VC/PR
ARRET N° 615
N° RG 20/02335
N° Portalis DBV5-V-B7E-GDFX
S.A.S. VM DISTRIBUTION
C/
[M]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 octobre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHE-SUR-YON
APPELANTE :
S.A.S. VM DISTRIBUTION
N° SIRET : 337 587 422
[Adresse 2]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Servane JULLIÉ de la SELARL CAPSTAN OUEST, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Monsieur [K] [M]
né le 24 janvier 1981 à [Localité 5] (80)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 22 juin 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– RENDU PAR DÉFAUT
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SAS VM Distribution, ayant une activité de négoce de matériaux de construction et de produits pour l’aménagement de l’habitat, appartenant au groupe Hérige, a embauché M. [K] [M], par contrat à durée indéterminée, à compter du 23 avril 2017, en qualité de responsable de la salle d’exposition, statut employé, niveau III, échelon B de la convention collective du négoce de matériaux de construction.
M. [M] a exercé ses fonctions à l’agence du [Localité 6] (85) sous l’autorité de M. [W] [D], directeur du point de vente.
Le 7 juin 2019, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 20 juin 2019 à un éventuel licenciement.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juin 2019, la société VM Distribution a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave.
Le 4 juillet 2019, M. [M] a écrit à son employeur en contestant les faits retenus contre lui dans la lettre de licenciement.
Contestant son licenciement, M. [M] a saisi, par requête reçue le 27 août 2019, le conseil de prud’hommes de la Roche Sur Yon afin d’obtenir le paiement de diverses indemnités et des dommages et intérêts.
Par jugement du 8 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement de M. [M] ne reposait sur aucune cause grave ni sur aucune cause réelle et sérieuse,
– condamné la société VM Distribution à M. [M] les sommes suivantes :
* 4.150 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (2 mois),
* 415 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 1.123,96 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 6.200 euros net au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail,
* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi,
– débouté M. [M] de sa demande de remboursement des frais engagés sur la base des frais kilométriques,
– débouté la société VM Distribution de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– condamné la société VM Distribution aux dépens, y compris les frais éventuels de recouvrement de la décision.
Le 20 octobre 2020, la société VM Distribution a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant débouté M. [M] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice subi et de remboursement des frais engagés sur la base des frais kilométriques.
Le 3 décembre 2020, la société VM Distribution a fait signifier à M. [M] sa déclaration d’appel (dépôt à étude).
Par conclusions signifiées le 19 janvier 2021 à M. [M] (dépôt a étude) et remises au greffe le 12 janvier 2021 par le RPVA, la société VM Distribution demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris dans les limites de la déclaration d’appel et de :
– dire que le licenciement de M. [M] pour faute grave est justifié,
– débouter M. [M] de ses demandes subséquentes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts de 2.000 euros pour préjudice moral et de sa demande de remboursement des frais de trajet engagés d’un montant de 39,36 euros,
– débouter M. [M] du surplus de ses demandes,
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu’en mars 2019, seul M. [D], supérieur hiérarchique de M. [M] a été informé de quelques faits qui seront ensuite reprochés à M. [M]. Elle insiste sur le fait que M. [D] n’avait aucun pouvoir disciplinaire sur le salarié, contrairement à M. [S], directeur des ressources humaines. Elle fait observer que M. [S] a eu connaissance des faits reprochés à M. [M] le 29 mai 2019 et que la convocation du 7 juin 2019 à l’entretien préalable a eu pour effet de suspendre le délai de prescription de 2 mois. Elle en conclut que le salarié ne peut invoquer la prescription des faits fautifs prévue par l’article L.1332-4 du code du travail.
Elle rappelle qu’en application de l’article L.1153-1 du code du travail, les agissements sexistes, les propos déplacés et attitudes inconvenantes sont constitutifs d’une faute grave, que l’article 1153-6 du même code prévoit la possibilité d’une sanction disciplinaire pour tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel, et que selon les articles L.4121-1, L.1152-4 et L.1153-5 du code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à protéger la santé des salariés notamment en prévenant les agissements de harcèlement moral et sexuel. Elle fait valoir que M. [M] a eu des attitudes déplacées et des propos inconvenants à l’égard d’une salariée vulnérable, un comportement déplacé et grivois avec d’autres collègues de travail mais également avec une cliente. Elle ajoute que M. [M] n’a pas respecté les consignes qui lui avaient été données et a commis diverses négligences.
