Droits des Artisans : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03232

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Droits des Artisans : 6 octobre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03232

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 OCTOBRE 2022

N° RG 21/03232 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UQM3

AFFAIRE :

S.N.C. BANQUE EDEL

C/

[L] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° RG : 19/03244

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.10.2022

à :

Me Véronique FAUQUANT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D’OISE

Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.N.C. BANQUE EDEL

N° Siret : B 306 920 109 (RCS Toulouse)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christine DUSAN de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 10- Représentant : Me Véronique FAUQUANT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 100 – N° du dossier 1900448, substitué par Me Pascal PIBAULT, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire 100

APPELANTE

****************

Monsieur [L] [T]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (Haiti)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Myriam MALKA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2134 – Représentant : Me Banna NDAO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 – N° du dossier 21/108

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport et Madame Florence MICHON, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat de prêt à long terme n°7019961 en date du 24 mars 2015, la SNC Banque Edel a consenti à M [L] [T] un prêt d’un montant de 162.880 € destiné à financer l’acquisition d’une licence de taxi, remboursable sur une durée de 120 mois.

A partir de mai 2018, la Banque Edel a à plusieurs reprises mis en demeure l’emprunteur de rembourser des échéances impayées. Puis elle lui a notifié la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 octobre 2018 reçue le 24 octobre 2018 pour un montant total exigible de147.492,56 €, et l’a assigné en paiement, par acte du 23 avril 2019 devant le Tribunal de grande instance de Pontoise.

Statuant sur l’action en paiement, et une demande reconventionnelle de l’emprunteur au titre de la responsabilité contractuelle de la banque, le tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement contradictoire du 16 avril 2021, a :

Condamné M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 112.338,72 € au titre du solde du prêt, avec intérêts au taux contractuel de 4,99% sur le principal de 112.006,47 € , à compter du 9 novembre 2020, date du dernier décompte,

Condamné M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 15 € au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil dans sa version applicable à la date du contrat,

Condamné la SNC Banque Edel à payer à M [L] [T] la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement à son obligation de mise en garde,

Ordonné la compensation des créances respectives de la SNC Banque Edel et de M [L] [T],

Condamné M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné M [L] [T] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 18 mai 2021, la SNC Banque Edel a interjeté appel du jugement, limité au montant de la condamnation au titre du remboursement du prêt en ce que l’indemnité de résiliation qualifiée clause pénale a été réduite à une somme de 15 €, et que la majoration du taux d’intérêts n’a pas été appliquée, et en ce qu’elle a été condamnée à verser à l’emprunteur une somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts avec compensation des créances respectives.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 15 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l’appelante demande à la cour de :

Infirmer la décision rendue par le Tribunal,

Et, statuant à nouveau

Condamner M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 107 492.58 € au titre du solde du prêt , dette arrêtée au 10 novembre 2021 avec intérêts au taux contractuel de 7,99 % et non 4,99 % sur le principal de 112.006,47 € à compter du 9 novembre 2020,

Condamner M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 13 153.84 € au titre de l’indemnité de recouvrement,

Confirmer la décision en ce qu’elle a ordonné la capitalisation des intérêts,

Débouter M [L] [T] de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes,

Débouter en toutes hypothèses, M [L] [T] de sa demande de dommages et intérêts et du surplus de ses demandes,

Condamner M [L] [T] au paiement de la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M [L] [T] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 7 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M [L] [T], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

Sur le montant de la créance de la banque :

Infirmer le jugement rendu le 16 avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de Pontoise quant au quantum, aux fins d’actualisation de la créance compte-tenu des remboursements en cours (à parfaire au jour de l’audience),

Sur l’indemnité de déchéance du terme :

Confirmer le jugement rendu le 16 avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de Pontoise, en ce qu’il condamné M [L] [T] à payer à la Banque Edel la somme de 15 € au titre de la clause pénale,

Sur le devoir de mise en garde de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Banque Edel à payer à M [L] [T] la somme de 45 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du manquement à son devoir de mise en garde, et ordonné la compensation des créances réciproques,

L’infirmer quant au quantum et, statuant à nouveau :

Condamner la Banque Edel à payer à M [L] [T] la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du manquement à son devoir de mise en garde,

A titre subsidiaire, sur les délais de paiement :

Infirmer et, statuant de nouveau, octroyer à M [L] [T] des délais de paiement, et l’autoriser à s’acquitter de sa dette en 23 mensualités de 1 500 € chacune, outre une 24ième mensualité du solde, s’il en subsiste,

En tout état de cause :

Débouter la Banque Edel de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la Banque Edel, à verser à M [L] [T] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 juin 2022.

L’audience de plaidoirie a été fixée au 7 septembre 2022 et le prononcé de l’arrêt au 6 octobre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu’elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et n’examine les moyens que pour autant qu’ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur l’action en paiement du solde du prêt

La banque conteste le jugement en ce que le tribunal a réduit le taux d’intérêts à 4,99%, alors que les conditions générales prévoyaient en cas de défaillance de l’emprunteur un taux de 7,99%, et en ce qu’ayant qualifié l’indemnité de résiliation de 10% des sommes dues de clause pénale, il l’a réduite à une somme de 15 €, sans au demeurant, caractériser en quoi l’indemnité s’avérait manifestement excessive.

Ainsi que le fait remarquer le débiteur, le montant tel que réclamé par la banque dans son assignation introductive d’instance chiffré alors à la somme de 125 492,56 € était composé d’échéances impayées, du capital restant dû à la déchéance du terme, et d’une somme de 13 153,84 € à titre d’indemnité de résiliation, le tout assorti pour l’avenir jusqu’à complet paiement d’un taux d’intérêts contractuel de 4,99% majoré de 3 points, soit un taux de 7,99%. Une demande telle qu’ainsi formulée ne pouvait prospérer dès lors d’une part que le taux d’intérêts conventionnel ne s’applique qu’au solde du prêt et non pas à l’indemnité de résiliation et que d’autre part celle-ci ne pouvait que donner lieu qu’à un décompte distinct et ne produire d’intérêts qu’au taux légal.

Par ailleurs le contrat liant les parties prévoit deux pénalités de retard distinctes, à savoir, une majoration du taux conventionnel de 3 points intitulée indemnité de retard, et une indemnité de 10% des sommes exigibles intitulée indemnité de recouvrement destinée à couvrir les pertes d’intérêts, frais et dommages pour le cas où le prêteur serait obligé de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire.

Or, au vu du décompte annexé à la décision de déchéance du terme du 19 octobre 2018, il s’avère que la banque a appliqué la majoration de 3 points sur les échéances de retard de juillet et août 2018, mais qu’elle a appliqué ensuite sur le montant total restant dû indemnité de 10% comprise, le taux conventionnel de base de 4,99%.

D’une part ainsi qu’il a été dit l’indemnité de recouvrement de 10% ne pouvait pas être incluse dans ce calcul d’intérêts, et d’autre part, il serait manifestement excessif de permettre à la banque de cumuler les deux indemnités en appliquant la majoration de retard y compris au capital restant dû, étant souligné en outre que M [T] s’est toujours efforcé de rembourser sa dette, même si ses versements ne suffisaient pas à apurer totalement son compte, et qu’en comparaison au taux de l’intérêt légal ayant cours depuis l’année 2018, le taux conventionnel de 4,99% couvre suffisamment le préjudice du créancier lié au retard de paiement. Le tribunal doit être approuvé de n’avoir pas appliqué la majoration de retard sur le solde restant dû du prêt.

En ce qui concerne l’indemnité de 10%, les termes mêmes de la convention permettent de se convaincre qu’il s’agit d’une somme prévue comme un montant forfaitaire de dommages et intérêts devant être mise à la charge de l’emprunteur pour le cas où le prêteur serait obligé de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire, et précise même le type de préjudice réparable. La qualification de clause pénale au sens de la définition ressortant de l’article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, est donc parfaitement caractérisée.

Son montant chiffré à 13 153,84 €, apparaît manifestement excessif au regard du préjudice de la banque inhérent à la résiliation anticipée du prêt, dès lors que M [T] continue à faire des règlements spontanés depuis le prononcé de la déchéance du terme, que les échéances impayées antérieures ont été affectées d’une pénalité de retard spécifique, et que le taux conventionnel de 4,99% demeurant applicable jusqu’au paiement complet de la dette, est suffisamment important pour compenser d’éventuels frais induits par un recouvrement forcé de la créance. La cour approuve donc le tribunal d’avoir réduit cette indemnité à une somme de 15€. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’actualisation de la créance compte tenu des règlements ultérieurs

Au vu du décompte le plus récent produit pas la banque, arrêté au 10 novembre 2021, que M [T] ne conteste pas utilement, en prenant en compte les règlements de M [T] jusqu’au 15 octobre 2021, le solde restant dû au titre du prêt est de 94 338,72 €. Si des règlements ultérieurs ont été enregistrés il devront nécessairement venir en déduction de la dette .

Sur le devoir de mise en garde de la banque à l’égard de M [T]

Pour statuer comme il l’a fait en reconnaissant que la banque a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle, le tribunal a considéré que M [T] n’avait pas la qualité de professionnel averti, et que même si le crédit octroyé avait pour objectif de faire passer son endettement de 65,45% à 41,28%, la mensualité de remboursement convenue de 1726,80 € pendant 120 mois était inappropriée. Les premiers juges ont à ce constat retenu que la banque avait commis une faute ayant fait perdre à M [T] une chance de ne pas contracter à l’origine de sa défaillance, qu’ils ont chiffrée à 45 000 €.

Ce faisant, le tribunal n’a pas caractérisé le manquement en tant que tel de la banque à son obligation de mise en garde.

En effet, le devoir de mise en garde est l’obligation, pour le banquier prêteur de deniers, d’alerter l’emprunteur non averti sur les risques d’endettement excessifs auxquels l’expose l’opération de crédit envisagée eu égard à ses capacités financières.

Par conséquent, une fois en présence d’un emprunteur non averti demandant un financement présentant un risque d’endettement spécifique au regard de sa situation économique et patrimoniale, s’il peut être conclu que la banque était débitrice d’une obligation de mise en garde contre le risque encouru, la responsabilité de cette dernière n’est cependant engagée que si elle ne parvient pas à démontrer qu’elle s’est acquittée de cette obligation.

En l’espèce, la banque soutient non sans se contredire, tout à la fois que les conditions requises n’étaient pas remplies à savoir que M [T] de par la formation reçue et son expérience professionnelle devait être considéré comme un emprunteur averti auquel elle ne devait pas de mise en garde particulière, et qu’elle s’est acquittée à son égard de son obligation de mise en garde et de prudence, d’une part en refaisant avec lui son prévisionnel pour bien intégrer les risques liés à cette profession, que l’emprunteur avait négligés, faisant ainsi ressortir son taux d’endettement à 41%, alors que les perspectives de travail de M. [T] manifestement trop optimistes, tendaient à faire apparaître un taux d’endettement de 25.76 %, et d’autre part, M [T], qui a fait instruire sa demande de prêt par la société Taxi Consulting, société spécialisée dans la recherche de financements à destination des personnes s’apprêtant à devenir artisans taxi, a signé lors de la négociation du prêt une lettre de mise en garde, lui rappelant les risques encourus par lui au niveau financier en changeant de statut pour devenir artisan taxi à son compte (pièce 23).

De son côté, M [T], revendiquant la qualité de « client » non averti en faisant observer que ce n’est pas la formation de 5 jours dispensée par le Centre National de Formation des Taxis qui était de nature à lui inculquer l’expérience de la gestion et des opérations bancaires pouvant suffire à lui conférer une qualité d’emprunteur averti, et ne répondant pas aux arguments adverses sur la mise en garde prodiguée par la banque, fait seulement valoir qu’avec un revenu annuel moyen de 8 970, 25 €, soit un revenu mensuel de 747, 52 €, il apparaissait totalement irréaliste de préjuger d’une capacité de remboursement d’échéances d’un montant de 1 726,80 €, et qu’il aurait donc été privé de la chance de ne pas contracter. Son appel incident porte sur le montant de l’indemnisation de son préjudice qu’il demande à la cour de réévaluer à une somme de 100 000 €, sans toutefois tenter de justifier que ce montant de réparation de son préjudice serait plus adapté que les 45 000 € alloués par le tribunal.

Ceci étant exposé, la cour retient avec le tribunal que M [T], même professionnel de la profession de chauffeur de taxi depuis plusieurs années et pourvu de la capacité professionnelle d’exercice requise, ne peut être qualifié d’emprunteur averti au regard du milieu des affaires, d’une part, et d’autre part, que connaissant sa solvabilité et son niveau d’endettement préalable à l’opération envisagée, les conditions étaient remplies pour faire naître à la charge de la banque une obligation de mise en garde contre le risque d’endettement auquel l’exposait le financement de sa licence de taxi accompagnant un changement de statut économique et commercial. La Banque Edel ne peut pas sérieusement le contester, puisqu’elle offre de démontrer à quel point elle a pris en compte le risque encouru, redéfini avec M [T] les cibles à atteindre pour être capable de rembourser son crédit, et donc convenablement rempli à son égard son devoir de mise en garde.

Il convient de rappeler que la banque, n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client, en particulier en lui faisant renoncer à son projet professionnel. Soit elle estimait que le crédit sollicité ne présentait aucune garantie de remboursement et elle refusait son financement, soit après une étude fine du projet et de sa faisabilité, elle signifiait au client son accord de financement, mais en l’informant clairement des contraintes inhérentes à son nouveau statut et des objectifs de chiffre d’affaires minimum à atteindre pour parvenir à couvrir toutes ses charges, de façon à ce que l’emprunteur s’engage en toute connaissance des risques par lui encourus. La banque n’a à cet égard qu’une obligation de moyens.

Or, elle établit qu’elle n’a pas validé le plan de solvabilité qui avait été soumis par M [T] à l’appui de sa demande de financement (pièce n°3 de la banque). Elle a attiré son attention sur le fait qu’il n’était pas réaliste pour lui de prévoir de travailler 26 jours par mois, ou 312 jours par ans avec un revenu annuel envisagé à hauteur de 90 480 €, et qu’il était plus prudent de d’envisager son activité sur 252 jours par ans, pour tenir compte du risque maladie, accident, immobilisation du véhicule.

C’est donc dans l’intérêt de M [T], et afin de mieux l’alerter sur les objectifs économiques à cibler pour parvenir à couvrir ses charges comprenant celle de remboursement du prêt, que le taux d’endettement a été calculé à hauteur de 41,28%.

Par ailleurs, le tribunal ne semble pas avoir tenu compte de la pièce 23 de la Banque Edel qui est la lettre de mise en garde personnalisée dont M [T] a été destinataire et qu’il a signée le 13 novembre 2014 après l’étude de son projet par la société Taxi Consulting, l’alertant des efforts qui seront à poursuivre sur la durée en anticipant les aléas qui reposeront entièrement sur lui une fois qu’en sa qualité d’artisan il deviendrait chef de son entreprise (pannes ou accidents de son véhicule, empêchement de travailler, perte de ses points de permis de conduire, retrait de sa licence par la préfecture’).

Et après rééxamen de son étude de solvabilité, M [T] a donné son consentement au prêt proposé par la banque en signant le contrat après y avoir porté la mention manuscrite suivante « après avoir pris connaissance des conditions particulières et générales, je reconnais avoir reçu toutes les explications nécessaires me permettant de déterminer que ce contrat de prêt est adapté à mon besoin et ma situation financière et m’engage à tout mettre en ‘uvre pour respecter mon prévisionnel de chiffre d’affaires que j’ai établi et contresigné ».

La banque démontre ainsi qu’elle a satisfait à son obligation de mise en garde contre le risque d’endettement excessif en informant M [T] de façon adaptée à son niveau de connaissance préalable de la profession de chauffeur de taxi qu’il exerçait depuis de nombreuses années, et des contraintes inhérentes au nouveau statut qu’il se proposait d’adopter, tant sur la prudence à intégrer dans la planification comptable de l’activité que sur les objectifs de chiffre d’affaires à atteindre pour rentabiliser son investissement, et que M [T] s’est engagé en connaissance de cause. Il est d’ailleurs parvenu globalement à respecter son engagement jusqu’en 2018, ce qui consolide la démonstration selon laquelle ce n’est pas un manque de mise en garde au moment de la conclusion du contrat qui est à l’origine de sa déconfiture.

La responsabilité de la banque ne saurait dès lors être engagée, et le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la Banque Edel à verser à M [T] une indemnité de 45 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de délais de paiement

M [T] ne produit pas davantage devant la cour qu’en première instance de justificatifs de sa situation économique et financière actuelle permettant d’apprécier ses perspectives de remboursement de sa dette dans un délai de 2 ans, imparti par l’article 1343-5 du code civil. Même s’il verse des acomptes de 1500€ par mois depuis 2019, ils sont insuffisants à apurer le solde du principal qui resterait dû à l’issue. Les délais sollicités ne peuvent donc pas lui être accordés, le jugement méritant confirmation sur ce point.

Par conséquent, ses demandes complémentaires tendant à une imputation prioritaire des versements sur le capital et une réduction des intérêts au taux légal sont dépourvues de fondement juridique.

M [T] supportera les dépens d’appel et l’équité commande d’allouer à la SNC Banque Edel une somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la Banque Edel à verser à M [L] [T] une indemnité de 45 000 € à titre de dommages et intérêts au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde, et ordonné compensation ;

Statuant à nouveau sur ce point,

Déboute M [L] [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions soumises à l’effet dévolutif de l’appel, sauf au titre du quantum du montant de la créance représentant le solde du prêt ;

Réformant de ce chef et y ajoutant,

Condamne M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 94 338,72 € au titre du solde du prêt arrêté au 10 novembre 2021, avec intérêts au taux contractuel de 4,99% à compter de cette date correspondant au dernier décompte ;

Condamne M [L] [T] à payer à la SNC Banque Edel une indemnité de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne M [L] [T] aux dépens d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller pour le Président empêché et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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