COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 FEVRIER 2023
N° RG 21/04409 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MH7L
[S] [W]
c/
[I] [P]
[K] [P]
Nature de la décision : DESISTEMENT
Grosse délivrée le : 06 FEVRIER 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX (RG : 20/01191) suivant déclaration d’appel du 29 juillet 2021
APPELANTE :
[S] [W]
née le 30 Novembre 1953 à [Localité 4] ([Localité 2])
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Jean-David BOERNER de la SCP H. BOERNER J.D. BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[I] [P]
née le 05 Octobre 1979 à [Localité 7] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
[K] [P]
né le 04 Novembre 1981 à [Localité 7] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]
Représentés par Me Aurélie LLAMAS de la SELARL LLAMAS-PELOTTE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 27 décembre 2016, à effet du 4 janvier 2017, Mme [S] [W] a consenti un bail d’habitation à Mme [I] [P] et M. [K] [P] portant sur un logement situé résidence [Adresse 6].
Mme [S] [W] a fait délivrer un congé pour vente le 30 mai 2019.
Après des négociations sans suite pour l’achat de ce bien, les locataires se sont maintenus dans les lieux.
Par acte d’huissier du 22 juin 2020, Mme [S] [W] a assigné Mme [I] [P] et M. [K] [P] essentiellement en validation du congé et expulsion.
Par jugement du 4 juin 2021, le juge du contentieux de la protection de [Localité 3] a :
-Invalidé le congé ;
-Débouté Mme [S] [W] de sa demande de résiliation du bail ;
-Débouté Mme [I] [P] et M. [K] [P] de leur demande en dommages et intérêts ;
-Débouté Mme [I] [P] et M. [K] [P] de leur demande de travaux sous astreinte ;
-Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de donner acte ;
-Condamné Mme [S] [W] aux dépens ;
-Condamné Mme [S] [W] à payer à Mme [I] [P] et M. [K] [P] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Mme [S] [W] a relevé appel de cette décision par déclaration du 29 juillet 2021.
Par conclusions déposées le 7 octobre 2022, Mme [S] [W] demande de:
-à titre principal :
-Juger parfait le désistement de Mme [S] [W] pour avoir été accepté par les intimés ;
-En conséquence:
-Juger être dessaisie de l’affaire ;
-Juger l’affaire définitivement éteinte ;
-Débouter les consorts [P] de leurs demandes reconventionnelles présentées postérieurement à l’acceptation du désistement ;
-Laisser à chacune des parties la charge de ses dépens ;
-à titre subsidiaire:
-Confirmer le jugement rendu par le juge du contentieux de la protection du 4 juin 2021;
-Débouter Mme [I] [P] et M. [K] [P] de leurs demandes d’indemnisation de leur préjudice de jouissance, de leur demande de travaux, de leur demande de quittance sous astreinte et des demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner Mme [I] [P] et M. [K] [P] au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel et ce avec distraction au bénéfice de la Scp Boerner conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 20 octobre 2022, M. [K] [P] et Mme [I] [P] demandent de:
-Constater le désistement de Mme [S] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Débouter Mme [S] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
-Constater l’accord des intimés quant au désistement sauf à voir juger par la cour les demandes reconventionnelles qu’ils formulent ;
-Par voie de conséquence, juger du désistement partiel et statuer sur les demandes reconventionnelles comme suit:
-Infirmer le jugement dont appel pour le surplus, et par voie de conséquence et statuant à nouveau:
-Condamner Mme [S] [W] à verser à M. [K] [P] et Mme [I] [P] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance subi ;
-En toute hypothèse:
-Condamner Mme [S] [W] à verser à M. [K] [P] et Mme [I] [P] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile quant à la première instance ainsi qu’aux entiers dépens de la première instance ;
-Condamner Mme [S] [W] à payer à M. [K] [P] et Mme [I] [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;
-Condamner Mme [S] [W] aux entiers dépens de l’appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le désistement
Il sera constaté le désistement de Mme [S] [W] de son appel, lequel n’est accepté par Mme [I] [P] et M. [K] [P] que sous réserve de l’acceptation de son appel incident.
C’est à tort que Mme [S] [W] soutient que les intimés doivent être déboutés de leurs demandes incidentes au motif qu’elles ont été formées postérieurement à l’acceptation de son désistement alors que Mme [S] [W] se désistait par ses première conclusions du 18 juillet 2022 auxquelles répondaient Mme [I] [P] et M. [K] [P] par conclusions du 31 août 2022 selon lesquelles ils prenaient à la fois acte de ce désistement sous réserve qu’il soit statué sur leurs demandes incidentes.
Il doit donc être statué sur les demandes incidentes des intimés.
Sur la demande en dommages et intérêts
En application de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance du logement en bon état d’entretien.
Mme [I] [P] et M. [K] [P], qui n’ont pas repris leur demande de travaux ni de remise de quittances sous astreinte, et précisent avoir quitté les lieux, font valoir pour l’essentiel que la bailleresse leur a délivré un congé pour vente peu de temps après leur entrée dans les lieux, et alors qu’ils avaient effectué des travaux dans le logement qui incombaient à Mme [S] [W], que cette dernière après avoir refusé leurs offres d’achat les a laissés ensuite sans information sur ses intentions, qu’ils ont alors dû subir les nuisances occasionnées par des visiteurs, acquéreurs potentiels, qu’ils sont restés sans eau chaude et sans chauffage pendant 10 jours après leur entrée dans les lieux, qu’à ce jour en raison de la vétusté de la chaudière, ils n’ont pas d’eau chaude et doivent en outre faire face à une surconsommation, qu’ils ont également subi les conséquences d’un dégât des eaux dans une des chambres, que la robinetterie de la cuisine n’a pas été changée comme prévu avant 4 mois de même que la VMC est défaillante et que si Mme [W] s’est désistée d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision parfaitement motivée, c’est uniquement parce qu’elle leur a délivré une nouveau congé, cette fois-ci pour reprise.
Mme [S] [W] réplique que Mme [I] [P] et M. [K] [P] étaient informés de sa volonté de vendre le bien depuis novembre 2017, qu’elle a été parfaitement claire dans ses échanges, que Mme [I] [P] et M. [K] [P] ont refusé les visites des personnes intéressées par l’achat de la maison de sorte qu’ils n’ont pu être importunés, qu’elle a toujours fait le nécessaire concernant les travaux à effectuer qui lui incombent, que le problème de chauffage provient d’un défaut de nettoyage qui relève des locataires et que la chaudière est en parfait état de fonctionnement.
S’il existe des échanges entre les parties un an près l’entrée dans les lieux concernant un projet de vente et des propositions d’achat par les locataires qui n’ont pas été acceptées par la bailleresse, ce n’est que le 30 mai 2019 que cette dernière a adressé un congé pour vendre.
Ce congé a été annulé par le premier juge et il n’y a pas eu de suites de sorte que les locataires n’ont subi aucun préjudice.
D’autre part, Mme [I] [P] et M. [K] [P] ne rapportent pas la preuve d’un trouble qui leur aurait été occasionné par des visites intempestives et qui serait dû à une faute de Mme [S] [W].
S’agissant des travaux allégués, Mme [I] [P] et M. [K] [P] produisent seulement des photographies et un ticket de caisse Conforama au demeurant non daté, qui sont inopérants pour démontrer qu’ils auraient effectué des travaux qui incomberaient à Mme [S] [W].
Concernant l’absence de VMC et la nécessité de remplacer le robinet de la cuisine, Mme [I] [P] et M. [K] [P] ont adressé des réclamations à Mme [S] [W] les 19 avril 2017, puis les 11 mai 2017 et 14 juin 2017.
Mme [S] [W] justifie par la production d’une facture du 13 juillet 2017 que ces réparations ont été faites.
En tout état de cause, les locataires n’explicitent pas en quoi aurait consisté leur préjudice.
S’agissant du dégât des eaux, comme l’a pertinemment observé le premier juge, si l’état des lieux d’entrée mentionne un sinistre et un parquet à changer, les locataires ne démontrent pas en quoi les désordres allégués leur ont causé un préjudice de jouissance.
Concernant la chaudière, Mme [I] [P] et M. [K] [P] ont adressé un mail le 5 janvier 2017, à leur entrée dans les lieux, se plaignant de l’absence de chauffage, auquel Mme [S] [W] a répondu le 11 janvier 2017: « Servigaz passe vendredi ».
Le 16 janvier 2017, Mme [I] [P] et M. [K] [P] écrivaient à Mme [S] [W] que le problème était réglé.
Le 15 juin 2017, les locataires se plaignaient à nouveau de ne pas avoir d’eau chaude ni de chauffage.
Ils ne faisaient plus de réclamation avant le 4 septembre 2022, se plaignant de n’avoir de l’eau chaude que par intermittence et qu’ils devaient réarmer la chaudière pour en obtenir.
Mme [S] [W] produit une attestation et une facture en dates respectives des 17 décembre 2020 et 7 janvier 2021, selon lesquelles un contrôle a été fait du bon fonctionnement de la chaudière en réponse à un devis présenté par les locataires de remplacement de la chaudière du 1er décembre 2020.
Elle produit également une facture du 29 décembre 2020 de remplacement d’un radiateur.
Les locataires ont alors présenté plusieurs devis les 20 janvier 2021, 1er février 2021 et 19 avril 2021 concernant le remplacement de plaques et sonde et le désembouage.
Si Mme [W] a refusé le devis concernant le désembouage, elle n’a commis aucune faute puisque le nettoyage des corps de chauffe et de la tuyauterie relève des obligations des locataires.
En outre, elle justifie par une facture du 1er avril 2022 avoir fait réaliser les travaux de remplacement de soupape et de purgeur pour faire cesser l’instabilité du chauffage dénoncée par ses locataires avec un essai concluant de bonne marche de la chaudière.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que si Mme [S] [W] a fait effectuer les travaux nécessaires, elle a tardé à procéder au remplacement des pièces nécessité par l’instabilité du chauffage et de la production d’eau chaude constatée le 20 janvier 2021 par un artisan.
Ces désordres, subis par les locataires et constatés entre janvier 2021 (selon le devis détaillé de Air Eau Services) auxquels il n’a été remédié qu’en avril 2022, soit plus de 2 ans après, ont causé un préjudice à Mme [I] [P] et M. [K] [P], qui sera réparé par l’allocation de la somme de 600 euros.
Aucune pièce ne justifie que les désordres auraient persisté après la réparation d’avril 2022 ou seraient en tout cas dus à un manquement de la bailleresse aux seules obligations d’entretien lui incombant, qui ne comprennent pas le désembouage de l’installation.
Le jugement déféré qui a débouté Mme [I] [P] et M. [K] [P] de leur demande en dommages et intérêts sera réformé.
Sur les autres demandes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Mme [S] [W] qui succombe en son appel en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Mme [S] [W] qui succombe, sera condamnée à payer à Mme [I] [P] et M. [K] [P] ensemble la somme de 1 000 euros sur ce fondement.
Aucun motif ne justifie de réformer le jugement quant aux condamnations sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Constate le désistement de Mme [S] [W] de son appel,
Statuant sur l’appel incident,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [I] [P] et M. [K] [P] de leur demande en dommages et intérêts,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Condamne Mme [S] [W] à payer à Mme [I] [P] et M. [K] [P] ensemble la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Condamne Mme [S] [W] à payer à Mme [I] [P] et M. [K] [P] ensemble la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [S] [W] aux entiers dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,