Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 07 DECEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/05154 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OINA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 JUILLET 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 18/00027
APPELANTE :
SNC RESIDENCE
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [L] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marianne MALBEC de la SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de NARBONNE
INTERVENANTE :
Etablissement Public POLE EMPLOI OCCITANIE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me CHATEL avocat pour Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 29 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Madame Florence FERRANET, Conseiller
M.Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
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* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8], qui exploite une maison de retraite médicalisée sise dans la commune de [Localité 10], a embauché Mme [L] [N] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 12 septembre 2003 en qualité d’aide médico-psychologique.
Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.
La salariée a été licenciée pour faute grave suivant lettre du 10 novembre 2017 ainsi rédigée :
« Vous avez été convoquée par courrier remis en main propre contre décharge et copie lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 19 octobre 2017, à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, le jeudi 2 novembre à 11 heures, assorti d’une mesure de mise à pied à titre conservatoire à compter du 19 octobre 2017. Lors de l’entretien, vous étiez assistée de Mme [P] [M], membre titulaire de la délégation unique du personnel. L’adjoint de direction était assisté de Mme [R] [W], infirmière coordonnatrice. À cette occasion, nous vous avons exposé les griefs qui vous sont reprochés. De votre côté, vous nous avez fourni des explications, dont nous avons pris bonne note.
Rappel des faits :
Dans la nuit du 9 au 10 octobre 2017 et plus précisément le 10 octobre au matin, alors que vous étiez en poste, vous avez laissé une résidente attendre plus d’une heure et quarante minutes dans l’ambulance qui la ramenait des urgences du CH de [Localité 9], alors qu’elle avait été orientée plus tôt dans la soirée par l’infirmière, vers 23 heures. Malgré les appels téléphoniques répétés, les multiples appels à la sonnette, les coups de klaxon et l’utilisation de la sirène, accompagnée du gyrophare, les ambulanciers n’ont jamais réussi à obtenir une réponse de votre part afin de pénétrer au sein de la résidence. Devant cette situation, l’adjointe au maire de [Localité 10] a été appelée et cette dernière s’est déplacée sur site. La gendarmerie de [Localité 12] a été également sollicitée et une brigade s’est, à son tour, présentée sur site. Très inquiets devant le silence de la maison, les gendarmes et les ambulanciers ont alors déplacé le portail afin de tenter de s’introduire dans la maison. Sans réponse de votre part, ils sont montés dans les escaliers de secours et ont frappé aux vitres des issues de secours. Ce n’est que près d’une heure et quarante minutes après leur arrivée, qu’alertée par le faisceau d’une lampe, vous avez pu ouvrir aux ambulanciers. Après réexamen de votre dossier, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, et plus précisément pour le motif suivant :
Sur l’absence d’attention et de vigilance mettant en danger les résidents.
Pendant près de 2 heures, vous ne vous êtes pas aperçue qu’aux abords de l’établissement, sur le parking, sur lequel vous pouviez avoir un visu, autant du premier étage que du deuxième étage, une ambulance, puis Mme l’adjointe au maire et enfin, la gendarmerie, faisaient leur possible pour se faire entendre. Usant de klaxons, de gyrophares et de coups à la vitre, vous ne vous êtes aperçue de leur présence que bien trop tard, alertée par un flash lumineux. Lors de l’entretien du 25 octobre 2017, vous avez répondu, sans donner de véritables explications à la question : Comment expliquez-vous ne rien avoir entendu ‘ Vous avez déclaré « je ne sais pas ». Vous avez même ajouté : « C’est étranger, je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas entendu le klaxon, le gyrophare et la sirène ». Nous souhaitons préciser à ce stade, qu’un essai a été effectué par M. [T] le 13 octobre dernier à 21h30. Il a positionné son véhicule devant le portail et actionné le klaxon. Malgré le fait que certains résidents échangeaient entre eux à l’étage et que le poste de télévision était allumé, Mme [R] [W] a pu vérifier que le klaxon était tout à fait audible, bien que toutes les fenêtres étaient fermées. Il apparaît donc invraisemblable que lors de cette nuit, vous n’ayez pas pu entendre les bruits répétés à plusieurs reprises dont ont fait preuve les ambulanciers. Vous ajoutez également avoir été sollicitée durant cette nuit par le fait que Mme [H], puis une autre résidente aient sonné régulièrement. Lors de votre entretien le 2 novembre 2017, vous stipulez « Mme [B] n’a pas arrêté de sonner et de me solliciter », puis « il y a une autre résidente qui sonne régulièrement pour le bassin pour uriner ». Cependant, l’historique des appels malade montre une toute autre activité lors de cette nuit. En effet, entre une heure et quatre heures du matin, nous dénombrons seulement quatre sonnettes, ce qui ne représente absolument pas une forte activité. De plus, il est de votre devoir d’utiliser le logiciel de soin, afin de transmettre les informations nécessaires pour assurer la continuité des soins entre la nuit et le jour. Or nous constatons très peu de transmission de votre part sur la nuit du 9 au 10 octobre 2017, confirmant la faible activité de cette nuit. La faible activité a par ailleurs également été affirmée par l’infirmière présente avec vous lors de cette nuit qui confirme à plusieurs reprises que « la nuit était calme ». Au vu des faits, vous auriez donc dû entendre les bruits venant de l’extérieur et cela très nettement. Sur ces aspects, vous avez commis une faute due à votre manque de vigilance et d’attention auprès des personnes âgées particulièrement fragiles, qui nécessitent la plus grande attention. La résidente est ainsi restée dans l’ambulance pendant tout ce temps, ce qui a été vécu comme une forme de maltraitance par cette personne âgée très fragile. Au-delà, votre absence d’attention et de vigilance a conduit à la mobilisation de la brigade de gendarmerie et à la venue de l’adjointe au maire de [Localité 10], ce qui, à n’en pas douter, dégradera de manière durable, l’image de professionnalisme d'[8]. Un tel manquement de votre part est inacceptable. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité, prenant effet à compter du jour de l’envoi de cette lettre.
