N° de minute : 244/2022
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 6 octobre 2022
Chambre civile
Numéro R.G. : N° RG 21/00053 – N° Portalis DBWF-V-B7F-RYL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 février 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :19/109)
Saisine de la cour : 20 février 2021
APPELANT
S.C.I. VAKY, représentée par son gérant en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas MILLION, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.A.R.L. ENTRABAT, représentée par son gérant en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH,,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l’article R 123-14 du code de l’organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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Le 13 septembre 2005, il a été procédé à l’immatriculation d’une société civile immobilière dénommée Vaky, dont M. [E] et Mme [U] sont les gérants.
Le 21 mars 2007, il a été procédé à l’immatriculation d’une société à responsabilité limitée, dénommée Entrabat, dont M. [E] est le gérant.
Par acte notarié reçu le 12 février 2009, la Sci Vaky est devenue propriétaire d’une parcelle sise à [Adresse 2], portant le numéro d’inventaire cadastral [Cadastre 1], sur laquelle ont été bâtis une maison d’habitation et un dock.
Par acte sous seing privé en date du 27 février 2009, la Sci Vaky a donné en location à la société Entrabat le « dock à usage professionnel de 282 m² » pour une durée d’un an « renouvelable au 28 février 2010 pour une durée indéterminée », à compter du 1er mars 2010, moyennant un loyer de 120.000 FCFP, indexé sur l’indice du bâtiment de Nouvelle-Calédonie.
Selon jugement du 6 août 2012, la société Entrabat a été placée en redressement judiciaire. Le 20 mars 2013, le plan de redressement de cette société a été adopté.
M. [E] et Mme [U], qui vivaient en concubinage, se sont séparés en 2016.
Selon requête introductive d’instance déposée le 7 janvier 2019, la société Vaky, affirmant que la société Entrabat avait loué le dock entre mars 2009 et mars 2012 moyennant un loyer de 120.000 FCFP et qu’elle s’était maintenue dans les lieux après le mois de mars 2012 sans régler le moindre loyer, a poursuivi la société Entrabat devant le tribunal de première instance de Nouméa pour obtenir le paiement d’une somme de 6.600.000 FCFP au titre des loyers échus et impayés entre août 2012 et mars 2016.
La société Entrabat s’est opposée à cette demande en arguant de sa prescription et en indiquant que le dock avait été loué par une société tierce à compter du 1er avril 2012. A titre reconventionnel, elle a sollicité le paiement d’un solde de travaux.
Par jugement en date du 8 février 2021, la juridiction saisie a :
– fait droit à la fin de non-recevoir opposée par société Entrabat et déclaré irrecevable l’action en paiement des loyers initiée par la Sci Vaky à l’encontre de la société Entrabat pour la période allant d’août 2012 au 7 janvier 2014,
– rejeté la fin de non-recevoir opposée par la Sci Vaky et déclaré recevable la demande reconventionnelle en paiement des factures initiée par la société Entrabat,
– débouté la Sci Vaky de sa demande tendant au paiement de loyers par la société Entrabat entre le 7 janvier 2014 et le mois de mars 2016,
– condamné la Sci Vaky à payer à la société Entrabat la somme de 5 749 066 FCFP au titre du solde des factures n° 16-06/ES/04 du 26 juin 2016, n° 16-09/ES/03 du 15 septembre 2016 et n° 16-11/ES/05 du 9 novembre 2016, correspondant à des travaux effectués sur le bien immobilier appartenant à la Sci Vaky, avec intérêt légal à compter du 11 novembre 2019, date de la demande reconventionnelle,
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,
– condamné la Sci Vaky à payer à la société Entrabat la somme de 100 000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sci Vaky aux entiers dépens, avec distraction au profit de la selarl Auplat- Gillardin,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Le premier juge a principalement retenu :
– que la requête ayant été déposée le 7 janvier 2019, la demande en paiement des arriérés de loyers antérieurs au 7 janvier 2014 était prescrite en application de l’article 2224 du code civil,
– que la bailleresse devait être déboutée de sa demande en paiement de loyers pour la période ultérieure au 7 janvier 2014 dans la mesure où la société Entrabat démontrait que la société ACGM avait loué le dock litigieux à compter d’avril 2012 et qu’elle n’avait donc plus la qualité de locataire et où la demanderesse ne démontrait pas que son adversaire avait continué à exploiter son fonds de commerce sur son terrain après le mois de janvier 2014,
– qu’aucune prescription ne pouvait être opposée à la société Entrabat qui réclamait le paiement de factures émises en 2016,
– que la réalité des prestations facturées était établie.
Selon requête déposée le 20 février 2021, la Sci Vaky a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions transmises le 2 mars 2022, la Sci Vaky demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, hormis en ce qu’il a retenu la prescription des demandes de la Sci Vaky relatives aux loyers compris entre août 2012 et le 7 janvier 2014 ;
– condamner la société Entrabat à payer à la Sci Vaky la somme de 4.050.000 FCFP au titre des loyers échus et impayés entre janvier 2014 et mars 2016, majorée des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête ;
– débouter la société Entrabat de sa demande reconventionnelle au paiement des factures émises par cette dernière ;
– condamner la société Entrabat à rembourser à la société Vaky la somme de 500.000 FCFP déjà payée au titre de ses trois factures ;
subsidiairement,
– dire et juger que la réclamation de la société Entrabat au titre de ses factures est prescrite à hauteur de la somme de 2.152.421 FCFP ;
– condamner la société Entrabat à la société Vaky la somme de 300.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de la selarl Milliard-Million.
Selon conclusions déposées le 7 mars 2022, la société Entrabat prie la cour de :
– débouter la Sci Vaky de l’ensemble de ses demandes ;
– confirmer le jugement entrepris ;
– condamner la Sci Vaky au paiement de la somme de 325.000 FCFP en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de la selarl Gillardin-Auplat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 juin 2022.
Sur ce, la cour,
1/ La Sci Vaky ne conteste pas que la prescription de son action lui interdit de poursuivre le paiement de loyers pour la période antérieure au 7 janvier 2014. Elle réclame le paiement d’une somme de 4.050.000 FCFP au titre des loyers échus et impayés entre janvier 2014 et mars 2016, tout en reconnaissant que la société Entrabat n’avait pas occupé durant cette période le dock donné en location le 27 février 2009. Pour justifier sa demande, elle indique que la société Entrabat avait entreposé du matériel sur le terrain attenant à l’habitation.
Si la cour peut tenir pour acquis que la société Entrabat a déposé des matériaux de construction sur le terrain de la société appelante entre janvier 2014 et mars 2016, aucun élément du dossier ne permet de penser qu’une contrepartie financière avait été convenue. Aucun loyer n’a jamais été réclamé durant cette période, ni été réclamé par la Sci Vaky. Les liens affectifs existant entre les gérants des deux sociétés expliquent cette tolérance à laquelle les parties ont mis fin dès que le redressement de la société Entrabat lui a permis de régler à nouveau un loyer. C’est ainsi qu’un nouveau bail commercial ayant pour objet le dock a été conclu le 1er juillet 2016.
Faute pour la Sci Vaky de rapporter la preuve de la créance alléguée, le jugement entrepris sera confirmé.
2/ La société Entrabat a réclamé et obtenu en première instance le paiement de trois factures :
– facture n° 16-06/ES/04 du 26 juin 2016 d’un montant de 753.963 FCFP ayant, selon les mentions de la facture, pour objet des « travaux d’aménagement de parking (réalisé en avril 2016) »
– facture n° 16-09/ES/03 du 15 septembre 2016 d’un montant de 2.608.196 FCFP ayant pour objet des « travaux d’agrandissement en buanderie sur un logement F3 (fin des travaux en octobre 2015) »
– facture n° 16-11/ES/05 du 9 novembre 2016 d’un montant de 2.886.907 FCFP TTC ayant pour objet des « travaux d’agrandissement en chambre sur un studio et rénovation de celui-ci (fin des travaux en janvier 2016) ».
La Sci Vaky excipe d’une prescription de l’action en paiement en faisant valoir que les travaux d’agrandissement, objet de la facture n° 16-09/ES/03 avaient été « réalisés en 2010, hormis en ce qui concerne la pose d’une pompe à chaleur et d’une climatisation ». Elle conteste avoir commandé les travaux litigieux à la société Entrabat en affirmant que les travaux litigieux avaient été réalisés par M. [E] à titre personnel « dans la cadre de la vie de couple ».
Dans un rapport du 22 janvier 2014, la société JB concept, qui avait été chargée par la Sci Vaky de procéder à une évaluation de son bien, faisait état d’une « buanderie rajoutée avec poste pour lave-linge, couverte par tôle Isotechnic ». Ce document démontre que la facture a été émise plus de deux ans après l’exécution de la majorité des travaux mais ne permet pas d’affirmer que l’action en paiement a été introduite plus de cinq années après leur achèvement puisque la requête a été déposée dans les cinq années qui ont suivi ce rapport. A l’appui de sa thèse d’une exécution qui se serait prolongée, la société Entrabat peut se prévaloir d’une facture d’un artisan, M. [K], en date du 30 octobre 2015, relatives à des travaux de finition dans la buanderie et des travaux d’agrandissement d’une chambre.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée.
Certes, la réalité des travaux est incontestable. Toutefois, il appartient à la société Entrabat, sur laquelle pèse la charge de la preuve de l’obligation alléguée, de démontrer que les travaux facturés lui ont été commandés par la Sci Vaky.
En sa qualité de gérant de la Sci Vaky, M. [E] a engagé celle-ci envers la société Entrabat, en apposant la mention « bon pour paiement » ainsi que le timbre humide de la Sci Vaky sur les factures litigieuses et en versant des acomptes.
Ces conventions, qui n’ont pas été approuvées par l’organe délibérant de la Sci Vaky, au mépris des dispositions de l’article L 612-5 du code civil, produisent « néanmoins leurs effets » en vertu du cinquième alinéa de ce même article, M. [E] pouvant toutefois être appelé à répondre personnellement des conséquences préjudiciables de ces conventions pour la personne morale.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la Sci Vaky à régler le solde des factures.
Par ces motifs
La cour,
Confirme le jugement entrepris ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sci Vaky aux dépens d’appel.
Le greffier,Le président.