Elle s’oppose enfin à toutes les demandes financières présentées par M. [M].
M. [M] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 22 juin 2022 lors de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 6 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas saisie des chefs du jugement ayant débouté M. [M] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et de remboursement des frais engagés sur la base des frais kilométriques, aucun appel ni principal ni incident n’ayant été formé sur ces deux points.
2. Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d’autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n’auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.
La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.
Lorsque le motif allégué n’est pas le motif réel du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Enfin, il appartient au juge d’apprécier la nature de la faute invoquée par l’employeur. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
La loi impose que l’employeur prenne rapidement une décision après la découverte des faits et l’article L.1332-4 du code du travail prévoit ‘qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales’. L’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir (Soc., 23 juin 2021, pourvoi n° 19-24.020). Il est en outre acquis que l’employeur peut prendre en considération des faits antérieurs à ce délai de deux mois dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai. Par ailleurs, le délai de deux mois ne court qu’à compter du jour où l’employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés au salarié.
En l’espèce la lettre de licenciement de M. [M] du 28 juin 2019 est ainsi libellée :
« En premier lieu, nous vous reprochons d’avoir eu un comportement trop familier, à plusieurs reprises.
Suite à un litige avec une cliente (Madame [L]), qui a un trop perçu de marchandises, cette dernière entre en contact avec Monsieur [D]. Le 27 mai 2019, il la reçoit avec son conjoint dans son bureau afin d’avoir un échange et de solutionner le problème.
C’est alors que Madame [L] lui apprend qu’environ un an auparavant, vous avez eu un comportement déplacé à son égard. Plus tard, elle fournira une copie des SMS que vous lui avez adressés sur son téléphone personnel.
Il ressort une insistance de votre part à vous rendre sur son chantier.
D’une part, ce n’est pas votre rôle de vous déplacer sur le chantier d’une cliente, et d’autre part, il n’est pas autorisé de récupérer un numéro de téléphone personnel dans la base informatique des clients de l’entreprise.
Lorsque les clients se sont présentés à l’agence le 14/02/2019 pour passer leur dernière commande, vous vous êtes invité à déjeuner avec eux, sans qu’ils ne vous le proposent. Le conjoint de Madame [L] a dit qu’il avait dû « vous recadrer » en vous indiquant que vous dépassiez les limites de la courtoisie.
Ajouté à cela, nous avons découvert que vous continuez à adopter un comportement déplacé avec l’une des vendeuses. Ayant été alerté début mars 2019 par une collaboratrice, Monsieur [D] vous avait reçu en entretien informel afin de vous demander d’être plus respectueux et de garder vos distances avec cette personne.
En effet, vous lui posiez des questions trop personnelles et intrusives, commentiez ses tenues, sa façon d’être’. Malgré cela la situation a perduré.
La personne concernée a tellement souffert de la situation qu’elle nous a informés venir au travail « la boule au ventre » et avoir très sérieusement pensé à arrêter la collaboration en raison de votre comportement qu’elle ne supportait plus.
A juste titre, il n’est pas digne d’un responsable hiérarchique d’appeler sa collaboratrice « chouchou » ou de lui dire « j’ai envie de te faire un câlin et de te serrer dans mes bras comme ma fille ».
Lors de l’entretien vous avez répondu que vous étiez comme cela avec tout le monde et que cela n’était pas gênant.
Votre familiarité s’est également manifestée à l’égard de Madame [B], notre contrôleuse de gestion, en lui tenant des propos à caractère sexiste. Lors de la venue de cette dernière sur le point de vente, vous lui avez dit « ne t’inquiète pas [A], je ne mate pas ton cul » alors qu’elle quittait le point de vente pour prendre son véhicule. Lors de l’entretien, vous avez dit ne pas vous en souvenir.
Ce genre de remarque est complément déplacée et irrespectueuse et nous ne pouvons pas l’accepter.
En second lieu, nous avons constaté des manques de rigueur et de respect des consignes dans l’exercice de vos missions ayant entraîné des répercussions financières pour l’entreprise et une image dégradée de notre enseigne.
Courant 2018, Monsieur [V] [I], artisan carreleur, a réalisé des travaux de qualité médiocre au sein du point de vente (box). Dès lors, Monsieur [D] a donné la consigne de ne plus recommander cet artisan à nos clients pour leurs travaux.