Par ailleurs, conformément à l’article L. 911-8 du code de la Sécurité sociale, vous conservez votre couverture prévoyance à titre gratuit (mutualisation) après la rupture de votre contrat de travail. La durée de la portabilité de vos garanties, qui prendra effet le lendemain de votre sortie des effectifs sera de 12 mois. Les garanties sont identiques à celles dont vous avez bénéficié en tant que salarié. Par ailleurs, toute modification des contrats en place pendant votre période de chômage vous sera applicable. Toutefois, en cas d’incapacité de travail, les prestations seront limitées au montant des allocations chômage que vous auriez perçu au titre de la même période. Bien entendu, le maintien de ces garanties cesse dès la cessation du versement des allocations du régime d’assurance chômage (soit le 1er jour de votre retour à l’emploi ou à la liquidation de votre pension retraite). Pour bénéficier de la portabilité, il vous appartient de retourner le bordereau d’affiliation AG2R, ci-joint, daté et signé avec les pièces demandées (certificat de travail + attestation d’inscription au Pôle Emploi) sous un délai maximum de 15 jours à l’adresse suivante : Prévoyance Prémalliance AG2R [Adresse 6]. Il vous appartiendra, par la suite, d’informer immédiatement l’AG2R de tous changements de votre situation. Enfin, votre certificat de travail, attestation de l’employeur destinée à Pôle Emploi, solde de tout compte et les sommes vous restant dues au titre de salaire et d’indemnité de congés payés, seront tenus à votre disposition au sein de la maison dans les plus brefs délais. ».
Contestant son licenciement, Mme [L] [N] a saisi le 27 février 2018 le conseil de prud’hommes de Carcassonne, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 2 juillet 2019, a :
condamné l’employeur à régler à la salariée les sommes suivantes :
‘ 1 317,33 € au titre de la mise à pied injustifiée ;
‘ 131,73 € au titre des congés payés ;
‘ 3 878,20 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 387,82 € au titre des congés payés ;
‘ 8 141,93 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
’17 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
‘ 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
condamné l’employeur à remettre le bulletin de salaire de novembre 2017 et l’attestation Pôle Emploi rectifiés ;
condamné l’employeur à afficher le jugement en un endroit accessible aux résidents dans ses locaux et ce pour une durée d’un mois ;
condamné l’employeur à régler à la salariée la somme de 1 250 € au titre des frais irrépétibles ;
dit que l’employeur supportera les entiers dépens de l’instance ;
dit que les sommes portées dans le jugement porteront intérêt légal à compter de sa notification ;
dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 septembre 1996, devront être supportées par l’employeur en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été notifiée le 17 juillet 2019 à la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 22 juillet 2019.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2022.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 22 octobre 2019 aux termes desquelles la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
dire que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié ;
débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes ;
condamner la salariée à lui payer la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner la salariée aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 janvier 2020 aux termes desquelles Mme [L] [N] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à majorer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour licenciement vexatoire et celui de l’indemnité compensatrice de préavis ;
condamner l’employeur à lui régler les sommes suivantes :
‘ 1 317,33 € au titre de la mise à pied injustifiée ;
‘ 131,73 € au titre des congés payés y afférents ;
‘ 4 187,28 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 418,73 € au titre des congés payés y afférents ;
‘ 8 141,93 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
’25 100,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
’11 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
condamner l’employeur à remettre le bulletin de salaire de novembre 2017 et l’attestation Pôle Emploi rectifiés ;
condamner l’employeur à afficher le jugement en trois endroits accessibles aux résidents dans les locaux de la résidence [8] ;
condamner l’employeur à lui régler la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles ;
dire que l’employeur supportera les entiers dépens de l’instance.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 mars 2020 aux termes desquelles l’établissement public administratif Pôle Emploi Occitanie demande à la cour de :
accueillir son intervention volontaire ;
condamner l’employeur à lui payer la somme de 7 142,40 € ;
condamner l’employeur aux entiers dépens s’il en était exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la faute grave
Il appartient à l’employeur qui fonde une mesure de licenciement sur la faute grave de la salariée de rapporter la preuve des éléments énoncés à son encontre dans la lettre de licenciement laquelle fixe les termes du litige.
En l’espèce, l’employeur reproche à la salariée de ne pas avoir répondu, durant une heure et quarante minutes, aux appels des ambulanciers, des gendarmes et d’une adjointe au maire qui tentaient d’obtenir la réintégration d’une résidente de retour des urgences.
Il produit le seul témoignage de l’adjointe au maire ainsi rédigé :
« Dans la nuit du 9 au 10 octobre 2017 vers 3 h du matin, la gendarmerie m’a contacté en tant qu’adjointe au maire de la commune de [Localité 10], me signalant que des ambulanciers en charge de ramener une personne âgée, étaient devant la maison de famille [8] et n’arrivaient pas à joindre le personnel de nuit. Après avoir essayé moi-même de les contacter en vain, il m’a été demandé de me déplacer sur site. À mon arrivée, les ambulanciers me décrivent leurs nombreux appels téléphoniques sans réponse, leurs tentatives de pénétrer dans l’enceinte de l’établissement ainsi que leur montée par l’escalier de service jusqu’au 1er étage. Ce n’est qu’aux environs de 4 heures du matin, que nous avons pu apercevoir par l’escalier de service du personnel et nous avons enfin pu rentrer dans l’établissement pour y déposer la résidente. ».
La salariée répond que dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 octobre 2017 elle était en poste au 2e étage de la résidence et qu’elle n’a pas entendu la sonnette de l’entrée ni le téléphone de l’accueil lesquels ne communiquent pas avec les étages dès lors que Mme [A] [D], standardiste, n’avait pas organisé les transferts d’appel de l’accueil vers le personnel. Elle précise que ce n’était pas la première fois qu’un tel incident se produisait et qu’elle ne pouvait guetter un hypothétique retour de la résidente alors qu’elle devait prendre soin de trente-cinq pensionnaires au 2e étage.
La salariée indique encore que l’ambulancier n’a jamais utilisé de klaxon ni de gyrophare, qu’il est descendu de son véhicule, a essayé d’ouvrir le portail, a sonné puis a sauté le portail pour accéder à la porte principale alors que les gendarmes ne sont arrivés que bien après, quand tout était rentré dans l’ordre, que les ambulanciers ont appelé en vain le standard à 2h45, qu’ils sont repartis vers l’hôpital à 3h00 mais que les urgences ont refusé de reprendre la patiente et qu’ils sont revenus à 3h35 et enfin qu’il leur a été ouvert à 3h52.
La salariée produit le rapport d’intervention de M. [X] [I], ambulancier, ainsi rédigé et daté du 24 novembre 2017 :
« Nous avons été missionnés pour un retour à domicile à 1h50 pour Mme [C] [O]. Au départ des urgences du centre hospitalier de [Localité 9] pour maison de retraite [8] à [Localité 10]. Avant de prendre la patiente en charge nous avons demandé aux personnels des urgences si la maison de retraite avait bien été mise au courant de ce retour. La réponse a été que la maison de retraite ne répondait pas. Nous avons alors refusé dans un premier temps d’effectuer le retour en expliquant que cette maison de retraite cause problème sur les retours. Impossibilité de communiquer avec l’intérieur et impossibilité de rentrer. Nous avons eu l’ordre du médecin des urgences d’effectuer quand même le retour. motif ils finiront bien par vous ouvrir
2h20 Départ des urgences
2h45 Arrivée devant le portail de la maison de retraite de [Localité 10]. J’ai sonné en premier sur la sonnette du portail principal, pas de réponse, je suis descendu pour sonner au portillon, pas de réponse, appel téléphonique, pas de réponse, appel centre 15 pour prévenir du problème, pendant que la permanencière essayait de son côté de prendre contact avec le personnel de la maison de retraite. J’ai fait le tour du bâtiment pour essayer de trouver une porte ouverte, toutes les portes étaient verrouillés. Tentative de sonner à la porte des livraisons, pas de réponse. Escalier de service, porte fermé. J’ai frappé au trois étages, pas de réponse. Du coup j’ai sauté le portail pour voir à la porte principale, celle-ci était fermée tout comme les autres. J’ai bien entendu le téléphone du standard sonner derrière la porte principale mais toujours personne.
3h00 La décision du centre 15, et retour au centre hospitalier.
3h05 contre ordre, motif refus des urgences de reprendre Mme [C], le personnel de la maison de retraite peut-être en difficulté ou en péril.
3h05-3h27 en stand-by en bord de route sur Puicherie, avec la patiente.
3h27 retour sur [Localité 10].
3h35 Arrivée devant le portail avec Mme l’adjointe au maire de la Redorte, impossible pour celle-ci de prendre contact avec le personnel. On refait le tour du bâtiment.
3h52 Prise de contact avec le personnel à l’aide d’une lampe torche, j’ai aperçu une silhouette passer dans le couloir du deuxième étage à partir de l’escalier de service sur lequel j’étais remonté. Dès que celle-ci est sortie de la pièce je lui ai fait des appels avec la lampe. Le personnel nous a fait alors rentrer pour prendre en charge la résidente et la mettre dans son lit, après avoir passé les transmissions patient, un essai téléphonique à été fait par moi-même devant la chambre de Mme [C], le téléphone du personnel n’a pas sonné.
4H07 Arrivée de la gendarmerie. Nous sommes revenus au rez-de-chaussée, nouvel essaie, le téléphone du standard sonne mais pas celui des aides soignantes, essai des sonnettes du portillon et du portail pas de répercution sur le téléphone du personnel.
Ce soir-là, le personnel présent ne pouvaient savoir que nous étions devant pour un retour, car aucune sonnette, et relais téléphonique standard téléphone du personnel ne fonctionnaient. Conclusion : La maison de retraite [8] de La Redorte reste une des seules résidences la plus éloignée qui nous pose problème la nuit sur notre secteur à ce jour. Nous avons le code d’accès de toutes les maisons de retraite, sauf les Marroniers, lena, [Localité 10]. Celle de Caune Minervois nous a fourni un badge et [Localité 11] deux numéros de téléphone. ».
La salariée produit encore les attestations de deux voisins, Mme [J] [S] et M. [Y], qui indiquent ne rien avoir entendu dans la nuit en cause, de Mme [G] [E], aide soignante en charge de 18 résidents, qui affirme ne rien avoir entendu, de M. [U] [V], agent de maintenance, qui précise :
« La sonnette extérieure ne sonne qu’à l’accueil, de jour comme de nuit et n’a jamais été relayée dans les étages ni au secteur protégé du rez-de-chaussée, ni sur le téléphone de nuit. J’ai pu lire sur le cahier de transmission que la bascule des appels téléphoniques n’avait pas été faite plusieurs fois. La direction ne m’a jamais fait part d’installer une sonnette extérieure relayant les étages, pas plus à un artisan électricien. Je précise que la sonnerie ne peut être audible par les aides-soignants quand ils sont dans étages ni au secteur protégé. ».
L’employeur ne produit pas les témoignages de M. [T] et de Mme [R] [W] qui auraient procédé le 13 octobre 2017 à l’essai visé à la lettre de licenciement.
Au vu des attestations précises et concordantes produites par la salariée, la cour retient que le récit des faits figurant dans la lettre de licenciement n’est pas exact, procédant par amalgame de deux épisodes distincts et faisant état d’une intervention de la gendarmerie qui ne s’est déroulée qu’après l’accueil de la résidente. Rien ne permet de retenir qu’il appartenait à la salariée de vérifier que les appels téléphoniques avaient bien été transférés, ni qu’elle ait manqué de vigilance en ne percevant ni les signaux émis depuis l’extérieur ni les appels téléphoniques adressés au standard alors qu’il appartenait à l’employeur d’organiser le service afin que son établissement soit facilement joignable de nuit, ce qui n’était pas le cas.
En conséquence, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2/ Sur la mise à pied à titre conservatoire
La salariée sollicite la somme de 1 317,33 € au titre de la mise à pied injustifiée outre celle de 131,73 € au titre des congés payés y afférents.
L’employeur ne discute pas le détail de ces sommes qui apparaissent fondées et qui seront dès lors allouées à la salariée.
3/ Sur l’indemnité compensatrice de préavis
La salariée réclame la somme de 4 187,28 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 418,73 € au titre des congés payés y afférents.
Comme précédemment, l’employeur n’apporte aucune contradiction de détail à cette demande qui apparaît fondée et à laquelle il sera en conséquence fait droit pour les montants sollicités.
4/ Sur l’indemnité de licenciement
La salariée demande à la cour de condamner l’employeur à lui régler la somme de 8 141,93 € à titre d’indemnité légale de licenciement.
L’employeur ne discute pas le calcul de la salariée qui apparaît fondé. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
5/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La salariée était âgée 58 ans au temps du licenciement, elle bénéficiait d’une ancienneté de 14 ans révolus et elle justifie avoir été au chômage indemnisé du 29 décembre 2017 au 14 avril 2019 et avoir perçu à ce titre la somme de 18 806,72 €. Au vu de l’ensemble de ces éléments il convient d’allouer à la salariée la somme réclamée équivalente à 11 mois de salaire soit 11 × 2 093,64 € = 23 030,04 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
6/ Sur le caractère vexatoire du licenciement
La salariée se plaint du caractère vexatoire du licenciement indiquant qu’elle a été licenciée de façon humiliante et blessante. Aussi réclame-t-elle en réparation la somme de 11 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.
Mais la salariée ne se plaint d’aucun comportement précis de l’employeur qui serait venu ajouter à la mise à pied conservatoire et au licenciement lui-même. En l’espèce, la mesure conservatoire ainsi que le licenciement apparaissent relever d’une erreur d’appréciation de la part de l’employeur mais pas constituer une manière humiliante ou blessante ni par eux-mêmes ni par les circonstances les entourant dont la seule connue tient à la mise à pied conservatoire.
En conséquence, la salariée sera déboutée de ce chef de demande.
7/ Sur la demande formée par Pôle Emploi
L’établissement public administratif Pôle Emploi Occitanie sollicite la somme de 7 142,40 € en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail et produit à l’appui de sa demande un état des sommes versées à la salariée.
Il sera fait droit à cette demande qui est justifiée pour le montant sollicité.
8/ Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes.
La somme allouée à la salariée à titre indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La salariée sollicite l’affichage de l’arrêt en trois endroits accessibles aux résidents dans les locaux de la résidence afin de se trouver restaurée en son honneur.
Mais, comme il a déjà été dit, l’employeur ne s’est pas livré à des man’uvres vexatoires et, au vu des données de l’espèce, il n’apparaît pas nécessaire, pour réparer l’entier préjudice de la salariée, d’ordonner l’affichage de l’arrêt dans l’entreprise.
L’employeur remettra à la salariée le bulletin de salaire du mois de novembre 2017 ainsi que l’attestation Pôle Emploi rectifiés.
Le droit proportionnel de l’article R. 444-55 du code de commerce (ex-article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996) n’est pas dû dans les cas énumérés par le 3° de l’article R. 444-53, soit une créance alimentaire ou née de l’exécution d’un contrat de travail. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande sur ce fondement.
Il convient d’allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur supportera la charge des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Reçoit l’établissement public administratif Pôle Emploi Occitanie en son intervention volontaire.
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
condamné la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] à régler à Mme [L] [N] les sommes suivantes :
‘ 1 317,33 € au titre de la mise à pied injustifiée ;
‘ 131,73 € au titre des congés payés ;
‘ 8 141,93 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
condamné la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] à remettre le bulletin de salaire de novembre 2017 et l’attestation Pôle Emploi rectifiés ;
condamné la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] à régler à Mme [L] [N] la somme de 1 250 € au titre des frais irrépétibles ;
dit que SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] supportera les entiers dépens de l’instance.
L’infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [L] [N] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et d’affichage de l’arrêt.
Condamne la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] à payer à Mme [L] [N] les sommes suivantes :
4 187,28 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
418,73 € au titre des congés payés y afférents ;
23 030,04 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] de sa première convocation devant le conseil de prud’hommes.
Dit que la somme allouée à titre indemnitaire produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Condamne la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] à payer à l’établissement public administratif Pôle Emploi Occitanie la somme de 7 142,40 €.
Condamne la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] à payer à Mme [L] [N] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel.
Condamne la SNC SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE LA RÉSIDENCE [8] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT