Droits des Artisans : 6 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17663

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Droits des Artisans : 6 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/17663

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2023

N°2023/334

Rôle N° RG 21/17663 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIRLW

CPAM BOUCHES-DU-RHONE

C/

[J] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– CPAM

– Me Paul GUILLET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 23 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/3492.

APPELANTE

CPAM BOUCHES-DU-RHONE, demeurant Contentieux général – [Adresse 2]

représenté par Mme [O] [F] en vertu d’un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [J] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Paul GUILLET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pauline COSTANTINI-RABINOIT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 4 novembre 2016, M. [J] [H], artisan, a déclaré un accident du travail dont M. [G] [N], son salarié, aurait été victime le 27 octobre 2016, alors qu’il était sur un chantier, il s’est fait mal au dos en soulevant sa caisse à outils.

Cet accident a été pris en charge selon la législation sur les risques professionnels par décision de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 23 janvier 2017.

Par courrier du 10 février 2017, M. [H] a contesté la décision devant la commission de recours amiable, laquelle par décision en date du 6 juin 2017, a rejeté son recours.

Par requête déposée le 13 avril 2017, M. [H] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône.

Par jugement en date du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l’instance, a déclaré opposable à M. [H] la prise en charge de l’accident du travail de M. [N] survenu le 27 octobre 2016 selon la législation sur les risques professionnels, mais inopposable la prise en charge, au titre de l’accident du travail, des arrêts de travail et soins prescrits à compter du 12 novembre 2016, a rejeté toute autre demande, dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société [H] aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour expédiée le 14 décembre 2021, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône a interjeté appel.

A l’audience du 2 février 2023, la caisse appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré inopposable à son employeur la prise en charge des arrêts de travail et soins de M. [N] à compter du 12 novembre 2016,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré opposable à l’employeur la prise en charge de l’accident du travail de M. [N] survenu le 27 octobre 2016 au titre de la législation professionnelle,

– condamner M. [H] au paiement de la somme de 1.500 euros à titre de frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, sur l’appel principal, elle fait valoir à titre principal que l’employeur n’a fourni aucun élément médical permettant de remettre en cause le bien-fondé de la prise en charge des arrêts de travail et de soins de son salarié au titre de l’accident du travail. A titre subsidiaire, elle considère que les premiers juges ont statué ultra-petita et que la contestation de la prise en charge au titre de l’accident du travail des arrêts et soins du salarié n’a pas été sousmise à la commission de recours amiable de sorte que la juridition ne pouvait pas prendre position sur l’opposabilité de leur prise en charge à l’employeur.

Sur l’appel incident, elle se fonde sur la déclaration d’accident du travail et les réponses des parties à son questionnaire pour démontrer que l’accident est survenu sur le temps et le lieu du travail et que l’employeur ne justifie pas d’un état antérieur permettant de renverser la présomption d’imputabilité ou de justifier une expertise sur le lien de causalité entre l’accident et le travail.

L’intimé reprend les conclusions déposées et visées par le greffe de la cour le 1er février 2023. Il demande à la cour de :

– débouter la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône de ses demandes,

– sur appel incident, infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré opposable à son encontre l’accident du travail de M. [N] survenu le 27 octobre 2016, rejeté toute autre demande, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux dépens,

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

– statuant à nouveau, à titre principal, rejeter le caractère professionnel de l’accident du travail,

et condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône à lui régler la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation à payer les dépens de l’instance,

– à titre subsidiaire, désigner un médecin expert avec mission de se prononcer sur le lien de causalité entre l’accident du travail allégué et les préjudices invoqués et se prononcer sur l’état actuel de M. [N] tout en prenant compte de son état antérieur, et condamner la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir les déclarations mêmes du salarié dans le questionnaire indiquant qu’il souffrait déjà de lombalgies avant de commencer sa journée de travail pour justifier l’existence d’un état antérieur.

Il considère qu’en contestant le caractère professionnel de l’accident pris en charge au titre de la législation professionnelle, il contestait nécessairement la prise en charge des arrêts et soins au titre de cet accident du travail, de sorte que les premiers juges n’ont pas statué ultra petita.

Il ajoute qu’à défaut pour la caisse de justifier de la continuité des symptômes et des soins après le 11 novembre 2016, la prise en charge des arrêts et soins au titre de l’accident du travail doit lui être déclaré inopposable.

Sur l’appel incident, il se fonde sur les réponses au questionnaire de la caisse pour démontrer qu’il n’a pas été informé de l’accident du travail le jour-même, que la journée de travail pendant laquelle serait survenu l’accident, ne comportait aucune intervention avec des charges lourdes puisqu’il s’agissait de dépannage électrique, que le salarié a continué sa journée normalement sans se plaindre de douleur, que celui-ci souffrant d’antécédents de pathologie dorso-lombaire l’accident peut être dû à cet état antérieur.

Subsidiairement, il s’appuie sur les arrêts de travail du salarié suite à l’accident, à sa déclaration d’aptitude lors de la visite de reprise et sur l’arrêt maladie de trois mois en 2017 pour justifier une expertise aux fins de comparer l’état actuel du salarié et son état antérieur et le lien de causalité entre l’accident et le travail.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’appel principal de la caisse relatif à l’inopposabilité de la prise en charge des soins et arrêts au titre de l’accident du travail

Il est désormais acquis qu’il résulte des dispositions de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

En l’espèce, il résulte du certificat médical initial établi le 28 octobre 2016, qu’il a été prescrit un arrêt de travail jusqu’au 11 novembre suivant.

Il s’en suit que la présomption du caractère professionnel de l’accident s’étend à l’ensemble des arrêts de travail prescrits au titre de de la lombosciatique droite survenue le 27 octobre 2016, jusqu’à la guérison ou la consolidation de l’état de santé du salarié.

La prise en charge de l’intégralité des arrêts de travail et soins prescrits à ce titre est donc opposable à l’employeur, à moins que celui-ci ne rapporte la preuve d’une cause étrangère à ces arrêts de travail et soins.

A défaut pour l’employeur de rapporter le moindre commencement de preuve d’une cause étrangère au travail, ses propres déclarations dans le courrier de saisine de la commission de recours amiable selon lesquelles le salarié souffre d’une pathologie au dos ayant déjà justifié un arrêt maladie de février à juin 2016, n’étant corroborées par aucune document susceptible de les objectiver, il convient de dire, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise préalable, que c’est à tort que les premiers juges lui ont déclaré inopposables les arrêts et soins prescrits à compter du 12 novembre 2016.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point, sans qu’il y ait à se prononcer sur le fait que les premiers juges ont statué ultra-petita, puisque ce moyen est soulevé par la caisse à titre subsidiaire au soutien de l’infirmation du jugement.

Sur l’appel incident de l’employeur relatif à l’opposabilité de la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle

Aux termes de l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale :

‘Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.’

Il résulte de ces dispositions un principe de présomption d’imputabilité d’un accident au travail dés lors qu’il survient au temps et sur le lieu du travail.

Il appartient à la caisse d’assurance maladie de rapporter la preuve de la matérialité d’un fait accidentel sur les lieux et dans le temps du travail pour justifier de sa prise en charge au titre de la législation professionnelle et, il appartient ensuite à l’employeur qui conteste la décision de prise en charge par la caisse de détruire la présomption d’imputabilité en rapportant la preuve que la lésion survenue a une cause totalement étrangère au travail.

En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail que M. [N], salarié de M. [H], s’est plaint le 2 novembre 2016, d’avoir été victime d’un lumbago le 27 octobre précédent à 10h, alors que ses horaires de travail sur cette journée étaient 9h-12h et 13h-17h, sur un chantier alors qu’il manipulait son outillage.

Le certificat médical initial établi le 28 octobre 2016 permet de vérifier qu’il a été médicalement constaté que M. [N] souffrait d’une lombosciatique droite. La proximité dans le temps des constatations et la nature de la lésion constatée corroborent les déclarations du salarié.

Plus encore, il résulte des réponses de l’employeur au questionnaire de la caisse qu’il reconnait lui-même avoir été informé des circonstances de l’accident dès le lendemain des faits allégués et non pas le 2 novembre 2016, soit cinq jours plus tard, comme indiqué dans la déclaration d’accident du travail.

Enfin, il ressort des réponses du salarié au questionnaire de la caisse, que celui-ci explique que pour faire une blague, son collègue a anormalement chargé sa caisse à outils de sorte quelorsqu’il l’a soulevée rapidement en pensant qu’elle était légère, il s’est fait mal au dos. Cette version des faits coincide avec la mention dans les conclusions de l’employeur selon lesquelles, la journée de travail concernée ne comportait pas de port de charges lourdes.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la caisse rapporte suffisamment la preuve de la survenue soudaine d’une lésion au temps et sur le lieu du travail de sorte que l’imputabilité de l’accident au travail doit être présumée.

A défaut pour l’employeur de justifier d’une cause totalement étrangère au travail de la lésion dont a été victime son salarié, en première instance, comme en appel, c’est à bon droit que les premiers juges lui ont déclaré opposable ladécision de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle et aucune mesure d’expertise au fins de vérifier le lien de causalité enrte l’accdient et le travail n’est justifiée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens

L’employeur intimé succombant à l’instance, sera condamné à payer les dépens de l’appel en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il sera également condamné à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, la somme de 1.500 euros à titre de frais irrépétibles et sera débouté de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré inopposable à [J] [H] la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des arrêts de travail et soins prescrits à [G] [N] à compter du 12 novembre 2016, en suite de son accident du travail survenu le 27 octobre 2016,

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau, déclare opposable à [J] [H] la prise en charge de l’intégralité des travail et soins prescrits à [G] [N] au titre de son accident du travail survenu le 27 octobre 2016,

Condamne M. [H] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1.500 euros à titre de frais irrépétibles,

Déboute M. [H] de ses demandes d’expertise et de frais irrépétibles,

Condamne M. [H] au paiement des dépens de l’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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