Malgré cela, fin février 2019, vous avez indiqué les coordonnées de cet artisan à Madame [O]. Cette dernière a fait effectuer ses travaux avec Monsieur [I] suite à vos conseils.
Le 3 mai 2019, elle est venue sur le point de vente afin de se plaindre à vous de la mauvaise prestation de ce dernier. A ce stade, vous auriez dû prévenir votre responsable du problème mais vous avez préféré tenter de gérer seul ce dossier litigieux. Ainsi, le samedi 4 mai, vous vous êtes rendu chez la cliente à 14 h.
D’une part, vous n’avez pas à vous rendre chez les clients, et d’autre part vous n’étiez pas à votre poste de travail pendant ce temps, contrairement à vos obligations contractuelles.
Vous avez indiqué à la cliente que son chantier était mal fait et que l’artisan allait revenir pour réparer ses erreurs. Le 21 mai le carreleur s’est engagé à revenir mais au jour de l’entretien, soit un mois après, rien n’a été fait’ Dans ce dossier, nous vous reprochons de ne pas avoir respecté les consignes de votre hiérarchie, de ne pas avoir communiqué avec votre hiérarchie et d’avoir indirectement engendré le mécontentement d’une cliente.
Par ailleurs, en fin d’année dernière, vous avez mal renseigné une feuille de choix pour les clients VALMARY. Lors de la pose de leur carrelage ce mois-ci, les clients ne se sont pas retrouvés avec ce qu’ils avaient demandé sur le descriptif du calepinage. Il a fallu passer une nouvelle commande et faire un geste commercial de 350 € HT.
De plus, en juillet dernier, vous avez également mal renseigné une feuille de choix, pour la cliente Madame [N]. Une fois le sol posé par l’artisan (ce mois-ci), les clients ont la très mauvaise surprise de constater que le sol posé n’était pas celui qu’ils avaient commandé. Ils font alors preuve d’une grande compréhension et acceptent de garder le sol posé.
Le carreleur poursuit alors son travail et les clients découvrent alors que le listel n’est pas le bon. Deux erreurs pour la même commande ont un impact très négatif pour l’image de l’entreprise. Le listel est cassé et remplacé par une bande aluminium (payée par VM).
Les clients sont, à juste titre, très mécontents de la situation et demandent un geste commercial conséquent. Il a été convenu avec eux d’une remise de 900 euros sur leur projet de terrasse. Dans l’attente de la pose de celle-ci, les clients refusent de payer leur carreleur (Ligne Carrée). Cela nous met dans une position très embarrassante car Ligne Carrée est l’un de nos plus gros partenaires et il doit patienter pour être payé de ses 18.000 € en raison de votre manque de rigueur.
En outre, il a été répété à maintes reprises à l’ensemble des collaborateurs de la salle carrelage que toutes les commandes pour du carrelage en Italie devaient impérativement être passées par mail. Or, le 06/06/2019 vous avez passé une commande de carrelage en Italie par Fax.
Lorsque le client, le 15/06/2019, a joint le point de vente pour savoir où en était sa commande, l’une de vos collègues s’est alors aperçu de votre erreur. La commande n’ayant pas été correctement passée, elle a dû rectifier cela. Dans ce dossier, vous n’avez pas respecté la consigne qui était de passer la commande par mail, et a posteriori, vous n’avez pas vérifié où en était celle-ci. Là encore, c’est le client qui subit votre manque de rigueur et doit patienter trois semaines de plus pour recevoir son carrelage.
Pour les griefs évoqués ci-dessus, nous avons pris la décision de prononcer votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnités […]».
La société VM Distribution a donc poursuivi le licenciement de M. [M] pour faute grave en lui reprochant d’une part un comportement trop familier, déplacé voire irrespectueux, à plusieurs reprises à l’égard de clientes et de salariées et d’autre part un manque de rigueur et de respect des consignes ayant entraîné des répercussions financières pour l’entreprise et une image dégradée de l’enseigne.
La cour constate que l’employeur n’a eu une connaissance exacte de l’ampleur des faits reprochés à M. [M] que le 27 mai 2019 lorsque Mme [L] s’est présentée sur le point de vente accompagnée de son époux, qu’elle a été reçue par M. [D] et qu’elle a évoqué un comportement déplacé que M. [M] a eu à son égard l’année précédente, de sorte que l’engagement de la procédure de licenciement dans le délai de deux mois soit le 7 juin 2019, permettait à la société VM Distribution de reprocher à M. [M] des faits antérieurs de même nature, sans encourir la prescription de l’article L.1332-4 précité. Il en va de même s’agissant du reproche tenant au non-respect des directives puisque ce n’est que le 3 mai 2019, date non contestée par M. [M], que Mme [O] s’est présentée à l’agence du [Localité 6] pour se plaindre des travaux effectués par M. [I], artisan carreleur. Ainsi contrairement à ce qu’a pu retenir le conseil de prud’hommes dans sa motivation, aucun des faits invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement n’est prescrit.
Sur le fond, la société VM Distribution ne produit aucun élément suffisamment probant pour établir les faits de négligence professionnelle dans le renseignement des feuilles de choix pour les clients Valmary et la cliente Mme [N]. L’employeur ne démontre en outre pas que M. [M] aurait passé une commandé en Italie par fax le 6 juin 2019 et qu’une collègue aurait dû rectifier l’erreur postérieurement.
En revanche, pour justifier les autres faits reprochés à M. [M], la société VM Distribution produit :
– le mail du 29 mai 2019 que M. [W] [D], directeur du point de vente du [Localité 6], a adressé à M. [P] [R] en lui relatant deux séries de faits imputés à M. [M]. Il explique ainsi qu’en mars 2019, Mme [Z] [T], apprentie âgée de 19 ans, lui avait avoué qu’elle trouvait M. [M] ‘trop encombrant et envahissant dans son intimité et vie privée’ et qu’elle trouvait ‘ces questions et son comportement intimistes, dérangeantes, un peu déplacés et se sentait harcelée.’ Il précise avoir reçu dès le lendemain M. [M] pour recueillir ses explications et lui avait rappelé ‘la posture qu’il devait avoir auprès de l’équipe’. Il expose par ailleurs que le 27 mai 2019, des clients se sont présentés à l’agence (dont il n’est pas contesté qu’il s’agit de M. et Mme [L]) et qu’ils ont expliqué que l’année précédente M. [M] avait récupéré le numéro de téléphone de Mme [L] sur la base de données de la société, qu’il lui avait envoyé un sms pour la retrouver sur le chantier à la fermeture du point de vente et que Mme [L] a évoqué des faits de harcèlement pendant l’entrevue,
– un échange de SMS intervenu le 26 mai 2017, dont M. [M] ne conteste pas, ni en cause d’appel ni dans sa lettre de contestation du 4 juillet 2019, être l’un des auteurs, son interlocuteur étant Mme [L], ce qui n’est pas plus contesté. Il en résulte que M. [M] a effectivement été insistant pour se rendre sur le chantier alors que Mme [L] lui indiquait ‘il n’y a pas grand chose à voir’, M. [M] répondant ‘Vous deviez payer l’apéro lol’,
– l’attestation de Mme [Z] [T], apprentie, datée du 18 juillet 2019, qui relate plusieurs comportements de M. [M] à son égard qui l’ont conduit à penser, en mars 2019, quitter son BTS en raison de son profond malaise. Elle expose qu’elle faisait parfois des jeux de rôle avec M. [M], elle jouant la vendeuse et lui le client, qu’en novembre ou décembre 2018, M. [M] l’a ‘dirigée vers l’un des box le plus reculé de la salle pour me faire une simulation d’un client ‘un peu trop collant ou insistant’ en me faisant remarquer l’attitude que je devais avoir face à un tel comportement. Sauf que cette mise en situation m’a mis relativement mal à l’aise car il ‘me bloquait’ au fond du box sans que je puisse sortir pendant 1 à 2 mn et il fallait que je le repousse car il s’approchait de moi’. Elle ajoute que M. [M] s’est montré de plus en plus familier avec elle en cherchant à lui faire raconter ‘ce qu’il se passait dans ma vie de couple’, ce qu’elle ne supportait plus. Elle affirme qu’il a commencé à avoir des propos déplacés ‘envers ‘mes fesses’, disant qu’elles rentraient ‘dans le calibre’ en les mesurant avant un signe de main (le pouce et l’auriculaire levé et les trois autres doigts pliés)’, qu’il lui disait qu’elle était ‘mignonne’, qu’il l’appelait ‘ma chouchou’. Elle raconte qu’un jour où M. [M] est venu la chercher à son domicile pour l’amener au travail, elle s’est sentie mal à l’aise quand elle s’est baissée pour attraper son téléphone dans son sac à ses pieds et que M. [M] lui a dit ‘Ne te penche pas trop, les gens vont croire qu’il se passe quelque chose’. Elle explique également qu’un autre jour, M. [M] lui a dit ‘si tu avais 20 ans de plus, je te mettrais facilement dans mon lit’ et ‘ça reste entre nous’. Elle précise enfin qu’après que M. [D] ait reçu M. [M] en mars 2019, M. [M] s’est excusé tout en lui disant ‘de toute façon tu n’est pas mon style de fille’,
– un mail du 7 février 2019 envoyé par M. [M] à Mme [T] indiquant uniquement ‘je te kiffe ma chouchou’,
– l’attestation de Mme [A] [B], contrôleur de gestion carrelage, établie le 22 juillet 2019, qui indique que le 8 janvier 2019, M. [M] lui avait dit ‘Non t’inquiète pas [A] on ne regarde pas tes fesses’. Elle explique ne pas avoir prêté attention à cette remarque en pensant que c’était de l’humour, mais avoir ensuite relaté ce fait à M. [D] le 18 juin 2019 soit deux jours avant la tenue de l’entretien préalable au licenciement de M. [M].
Si l’employeur ne démontre effectivement pas que le 14 février 2019, M. [M] se serait invité à déjeuner avec les époux [L] et que Mme [L] avait dû le ‘recadrer’, puisqu’aucun élément n’est produit en ce sens et que les bulletins de salaire de M. [M] confirment que ce dernier était en congés à la date indiquée, il n’en reste pas moins que les autres faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement concernant son comportement familier déplacé avec Mme [L] et certaines salariées est établi. Il doit en outre être rappelé que l’employeur est tenu, en application des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, de prévenir et de mettre un terme à tous les risques pour la santé de ses salariés et que les agissements sexistes au travail sont totalement prohibés conformément à l’article L.1153-1 du code du travail. Or, M. [M] a fait preuve non seulement d’un comportement extrêmement familier à l’égard d’une cliente, Mme [L], mais a également eu des agissements sexistes répétés à l’encontre de Mme [T], qui de par son âge et son statut dans l’entreprise, était dans une situation de plus grande vulnérabilité que tout autre salarié. L’attestation de Mme [B] a pu avoir un comportement tout aussi déplacé à l’encontre de cette salariée. Or, ce comportement familier et sexiste est d’une gravité suffisamment importante et rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise justifiant ainsi la rupture immédiate du contrat de travail de M. [M]. A cela s’ajoute le fait que M. [M] n’a pas respecté les directives données par son employeur de ne plus recommander M. [I], artisan carreleur, aux clients de la société. En effet, Mme [F] [Y], vendeuse conseil, et M. [J], vendeur, attestent en effet tous deux qu’il avait été demandé de ne plus travailler avec M. [I] en raison de problèmes à répétition et Mme [G] [O], cliente, atteste avoir passé commande de carrelage chez VM Distribution le 12 mars 2019, M. [M] lui conseillant alors de faire appel à M. [I] pour la pose du carrelage, ce qu’elle a fait (Mme [O] expliquant ensuite qu’il y a eu des problèmes sur son chantier imputables à M. [I]).
Par conséquent, la cour considère que le licenciement pour faute grave de M. [M] était justifié et ce que c’est à tort que le conseil de prud’hommes l’a déclaré sans cause réelle et sérieuse et a fait droit aux demandes indemnitaires du salarié. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en toutes ses dispositions dont il a été relevé appel par la société VM Distribution.
3. M. [M] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d’appel. Il serait en outre inéquitable de laisser supporter à la société VM Distribution l’intégralité des frais exposés pour les besoins de sa défense. M. [M] est ainsi condamné à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 8 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de La Roche-Sur-Yon en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [K] [M] ne reposait sur aucune cause grave ni sur aucune cause réelle et sérieuse,
– condamné la société VM Distribution à M. [K] [M] les sommes suivantes :
* 4.150 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (2 mois),
* 415 euros brut au titre des congés payés afférents,
* 1.123,96 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 6.200 euros net au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l’article L.1235-3 du code du travail,
* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société VM Distribution de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– condamné la société VM Distribution aux dépens, y compris les frais éventuels de recouvrement de la décision,
Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,
Dit que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave,
Déboute M. [K] [M] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
Déboute M. [K] [M] de sa demande d’indemnité de licenciement,
Déboute M. [K] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Condamne M. [K] [M] à payer à la SAS VM Distribution la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [M] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,