsi contractuellement engagée, ayant étendu celle-ci à 10 ans conformément aux dispositions de l’article 2254 alinéa 1er du Code civil suivant lesquelles « La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans. ». Cette obligation de résultat se devait donc d’être parfaitement effective, c’est-à-dire sans aucun effritement ni clocage, pendant cet engagement conventionnel de garantie de 10 ans.
Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de Mme [V] et en ses autres dispositions, la société OPH devant au contraire être déclarée responsable de la survenance et de l’ensemble des conséquences dommageables de ces désordres de construction.
En ce qui concerne la réparation du préjudice matériel de reprise, Mme [V] réclame la somme de 4.400 €sur la base d’un devis établi le 17 février 2020 par un artisan exerçant à l’enseigne APROBAT. En l’occurrence, ce devis dépourvu de tout détail et établi sur une base simplement forfaitaire n’apparaît de ce fait pas suffisamment crédible quant à l’exactitude et à la sincérité des volumes nécessaires de temps et de prestations à l’accomplissement des travaux de reprise. Dans ces conditions et par défaut, ce poste de préjudice sera arbitré à la somme de 1.780 € TTC telle que proposée dans le rapport d’expertise d’assurance susmentionné.
Concernant les intérêts moratoires, il sera fait application des seuls intérêts au taux légal, avec application du dispositif de capitalisation des intérêts de retard par année entière. Les intérêts de retard courront à compter de la date du 5 novembre 2020 d’assignation en première instance.
Le trouble de jouissance et le préjudice moral de contrariété et de tracasseries, indiscutables dans leur principe du fait de la survenance des désordres de travaux constatés, sera indemnisé à hauteur de la somme de 1.500 €, conformément à la demande de Mme [V] qui apparaît raisonnable en la matière.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de Mme [V] les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 2.000 €, en tenant compte des frais à la fois de première instance et d’appel.
Enfin, succombant à l’instance, la société OPH en supportera les entiers dépens, en première instance comme en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et de manière réputée contradictoire,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-20/03964 rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.
Statuant de nouveau.
CONDAMNE la SAS OFFICE DE PROTECTION DE L’HABITAT (OPH) à payer au profit de Mme [H] [V] :
– la somme de 1.780 € TTC en réparation de son préjudice matériel de reprise des désordres de construction susmentionnés, avec intérêts de retard au taux légal et capitalisation des intérêts moratoires par année entière du 5 novembre 2020 jusqu’à parfait paiement ;
– la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de son trouble de jouissance ;
– une indemnité de 2.000 € en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes de Mme [V].
CONDAMNE la société OPH aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président