N° RG 20/01258 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IOIU
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 07 DECEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 13 Février 2020
APPELANT :
Monsieur [N] [R]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Gontrand CHERRIER de la SCP CHERRIER BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Marielle MALEYSSON, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
URSSAF NORMANDIE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Mme [H] [K] munie d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 02 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 02 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Décembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 07 Décembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
M. [N] [R] a été affilié à la caisse nationale du régime social des indépendants (le RSI) du 18 septembre 2006 au 7 mai 2018, en tant que commerçant puis artisan.
Le RSI lui a notifié plusieurs mises en demeure entre le 12 octobre 2009 et le 21 mars 2018.
Faute de règlement, la caisse a émis plusieurs contraintes :
trois, le 4 décembre 2014, signifiées le 17 décembre 2014, pour obtenir paiement des sommes de 922 euros, 902 euros et 4 848 euros,
le 12 août 2015, signifiée le 8 septembre 2015, pour obtenir paiement de la somme de 3 079 euros,
le 9 mars 2016, signifiée le 12 avril 2016, pour obtenir paiement de la somme de 18 306 euros,
deux, le 28 juin 2017, signifiées le 5 juillet 2017, pour obtenir paiement des sommes de 5 530 euros et de 2 216 euros,
le 25 septembre 2017, signifiée le 12 octobre 2017, pour obtenir paiement de la somme de 3 103 euros,
le 11 décembre 2017, signifiée le 14 décembre 2017, pour obtenir paiement de la somme de 1 579 euros,
le 31 juillet 2018, signifiée le 10 août 2018, pour obtenir paiement de la somme de 3 350 euros.
M. [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Evreux, devenu pôle social du tribunal judiciaire, d’une opposition à chacune de ces contraintes.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal a :
ordonné la jonction des procédures,
constaté l’irrecevabilité du recours n°18/79 pour forclusion,
dit que :
la contrainte du 4 décembre 2014 réclamant la somme de 922 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour les mois de février à avril et octobre 2009,
la contrainte du 4 décembre 2014 réclamant la somme de 902 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour les mois de juin à septembre 2009,
la contrainte du 4 décembre 2014 réclamant la somme de 4 848 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour les mois de novembre et décembre 2009, de février 2010 ainsi qu’au titre de la régularisation pour l’année 2009,
émises par le directeur du RSI Pays de Loire et signifiées le 17 décembre 2014, ont acquis les effets d’un jugement,
validé les contraintes émises :
le 9 mars 2016 en son entier montant de 18 306 euros,
le 31 juillet 2018 en son montant recalculé de 103 euros,
le 28 juin 2017 en son montant recalculé de 2 216 euros,
le 12 août 2015 en son montant recalculé de 657 euros,
le 25 septembre 2017 en son entier montant de 3 103 euros,
le 11 décembre 2017 en son montant recalculé de 102 euros,
condamné M. [R] :
à payer à l’Urssaf élisant domicile à l’agence de sécurité sociale des indépendants de Caen, venant aux droits du RSI Pays de Loire, de l’Urssaf Centre Val de Loire, du RSI Centre Val de Loire, de la caisse RSI et l’Urssaf la somme de 31 159 euros,
au paiement des frais de recouvrement, en ce compris les frais de signification des huit contraintes,
à payer à l’Urssaf la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
M. [R] a relevé appel de ce jugement.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 3 mars 2022, soutenues oralement à l’audience, M. [R] demande à la cour de :
infirmer dans toutes ses dispositions le jugement attaqué,
annuler toutes les contraintes,
condamner l’Urssaf aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il invoque la prescription d’une partie des demandes, dès lors qu’un délai de 3 ans sépare :
– la contrainte signifiée le 17 décembre 2014 et la notification de la mise en demeure du 12 octobre 2009 qui constitue son fondement,
– la contrainte signifiée le 12 avril 2016 et la mise en demeure du 5 novembre 2012,
– la contrainte signifiée le 12 octobre 2017 et les mises en demeure des 14 juin 2013, 10 septembre 2013, 8 novembre 2013 et 17 avril 2014.
Il soutient en outre que les contraintes ne lui permettaient pas d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation à défaut de détails concernant la nature et la ventilation du montant des cotisations réclamées, la seule référence aux mises en demeure ne pouvant avoir pour effet de dispenser l’organisme de sécurité sociale de motiver les contraintes. Il ajoute qu’à supposer que cette référence soit suffisante, encore faut-il que les mises en demeures qui lui ont été adressées soient suffisamment motivées et indique que le tableau récapitulatif du montant des sommes prétendument dues ne comporte aucun détail et ne fait notamment pas état de l’assiette de calcul, du taux appliqué et des différents calculs opérés.
Par conclusions remises le 16 juin 2022, soutenues oralement à l’audience, l’Urssaf de Normandie, venant aux droits de l’Urssaf de Basse Normandie et de Haute Normandie, demande à la cour de :
confirmer en tout point le jugement dont appel,
débouter M. [R] de toutes ses demandes,
le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la prescription applicable est celle de cinq ans et que l’action en recouvrement a bien été engagée dans le délai.
Elle soutient que la mise en demeure et la contrainte ne doivent préciser que la nature, le montant et la période de l’obligation, en précisant que la nature des cotisations appelées figure dans les mises en demeure auxquelles les contraintes se réfèrent.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la forclusion
L’appelant ne formule aucune critique à l’encontre du jugement qui a déclaré forclos son recours enregistré sous le numéro 18/79 concernant une opposition effectuée le 5 janvier 2015 à l’encontre des trois contraintes émises le 2 décembre 2014 et signifiées le 17 décembre, suivant procès-verbal de recherches infructueuses.
Il y a lieu à confirmation du jugement qui a justement retenu que le délai de 15 jours prévu à l’article R. 133- 3 du code de la sécurité sociale n’avait pas été respecté.
2. Sur la prescription
Compte tenu de la forclusion du recours portant notamment sur la contrainte signifiée le 17 décembre 2014 pour un montant de 902 euros, seule la prescription invoquée pour les contraintes signifiées les 12 avril 2016 et 12 octobre 2017 doit être analysée par la cour.
La prescription triennale de l’article L. 244- 3 du code de la sécurité sociale invoquée par M. [R] concerne les cotisations qui peuvent être réclamées dans une mise en demeure ; il s’agit de celles qui sont exigibles au cours des trois années civiles précédant l’année de l’envoi de la mise en demeure ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année cet envoi.
En revanche l’action civile en recouvrement des cotisations et majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter de l’expiration du délai imparti par les mises en demeure, ainsi qu’il est dit à l’article L. 244-11 du même code.
La contrainte signifiée le 12 octobre 2017 a été émise le 25 septembre et elle se réfère à cinq mises en demeure notifiées du 14 juin 2013 au 8 juillet 2016. Aucune prescription ne peut dès lors être opposée, la contrainte ayant été émise avant le 10 juin 2018.
La contrainte signifiée le 12 avril 2016 a été émise le 9 mars et se réfère à huit mises en demeure datées du 5 novembre 2012. Le délai de cinq ans a également été respecté.
Le moyen tiré de la prescription de l’action en recouvrement doit en conséquence être rejeté.
3. Sur la validité des contraintes
Il résulte de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale que la contrainte doit obligatoirement être précédée d’une mise en demeure qui selon l’article R. 244-1 constitue une invitation impérative adressée au débiteur à régulariser sa situation dans le délai imparti et doit lui permettre d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin il importe qu’elle précise, à peine de nullité outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte. La motivation de la mise en demeure adressée au cotisant ne dispense pas l’organisme social de motiver la contrainte décernée ensuite pour le recouvrement des cotisations mentionnées dans la mise en demeure, la contrainte pouvant se référer aux mises en demeure.
Ainsi, en l’espèce, les contraintes sont suffisamment motivées en se référant aux mises en demeure qui mentionnent le montant des cotisations et contributions selon leur nature, s’il s’agit de cotisations provisionnelles ou de régularisation, les périodes de référence ainsi que le montant des majorations de retard. Les contraintes mentionnent en outre les sommes qui viennent en déduction depuis la notification des mises en demeure ainsi que les montants restant dus.
Il ne ressort pas des textes susvisés que la mise en demeure comme la contrainte doivent mentionner l’assiette de calcul, le taux appliqué et les différents calculs opérés.
M. [R] sera en conséquence débouté de sa demande d’annulation des contraintes pour défaut de motivation. Ne contestant pas le calcul des sommes réclamées, il y a lieu de confirmer le jugement.
4. Sur les frais du procès
M. [R] [N] succombant en son appel doit être condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’Urssaf l’intégralité de ses frais non compris dans les dépens, de sorte que l’appelant sera condamné à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Rejette l’exception de prescription ;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
Condamne M. [R] aux dépens d’appel ;
Le condamne à payer à l’Urssaf de Normandie une somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande fondée sur le même article.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE