N° RG 20/00904 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M266
Décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
au fond du 20 novembre 2019
RG : 18/00409
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
[C]
S.A.S. GARCON ETANCHEITE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 07 Décembre 2022
APPELANTE :
La société AXA FRANCE IARD
Société Anonyme au capital de 214.799.030 euros ;
Immatriculé au RCS de NANTERRE sous le numéro 122 057 460 ;
Ayant son siège social situé [Adresse 2] ;
Représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Prise en sa qualité d’assureur décennal de la société AP AGENCEMENT, liquidée,
Représentée par Me Hervé BARTHELEMY de la SELARL PBO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 44
INTIMÉS :
Monsieur [D] [C], né le 5 octobre 1963 à NOCERA INFERIORE 84014 (SALERNO) ITALIA, de nationalité italienne, artisan, demeurant [Adresse 1].
Représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547
Ayant pour avocat plaidant Me Laurent BROQUET, avocat au barreau de LYON
La société GARCON ETANCHEITE, S.A.S au capital de 82 500 euros, immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le n° B 305 291 965, dont le siège social est [Adresse 3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Claude DE VILLARD de la SELARL PERSEA, avocat au barreau de LYON, toque : 1582
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 08 Novembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Septembre 2022
Date de mise à disposition : 07 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Monsieur et Madame [C] sont propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 1] (69). Cette maison bénéficie d’une terrasse extérieure de 150 m², comportant des dalles sur plots avec balustres, et située pour partie au-dessus du sous-sol de la maison.
En octobre 2004, les époux [C] ont pris la décision de faire réaliser des travaux sur ladite terrasse afin de remédier à des infiltrations.
Suivant devis du 19 octobre 2004 et acte d’engagement simplifié du 29 mars 2005, la société GARÇON ETANCHEITE est intervenue dans la réalisation des travaux d’étanchéité de la terrasse, avec notamment un poste intitulé « imperméabilisation, résine sous carrelage » et un autre poste « imperméabilisation de balustres », pour un montant de 18 462,50 euros TTC, facturé le 27 juin 2005.
A la suite de ces travaux, Monsieur [C] a constaté la présence d’infiltrations dans le sous-sol de sa maison et les a signalées à la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ fin 2014 et le 1er février 2015.
Une expertise amiable contradictoire a été réalisée par le cabinet d’expertise EURISK à la demande de la société AXA FRANCE IARD, assureur décennal et responsabilité civile de la société GARÇON ETANCHEITE. Une proposition d’indemnisation d’un montant de 5 600 euros a été proposée à Monsieur [C], qui l’a déclinée.
Suivant acte extrajudiciaire des 16 et 22 février 2018, Monsieur [C] a assigné devant le tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ et la société AXA, aux fins d’obtenir sur le fondement des dispositions des articles 1103, 1104, 1231-1 et 1792 et suivants du code civil leur condamnation solidaire à lui payer sous exécution provisoire les sommes suivantes :
47 542,33 euros TTC au titre des travaux de reprise, outre actualisation,
10 000 euros à titre de préjudice de jouissance et préjudice moral,
5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de grande instance de VILLEFRANCHE SUR SAONE, a :
CONSTATÉ que le délai de la garantie décennale a été interrompu avant les 10 ans’;
DECLARÉ recevable l’action en responsabilité engagée par [D] [C] à l’encontre de la SAS GARÇON ÉTANCHÉITÉ et de la société AXA FRANCE IARD’;
CONDAMNÉ solidairement la SAS GARÇON ÉTANCHÉITÉ et la société AXA FRANCE IARD à payer à [D] [C] la somme de 41’481,02 euros en réparation des désordres’;
CONDAMNÉ solidairement la SAS GARÇON ÉTANCHÉITÉ et la société AXA FRANCE IARD à payer à [D] [C] la somme de 8 500 euros en réparation de son préjudice moral et de jouissance’;
CONDAMNÉ solidairement la SAS GARÇON ÉTANCHÉITÉ et la société AXA FRANCE IARD à payer à [D] [C] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile’;
ORDONNÉ l’exécution provisoire’;
RAPPELÉ que l’exécution provisoire s’applique aussi à la condamnation prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
RAPPELÉ que les indemnités allouées dans le présent jugement, bien qu’exigibles par provision, n’acquerront un caractère définitif qu’en l’absence d’appel interjeté dans le délai prévu par la loi et après que ce délai d’appel aura expiré’;
CONDAMNÉ solidairement la SAS GARÇON ÉTANCHÉITÉ et la société AXA FRANCE IARD aux entiers dépens’;
DÉBOUTÉ les parties de toutes leurs autres prétentions.
Le tribunal a notamment retenu en substance’:
Sur la sic «’prescription’» de la garantie décennale
Que le délai de la garantie décennale peut être interrompu par la reconnaissance de leur responsabilité par les constructeurs. Qu’en l’espèce, le rapport d’expertise et le courrier du Courtier RCB de la société AXA FRANCE IARD, il a été reconnu que la garantie décennale était acquise pour ce sinistre, de sorte que le délai de sic «’prescription’» a été interrompu et que l’action n’est pas sic «’prescrite’».
Sur la responsabilité du constructeur
Qu’il convient de se référer à la seule expertise du cabinet d’expertise EURISK et aux devis de la SARL PIERRE IMMO et de l’entreprise [F] en l’absence d’autres pièces et d’autres demandes de mesures d’instruction.
Que l’ensemble des réparations retenues par le cabinet d’expertise ainsi que la reprise des balustres chiffrée par le devis de l’entreprise [F] s’élèvent à la somme de 38’767,31 euros avec application de l’indice du bâtiment BT01.
Sur le préjudice de jouissance et le préjudice moral
Que Monsieur [C] éprouve un préjudice de jouissance du fait des cloquages de peinture dans deux pièces de son habitation et de la dégradation de ses balustres qui se fendent sous l’effet de l’humidité.
Qu’il a également éprouvé un préjudice moral certain du fait de la nécessité d’intenter une action en justice pour obtenir gain de cause alors que la compagnie AXA avait reconnu le principe de sa responsabilité.
Par déclaration électronique du 4 février 2020, le conseil de la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ a relevé appel de l’entier jugement à l’encontre de Monsieur [C] uniquement. Par déclaration en date du 7 février 2020, la société AXA FRANCE IARD a également interjeté appel de l’entier jugement. Les deux affaires ont fait l’objet d’une jonction par ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 novembre 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 7 septembre 2021, la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ demande à la Cour de’:
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les articles 1147 (ancien), 1103, 1104 du code civil,
Vu les articles L124-5 et R124-2 du code des assurances.
A titre principal :
INFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action d'[D] [C] à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE.
Statuant à nouveau,
DECLARER l’action de [D] [C] dirigée à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE irrecevable.
Par conséquent,
DEBOUTER [D] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE.
A titre subsidiaire :
INFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné la société GARCON ETANCHEITE au paiement de la somme de 41 481,02 euros TTC au titre des travaux réparatoires, et de la somme de 8 500 euros au titre des prétendus préjudices moral et de jouissance subis par [D] [C].
Statuant à nouveau,
DIRE ET JUGER [D] [C] mal-fondé en ses demandes à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE.
Par conséquent,
DEBOUTER [D] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE.
A titre infiniment subsidiaire :
INFIRMER le jugement en qu’il a reconnu la responsabilité exclusive de la société GARCON ETANCHEITE dans la survenance des désordres allégués et, par conséquent, condamné cette dernière au paiement de la somme de 41 481,02 euros TTC au titre des travaux réparatoires, et de la somme de 8 500 euros au titre du prétendu préjudice moral et de jouissance subi par [D] [C] ;
Statuant à nouveau,
DIRE ET JUGER que le montant des travaux réparatoires s’élève à la somme de 26 938,90 euros TTC conformément au rapport de la société EURISK ;
LIMITER la responsabilité de la société GARCON ETANCHEITE dans la survenance des désordres allégués à hauteur de 25 %, soit 6 734,73 euros TTC, compte tenu de la responsabilité avérée du cabinet d’architecture ARCHIPLUS et d'[D] [C] ;
DIRE ET JUGER que [D] [C] n’a subi aucun préjudice moral et de jouissance indemnisable ;
DIRE ET JUGER que la société AXA FRANCE IARD a reconnu la mobilisation de sa garantie au titre des désordres dénoncés ;
Par conséquent,
DEBOUTER [D] [C] du surplus de ses demandes au titre des travaux réparatoires ;
DEBOUTER [D] [C] de sa demande en paiement au titre de son prétendu préjudice moral, de jouissance et matériel à hauteur de 15 000 euros ;
DEBOUTER la société AXA FRANCE IARD de sa demande de limitation de garantie aux seuls désordres matériels ;
CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à relever et garantir la société GARÇON ETANCHEITE de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
En tout état de cause :
INFIRMER le jugement en ce qu’il a condamné la société GARCON ETANCHEITE à payer à [D] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
PRENDRE ACTE de la communication par la société GARCON ETANCHEITE de son attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle à la date de la première réclamation ;
CONDAMNER [D] [C], ou «’sic’» qui mieux le devra, au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la première instance et de la présente instance, «’sic’» distraits au profit de la SELARL PERSEA, avocat sur son affirmation de droit.
La société GARCON ETANCHEITE soutient notamment à l’appui de son appel :
A titre principal :
En application des articles 1792 et suivants du code civil, Monsieur [C] est forclos depuis le 27 juin 2015′:
En application de l’article 1792-4-1 du code civil, [D] [C] disposait d’un délai d’action de 10 ans à compter du 27 juin 2005, date de la réception de l’ouvrage non contestée, pour assigner la société GARCON ETANCHEITE sur le fondement des articles 1792 et 1792-2 du code civil.
Aucune interruption du délai de forclusion n’est intervenue. En effet :
en application des articles 2240 et suivants du code civil, il est de jurisprudence constante qu’une mise en demeure adressée au débiteur ne permet pas d’interrompre un délai de prescription ou de forclusion.
si la désignation d’un expert amiable par l’assureur interrompt le délai de prescription de l’action de l’assuré à l’encontre de l’assureur, cette interruption, en aucun cas, ne s’étend à l’action du maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur assuré, lequel a seulement procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur ainsi que la loi le lui impose.
un courrier daté du 24 février 2016 dans lequel le courtier de la société AXA FRANCE IARD a reconnu la mobilisation de la garantie n’a pas pu interrompre un délai déjà expiré.
un courtier en assurance ne peut en aucun cas interrompre un délai de forclusion ou de prescription pour le compte d’un tiers.
la reconnaissance de garantie de l’assureur n’emporte pas reconnaissance de responsabilité de l’assuré.
Par ailleurs, elle n’a commis aucune faute dolosive permettant de rester contractuellement tenue au-delà du délai de garantie décennale puisqu’elle n’a commis aucune dissimulation ni aucune fraude à l’égard d'[D] [C].
En vertu de l’article 1792-4-3 du code civil, l’action en responsabilité civile contractuelle de droit commun des constructeurs doit être engagée dans un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux et que par conséquent, même sur ce fondement, l’action d'[D] [C] à son encontre est prescrite depuis le 27 juin 2015.
A titre subsidiaire,
la cause des désordres allégués est incertaine au regard des divergences entre le rapport d’expertise, les constatations de Monsieur [C] qui changent et se contredisent au fur et à mesure de la procédure et l’interprétation par le tribunal du rapport de la société EURISK.
si la Cour n’entendait pas retenir le caractère décennal des désordres bien que la société GARCON ETANCHEITE n’entende pas contester le caractère décennal desdits désordres, la Cour constatera que Monsieur [C] n’apporte pas la preuve de sa faute dans la réalisation de ses travaux à l’origine du désordre survenu, condition indispensable à la reconnaissance de la responsabilité contractuelle de cette dernière.
les désordres relèvent d’un défaut de conception comme constaté dans le rapport d’expertise, défaut imputable au cabinet d’architecture ARCHIPLUS, intervenu au titre de la conception de l’ouvrage de la société GARCON ETANCHEITE mais également pour le suivi d’exécution des travaux.
Monsieur [C] a aggravé les désordres allégués du fait de son inaction.
A titre infiniment subsidiaire,
Sa responsabilité doit être limitée’:
En ce qu’il n’y a aucune raison d’octroyer à Monsieur [C] une quelconque somme pour la mise en place d’une nouvelle étanchéité sous les balustres, celle-ci ayant déjà été mise en place par elle de façon efficace tel que l’a constaté la société EURISK.
En ce que [D] [C] n’est pas non plus recevable à solliciter le paiement de travaux de reprise intégrale de la terrasse avec isolation et reprise de son étanchéité pour un montant de 43 582,33 euros TTC alors que l’étanchéité des balustres a été mis en place de façon efficace.
En ce que le remboursement de la somme de 2 000 euros correspondant au montant des travaux d’étanchéité sous les balustres réalisés par ses soins accordé par le tribunal reviendrait à une double indemnisation’avec l’octroi des sommes permettant de remédier aux désordres.
Sa responsabilité doit ensuite être répartie entre elle qui a exécuté les travaux, le cabinet d’architecture ARCHIPLUS, qui a commis une erreur de conception de l’ouvrage, et [D] [C], au titre de l’aggravation des désordres résultant de son inaction.
Sur l’infirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société GARCON ETANCHEITE au paiement de la somme de 8.500 euros au titre d’un prétendu préjudice moral et de jouissance subi par [D] [C]
L’existence d’un préjudice de jouissance est parfaitement contestable pour plusieurs raisons’:
il ne peut être considéré que le cloquage de la peinture était de nature à priver [D] [C] de l’utilisation de son garage conformément à sa destination. Il n’existe donc aucun préjudice de jouissance à ce titre.
s’agissant des fissures sur les balustrades, celles-ci ne résultent pas des travaux réalisés par la société GARCON ETANCHEITE ce qu’a reconnu la société EURISK. Compte tenu de l’ancienneté de ces balustrades, il est manifeste que ces fissures étaient préexistantes à la survenance des désordres.
en tout état de cause, dans la mesure où [D] [C] a volontairement laissé s’aggraver les désordres pendant plusieurs années alors même qu’il convenait d’y mettre fin rapidement pour éviter ce phénomène, il ne peut désormais tenir la société GARCON ETANCHEITE comme responsable d’un préjudice de jouissance depuis 2013/2014 jusqu’à ce jour.
Il en va de même pour le préjudice moral’:
le préjudice résultant de l’action en justice qu’a été contrainte d’initier [D] [C] est déjà indemnisé par le biais des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sur le fondement duquel le tribunal a condamné la société GARCON ETANCHEITE au paiement de la somme de 3 000 euros.
en tout état de cause, force est de constater que la justification du tribunal ne concerne que la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société GARCON ETANCHEITE, qui aurait fait subir un préjudice moral à Monsieur [C] en refusant la prise en charge intégrale des travaux réparatoires. Ainsi, la société GARCON ETANCHEITE n’a pas à être condamnée solidairement à ce titre.
par ailleurs, le montant de 8 500 euros retenu par le tribunal n’est en rien justifié par ce dernier, tout comme le montant de 15 000 euros réclamé par Monsieur [C].
Sur la garantie de la société AXA FRANCE IARD
la société AXA FRANCE IARD ne peut dénier sa garantie au titre des dommages aux existants et des dommages immatériels aux termes de l’attestation d’assurance, de surcroît dans la mesure où elle s’est préalablement mobilisée à ce titre.
la société AXA FRANCE IARD est tenue de garantir les dommages aux existants et les dommages immatériels quand bien même sa police aurait été résiliée antérieurement à la réclamation faite à l’assuré en vertu de l’article L124-5 du code des assurances, dès lors que le fait dommageable est né avant la résiliation de la police.
Sur la demande de condamnation sous astreinte formulée à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE
la société AXA FRANCE IARD s’est d’ores et déjà prononcée sur la prise en charge des conséquences du dommage. Ainsi, on ne voit pas bien quel est l’intérêt d’une telle demande, de surcroît émanant de Monsieur [C].
en tout état de cause, si la société AXA FRANCE IARD souhaitait exercer des recours par la suite, la société GARCON ETANCHEITE indique qu’à la date de la dénonciation des désordres par Monsieur [C], le 1er février 2015, la société GARCON ETANCHEITE était assurée auprès de la société MILLENNIUM INSURANCE COMPAGNY au titre de sa responsabilité civile professionnelle.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 26 janvier 2021, la compagnie AXA FRANCE IARD demande à la Cour de’:
Vu les dispositions de l’article 1792 du code civil,
DIRE ET JUGER que son appel est recevable, justifié et bien fondé,
Y faisant droit,
REFORMER le jugement ;
DEBOUTER Monsieur [C] et la société GARCON ETANCHEITE de toute demande plus ample ;
DIRE ET JUGER que seules subsistent les garanties obligatoires de la police ;
DIRE ET JUGER en conséquence que les garanties facultatives relèvent de la garantie de l’assureur actuel de la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ ;
DEBOUTER Monsieur [C] de sa demande de dommages et intérêts pour remédier aux conséquences des désordres en tant que dirigée contre la société AXA FRANCE, et ce d’autant plus que Monsieur [C] dispose nécessairement d’une police multirisque habitation, laquelle a pour vocation de prendre en charge les conséquences des dégâts des eaux ;
DEBOUTER la société GARCON ETANCHEITE de toute demande de ce chef dirigée contre elle ;
RAMENER la demande de Monsieur [C] au titre des préjudices moral et de jouissance à la somme de 1 000 euros ;
DEBOUTER Monsieur [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices moral et de jouissance en ce qu’elle est dirigée contre la société AXA FRANCE ;
DEBOUTER la société GARCON ETANCHEITE de toutes demandes de ce chef dirigées contre elle.
À titre subsidiaire,
CONDAMNER la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ à la relever et garantir indemne de toute condamnation excédant la somme de 5 600 euros ;
CONDAMNER Monsieur [C] ou «’sic’» qui mieux devra, à lui payer à la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’assureur soutient notamment à l’appui de son appel’:
Sur la responsabilité de la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ
Qu’à la lecture du rapport d’expertise, les travaux réalisés par la société GARÇON ÉTANCHÉITÉ sont à l’origine des désordres, en ce qu’ils ont consisté à enduire les pieds de balustrade de résine, empêchant ainsi l’évaporation naturelle de l’eau, qui n’a d’autre échappatoire que le plafond du sous-sol.
Sur le montant des travaux de réparation
Que les désordres trouvent leur origine dans l’imperméabilisation des pieds de balustrades, et non dans une défaillance de l’étanchéité en partie courante ;
Que les travaux nécessaires pour remédier aux désordres consistent en la remise à nu des pieds de balustrades ;
Que la reprise globale de l’étanchéité de la terrasse est totalement inutile pour remédier aux désordres’:
Le procès-verbal de constat d’huissier produit par Monsieur [C] est constitué par plusieurs dizaines de photographies des balustres de la terrasse, toutes en mauvais, voire très mauvais état. Cela n’a donc aucun rapport avec les travaux d’étanchéité litigieux.
Ce procès-verbal de constat fait également état de quelques traces d’infiltration dans le sous-sol de la maison, déjà constatées par l’expert EURISK.
Monsieur [F], qui dit exercer le métier de « zinguerie étanchéité », ce qui apparaît curieux car les zingueurs ne sont pas étancheurs, fait état d’une absence d’isolation sous étanchéité et absence de pare vapeur, pour conclure à la présence de condensation, sauf que les constats contradictoirement effectués lors de l’expertise EURISK n’ont pas révélé l’existence d’un phénomène de condensation, et que Monsieur [C] ne s’en est jamais plaint ;
Et si tel était le cas, le phénomène serait apparu immédiatement après la réalisation des travaux de la société GARCON ETANCHEITE de 2005, et Monsieur [C] n’aurait pas attendu la dixième année pour se plaindre de cette situation.
Que la prestation de remise à nu des pieds de balustrades représente un coût de 3 600 euros TTC, tel que chiffré par la société EURISK, seul expert étant intervenu de manière contradictoire ;
Que l’offre de la société AXA FRANCE de procéder au paiement de somme de 5 600 euros entre les mains de M. [C] est satisfactoire.
Sur les demandes au titre des préjudices de jouissance et moral
Que la motivation de l’allocation de cette somme importante est pour le moins surprenante et inhabituelle, d’autant plus que le préjudice de jouissance subi était très limité.
Sur la garantie de la société AXA
Que compte tenu de la résiliation de la police d’assurance le 1er janvier 2006, seules subsistent les garanties obligatoires, et donc la réparation des seules causes des désordres en application de l’article L 241-1 du code des assurances ;
Qu’en revanche, les dommages aux existants et les dommages immatériels relèvent de la garantie du nouvel assureur de la société GARCON ETANCHEITE, dont AXA France ne connaît pas l’identité.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 3 juin 2021, Monsieur [C] demande à la Cour de’:
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
Vu encore les articles 1103 et 1104 du code civil,
Vu l’article 1231-1 du code civil,
1/ REJETER comme non-fondé et pour le moins injustifié l’appel régularisé respectivement par l’ENTREPRISE GARCON ETANCHEITE et la société AXA FRANCE IARD et REJETER en conséquence l’intégralité de leurs moyens, fins et conclusions ainsi que de leurs demandes telles que présentées à son encontre ;
DIRE ET JUGER par ailleurs la société ENTREPRISE GARCON ETANCHEITE irrecevable et, en tout état de cause infondée, en sa demande de voir limiter sa part de responsabilité à hauteur de 25 % pour prétendre retenir une part de responsabilité à l’encontre du cabinet d’Architecture ARCHIPLUS, n’étant pas partie à la procédure, pour une part de 75 %.
2/ LE RECEVOIR en son action et le déclarer bien fondé, tout comme en son appel incident.
En conséquence,
REFORMER le jugement s’agissant des travaux et montants retenus et CONDAMNER solidairement l’ENTREPRISE GARCON ETANCHEITE et la société AXA FRANCE IARD à lui payer les sommes suivantes :
47 542,33 euros TTC sur totalité des travaux de reprise, avec donc réformation du jugement entrepris sur le montant total non retenu. Outre actualisation selon indices du bâtiment BT 01 à compter de la date des devis produits, soit au 16 et 24 mars 2016 (jusqu’au 2 juillet 2020).
15 000 euros à titre de préjudice de jouissance et préjudice moral, ajouté à son préjudice matériel, dès lors que les défendeurs n’auront pas été à l’initiative pour parvenir à un règlement effectif et amiable du sinistre (jusqu’à ne pas s’acquitter du montant des condamnations mises à leur charge), avec donc également réformation du jugement entrepris sur le montant total non retenu.
5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais de première instance qui seront ajoutés aux frais irrépétibles d’appel, avec donc réformation du jugement sur le montant total non retenu outre frais en appel, outre les entiers dépens d’instance et tous frais d’exécution, outre encore au titre des dépens le coût du procès-verbal de constat du 30 octobre 2018 soit pour la somme de 462,19 euros TTC.
3/ A titre subsidiaire,
CONFIRMER le jugement et CONDAMNER solidairement l’ENTREPRISE GARCON ETANCHEITE et la société AXA FRANCE IARD à lui payer les sommes suivantes :
41 481,02 euros au titre de la réparation des désordres, outre nouvelle actualisation entre le 20 novembre 2019 et le 2 juillet 2020.
8 500 euros au titre du préjudice moral et de jouissance.
3 000 euros pour couvrir les frais de première instance au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
A titre infiniment subsidiaire, s’agissant seulement des sommes qui seront retenues comme étant à la charge de l’entreprise GARCON ETANCHEITE et de la société AXA FRANCE IARD sur réparation des désordres, dans l’hypothèse où la somme précitée de 41 481,02 euros ne serait pas confirmée par la Cour, les CONDAMNER solidairement au paiement de la somme totale d’un montant de 26 938,90 euros TTC à son bénéfice, tel que retenu au terme de l’expertise amiable contradictoire, outre même actualisation.
4/ En en tout état de cause et ajoutant au jugement entrepris,
REJETER toutes fins et argumentations contraires, comme étant irrecevables, infondées et pour le moins injustifiées, telle qu’une prétendue forclusion ou prescription de son action.
CONDAMNER solidairement l’ENTREPRISE GARCON ETANCHEITE et la société AXA FRANCE IARD à lui payer une somme de 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais irrépétibles d’appel), outre les entiers dépens d’appel.
DIRE ET JUGER enfin, s’agissant de la prise en charge par la compagnie AXA FRANCE IARD de toute condamnation dont il est demandé le bénéfice de la solidarité avec l’entreprise GARCON ETANCHEITE, que cette dernière justifie de toutes coordonnées et références de telle autre compagnie d’assurances qui devrait prendre en charge les conséquences des désordres et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification par RPVA des présentes conclusions, se réservant le pouvoir de liquidation d’astreinte.
Monsieur [C] soutient notamment à l’appui de ses demandes’:
Sur la recevabilité de son action
Qu’en application des articles 2240 et 2245 du code civil, la reconnaissance par la compagnie AXA du principe de sa garantie interrompt la prescription pour l’ensemble des dommages, matériels et immatériels, consécutifs au désordre et que contrairement à l’allégation de la société GARCON ETANCHEITE, cette reconnaissance de responsabilité était déjà effective avant l’expiration du délai de garantie décennale qu’elle retient à la date du 27 juin 2015.
Que la société GARCON ETANCHEITE a commis une faute dolosive dès lors qu’elle connaissait les désordres d’infiltration bien avant l’expiration du délai de garantie décennale, voire avant la réalisation de ses travaux, et qu’elle n’a manifestement et volontairement rien entrepris pour permettre une étanchéité parfaite de l’ensemble de la terrasse et une reprise des désordres. Et que par conséquent, elle reste contractuellement tenue à l’égard du maître de l’ouvrage même après expiration du délai de garantie décennale.
Sur le bien-fondé de son action et la réparation de l’intégralité de son préjudice
Que le rapport d’expertise, même amiable, est parfaitement opposable à la société GARCON ETANCHEITE dans le cadre du débat judiciaire dès lors qu’il a été produit contradictoirement et qu’il lui permet d’en discuter les conclusions.
Qu’à titre principal, les désordres relèvent de l’application des dispositions de l’article 1792 du code civil, l’ouvrage étant manifestement impropre à sa destination alors que la société GARCON ETANCHEITE devait réaliser précisément des travaux d’étanchéité s’agissant de désordres généralisés, notamment aux pieds des balustres sur la terrasse attenante à la maison d’habitation de Monsieur [C], cette dernière retenant elle-même la réception desdits travaux par prise de possession de l’ouvrage et règlement de sa facture.
Qu’à titre subsidiaire, la Cour retiendra la responsabilité contractuelle de droit commun de la société GARCON ETANCHEITE dont la faute et le lien de causalité avec les désordres ont été clairement établis au terme de l’expertise amiable.
Qu’en tout état de cause et comme repris ci-dessus, la Cour retiendra la faute dolosive de la société GARCON ETANCHEITE, confirmée dans ses écritures, dès lors que connaissant l’existence et la nature des désordres, elle aura volontairement attendu l’expiration du délai de garantie décennale sans permettre une reprise des désordres en son temps et ce, au préjudice du maître d’ouvrage, pour ensuite, bien opportunément dans le cadre de la présente procédure, prétendre à une prescription de son action.
Que les désordres sont bien imputables à la société GARCON ETANCHEITE qui devait réaliser des travaux exempts de vice pour permettre une parfaite étanchéité sur l’ensemble la terrasse.
Qu’il justifie des travaux de reprise nécessaires afin d’obtenir enfin une parfaite étanchéité de la terrasse, à savoir une dépose et repose des balustres outre reprise sur étanchéité de l’ensemble de la terrasse selon devis [F],
Que la société GARCON ETANCHEITE confirme expressément et par aveu judiciaire au sens de l’article 1383-2 du code civil sa responsabilité à l’égard du concluant que ce soit sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du code civil, sur celui de sa responsabilité contractuelle ou encore de sa faute dolosive en indiquant qu’elle a accepté d’intervenir sur ce chantier en connaissant l’état des balustres litigieuses et notamment l’existence des fissures.
Que le tribunal a bien relevé l’évidence d’avoir à reprendre une telle étanchéité comme ressortant d’ailleurs de l’objet initial des travaux de la société GARCON ETANCHEITE avec, par suite, remplacement des balustres fissurées, la compagnie AXA FRANCE IARD étant encore pour le moins contradictoire dans son propre chiffrage pour évoquer un coût total de travaux de reprise pour 7 758 euros et ne reprendre que sa proposition de règlement à hauteur de 5 600 euros.
Que la société GARCON ETANCHEITE est bien malvenue de prétendre qu’il serait à l’origine de l’aggravation de son préjudice ou encore qu’il n’aurait entrepris aucune démarche en vue de déterminer les causes et imputabilités des désordres.
Qu’une telle attitude, voire un tel mépris à son égard alors qu’il y a une décision de justice exécutoire participe de son préjudice depuis plusieurs années (préjudice de jouissance, préjudice moral et préjudice matériel), justifiant d’autant une somme totale de 15 000 euros et pas seulement une somme de 1 000 euros comme proposé généreusement en cause d’appel par la compagnie AXA FRANCE IARD.
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Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 21 septembre 2022 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 16 novembre 2022.
En cours de délibéré, par courrier transmis par RPVA aux conseils des parties, la Cour a sollicité leurs observations avant le 22 novembre 2022 s’agissant du délai de forclusion de l’action de Monsieur [C] à l’encontre de la SAS GARCON ETANCHEITE, soit un délai d’ordre public, alors que l’assureur du constructeur AXA FRANCE IARD, qui a conclu avant la SAS [C] ETANCHEITE, laquelle a excipé de cette fin de non recevoir, n’a pas fait de même.
Le délibéré a été de ce fait reporté au 7 décembre 2022.
Suivant courrier transmis par RPVA le 17 novembre 2022, seul le conseil de Monsieur [C] a transmis ses observations suivant lesquelles il ressort en substance que la question de la forclusion a été débattue à toutes hauteurs de la procédure et que la faute dolosive du constructeur y fait échec.
De plus, Monsieur [C] a reconnu sa faute par aveu judiciaire qui s’impose au juge. AXA FRANCE IARD n’a discuté que le quantum des demandes de travaux de reprise et demandes indemnitaires présentées pour le compte de Monsieur [C] sans évoquer une quelconque irrecevabilité.
Elle a confirmé sans aucune équivoque la responsabilité technique de la société GARCON ETANCHEITE et a confirmé sa prise en charge et garantie suivant reconnaissance de dette. Son engagement est irrévocable. Elle a procédé par aveu judiciaire. Se contredire revient à ne pas respecter le principe de l’estoppel qui empêche de se contredire au détriment d’autrui.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la recevabilité de la mise en jeu de la garantie décennale de la société GARCON ETANCHEITE
Selon l’article 1792 du code civil tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
La mise en jeu de cette présomption de responsabilité au bénéfice du maître de l’ouvrage suppose la démonstration de l’existence d’un ouvrage, d’une réception de l’ouvrage, de désordres décennaux.
Le délai de la garantie décennale est, selon l’article 1792-4-3 du même code, de 10 ans à compter de la réception. Il s’agit d’un délai de forclusion et non de prescription contrairement à ce qu’a dit le tribunal. Il n’est pas régi sauf dispositions contraires par le régime des prescription. Dès lors, il ne peut qu’être interrompu et non suspendu, la suspension ne concernant que le délai de prescription au sens de l’article 2239 du code civil.En outre,la reconnaissance par le débiteur de sa responsabilité n’est pas susceptible d’interrompre le délai de forclusion puisque cela ne concerne que le délai de prescription selon l’article 2240 du même code. Le délai de forclusion est en revanche susceptible d’être interrompu en application de l’article 2241 du code précité par une demande en justice même en référé et quand bien même l’acte de saisine serait irrégulier pour par la mise en ‘uvre d’une mesure conservatoire ou d’une voie d’exécution forcée selon l’article 2244 du code civil.
En l’espèce, aucune des parties ne remet en cause l’existence d’une réception tacite d’un ouvrage ni le caractère décennal du désordre invoqué sous forme d’infiltrations en plafond de locaux du sous-sol avec présence d’humidité non négligeable qui rend impropre l’ouvrage à sa destination.
Seule est revendiquée par le constructeur l’acquisition du délai de forclusion rendant la demande de la mise en jeu de sa responsabilité décennale irrecevable.
En l’espèce, la réception tacite a eu lieu le 27 juin 2005, jour de la remise du chèque pour paiement de l’intégralité des travaux de GARCON ETANCHEITE par Monsieur [C].
Le délai de forclusion pour agir contre ce constructeur a couru à compter de cette date jusqu’au 27 juin 2015 à minuit.
Monsieur [C] invoque en premier lieu la reconnaissance par AXA du principe de sa garantie qui aurait interrompu le délai.
Or, la reconnaissance de responsabilité ou de dette par un débiteur n’a aucun effet interruptif du délai de forclusion décennal. Au demeurant, la reconnaissance par AXA du principe de sa garantie n’est pas une reconnaissance non équivoque et expresse de son assuré la société GARCON ETANCHEITE.
En l’absence de cause interruptive du délai de forclusion, Monsieur [C] qui a assigné en justice le 22 février 2018 est forclos dans son action à l’encontre de GARCON ETANCHEITE.
Dans un second temps, Monsieur [C] a invoqué la faute dolosive de la société GARCON ETANCHEITE qui permet de mettre en jeu sa garantie légale même après expiration du délai de forclusion. La charge de la preuve de cette faute d’une intensité particulière pèse sur celui qui l’invoque.
La faute dolosive qui permet de faire échec à l’acquisition d’un délai de forclusion est une faute plus importante que la faute lourde dans l’exécution du contrat laquelle suppose un élément intentionnel de tromperie. Tel n’est ni le cas d’un défaut d’exécution ni de conception.
Monsieur [C] doit démontrer une violation délibérée et consciente de ses obligations par la société GARCON ETANCHEITE par fraude ou dissimulation.
En l’espèce, [D] [C] se borne à considérer qu’il y a faute dolosive car la société GARCON ETANCHEITE connaissait les désordres d’infiltration et qu’elle n’a manifestement et volontairement rien entrepris pour permettre une parfaite étanchéité de la terrasse avec reprise des désordres.
Ces éléments, s’ils constituent la preuve d’une mauvaise exécution de travaux qui se sont avérés insuffisants, ne sauraient constituer une violation délibérée et consciente de ses obligations par GARCON ETANCHEITE par fraude ou dissimulation.
En effet, Monsieur [C] ne rapporte pas la preuve que la société GARCON ETANCHEITE a délibérément violé les règles de l’art lors de la réalisation de l’ouvrage’ou qu’elle avait connaissance de ses erreurs lors de la réalisation de l’ouvrage, d’autant plus que son devis avait été validé par un maître d »uvre et que le chantier était également suivi par ce dernier.
Par ailleurs, le fait que la société GARCON ETANCHEITE n’ait pas repris les désordres ne saurait établir un dol dans l’exécution du contrat. Il appartenait dans ce cas à Monsieur [C] de faire jouer les garanties dans les délais légaux. En outre, il n’est produit aucun mail ou engagement précis de la part du constructeur qu’il allait effectuer les reprises. Un silence ne peut s’apparenter à un comportement de fraude ou de tromperie.
En l’absence de cause interruptive du délai de forclusion et de preuve d’une faute dolosive du constructeur, l’action en responsabilité décennale à l’encontre de GARCON ETANCHEITE est forclose.
Le dommage qui relève de la garantie légale décennale ne peut donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en responsabilité de droit commun. Les demandes d’indemnisation de Monsieur [C] à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun doivent être déclarées irrecevables en raison du non cumul d’action et de la primauté de la garantie légale.
La Cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré l’action de Monsieur [C] à l’encontre de la société GARCON ETANCHEITE recevable et statuant à nouveau déclare l’action judiciaire de Monsieur [C] aux fins de mise en jeu de sa garantie décennale irrecevable comme forclose sans examen au fond.
Les demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires de la société GARCON ETANCHEITE sont sans objet. Il en est de même des demandes principales et subsidiaires d’AXA FRANCE IARD.
Sur l’appel d’AXA FRANCE IARD
AXA FRANCE IARD était l’assureur décennal de Monsieur [C]. La police a été résiliée le 1er janvier 2006.
AXA FRANCE IARD n’a pas soulevé la forclusion de l’action en garantie décennale de son ex-assuré qui est pourtant acquise et reconnue.
Sa reconnaissance de garantie par courrier du 24 février 2016 et sa proposition d’indemnisation d’un montant de 5 600 euros est intervenue postérieurement au délai préfix de 10 ans à compter de la réception. Quoiqu’il en soit, par nature, les reconnaissances de dette n’ont pas d’effet interruptif de forclusion.
Un délai de forclusion, délai préfix, est un délai d’ordre public. Il doit, en application de l’article 125 du code de procédure civile, être relevé d’office par le juge quand bien même AXA ne s’en est pas prévalue et qu’elle n’a pas fait d’observation à la suite de la demande de la Cour en délibéré sur ce point.
Ainsi, la Cour infirme le jugement déféré et statuant à nouveau déclare l’action de Monsieur [C] à l’encontre de AXA FRANCE IARD irrecevable comme forclose.
Toutefois, la Cour constate que dans ses conclusions AXA FRANCE IARD a dit que son offre de procéder au paiement de la somme de 5 600 euros entre les mains de M. [C] est satisfactoire.
La Cour constate que GARCON ETANCHEITE a fourni son attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle à la date de sa première réclamation rendant sans objet une injonction sous astreinte.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante Monsieur [C] doit payer les entiers dépens de première instance et d’appel. Statuant à nouveau après infirmation du jugement sur les dépens, la Cour condamne Monsieur [C] à payer les entiers dépens de première instance et y ajoute ceux d’appel.
La Cour autorise la SELARL PERSEA qui en a fait la demande expresse à non pas distraire, terme qui n’est plus en vigueur depuis des dizaines d’années, mais à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
En équité, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’y a pas lieu de condamner Monsieur [C] à payer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ni à la société GARCON ETANCHEITE ni à son assureur AXA FRANCE IARD. La Cour infirme la disposition du jugement sur les frais irrépétibles.
Corrélativement, Monsieur [C] est débouté de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Déclare Monsieur [C] irrecevable comme forclos dans la mise en jeu de la garantie décennale de la société GARCON ETANCHEITE aux fins de condamnation de ce constructeur solidairement avec son assureur AXA FRANCE IARD,
Déclare Monsieur [C] irrecevable à mettre en jeu la responsabilité contractuelle de droit commun de la société GARCON ETANCHEITE,
Relève d’office la forclusion de l’action de Monsieur [C] à l’encontre d’AXA FRANCE IARD et déclare l’action de Monsieur [C] à l’encontre d’AXA FRANCE IARD irrecevable,
Déclare les demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires de la SAS GARCON ETANCHEITE et les demandes principales et subsidiaires de AXA FRANCE IARD sans objet,
Donne acte à AXA FRANCE IARD, qui n’a pas soulevé la forclusion de l’action à l’encontre de son assuré, que dans ses conclusions elle a dit comme satisfactoire son offre de indemnisation de Monsieur [C] à hauteur de 5 600 euros,
Donne acte à la société GARCON ETANCHEITE qu’elle a produit l’attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle à la date de la première réclamation rendant sans objet la demande de Monsieur [C] d’injonction de communication sous astreinte,
Condamne Monsieur [C] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Autorise la SELARL PERSEA à recouvrer directement ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
Déboute la société GARCON ETANCHEITE et AXA FRANCE IARD de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [C] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT